Les ambitions environnementales de l'Union européenne

Ursula von der Leyen décrit les stratégies de soutien aux technologies vertes à Bruxelles, Belgique, le 1er février 2023 (Photo, AFP).
Ursula von der Leyen décrit les stratégies de soutien aux technologies vertes à Bruxelles, Belgique, le 1er février 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 08 février 2023

Les ambitions environnementales de l'Union européenne

Les ambitions environnementales de l'Union européenne
  • L’Amérique est désormais la région d’investissement la plus attractive pour plusieurs industries clés
  • L’UE se retrouve gênée face à la Chine et aux États-Unis dans cette course verte mondiale

L’Europe s’est longtemps considérée comme le centre mondial prééminent de la révolution industrielle verte, grâce à des mesures telles que le système d’échange de quotas d’émission de l’UE, le Green Deal et RepowerEU.
Cependant, le continent a de plus en plus le sentiment que son avantage dans cette «course» est en péril face aux stratégies industrielles des États-Unis et de la Chine qui reconnaissent des couts initiaux massifs de la transition énergétique dans le but de dominer l’économie verte à venir. Alors que la loi américaine sur la réduction de l’inflation de 369 milliards de dollars ( 1 dollar americain = 0,92 euro)  a été critiquée par l’UE ces derniers mois, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’est plutôt concentrée sur la Chine dans son discours d’ouverture au Forum économique mondial.
La Commission européenne accuse Pékin d’utiliser des subventions «injustes» qui «faussent le marché» afin d’avancer dans la course à la production de technologies propre. Le solaire est parfois présenté comme un avertissement, puisque la technologie développée dans l’UE a été utilisée pour construire une industrie chinoise qui représente aujourd’hui 80 à 95% de la chaîne d’approvisionnement mondiale.
Pourtant, c’est la loi sur la réduction de l’inflation qui a choqué l’Europe, avec ses subventions massives aux industries vertes américaines dans des domaines allant de l’énergie renouvelable aux voitures électriques. Les principaux politiciens et entreprises de l’UE affirment que la législation est discriminatoire à l’égard des entreprises exportant vers les Etats-Unis. Ils craignent qu’elle n’attire des critiques importantes envers leurs entreprises, menaçant les emplois et fermant des usines dans le secteur des technologies vertes.
Certes, l’UE devance largement les États-Unis dans le déploiement global des technologies vertes. Or, la nouvelle loi signifie que l’Amérique est désormais la région d’investissement la plus attractive pour plusieurs industries clés.
C’est dans ce contexte préoccupant que Von der Leyen a annoncé mercredi, dans un plan divulgué en début de semaine, une série de mesures, dont un assouplissement des règles en matière d’aides d’état et un nouveau fonds européen de souveraineté. Cette initiative vise à préserver l’avantage concurrentiel de l’UE sur les technologies critiques et émergentes, y compris la biotechnologie et les technologies propres.
Cependant, aussi puissantes que soient ces nouvelles mesures, l’UE se retrouve gênée face à la Chine et aux États-Unis dans cette course mondiale. C’est en partie parce que la politique industrielle du bloc est fragmentée entre ses 27 pays, la crise énergétique post-ukrainienne creusant ces écarts.
Prenons l’exemple des divergences au sein du bloc sur l’assouplissement des aides d’État qui concerne non seulement les «faucons fiscaux» comme les Pays-Bas, mais aussi les gouvernements européens du sud et les plus petits gouvernements qui n’ont pas les moyens face aux pays les plus puissants de l’UE, notamment la France et l’Allemagne. Selon des données récentes de la Commission européenne, Paris et Berlin représentaient ensemble près de 80% de toutes les aides d’État accordées aux entreprises depuis la pandémie de Covid-19.
Depuis mars dernier, l’Allemagne a reçu plus de 356 milliards d’euros de soutien économique approuvé par la Commission européenne – plis de la moitié du total global – tandis que la France en a obtenu environ un quart, voire 150 milliards d’euros. L’Italie était troisième, obtenu l’approbation pour seulement 7% du total, et le Danemark occupait la quatrième place. Le reste du bloc représentait collectivement moins de 12% des aides d’État restantes approuvées par Bruxelles, soit environ 78 milliards d’euros.


«La nouvelle initiative vise à préserver l’avantage concurrentiel de l’UE sur les technologies critiques et émergentes.» Andrew Hammond


Alors que la France est à l’avant-garde de la volonté d’une politique industrielle verte «Made in Europe plus forte, le gouvernement italien n’est pas le seul à demander que cela se produise à travers un fond commun de l’UE qui puisse aider les technologies vertes du bloc et que les règles relatives aux aides d’État ne devraient pas être une mêlée générale. Entre temps, des pays fiscalement conservatifs comme les Pays-Bas veulent que Bruxelles détourne premièrement les milliards non dépensés vers la transition verte de ses plans de relance Covid-19 – une méga-mesure de 800 milliards d’euros – avant de mobiliser des fonds supplémentaires.
Bien que les différences intra-bloc sur ces questions soient réelles, elles pourraient bientôt diminuer, compte tenu des avertissements croissants au sujet de la base industrielle du continent européen qui pourrait finir par être structurellement non compétitive, surtout si les coûts énergétiques persistent. Les industries à forte intensité énergétique, telles que l’aluminium, les engrais et les produits chimiques, risquent tout particulièrement de déplacer de manière permanente leur production là où l’énergie bon marché est abondante (par exemple le gaz naturel aux États-Unis coûte environ un cinquième de ce que les entreprises paient en Europe)
Outre les facteurs tels que les coûts d’énergie élevés, d’autres questions devront également être examinées par Bruxelles, notamment la forte dépendance que l’UE a toujours eue de la tarification du carbone comme outil clé pour éradiquer les émissions, avec une réticence à utiliser le capital comme moteur clé de la transition verte dans une politique industrielle plus active.
Alors que la forme finale de la contre-attaque européenne n’est pas encore définitive, il est essentiel d’agir. Des différences subsisteront au sein du bloc. Or, il existe une volonté collective d’essayer de rétablir des règles du jeu équitables avec les États-Unis et la Chine, afin de préserver l’attractivité économique de l’Europe dans sa course.

 


Andrew Hammond est associé à la London School of Economics.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com