«Le Nigeria est malade»: l'économie du pays le plus peuplé d'Afrique à bout de souffle

Les partisans du All Progressive Congress (APC) arrivent au stade Teslim Balogun à Lagos le 21 février 2023 avant l'élection présidentielle nigériane prévue, le 25 février 2023. (Photo, AFP)
Les partisans du All Progressive Congress (APC) arrivent au stade Teslim Balogun à Lagos le 21 février 2023 avant l'élection présidentielle nigériane prévue, le 25 février 2023. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 21 février 2023

«Le Nigeria est malade»: l'économie du pays le plus peuplé d'Afrique à bout de souffle

  • «C'est tellement dur de s'en sortir au Nigeria, tout est si compliqué, c'est difficile de survivre», résume, découragé, Rotimi Bankole, 54 ans, dans la cour d'une école primaire où chahutent des centaines d'élèves
  • Le redressement économique du géant anglophone, pays de 215 millions d'habitants dont 63% de pauvres, sera l'un des grands enjeux du scrutin, avec l'insécurité (rébelion djihadiste, criminalité, revendications séparatistes)

LAGOS: Inflation à deux chiffres, salaires misérables, pénuries d'argent liquide et de carburant : les Nigérians font face aux pires difficultés économiques, à quelques jours de l'élection présidentielle prévue samedi dans le pays le plus peuplé d'Afrique. 

"C'est tellement dur de s'en sortir au Nigeria, tout est si compliqué, c'est difficile de survivre", résume, découragé, Rotimi Bankole, 54 ans, dans la cour d'une école primaire où chahutent des centaines d'élèves. 

Comme des millions de ses compatriotes, cet habitant de Lagos, la capitale économique, cumule plusieurs emplois, formels et informels, pour pouvoir faire vivre sa femme et ses trois enfants. 

A côté de ses fonctions de directeur d'établissement, il gère une petite entreprise d'impression, et vient d'ajouter une nouvelle activité à ses journées déjà bien remplies: chauffeur de taxi. 

Le redressement économique du géant anglophone, pays de 215 millions d'habitants dont 63% de pauvres, sera l'un des grands enjeux du scrutin, avec l'insécurité (rébelion djihadiste, criminalité, revendications séparatistes). 

Principal producteur d'or noir du continent, le Nigeria possède d'immenses ressources naturelles, notamment en hydrocarbures. Mais la pandémie de Covid-19 et les retombées de la guerre en Ukraine ont mis à genoux son économie, déjà affectée par les violences qui paralysent l'agriculture et le commerce dans de vastes régions du pays. 

La moindre dépense est devenue un casse-tête. L'inflation frôle les 22%, et la monnaie nationale, le naira, ne cesse de dégringoler face au dollar - actuellement 750 nairas pour un dollar au marché noir, contre 200 en 2015. 

Pour ne rien arranger, le pays est confronté à une grave pénurie de liquidités liée à une récente réforme de la banque centrale, qui a laissé trois mois aux Nigérians pour rendre tous leurs anciens billets, sans remettre en circulation l'équivalent en nouvelles coupures. 

Depuis des semaines, la population se démène nuit et jour pour trouver des espèces. Des files d'attente interminables se sont formées devant les banques et les bureaux de change, et beaucoup ont fini par fermer leurs portes, incapables de répondre à la demande. Dans plusieurs grandes villes, de Lagos (sud-ouest) à Benin City (sud) en passant par Kano (nord), l'exaspération généralisée a débouché sur des émeutes. 

« Pas continuer comme ça » 

Dans ce contexte, ajoutés à l'explosion du prix de l'essence, qui a quasiment doublé (330 nairas le litre contre 165 il y a quelques mois) et se fait rare elle aussi, les extras de Rotimi Bankole au volant de sa voiture lui rapportent bien moins qu'espéré. Environ 5 000 nairas par jour (10 euros) pour compléter de maigres revenus mensuels. 

Même son école privée peine à rémunérer ses professeurs, car elle dépend entièrement des frais de scolarité versés par les parents, qui ne parviennent plus à payer. 

"Nous ne pouvons pas continuer comme ça", se lamente M. Bankole, conscient que de très nombreux Nigérians sans emploi et appartenant aux classes sociales les plus démunies sont confrontés à des difficultés plus grandes encore. "Le Nigeria est malade comme nous le sommes aussi". 

Le pays a eu beau renouer avec une croissance positive, à 3% l'an dernier, la reprise n'a pas permis d'améliorer les conditions de vie de la majorité. Le taux de chômage est d'environ 33 % au niveau national - et atteint même 43 % chez les jeunes. 

Les favoris en lice pour la présidentielle, deux anciens gouverneurs et un ancien vice-président, vantent tous leur longue expérience en politique et leur sens des affaires, pour faire espérer des lendemains meilleurs à leurs électeurs. 

Le candidat du parti au pouvoir, le Congrès des progressistes (APC), Bola Ahmed Tinubu, affronte Atiku Abubakar du principal parti d'opposition, le Parti démocratique populaire (PDP) et Peter Obi du Parti travailliste (LP), un outsider dont la popularité croissante auprès des jeunes a pris tout le monde de court. 

Mais les analystes restent très pessimistes sur les perspectives économiques à court et moyen terme. "L'environnement opérationnel défavorable au Nigeria, caractérisé entre autres par des pressions inflationnistes et un faible pouvoir d'achat, continuera d'accroître le niveau de pauvreté", estime Sola Oni, du cabinet de conseil Sofunix Investment. 

Récemment, les fabricants nigérians ont prévenu que les pénuries entraineraient une baisse de 25% des ventes sur les produits manufacturés si les crises du carburant et des liquidités n'étaient pas résolues dans les prochaines semaines. 

"Cette situation n'est bonne pour personne", enrage le patron de l'Association des fabricants du Nigeria (MAN), Segun Ajayi-Kabir. "Ni pour l'industrie, ni pour le gouvernement, ni pour le citoyen ordinaire". 


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.