Au Pakistan, les plus pauvres paient au prix fort les difficultés économiques

Sur cette photo prise le 12 février 2023, Muhammad Amin, qui travaille comme agent de sécurité, se tient avec ses filles devant leur maison à Lahore. (AFP)
Sur cette photo prise le 12 février 2023, Muhammad Amin, qui travaille comme agent de sécurité, se tient avec ses filles devant leur maison à Lahore. (AFP)
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Publié le Vendredi 24 février 2023

Au Pakistan, les plus pauvres paient au prix fort les difficultés économiques

  • Au Pakistan, les filles sont traditionnellement considérées comme une charge financière, en raison de la dot que doivent verser les parents d'une mariée
  • Le président pakistanais, Arif Alvi, a indiqué mercredi que la moitié des enfants pakistanais âgés de 5 à 16 ans couraient le risque de devoir commencer à travailler ou mendier

LAHORE: Chaque jour, matin et soir, Nadia, 16 ans, effectue à pied l'heure de trajet entre sa maison et celle de son employeur, s'arrêtant fréquemment en chemin dans les rues encombrées de Lahore au Pakistan pour que sa mère puisse reposer ses jambes fatiguées.

Nadia a été forcée d'abandonner l'école l'an passé, bien avant la fin de ses études, et de prendre un emploi de femme de ménage, comme sa mère, pour aider à subvenir aux besoins de sa famille.

"C'est ma fille, mais nous n'avions pas d'autre choix", dit le père, Muhammad Amin, un agent de sécurité qui gagne 18.000 roupies (64 euros) par mois. "Ce qui se passe ensuite dépend de Dieu."

Les deux femmes marchent ensemble pour rejoindre leurs lieux de travail proches afin d'économiser sur les coûts de transport, un choix courant au Pakistan où des millions de familles ressentent durement les effets de la crise économique.

Le pays est au bord de la banqueroute, après des années de mauvaise gestion financière et d'instabilité politique. Ces faiblesses structurelles ont été exacerbées par la crise énergétique mondiale et les inondations dévastatrices de l'été dernier.

Pris dans une spirale d'endettement dont il ne parvient pas à s'extraire, le Pakistan est proche du défaut de paiement. Il a introduit des mesures d'austérité en espérant convaincre le Fonds monétaire international (FMI) de verser une nouvelle tranche d'un prêt de 6,5 milliards de dollars.

Cette semaine, le gouvernement a augmenté une taxe sur des produits importés de luxe et des services, disant vouloir faire porter l'effort sur les plus riches.

Mais il a aussi coupé les subventions sur l'essence et augmenté une taxe générale sur les produits et services, deux mesures qui affecteront les ménages à faibles revenus.

"Nous n'arrivons pas à joindre les deux bouts, car il faut payer le gaz, l'électricité et les dépenses du foyer. Alors comment pourrions-nous mettre Nadia à l'école?", plaide Miraj, l'épouse de Muhammad.

Retard scolaire 

Au Pakistan, constamment placé en queue des classements mondiaux pour la parité hommes-femmes, les filles sont traditionnellement considérées comme une charge financière, en raison de la dot que doivent verser les parents d'une mariée.

Muhammad a investi dans l'éducation de ses six filles, en les envoyant dans une école privée bon marché plutôt qu'à l'école publique gratuite, avec l'espoir qu'elles sortiraient la famille du cycle sans fin de la misère.

Leur destin a basculé en 2015 quand Muhammad, qui gagnait alors un salaire correct d'ouvrier, a été blessé dans un accident de la route et contraint à trouver un emploi moins pénible mais aussi moins bien rémunéré.

Il s'est résolu à laisser son épouse travailler. Mais avec la hausse en flèche de l'inflation, leur situation ne s'est pas améliorée.

"Nous avons dû forcer Nadia à arrêter" à la fin de l'école primaire, dit-il, la voix remplie d'émotion.

Aînée de la famille, la jeune fille était souvent chargée de s'occuper de ses sœurs, ce qui lui laissait peu de temps pour ses devoirs. Elle a ainsi accumulé beaucoup de retard scolaire, chose là aussi courante au Pakistan.

L'employeur de Miraj paie les frais de scolarité des jeunes sœurs de Nadia. Mais la plus âgée de ses cadettes, 13 ans, pourrait malgré tout bientôt être elle aussi contrainte à quitter l'école.

Après avoir préparé le repas pour la famille puis nettoyé, Nadia s'écroule de fatigue sur le sol de leur modeste maison de deux pièces, louée, pendant que ses sœurs s'affairent à leurs devoirs.

«Cela ronge une mère»

"Nous ne parvenons pas à nous en sortir. C'est pour ça que je donne tout le salaire que je gagne à ma mère", confie Nadia, qui espère qu'en venant en aide à ses parents, elle offrira à ses sœurs un avenir plus souriant.

Le président pakistanais, Arif Alvi, a indiqué mercredi que la moitié des enfants pakistanais âgés de 5 à 16 ans couraient le risque de devoir commencer à travailler ou mendier.

Plus de 20% des quelque 220 millions de Pakistanais vivent en dessous du seuil national de pauvreté, selon la Banque asiatique de développement et le FMI, et l'inflation proche des 30% ne fait qu'aggraver la situation.

Les écarts de richesse sont immenses et la fraude fiscale est allégrement pratiquée par les plus riches. Les recettes fiscales ne dépassent ainsi pas les 9% du PIB, contre une moyenne de 20% en Asie.

La famille de Nadia doit se contenter de deux repas quotidiens. Elle a cessé d'acheter du lait et considère la viande comme un produit trop luxueux et inabordable.

"Nous n'achetons pas de farine pour la maison, mais nous faisons en sorte d'acheter les livres d'école des enfants (...) et d'autres choses comme les uniformes", raconte Miraj.

Selon les statistiques de la Banque mondiale et du FMI, la famille n'est pourtant pas classée parmi les plus démunies, mais la vie reste une lutte permanente.

Même si le pays parvient à conclure un accord avec le FMI et obtient ensuite l'aide de nations amies, il faudra au mieux des mois pour que l'économie se stabilise.

Avoir compromis l'avenir de sa fille plonge Miraj dans le désespoir. "Cela ronge une mère à l'intérieur", glisse-t-elle, en pleurs.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".