Le surendettement, cette plaie de 50 pays dans le monde que le Nord ignore

Pandémie, guerre en Ukraine, crise alimentaire, négligence des riches: une cinquantaine de pays en développement sont surendettés, voire risquent le défaut de paiement, certains dépensant 20% de leur budget pour rembourser les intérêts de leur dette, selon l'ONU. (AFP)
Pandémie, guerre en Ukraine, crise alimentaire, négligence des riches: une cinquantaine de pays en développement sont surendettés, voire risquent le défaut de paiement, certains dépensant 20% de leur budget pour rembourser les intérêts de leur dette, selon l'ONU. (AFP)
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Publié le Dimanche 05 mars 2023

Le surendettement, cette plaie de 50 pays dans le monde que le Nord ignore

  • Les vingt pays les plus riches du monde "peinent à avancer en partie à cause de divisions géopolitiques et c'est évidemment une source d'inquiétude"
  • La situation pour eux «en termes de dette souveraine est vraiment très sérieuse», a-t-il expliqué en marge d'un sommet des PMA

DOHA: Pandémie, guerre en Ukraine, crise alimentaire, négligence des riches: une cinquantaine de pays en développement sont surendettés, voire risquent le défaut de paiement, certains dépensant 20% de leur budget pour rembourser les intérêts de leur dette, selon l'ONU.

Le chef du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), Achim Steiner, a expliqué que la hausse chronique des taux d'intérêt épuisait les finances de pays déjà accablés par la crise du Covid-19, les conséquences de la guerre en Ukraine et leurs difficultés structurelles.

La situation pour eux "en termes de dette souveraine est vraiment très sérieuse", a-t-il expliqué dans une interview à l'AFP à Doha, en marge d'un sommet des Pays les moins avancés (PMA).

Selon une étude du PNUD parue le mois dernier, "52 pays sont soit surendettés, soit au bord du surendettement et potentiellement en défaut de paiement", a-t-il indiqué.

Ces économies "ne comptent que pour 3% de la dette mondiale, ce qui explique pourquoi les marchés ne s'en préoccupent pas autant qu'ils le devraient, mais elles représentent 40% des pauvres dans le monde et un sixième de la population mondiale".

«Pas tenable»

Et 25 de ces 52 pays utilisent "un cinquième du budget de leur gouvernement pour payer les intérêts de leur dette", a-t-il ajouté. "Ce n'est pas tenable".

Quelques heures auparavant, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres avait dénoncé à Doha les taux d'intérêt de "prédateurs" appliqués par les pays riches aux pays pauvres.

Plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement avaient surenchéri, dont le président du Timor-Oriental Jose Ramos-Horta, fustigeant "l'extrême insensibilité de taux d'intérêts de rapaces". La dette des PMA a plus que quadruplé en une décennie pour atteindre 50 milliards de dollars en 2021.

Le chiffrage de la dette publique mondiale est complexe, du fait de l'émergence de la Chine sur ce marché relativement récent et parce que plus de 60% de celui-ci sont entre les mains d'acteurs privés, a souligné Achim Steiner.

L'emprunt souverain avait déjà explosé avec la pandémie de coronavirus. "Maintenant, il y a la guerre en Ukraine, l'impact sur les cours mondiaux de l'alimentation et de l'énergie", a ajouté le cadre onusien, rappelant que l'inflation faisait monter les taux d'intérêt.

«Divisions géopolitiques»

Or, les pays occidentaux ne jouent pas leur rôle, a-t-il dénoncé. En 2020, le G20 était convenu d'un cadre commun pour la restructuration de la dette des PMA, mais sa mise en œuvre piétine depuis.

Les vingt pays les plus riches du monde "peinent à avancer en partie à cause de divisions géopolitiques et c'est évidemment une source d'inquiétude", a-t-il noté, relevant que ceux à qui plus personne ne veut prêter de l'argent devaient accepter des taux éreintants de 12 à 14%.

Dans le même temps, des pays africains comme le Nigeria, le Mali ou le Burkina Faso ont reculé de 10 à 20 ans en termes de développement, notamment sous le poids des violences politiques et attaques jihadistes. Avec à la clé "l'effondrement de la gouvernance et, au final, de la plateforme économique sur laquelle un pays doit opérer".

Au-delà des seuls PMA, la conjoncture mondiale affaiblit aussi la capacité des pays à revenus intermédiaires à investir dans les énergies renouvelables, a estimé Achim Steiner.

Or la guerre en Ukraine a considérablement augmenté l'importance de l'indépendance énergétique, ce qui devrait se traduire par une "augmentation exponentielle" des investissements dans les énergies propres dans les trois à cinq prochaines années, a-t-il noté.

Une transition énergétique que le Nord doit accompagner. "Nous devons être plus intelligents dans notre façon de faciliter ces transitions" et d'aider ces pays à ne pas être "encore plus vulnérables" dans les moments cruciaux, a-t-il suggéré.

Mais "en période de crises, au moins dans certains pays développés, il y a un recul de l'engagement d'investir l'un chez l'autre". "C'est regrettable, c'est sérieux".


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.