Guerre en Ukraine: la boue, l'ennemi commun

Tranchées devenues quasiment des baignoires où les soldats pataugent à mi-mollet, épaisse couche de terre collée aux semelles, pick-up, véhicules blindés et même parfois chars détruits par des frappes après s'être embourbés : les vidéos liées à la pluie et la boue ont fleuri sur les réseaux sociaux ces dernières semaines. (AFP).
Tranchées devenues quasiment des baignoires où les soldats pataugent à mi-mollet, épaisse couche de terre collée aux semelles, pick-up, véhicules blindés et même parfois chars détruits par des frappes après s'être embourbés : les vidéos liées à la pluie et la boue ont fleuri sur les réseaux sociaux ces dernières semaines. (AFP).
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Publié le Mardi 21 mars 2023

Guerre en Ukraine: la boue, l'ennemi commun

  • A certains endroits sur le parcours, les traces noires des gros pneus ou des chenilles dessinent une succession de lignes parallèles rapprochées
  • Après l'hiver froid et neigeux, l'arrivée du printemps avec ses pluies et ses températures plus douces a consacré le retour en force de la boue sur le champ de bataille du Donbass

BAKHMOUT: "La partie la plus difficile, c'est de monter la colline": les mains rivées sur le volant d'un gros camion, le soldat Grygoriï conduit dans les larges ornières de boue tracées au milieu des champs, dans l'est de l'Ukraine.

Dans la montée, le moteur V8 à essence vrombit, les roues patinent un peu puis adhèrent à nouveau et le camion 6X6 poursuit son chemin sinueux au rythme d'embardées quand il faut vite quitter une ornière piégeuse pour une autre, moins profonde ou moins glissante.

"Cela fait six mois que je conduis ce camion. Le ZIL-131, avec trois essieux moteurs, nous sauve à chaque fois" de la boue, s'exclame Grygoriï, âgé de 39 ans, après 25 minutes de conduite houleuse à travers champs pour s'arrêter près d'une position d'artillerie de son unité, jusqu'où il transporte personnel et munitions.

A certains endroits sur le parcours, les traces noires des gros pneus ou des chenilles dessinent une succession de lignes parallèles rapprochées, sur une largeur d'une dizaine de mètres.

Après l'hiver froid et neigeux, l'arrivée du printemps avec ses pluies et ses températures plus douces a consacré le retour en force de la boue sur le champ de bataille du Donbass.

Tranchées devenues quasiment des baignoires où les soldats pataugent à mi-mollet, épaisse couche de terre collée aux semelles, pick-up, véhicules blindés et même parfois chars détruits par des frappes après s'être embourbés : les vidéos liées à la pluie et la boue ont fleuri sur les réseaux sociaux ces dernières semaines.

Après quelques jours de temps sec, la pluie est revenue dimanche dans le Donbass, notamment près de Bakhmout, où les combats font rage depuis des mois entre les forces ukrainiennes qui défendent la ville et les forces russes qui tentent de l'encercler et la prendre.

"Il y a deux semaines, nous n'avions que deux chemins : à travers la boue... ou à travers la boue", résume le conducteur d'un char ukrainien T-64, en position d'attente d'ordres au nord de Bakhmout.

Comparant les modèles de chars soviétiques, le soldat, qui ne souhaite pas être nommé, estime que le T-64 "n'a aucun problème à rouler dans la boue, ses chenilles ont été conçues de manière à ce qu'il s'immobilise assez rarement. Le T-72 est le pire pour la boue, comme le T-90", assure-t-il en spécialiste.

Offensive « impossible »

Ici les routes sont souvent recouvertes de la fameuse terre noire ukrainienne, parmi les plus fertiles au monde car très riche en humus.

Rapportée des champs ou des talus par les chenilles des blindés, elle se transforme vite en boue grasse sous la pluie.

Si le front est figé depuis fin novembre, le temps actuel n'est pas vraiment propice à la reprise de grandes offensives de part et d'autre, observent des militaires.

"Les deux camps attendent que les conditions météo s'améliorent", explique à l'AFP Rouslan, le chef de l'unité d'artillerie à laquelle appartient Grygoriï le chauffeur.

"Toute offensive massive est désormais impossible ou du moins très problématique. Le temps joue en faveur de ceux qui défendent", prévient-il.

Si les unités de combat souffrent de la boue, celle-ci peut aussi ralentir l'évacuation de blessés.

"Bien sûr, c'est un problème, mais nous avons toujours trouvé un véhicule approprié pour qu'un soldat grièvement blessé soit transporté à l'hôpital", assure sous anonymat un responsable d'un centre de premiers soins dans un petit village situé près de la ligne de front.

Les soldats légèrement blessés ou commotionnés sont gardés dans ce centre pendant quelques heures car "ils peuvent attendre", explique-t-il.

"Pour les cas plus graves, nous les transportons avec les véhicules que nous avons ici (...) même si nous ne pouvons pas nous déplacer rapidement. Vous avez vu, il y a des trous partout !", ajoute le soignant, en montrant ce jour-là la piste couverte d'une boue glissante et épaisse, creusée d'ornières, devant le centre de soins.

Pour un lieutenant d'une unité d'infanterie rencontré près de Bakhmout et qui a souhaité aussi garder l'anonymat, la pluie "est un gros problème ! Nos gars restent dans les tranchées, dans la boue, et ils doivent tenir le poste".

Mais une amélioration de la météo ne facilitera pas forcément la vie des Ukrainiens qui pressentent une offensive russe.

"Les véhicules à chenilles sont également bloqués maintenant, à la fois de notre côté (ukrainien) et de leur côté (russe). Si le temps devient sec et le reste pendant 3-4 semaines, l'ennemi attaquera. Il y aura sûrement une attaque à grande échelle", prédit-il.


Pourparlers sur l'Ukraine: Kiev et l'Europe voient des avancées mais encore beaucoup de travail

Le président américain avait initialement donné jusqu'au 27 novembre au président ukrainien Volodymyr Zelensky pour répondre à son plan, comprenant notamment la cession de territoires ukrainiens et s'apparentant à une capitulation de Kiev. Il a ensuite précisé que ce n'était pas sa "dernière offre". (AFP)
Le président américain avait initialement donné jusqu'au 27 novembre au président ukrainien Volodymyr Zelensky pour répondre à son plan, comprenant notamment la cession de territoires ukrainiens et s'apparentant à une capitulation de Kiev. Il a ensuite précisé que ce n'était pas sa "dernière offre". (AFP)
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  • Les discussions entre Ukrainiens, Américains et Européens, convoquées dimanche dans l'urgence, se sont tenues sur la base du projet de plan en 28 points de Donald Trump, considéré comme largement favorable à Moscou
  • Américains et Ukrainiens ont affirmé qu'un "futur accord" de paix devrait respecter la souveraineté de l'Ukraine

KIEV: Le chancelier allemand a insisté lundi pour que la Russie rejoigne la table des négociations sur un plan de paix pour l'Ukraine, au lendemain de pourparlers à Genève ayant donné lieu à un "nouvel élan", mais qui nécessitent encore "du travail" selon Kiev et l'UE.

Les discussions entre Ukrainiens, Américains et Européens, convoquées dimanche dans l'urgence, se sont tenues sur la base du projet de plan en 28 points de Donald Trump, considéré comme largement favorable à Moscou. Américains et Ukrainiens ont affirmé qu'un "futur accord" de paix devrait respecter la souveraineté de l'Ukraine.

L'Ukraine, qui lutte depuis près de quatre ans contre l'invasion de la Russie, est de nouveau au coeur d'échanges lundi à Luanda en marge d'un sommet entre l'UE et l'Union africaine. Et la "Coalition des volontaires", qui réunit les alliés de l'Ukraine, se réunira mardi en visioconférence.

"La Russie doit être présente à la table (des négociations)", a affirmé le chancelier allemand Friedrich Merz, jugeant néanmoins improbable "une percée" diplomatique cette semaine.

Le président américain avait initialement donné jusqu'au 27 novembre au président ukrainien Volodymyr Zelensky pour répondre à son plan, comprenant notamment la cession de territoires ukrainiens et s'apparentant à une capitulation de Kiev. Il a ensuite précisé que ce n'était pas sa "dernière offre".

Salué par le président russe Vladimir Poutine, le texte initial du plan Trump reprenait plusieurs exigences cruciales pour Moscou. Le Kremlin a dit lundi n'avoir aucune information à l'issue des pourparlers de Génève, mais savoir que des "modifications" avaient été apportées.

Si M. Zelensky a salué lundi des avancées, il a estimé qu'il fallait "beaucoup plus" pour parvenir à une "paix réelle" avec la Russie et mettre fin au conflit le plus meurtrier en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

Atmosphère "constructive"

Le dirigeant ukrainien s'est néanmoins félicité de l'inclusion d'éléments "extrêmement sensibles": la libération totale des prisonniers ukrainiens selon la formule de "tous-contre-tous" et des civils, et le retour des "enfants ukrainiens enlevés par la Russie".

Un haut responsable ukrainien a indiqué à l'AFP que l'hypothèse d'une visite de Volodymyr Zelensky à Washington était "au stade de la discussion", sans date fixée.

L'atmosphère à Genève était "parfois tendue, parfois plus légère mais dans l'ensemble constructive", a-t-il décrit, évoquant une ambiance "typique des négociations extrêmement importantes".

Depuis Luanda, les alliés européens de Kiev se sont dit prudemment optimistes.

"Il reste encore du travail à faire mais il y a une base solide pour avancer", a dit la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Le président du Conseil européen, Antonio Costa, a lui salué un "nouvel élan".

Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, a aussi noté les "progrès significatifs" réalisés à Genève.

Aucune nouvelle version du texte n'a pour l'heure été publiée.

"Nous continuons tous à travailler avec nos partenaires, en particulier les États-Unis, et à rechercher des compromis qui nous renforcent et ne nous affaiblissent pas", a dit M. Zelensky lors d'une conférence virtuelle en Suède, ajoutant que son pays se trouve à un "moment critique".

Le président américain a semblé se réjouir de l'issue de la rencontre à Genève. "Est-ce vraiment possible que de grands progrès soient réalisés dans les pourparlers de paix entre la Russie et l'Ukraine??? Ne croyez que ce que vous voyez, mais quelque chose de bon pourrait bien se produire", a-t-il écrit sur son réseau Truth Social.

A Genève, son secrétaire d'Etat Marco Rubio s'était dit dimanche "très optimiste" sur la possibilité de conclure "très vite" un accord, estimant que "les points qui restent en suspens ne sont pas insurmontables".

Les Russes auront "leur mot à dire", avait-il aussi assuré.

Lors d'un entretien téléphonique lundi entre Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, le dirigeant russe a réitéré son opinion selon laquelle le plan initial des États-Unis pourrait "servir de base à un règlement de paix final".

La poussée lente, mais progressive, des troupes russes accentue la pression sur Kiev.

Moscou a revendiqué lundi la prise d'un village dans la région de Zaporijjia (sud), tandis que des frappes aériennes russes ont fait au moins quatre morts à Kharkiv.

La Russie cible quasi quotidiennement le pays au moyen de drones ou de missiles. Les infrastructures énergétiques sont particulièrement visées, faisant craindre un hiver difficile en Ukraine. Kiev vise de son côté régulièrement des dépôts et raffineries de pétrole et d'autres installations côté russe.

 


L'IA générative, un potentiel «Frankenstein des temps modernes», prévient le chef des droits humains de l'ONU

Les droits humains risquent d'être les premières victimes du déploiement de l'intelligence artificielle (IA) générative par les géants de la tech, a déclaré le Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme lundi, mettant en garde contre le potentiel "monstrueux" de tels systèmes. (AFP)
Les droits humains risquent d'être les premières victimes du déploiement de l'intelligence artificielle (IA) générative par les géants de la tech, a déclaré le Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme lundi, mettant en garde contre le potentiel "monstrueux" de tels systèmes. (AFP)
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  • "Le modèle économique actuel des plateformes de médias sociaux alimente déjà la polarisation, l'extrémisme et l'exclusion. De nombreux pays peinent à endiguer ce phénomène", a souligné M. Türk
  • Et si l'IA générative est porteuse d'"immenses promesses", les droits humains peuvent en "être les premières victimes", a-t-il estimé

GENEVE: Les droits humains risquent d'être les premières victimes du déploiement de l'intelligence artificielle (IA) générative par les géants de la tech, a déclaré le Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme lundi, mettant en garde contre le potentiel "monstrueux" de tels systèmes.

"L'IA générative recèle un immense potentiel, mais son exploitation à des fins purement politiques ou économiques peut manipuler, déformer et détourner l'attention", a déclaré le Haut Commissaire Volker Türk lors d'une réunion à Genève (Suisse), soulignant que "sans garanties et réglementations adéquates, les systèmes d'IA pourraient se transformer en un monstre de Frankenstein des temps modernes".

"Le modèle économique actuel des plateformes de médias sociaux alimente déjà la polarisation, l'extrémisme et l'exclusion. De nombreux pays peinent à endiguer ce phénomène", a souligné M. Türk lors d'un forum sur les entreprises et les droits humains.

Et si l'IA générative est porteuse d'"immenses promesses", les droits humains peuvent en "être les premières victimes", a-t-il estimé.

L'exploitation de cette technologie "à des fins purement politiques ou économiques" fait peser une menace "sur plusieurs droits humains, notamment le droit à la vie privée, la participation politique, la liberté d'expression et le droit au travail".

Le Haut Commissaire a averti que ces menaces "pourraient se concrétiser en préjudices qui compromettent les promesses des technologies émergentes et pourraient engendrer des conséquences imprévisibles".

"Il est de la responsabilité des gouvernements de s'unir pour éviter un tel scénario", a insisté M. Türk.

Par ailleurs, le chef des droits humains de l'ONU a mis en évidence une autre menace représentée par la concentration croissante du pouvoir des entreprises et l'"accumulation massive de richesses personnelles et d'entreprises entre les mains d'une poignée d'acteurs".

"Dans certains cas, cela dépasse le poids économique de pays entiers", a-t-il déclaré, insistant sur le fait que lorsque "le pouvoir n'est pas encadré par la loi, il peut mener à des abus et à l'asservissement".

 


L'UE promet 88 millions d'euros en faveur de l'Autorité palestinienne

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  • "Nous avons signé plus de 82 millions d'euros", qui viennent s'ajouter aux six millions d'euros déjà annoncés, s'est félicitée devant la presse la commissaire européenne chargée de la Méditerranée, Dubravka Suica
  • Quelque soixante délégations rassemblant les 27 de l'UE, les pays arabes et plusieurs organisations internationales se sont retrouvées jeudi à Bruxelles, sans la présence d'Israël

BRUXELLES: Les pays de l'Union européenne vont verser quelque 88 millions d'euros pour aider l'Autorité palestinienne, pressée de se réformer par les Européens, soucieux de son rôle futur dans le cadre du plan Trump pour la région.

"Nous avons signé plus de 82 millions d'euros", qui viennent s'ajouter aux six millions d'euros déjà annoncés, s'est félicitée devant la presse la commissaire européenne chargée de la Méditerranée, Dubravka Suica, à l'issue d'une conférence des donateurs à Bruxelles.

Quelque soixante délégations rassemblant les 27 de l'UE, les pays arabes et plusieurs organisations internationales se sont retrouvées jeudi à Bruxelles, sans la présence d'Israël.

"Aujourd'hui, nous avons présenté les progrès réalisés dans le cadre de notre programme de réforme nationale, qui est mis en œuvre, pas seulement promis, mais mis en œuvre et en avance sur le calendrier, ce qui a été reconnu par nos partenaires", a indiqué de son côté le Premier ministre palestinien Mohammed Mustafa.

Et cela "en dépit d'un environnement défavorable", a-t-il ajouté, accusant Israël de chercher "à affaiblir l'Autorité palestinienne ainsi que sa capacité à fonctionner".

Mme Suica a réitéré sur ce point les appels lancés par l'Union européenne pour qu'Israël accepte de libérer les recettes fiscales dues à l'Autorité palestinienne, indispensables à son fonctionnement.

"Cela a été dit par tous les participants", a-t-elle assuré.

Concernant Gaza, M. Mustafa a assuré que l'Autorité palestinienne avait un plan, soutenu par les pays arabes pour sa reconstruction. "Nous gouvernerons, nous réformerons et nous dirigerons la reconstruction de Gaza", a-t-il assuré.

L'Union européenne est le principal soutien financier de l'Autorité palestinienne. Elle conditionne toutefois le versement futur de cette aide à des réformes, qu'elle juge indispensables pour que cette Autorité soit en mesure de jouer pleinement son rôle dans le cadre de la solution à deux États, israélien et palestinien, que les Européens défendent depuis des années.

"Tout notre soutien à l'Autorité palestinienne est lié aux efforts pour poursuivre l'agenda des réformes", a rappelé Mme Suica.