La triste vérité sur la situation déplorable en Irak

Des membres du deuxième bataillon de la marine américaine à la recherche d’un civil irakien à Falloujah (Photo, AFP).
Des membres du deuxième bataillon de la marine américaine à la recherche d’un civil irakien à Falloujah (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 22 mars 2023

La triste vérité sur la situation déplorable en Irak

La triste vérité sur la situation déplorable en Irak
  • Saddam Hussein a imposé des châtiments sévères à son peuple et a dirigé ses opposants et détracteurs avec une poigne de fer impitoyable, forçant des millions de citoyens, terrorisés par sa tyrannie, à fuir leur patrie
  • L’Irak d’aujourd’hui est meilleur qu’il ne l’était sous le règne du parti Baas, même s’il ne progresse que lentement vers la démocratie et les libertés humaines

Vingt ans se sont écoulés depuis l’invasion controversée de l’Irak par les États-Unis pour libérer son peuple des atrocités de son chef. Cependant, les souffrances des Irakiens se sont poursuivies en raison des actions des gouvernements successifs, qui leur ont malheureusement fait regretter les mandats horribles du dictateur Saddam Hussein, qui a fait de la Mésopotamie ce qu’elle est aujourd’hui.

Que s’est-il passé depuis 2003 ? Et pourquoi la classe dirigeante n’a-t-elle pas réussi à mettre en place un État institutionnel qui respecte la loi et défend les droits de l’homme, comme l’a prêché l’opposition irakienne pendant des années avant la chute du régime du parti Baas ?

Saddam a entraîné son pays dans des guerres sans fin. Il a imposé des châtiments sévères à son peuple et a dirigé ses opposants et détracteurs avec une poigne de fer impitoyable, forçant des millions de citoyens, terrorisés par sa tyrannie, à fuir leur patrie. Il est donc logique que les Irakiens et la communauté internationale soient divisés sur le changement de régime et ses répercussions, quelle que soit leur affiliation politique ou religieuse.

Un grand nombre de ceux qui ont souffert des injustices de Saddam et de son régime baasiste ont soutenu l’intervention américaine, non par haine de l’Irak, mais parce qu’ils croyaient sincèrement que, dans un État policier, un processus de changement de régime était presque impossible de l’intérieur.

Même ceux qui n’étaient pas personnellement touchés par le caractère arbitraire du régime rêvaient d’aider leurs concitoyens à mener une vie décente et libre. Quant à ceux qui s’opposaient à l’intervention des États-Unis, ils avaient aussi leurs raisons, même si la plupart étaient motivés par des facteurs personnels.

Alors, qui étaient les opposants ?

En tête de liste figuraient les partisans du parti Baas et de Saddam, qui ont commis des crimes contre leur propre peuple et ont dénoncé nombre de leurs concitoyens aux forces de sécurité, parfois simplement pour avoir plaisanté au sujet du chef de la nation. Si le régime oppressif s’effondrait, ils perdraient le peu de pouvoir qu’ils avaient et seraient poursuivis par le nouveau gouvernement.

Puis vinrent les gauchistes, qui croyaient encore au communisme et au socialisme même si ces idées avaient échoué dans leurs pays d’origine. Ce groupe détestait tout ce qui venait de l’Occident et soutenait plutôt les modèles chinois, russe et nord-coréen, sans tenir compte de la perte de dignité et de droits des personnes dans ces pays. Cela nous pousse à remettre en question l’idéologie et les objectifs du Parti communiste irakien, qui s’est opposé au régime baasiste dans les années 1970 et dont de nombreux membres ont fui vers l’Europe de l’Est communiste.

Troisièmement, il y a les gens qui croient aux prouesses et aux slogans de Saddam au nom de l’arabisme. Cependant, ils ne s’étaient nullement opposés à l’invasion d’un pays arabe et musulman par l’ancien dictateur, acclamant la nomination du Koweït comme 19e province de l’Irak. Les nationalistes vénéraient l’idéologie de Gamal Abdel Nasser, qui était au cœur de l’effondrement égyptien.

«C’est aux Irakiens seuls qu’incombe la responsabilité de la situation déplorable dans leur pays.»- Dalia al-Aqidi

Le dernier groupe comprenait les très rares Irakiens qui étaient prêts à mourir pour renverser le régime. Cependant, après plusieurs tentatives infructueuses d’assassinat de l’ancien dictateur, ils ont continué de s’opposer au régime baasiste en silence.

Cela dit, les États-Unis – qui ont reçu de mauvais conseils de certains des principaux acteurs de l’opposition irakienne – ont commis des erreurs fatales après l’invasion. Ils ont ainsi laissé la voie libre à la prise de pouvoir par des éléments pro-iraniens.

Des personnalités indépendantes de l’opposition irako-américaine qui vivaient à Washington, dont moi, ont mis en garde contre les conséquences du dernier groupe. Pourtant, l’administration américaine a fait fi de nos préoccupations.

La dissolution de l’armée irakienne et la création de la Commission nationale suprême de débaasification n’étaient pas des mesures judicieuses dans l’intérêt du peuple. Au contraire, elles ont accordé le pouvoir absolu aux partis de l’opposition de décider du sort du peuple sans restrictions ni conditions.

C’est la principale raison pour laquelle les Irakiens qui ont célébré la chute du tyran et accueilli les forces libératrices à bras ouverts et avec beaucoup de gratitude ont finalement changé de position et blâmé les États-Unis pour leur misère.

L’Irak d’aujourd’hui est meilleur qu’il ne l’était sous le règne du parti Baas, même s’il ne progresse que lentement vers la démocratie et les libertés humaines.

En tant qu’Américaine d’origine irakienne, je remercie les États-Unis d’avoir libéré ma patrie et de l’avoir sortie de son long et sombre tunnel. Cependant, je blâme les Irakiens qui n’ont pas réussi à diriger efficacement le pays et ont volé la richesse de la nation au vu et au su des citoyens, qui ont continué de les réélire à chaque session parlementaire.

Aujourd’hui, les Irakiens qui ont applaudi Saddam pendant des décennies applaudissent les meurtriers corrompus de la même manière.

Les États-Unis ne leur ont pas dit de voler ou de piller leur pays au lieu de construire un avenir prospère et radieux pour leurs enfants. Un Irak fort, démocratique et développé serait devenu le plus grand allié des États-Unis et de l’Occident, ce qui leur aurait donné une très grande force.

C’est aux Irakiens seuls qu’incombe la responsabilité de la situation déplorable dans leur pays. Ils devraient donc arrêter de rejeter la faute sur les autres. Malheureusement, c’est la triste vérité.

Dalia al-Aqidi est chercheure principale au Center for Security Policy. 

Twitter: @DaliaAlAqidi

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com