Origines du Covid: les débats s'échauffent à nouveau

Alimentée par une étude récente, l'hypothèse d'une transmission par un animal sauvage domine largement le monde scientifique, mais les partisans d'une fuite de laboratoire ne désarment pas. (Photo, AFP)
Alimentée par une étude récente, l'hypothèse d'une transmission par un animal sauvage domine largement le monde scientifique, mais les partisans d'une fuite de laboratoire ne désarment pas. (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Vendredi 24 mars 2023

Origines du Covid: les débats s'échauffent à nouveau

  • Le monde scientifique estime largement que la pandémie a démarré début 2020 parce qu'un animal sauvage avait, quelques mois plus tôt, transmis le virus à l'humain, probablement sur le marché chinois de Huanan
  • Toutefois, quelques chercheurs défendent encore l'hypothèse d'une fuite de laboratoire, a priori l'institut de Wuhan, la ville du marché

PARIS: Trois ans après l'apparition de la Covid-19, les débats sur son origine rebondissent. Alimentée par une étude récente, l'hypothèse d'une transmission par un animal sauvage domine largement le monde scientifique, mais les partisans d'une fuite de laboratoire ne désarment pas.

"Nous ne pouvons pas dire catégoriquement comment la pandémie a commencé", déclarait mi-mars Maria Van Kerkhove, épidémiologiste américaine à l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), au moment où les débats se ravivaient à ce sujet.

Le monde scientifique estime largement que la pandémie a démarré début 2020 parce qu'un animal sauvage avait, quelques mois plus tôt, transmis le virus à l'humain, probablement sur le marché chinois de Huanan.

Toutefois, quelques chercheurs défendent encore l'hypothèse d'une fuite de laboratoire, a priori l'institut de Wuhan, la ville du marché.

La Chine rejette vivement cette théorie, mais a aussi longtemps nié que le marché de Huanan ait pu accueillir des animaux susceptibles de transmettre le virus.

Quoi de neuf ? Les partisans de l'hypothèse du laboratoire ont été encouragés fin février par les propos d'autorités américaines, en particulier le patron du FBI, sur son caractère "très probable".

Mais, par contraste avec leur fort impact médiatique, ces déclarations n'ont guère changé la donne chez les scientifiques.

"Ces propos ne semblent pas se fonder sur de nouveaux éléments et (la fuite de laboratoire, NDLR) reste la moins convaincante des deux hypothèses", juge la scientifique britannique Alice Hughes, spécialiste de la biodiversité, auprès de l'organisme Science Media Center.

Le chien viverrin

Quelques semaines plus tard, les partisans d'une transmission naturelle ont repris l'avantage médiatique, à la faveur d'une étude analysant des prélèvements recueillis début 2020 sur le marché de Huanan.

Plusieurs médias américains, en particulier le New York Times, ont relayé ce travail avant même qu'il soit mis en ligne, le présentant comme une avancée majeure pour appuyer une transmission naturelle.

De quoi s'agit-il ? Début 2020, juste après avoir fermé le marché de Wuhan, les autorités chinoises ont réalisé de nombreux prélèvements sur le site. C'est sur ces données qu'ont travaillé les chercheurs, emmenés par la Française Florence Débarre.

Ils ont repéré l'ADN et l'ARN de plusieurs mammifères sauvages, ce qui permet d'avérer leur présence sur le marché peu avant sa fermeture.

C'est notamment le cas du chien viverrin. Or, on sait que cet animal, qui appartient à la famille canine mais ressemble à un raton-laveur, peut être infecté au coronavirus et, potentiellement, servir d'intermédiaire pour une contamination de la chauve-souris à l'humain.

Ce travail, qui n'a pas été publié dans une revue scientifique, prouve-t-il que le chien viverrin est à l'origine de la pandémie ? Non, et il ne permet même pas d'affirmer catégoriquement que ces animaux étaient infectés, puisque les prélèvements n'ont pas été directement réalisés sur eux.

Données inaccessibles

Toutefois, cette dernière hypothèse apparaît plausible puisqu'à certains endroits du marché l'ADN de ces animaux était très présent à côté de celui du virus, alors qu'on ne retrouvait quasiment pas de génome humain.

Seulement, même à admettre leur infection, il est impossible de dire s'ils ont d'abord contaminé un humain ou si les choses se sont passées dans l'autre sens.

Cette étude constitue "une nouvelle pièce du puzzle qui appuie un lien entre le marché animal de Wuhan et l'origine de la pandémie", mais "pas une preuve irréfutable", tranche, sur le site The Conversation, le virologue Connor Bamford de la Queen's university  de Belfast.

Pour lui, il faudrait disposer de prélèvements plus anciens (fin 2019, quand la Covid émergeait à bas bruit) et directement effectués sur des animaux.

Or, c'est un problème majeur dans les recherches sur l'origine de la Covid: il est quasiment impossible d'accéder aux données brutes. C'est même le cas de celles sur lesquelles a travaillé l'équipe de Mme Débarre.

Elles étaient disponibles sur une plate-forme accessible aux chercheurs (Gisaid) mais, depuis, ont été retirées à la demande des chercheurs chinois qui les avaient mises en ligne.

"On a des données absolument cruciales qui permettent d'éclairer le début de la pandémie (mais) on ne peut pas les partager parce que ce ne sont pas les nôtres", regrette auprès de l'AFP Mme Débarre.

Or, "plus il y a de personnes qui se penchent dessus, plus on parviendra à extraire d'informations", souligne-t-elle.


Mort d'un alpiniste allemand dans l'Himalaya

La montagne Kanchenjunga est la troisième plus haute du monde. (Photo, AFP)
La montagne Kanchenjunga est la troisième plus haute du monde. (Photo, AFP)
Short Url
  • L'homme de 54 ans avait atteint le sommet de la montagne himalayenne le 25 mai, sans oxygène supplémentaire, puis le contact avec lui avait été perdu, selon Seven Summit Treks
  • Les opérations de recherches avaient été entravées par les conditions météorologiques. Alpiniste et guide expérimenté, M. Stitzinger avait déjà atteint plusieurs sommets de plus de 8 000 mètres

KATMANDOU: L'alpiniste allemand Luis Stitzinger a été retrouvé mort dans la montagne Kanchenjunga, la troisième plus haute du monde, ont annoncé mercredi les organisateurs de son expédition, quelques jours après sa disparition en redescendant du sommet.

Une équipe de recherche composée de cinq guides népalais a retrouvé mardi le corps de Luis Stitzinger juste en dessous du sommet du Kanchenjunga (8.586 m), à environ 8.400 mètres, a déclaré à l'AFP Mingma Sherpa de Seven Summit Treks.

"Ils sont en train de redescendre son corps", a précisé Mingma Sherpa.

L'homme de 54 ans avait atteint le sommet de la montagne himalayenne le 25 mai, sans oxygène supplémentaire, puis le contact avec lui avait été perdu, selon Seven Summit Treks.

Les opérations de recherches avaient été entravées par les conditions météorologiques. Alpiniste et guide expérimenté, M. Stitzinger avait déjà atteint plusieurs sommets de plus de 8 000 mètres.

Le Népal abrite huit des dix plus hauts sommets du monde, dont l'Everest, et accueille des centaines de grimpeurs à chaque printemps, lorsque les températures sont plus clémentes et les vents généralement plus faibles.

Les autorités népalaises ont délivré plus d'un millier de permis pour l'ascension de ces montagnes cette saison, dont 44 pour le Kanchenjunga.

Dans l'Everest, plus haute montagne du monde, 12 personnes sont mortes cette année et cinq autres sont portées disparues, plaçant 2023 en position de devenir une année record en nombre de décès.

Le mois dernier, l'alpiniste Noel Hanna, 56 ans, originaire d'Irlande du Nord, avait trouvé la mort dans l'Annapurna, la dixième plus haute montagne du monde.


Pakistan: nouvelle comparution en justice pour l'ex-Premier ministre Imran Khan

Des policiers montent la garde devant le tribunal, où l'ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan a comparu, à Islamabad le 31 mai 2023. (AP)
Des policiers montent la garde devant le tribunal, où l'ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan a comparu, à Islamabad le 31 mai 2023. (AP)
Short Url
  • L'arrestation de M. Khan dans une affaire de corruption le 9 mai à Islamabad avait déclenché des émeutes dans tout le pays
  • Mercredi, un tribunal d'Islamabad et une cour spéciale anticorruption ont accordé la liberté sous caution à M. Khan dans la même affaire qui avait mené à son arrestation

ISLAMABAD: L'ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan a comparu mercredi une nouvelle fois devant la justice, alors que la Commission nationale des droits humains pointait du doigt les autorités comme l'opposition pour le recul démocratique actuellement observé dans le pays.

L'arrestation de M. Khan dans une affaire de corruption le 9 mai à Islamabad avait déclenché des émeutes dans tout le pays, auxquelles les autorités ont répondu par une sévère répression à l'encontre de ses partisans.

Mercredi, un tribunal d'Islamabad et une cour spéciale anticorruption ont accordé la liberté sous caution à M. Khan dans la même affaire qui avait mené à son arrestation.

Avant d'être remis en liberté, l'ancien joueur de cricket avait été maintenu en détention pendant trois jours, au cours desquels des heurts violents entre ses partisans et les forces de l'ordre avaient fait au moins neuf morts.

Les manifestants s'en étaient pris à des installations de l'armée, coupable à leurs yeux d'avoir orchestré cette arrestation.

Dénonçant des actes terroristes, les autorités ont arrêté des milliers de sympathisants de son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), et une vingtaine de ses hauts responsables, accusés d'incitation à la violence.

Le gouvernement a également approuvé le renvoi vers des tribunaux militaires de personnes accusées d'avoir endommagé des édifices publics ou appartenant à l'armée.

Plusieurs des hauts responsables du PTI arrêtés ont ensuite annoncé, dès leur libération, quitter le parti ou renoncer à la politique.

M. Khan, qui avait été évincé du pouvoir en avril 2022 par une motion de censure, après avoir perdu le soutien de l'armée, y voit une tentative de l'écarter des prochaines élections, prévues d'ici octobre, pour lesquelles il faisait figure de favori.

Après son éviction, M. Khan avait émis des critiques sans précédent contre l'armée, qui l'avait appuyé en sous-main lors de son élection en 2018 avant de se détourner de lui.

La Commission pakistanaise des droits humains (HRCP) a appelé mercredi tous les acteurs politiques à "renoncer à toute nouvelle mesure qui pourrait mettre en péril la fragile démocratie du pays".

La cheffe de l'HRCP, Hina Jilani, a estimé que la "suprématie du (pouvoir) civil était la plus grande victime" de la crise politique actuelle.

"L'incapacité du gouvernement - ou sa réticence - à sauvegarder la suprématie du civil ou à préserver la dignité du parlement s'est révélée terriblement décevante", a-t-elle jugé.

"En même temps, le recours par l'opposition à une politique hostile et son mépris pour l'état de droit a joué une grande part" dans les récentes violences, a-t-elle remarqué.


En Allemagne, un ex-réfugié syrien devient maire d'une commune rurale

Ryyan Alshebl, maire de la commune d'Ostelsheim dans le Bade-Wurtemberg, dans le sud-ouest de l'Allemagne, pose lors d'une séance photo le 30 mai 2023 à Berlin, avant une conférence de presse avec l'Association de la presse étrangère en Allemagne (VAP). (Photo John MACDOUGALL / AFP)
Ryyan Alshebl, maire de la commune d'Ostelsheim dans le Bade-Wurtemberg, dans le sud-ouest de l'Allemagne, pose lors d'une séance photo le 30 mai 2023 à Berlin, avant une conférence de presse avec l'Association de la presse étrangère en Allemagne (VAP). (Photo John MACDOUGALL / AFP)
Short Url
  • A 29 ans, M. Alshebl a été élu en mars à la tête du conseil municipal du paisible village d'Ostelsheim, dans le Sud-Ouest de l'Allemagne. Il doit prendre ses fonctions en juin
  • Son élection a eu un retentissement historique: il sera le premier, parmi les centaines de milliers de réfugiés syriens ayant trouvé asile en Allemagne en 2015, à prendre la tête d'une commune dans leur pays d'accueil

BERLIN: Lorsque Ryyan Alshebl a débarqué à bord d'un radeau de fortune sur l'île grecque de Lesbos, il ne pouvait pas imaginer qu'à peine huit ans plus tard, il deviendrait maire d'un paisible village allemand.

"Il faisait nuit, et pas une lumière ne brillait sur les côtes de Lesbos", se souvient-il à l'occasion d'une conférence de presse à Berlin, avant sa prise de fonction.

"Quelques heures plus tôt, nous étions dans une banale ville de Méditerranée, en Turquie. Puis, l'ambiance a changé, avec le froid, les ténèbres, et bien sûr la peur, qui accompagnent ce type de voyage", détaille-t-il.

A 29 ans, M. Alshebl a été élu en mars à la tête du conseil municipal du paisible village d'Ostelsheim, dans le Sud-Ouest de l'Allemagne. Il doit prendre ses fonctions en juin.

Son élection a eu un retentissement historique: il sera le premier, parmi les centaines de milliers de réfugiés syriens ayant trouvé asile en Allemagne en 2015, à prendre la tête d'une commune dans leur pays d'accueil.

Lorsqu'il est arrivé en Allemagne, M. Alshebl n'avait que 21 ans. Il a fui la Syrie pour échapper au service militaire obligatoire de son pays, plongé dans la guerre civile.

Il y a rejoint un frère, qui bénéficiait déjà d'un visa étudiant. Par la suite, quatre de ses amis ont eux aussi trouvé refuge en Allemagne, mais ses parents et son autre frère sont restés en Syrie.

«Prendre des responsabilités»

Après avoir accosté en Grèce, le jeune homme a traversé la Macédoine, la Serbie et la Croatie en transports publics et à pied, mettant au total 12 jours pour atteindre l'Allemagne.

Ryyan Alshebl a rapidement appris la langue de son pays d'accueil, avant de décrocher un stage d'assistant administratif à la mairie de Althengstett, un village près d'Ostelsheim.

"Si vous êtes à la campagne, vous n'avez pas le choix", explique-t-il. Après des années de présence en Allemagne, il a finalement obtenu la nationalité en 2022, essentielle pour exercer des mandats locaux.

Son expérience de l'exil lui a fait "prendre des responsabilités non seulement pour moi, mais aussi pour les autres", déclare-t-il. "Cela forge une personne, cela crée une nouvelle personnalité".

M. Alshebl s'est présenté en tant qu'indépendant lors de cette élection, réunissant 55,41% des voix de ce village de 2.700 âmes. Mais il est aussi membre des Verts, car "la protection du climat est très importante" pour lui.

Sa victoire est particulièrement retentissante dans cette ville réputée conservatrice, nichée au milieu de collines et de champs bordés de murs en pierres et de haies.

M. Alshebl explique son élection par sa capacité d'écoute des problèmes des habitants de la bourgade, et sa campagne où une attention particulière a été apportée sur les questions de la garde des enfants et du numérique.

«Ouverture»

Il admet toutefois n'avoir "rien ressenti" lors des résultats, tant il était "bouleversé".

Les jours suivant sa victoire, alors que les messages de félicitations affluaient du monde entier, il s'est progressivement rendu compte à quel point son histoire "était plus qu'une simple élection municipale dans une petite bourgade".

La grande crise migratoire de 2015 avait marqué l'essor du parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD). Avec sa campagne agressive contre les migrants, la formation avait réussi deux ans plus tard à faire une entrée fracassante au Parlement.

M. Alshebl voit toutefois dans sa victoire, face à deux autres candidats locaux ayant pourtant grandi dans la région, un signe de "l'ouverture" d'esprit des électeurs.

"C'est un signe que les gens n'ont pas pris en compte l'origine, mais les qualifications aux yeux des électeurs. C'est un signe d'ouverture sur le monde", se félicite-t-il.

Les parents de Ryyan Alshebl, une professeure des écoles et un ingénieur agricole, appartiennent à la minorité druze en Syrie. Lui, se définit comme non religieux.

Lorsqu'il repense au pays qu'il a laissé derrière lui en 2015, il ressent des "sentiments mêlés".

"C'est le pays où je suis né et où j'ai grandi, où j'ai passé mon enfance et ma jeunesse, où sont mes amis et ma famille élargie. Et les gens avec lesquels j'ai grandi me manquent", dit-il.

"Mais je suis heureux d'avoir eu la chance de vivre ici. D'autres ne l'ont pas eue".