France: Ambiance électrique, dialogue dans l'impasse sur les retraites pour la 10e journée de manifestations

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Publié le Mardi 28 mars 2023

France: Ambiance électrique, dialogue dans l'impasse sur les retraites pour la 10e journée de manifestations

  • L'opposition à cette réforme emblématique du second quinquennat d'Emmanuel Macron, qui retarde l'âge de départ de 62 à 64 ans, s'est radicalisée depuis que le gouvernement a fait passer le texte sans vote à l'Assemblée
  • Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé un «dispositif de sécurité inédit» pour mardi avec «13 000 policiers et gendarmes, dont 5 500 à Paris»

PARIS: Gouvernement français et syndicats campaient sur leurs positions mardi pour la dixième journée de manifestations contre une réforme des retraites très impopulaire, dans un climat électrisé par les violences croissantes.

L'opposition à cette réforme emblématique du second quinquennat d'Emmanuel Macron, qui retarde l'âge de départ de 62 à 64 ans, s'est radicalisée depuis que le gouvernement a fait passer le texte sans vote à l'Assemblée, s'exposant à des motions de censure qui ont échoué le 20 mars à le renverser.

Depuis, les manifestations sont émaillées de violences croissantes, avec notamment de nombreux policiers, gendarmes, casseurs et manifestants blessés ou des incendies de bâtiments publics.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé un "dispositif de sécurité inédit" pour mardi avec "13.000 policiers et gendarmes, dont 5.500 à Paris". Et le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a assuré mercredi que l'exécutif était "le rempart à la violence illégitime".

Parallèlement, les blocages, piquets de grèves et manifestations continuent depuis des jours, perturbant l'approvisionnement en carburant de certaines régions françaises et certains axes routiers ou dépôts logistiques.

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Des syndicalistes participent à un rassemblement pour protester contre les violences policières avant une manifestation, devant la sous-préfecture de Valenciennes, dans le nord de la France, le 28 mars 2023. (AFP).

La circulation des trains était fortement perturbée mardi matin. Un millier de manifestants a envahi les voies de la Gare de Lyon à Paris mardi en soutien à un cheminot éborgné lors d'une précédente manifestation.

Et dans le ciel, l'aviation civile a une nouvelle fois demandé mardi aux compagnies aériennes de renoncer à une partie de leurs vols jeudi et vendredi, notamment à Paris-Orly, en raison de la grève de contrôleurs aériens contre la réforme.

A la gare de Lille (Nord), Yasmine Mounib, 19 ans, étudiante, levée à 04H00 pour un cours à 08H00 qu'elle va quand même rater, se dit "d'accord" avec les revendications des grévistes.

"Mais ils pourraient laisser les trains du matin pour les lycéens, les étudiants. Moi, c'est en train de me coûter ma scolarité", explique-t-elle.

Plus de 15% des stations-service de France étaient lundi à court d'essence ou de gazole, particulièrement dans le sud, l'ouest et la région parisienne.

A Paris, la Tour Eiffel est fermée. Et des milliers de tonnes d'ordures, qui servent de combustibles à des groupes de casseurs le soir, défigurent toujours la capitale française après plus de trois semaines de grève des éboueurs.

 

Routes, universités, transports, déchets: panorama de la mobilisation contre la réforme des retraites

Routes et universités bloquées, trafic aérien perturbé, déchets amoncelés: la France est constellée d'actions de protestation contre la réforme des retraites mardi, 10e journée de mobilisation à l'appel de l'intersyndicale.

Routes bloquées, ralenties

A Rennes, la circulation sur le périphérique a été perturbée par environ 400 personnes dès 7h00 du matin sur au moins six points de blocages, et par des feux, entrainant 45 km de bouchons à 8h30, selon la préfecture et Bison Futé.

A Nantes, la circulation était aussi extrêmement perturbée en raison d'actions de protestataires sur le périphérique avec "plusieurs kilomètres de bouchons observés de part et d'autre" et une "tendance à l'aggravation", d'après Bison Futé.

A Caen, le périphérique a été coupé dans les deux sens par des manifestants.

Près de Chalons-sur-Saône, un barrage filtrant installé par quelques dizaines de manifestants sur un rond-point provoquaient plusieurs km de bouchons, selon les forces de l'ordre.

Centre logistique entravé

Dans le nord de Lille, une centaine de manifestants occupent deux gros rond-point desservant le centre régional de transport (CRT) de Lesquin, un centre logistique majeur, entraînant des perturbations jusque sur l'A1 reliant Paris à Lille, et l'A23 en direction de Valenciennes, a indiqué Rémy Quéant, secrétaire général FO Transport Lille. "Beaucoup d'entrepôts ne seront pas livrés aujourd'hui", a-t-il expliqué à l'AFP.

Transports en commun touchés

A Rennes, des manifestants sur les voies SNCF et un feu sous un pont ont arrêté la circulation des trains sur la ligne Rennes/Saint-Brieuc, selon la préfecture. Le réseau de bus de la métropole est aussi affecté car le dépôt principal est bloqué par des manifestants, selon Star, gestionnaire.

Transport aérien

Les aéroports de Montpellier et de Quimper ont vu leur trafic interrompu mardi matin en raison de la grève de contrôleurs aériens, selon la Direction générale de l'Aviation civile (DGAC). La plateforme de Montpellier-Méditerranée a rouvert à 9h00, tandis que celle de Quimper-Pluguffan restera fermée jusqu’à 14h00, entrainant des retards.

L'administration avait demandé aux compagnies aériennes d'annuler préventivement mardi et mercredi 20% de leurs vols à Paris-Orly, Marseille, Toulouse et Bordeaux.

Au-delà des aéroports, les arrêts de travail des aiguilleurs du ciel touchent les Centres en route de la navigation aérienne (CRNA, gestion des avions qui transitent par l'espace aérien français), entrainant des répercussions sur l'ensemble du trafic européen.

Mardi matin, les aéronefs empruntant les zones gérées par les CRNA de Marseille et Reims subissent des délais pouvant être "élevés", soit supérieurs à 45 minutes, selon l’organisme paneuropéen de surveillance du trafic aérien Eurocontrol.

Déchets

A Marseille, même si les éboueurs ne sont toujours pas officiellement en grève, les déchets s'amoncellent dans plusieurs quartiers, et notamment sur l'avenue du Prado ou le Boulevard Perier, dans les quartiers cossus.

"Cette fois ce n'est pas un mouvement frontal (...) nous essayons de nous adapter face aux atteintes à notre droit de grève, les agents sont très créatifs", explique à l'AFP Véronique Dolot, de la CGT à la métropole, en rappelant les réquisitions lors du dernier mouvement contre la pénibilité, à l'automne.

Au Havre, environ 50 personnes poursuivaient mardi le blocage du centre dédié à l’épuration de l'eau et à la gestion des déchets, empêchant les employés de prendre leur poste ou de sortir les camions poubelles.

Lycées et universités

Au Havre, le lycée Claude Monet est bloqué par des lycéens, de même qu'à Rouen le lycée Jeanne d'Arc, selon la préfecture de Seine-Maritime.

A Lille, le campus scientifique est fermé "par mesure de sécurité", selon l'administration, "bloqué" selon la Fédération syndicale étudiante et Sud. Sciences Po Lille était fermé mardi.

Dans le Sud-Est, la faculté de Lettres à Nice est bloquée, selon la préfecture des Alpes-Maritimes.

Selon le rectorat Aix-Marseille, le lycée Mistral à Avignon ainsi que les lycées Thiers et Montgrand à Marseille sont bloqués.

Devant le lycée Thiers, le plus coté de Marseille, des conteneurs à poubelles entravaient les différentes entrées. Seuls les élèves de Terminales passant des épreuves du bac ou les élèves des classes préparatoires pouvaient entrer.

"Entre le 49.3, le discours ridicule de Macron, ça ne fait que remettre de l'huile sur le feu et de plus en plus de lycéens sont mobilisés. Au lieu de se tasser, le mouvement prend de l'ampleur", a expliqué Alex, 16 ans, présent dès 6h30 du matin.

Déambulation impromptue

A Lille, avant même la manifestation de 14h30, un cortège non déclaré s'est formé dans le centre avant 8H00, défilant devant le Conseil régional, la gare de Lille, avant de rejoindre un lycée mobilisé, ont indiqué des militants. L’entrée principale de la gare de Lille Flandres a été temporairement fermée a indiqué la SNCF.

«Geste d'apaisement»

Tout en restant inflexible sur le fond de la réforme, le gouvernement clame sa volonté d'"apaisement" et la Première ministre Elisabeth Borne a ouvert lundi trois semaines de consultations, avec les parlementaires, les partis politiques, les élus locaux et les partenaires sociaux.

Les syndicats, qui ont mis en garde contre un dérapage incontrôlé de la contestation, n'entendent pas renoncer sur l'âge de départ, clé de voûte de leur mobilisation.

Le leader de la centrale réformiste CFDT Laurent Berger, qui réclame une "pause", dans cette réforme, a demandé mardi à l'exécutif de mettre en place une "médiation" pour "trouver une voie de sortie". "Ce que propose l'intersyndicale aujourd'hui, c'est un geste d'apaisement", a dit Laurent Berger.

Le chef du syndicat CGT, Philippe Martinez, a annoncé que l'intersyndicale allait "écrire au président de la République", pour lui demander une nouvelle fois "de suspendre son projet", tandis que certaines voix de l'opposition de gauche, comme le dirigeant communiste Fabien Roussel, accusent Emmanuel Macron de "jouer le pourrissement" du mouvement.

"Nous saisissons la proposition de Laurent Berger de se parler, mais directement. Nul besoin de médiation", a rétorqué le porte-parole du gouvernement.

Mais au sein même de la majorité, les députés centristes du MoDem se sont dits favorables à la mise en place d'une médiation.

Le renseignement territorial anticipe que "650.000 à 900.000 personnes défileront partout en France mardi, dont 70.000 à 100.000 personnes à Paris", selon  une source policière.

Une autre source policière prévoit "un doublement, voire un triplement" de la présence des jeunes dans les cortèges. Plusieurs établissements scolaires ont été bloqués mardi matin.

"Le but, c'est d'apporter un soutien aux grévistes", explique Loann, 15 ans, en première au lycée Lavoisier à Paris.

Signe du climat délétère, des affrontements particulièrement violents ont opposé samedi manifestants et force de l'ordre dans une région rurale du centre de la France sur fond d'hostilité à un projet de retenue d'eau. Un homme reste entre la vie et la mort.

Les jeunes sont notamment mobilisés sur la question des violences policières, dont certaines ont été largement partagées sur les réseaux sociaux. Le Conseil de l'Europe a critiqué un "usage excessif de la force".


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.


Des socialistes au RN, Lecornu reçoit ses opposants avant une grande journée d'action

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025.  (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu entame une série de réunions avec les oppositions avant une grande journée de mobilisation, dans un climat tendu marqué par les revendications sociales et les divergences sur le plan de redressement budgétaire

PARIS: Sébastien Lecornu reçoit mercredi ses opposants politiques, à la veille d'une journée importante de mobilisation sociale, sans grande marge de manœuvre pour discuter, au vu des lignes rouges qu'ils posent et des menaces de censure.

Tous les dirigeants de gauche - à l'exception de La France insoumise qui a refusé l'invitation -  ainsi que ceux du Rassemblement national vont défiler dans le bureau du nouveau Premier ministre, à commencer par les socialistes à 09H30.

Sébastien Lecornu a déjà échangé la semaine dernière avec les responsables du "socle commun" de la droite et du centre, ainsi que les syndicats et le patronat.

"Le premier qui doit bouger, c'est le gouvernement", a estimé pour sa part le président du groupe des députés Liot Laurent Panifous, reçu mardi, ajoutant que "le sujet des retraites ne peut pas être renvoyé uniquement à 2027".

François Bayrou avait obtenu la mansuétude du PS sur le budget 2025 en ouvrant un "conclave" sur la réforme des retraites, qui s'est soldé par un échec. Puis il a présenté à la mi-juillet un sévère plan de redressement des finances publiques qui a fait hurler toutes les oppositions.

Mercredi, "ça va être un round d'observation. La veille des grosses manifs, on sera dur, exigeant. Ce qui se joue ce n'est pas au premier chef un sujet budgétaire", mais un "sujet démocratique" car ce sont les "battus qui gouvernent", anticipe un responsable socialiste.

- Gestes -

Ces entretiens ont lieu sous la pression de la rue, alors qu'une mobilisation massive est attendue jeudi, de l'ordre de celles contre la réforme des retraites en 2023. Les syndicats contestent notamment les mesures budgétaires "brutales" de François Bayrou.

Avant d'entamer les discussions, Sébastien Lecornu a fait plusieurs gestes en direction de la gauche et de l'opinion: retrait de la proposition impopulaire de supprimer deux jours fériés, et promesse de ne pas rouvrir le conclave sur les retraites.

Il a aussi consacré son premier déplacement samedi à l'accès aux soins, avant d'annoncer la suppression très symbolique, dès l'an prochain, des avantages restants octroyés aux ex-Premiers ministres.

Les socialistes ont eux posé leurs conditions dès dimanche face aux offres appuyées de dialogue du Premier ministre.

Ils considèrent que le plan Bayrou "ne doit pas servir de base de discussion", alors que Sébastien Lecornu a l'intention d'en faire un point de départ, puis de mettre les parlementaires devant leur responsabilité pour l'amender.

- "Rupture" -

Mercredi, les socialistes viendront avec en main un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

Parmi elles, la création d'une taxe de 2% sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros - la fameuse taxe Zucman, qui enflamme ce débat budgétaire - à laquelle 86% des sondés sont favorables, dont 92% des sympathisants Renaissance et 89% des sympathisants LR.

Le Premier ministre a cependant déjà fermé la porte à cette taxe, tout en reconnaissant que se posaient "des questions de justice fiscale".

La taxe Zucman, "c'est une connerie, mais ils vont la faire quand même parce que ça permet d'obtenir un accord de non-censure" avec la gauche, a de son côté prédit mardi Marine Le Pen, sans pour autant fermer la porte à une mise à contribution des plus fortunés.

"Si la rupture consiste à un retour aux sources socialistes du macronisme, c'est contraire à l'aspiration majoritaire du pays", a également mis en garde la cheffe des députés RN, attendue à 16H00 à Matignon avec Jordan Bardella.

Un avertissement auquel le patron des députés LR Laurent Wauquiez a fait écho mardi en dénonçant "la pression du PS", craignant qu'il "n'y ait plus rien sur l'immigration, la sécurité ou l'assistanat" dans le budget.

Autre point au cœur des discussions, le niveau de freinage des dépenses. La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a appelé dimanche à chercher un accord autour "de 35 à 36 milliards" d'euros d'économies, soit moins que les 44 milliards initialement prévus par François Bayrou, mais plus que les 21,7 milliards du PS.

"Les socialistes donnent l'air d'être déterminés et de poser des conditions mais c'est un moyen de rentrer dans les négociations", estime Manuel Bompard, coordinateur de LFI, grinçant sur la politique des "petits pas" du PS, au détriment des "grands soirs".


La France rapatrie treize femmes et enfants depuis les camps en Syrie, une première depuis deux ans

La Française Emilie Konig marche dans le camp Al-Roj, dans le nord-est de la Syrie, le 28 mars 2021, où elle est détenue avec d'autres personnes soupçonnées d'être des proches de membres présumés du groupe Daesh. (AFP)
La Française Emilie Konig marche dans le camp Al-Roj, dans le nord-est de la Syrie, le 28 mars 2021, où elle est détenue avec d'autres personnes soupçonnées d'être des proches de membres présumés du groupe Daesh. (AFP)
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  • La France a rapatrié dix enfants et trois femmes détenus dans des camps jihadistes en Syrie, marquant la première opération du genre depuis deux ans
  • Deux femmes ont été placées en garde à vue, et une troisième présentée à un juge antiterroriste

PARIS: La France a rapatrié tôt mardi matin dix enfants et trois femmes âgées de 18 à 34 ans qui étaient détenus dans des camps de prisonniers jihadistes dans le nord-est de la Syrie, une première depuis deux ans.

Parmi les femmes, "deux ont été placées en garde à vue, sur commission rogatoire du juge d'instruction", a annoncé le Parquet national antiterroriste (Pnat) dans un communiqué.

"Une autre femme, faisant l'objet d'un mandat d'arrêt, sera présentée à un juge d'instruction dans la journée" en vue d'une possible mise en examen, a-t-il ajouté.

"Les mineurs sont pris en charge dans le cadre de procédures d'assistance éducative sous la responsabilité du parquet" de Versailles, a indiqué le Pnat, qui "assurera le suivi centralisé des mineurs concernés, en lien avec les parquets territoriaux".

"La France remercie les autorités syriennes de transition ainsi que l'administration locale du Nord-Est syrien qui a rendu possible cette opération", a déclaré de son coté le porte-parole du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.

Cette opération est une première depuis juillet 2023 en France, où ces retours restent une question sensible, dix ans après la vague d'attentats jihadistes sur le sol national.

Au total, 179 enfants et 60 femmes adultes ont été rapatriées depuis 2019, précise une source diplomatique.

Mais ces opérations avaient cessé à l'été 2023, faute de volontaires selon les autorités, et ce malgré des condamnations internationales dont celle de la Cour européenne des droits de l'Homme en 2022.

- "Arbitraire" -

"Pour les familles qui attendaient leurs petits-enfants, neveux et nièces depuis plus de six ans, c'est un immense et indescriptible soulagement", a déclaré l'avocate des femmes rapatriées, Marie Dosé, dans un communiqué transmis à l'AFP.

Mais "la France laisse derrière elle 110 autres enfants français, toujours détenus dans le camp Roj", l'un des camps contrôlés comme d'autres centres et prisons par les forces kurdes, depuis plus de six ans, dénonce-t-elle.

Des dizaines de milliers de personnes, d'une cinquantaine de nationalités et soupçonnées de liens avec l'organisation jihadiste État islamique, sont retenues dans ces camps.

En juin, quelque 120 enfants et une cinquantaine de femmes françaises y étaient encore retenus, selon le Collectif des Familles unies, qui rassemble leurs proches.

Après ce rapatriement nocturne, ce collectif a rediffusé sur X mardi matin son message habituel dénonçant la détention sur place d'enfants "coupables de rien" dans "des conditions indignes".

Car pour ces familles, rien n'est encore réglé. "Une nouvelle fois, la France fait le choix de l'arbitraire", regrette Marie Dosé.

"La France, qui refusait de rapatrier des enfants tant que leurs mères n'avaient pas donné leur accord, refuse aujourd'hui leur retour alors qu'ils sont devenus majeurs. Ce faisant et plus que jamais, la France décide donc de faire payer à ces enfants le choix de leurs parents", estime-t-elle aussi.

Elle dénonce également le sort de femmes sans enfant ou dont les enfants sont décédés, et que la France refuse désormais de rapatrier, ainsi que d'enfants nés en France et "conduits de force en Syrie" avant de pouvoir acquérir la nationalité, ou de jeunes majeurs enfermés dans d'autres lieux de détention syriens.

Pour Matthieu Bagard, responsable du pôle expertise Syrie de l'ONG Avocats sans frontières France, "ce rapatriement démontre une nouvelle fois que la France a la possibilité d'organiser ces opérations". Mais il déplore lui aussi la situation des femmes et jeunes majeurs toujours "illégalement détenus".

En février, l'administration kurde a annoncé, en coordination avec l'ONU, son intention de vider d'ici fin 2025 les camps du nord-est de la Syrie des déplacés syriens et irakiens, y compris les proches présumés de jihadistes.