Turquie: début officiel d'une campagne à risques pour Erdogan

Le président turc et chef du Parti de la justice et du développement (Parti AKP), Recep Tayyip Erdogan prononce un discours lors de la réunion du groupe de son parti à la Grande Assemblée nationale turque à Ankara, le 29 mars 2023. (Photo par Adem ALTAN / AFP)
Le président turc et chef du Parti de la justice et du développement (Parti AKP), Recep Tayyip Erdogan prononce un discours lors de la réunion du groupe de son parti à la Grande Assemblée nationale turque à Ankara, le 29 mars 2023. (Photo par Adem ALTAN / AFP)
Short Url
Publié le Vendredi 31 mars 2023

Turquie: début officiel d'une campagne à risques pour Erdogan

  • Le président Recep Tayyip Erdogan se rend de nouveau dans le sud de la Turquie, meurtri par le séisme du 6 février, pour lancer vendredi la campagne officielle en vue de sa réélection qui s'annonce à haut risque
  • Face à M. Erdogan, 69 ans, trois candidats validés cette semaine par la commission électorale comptent bien lui compliquer la vie, avec un espoir de succès pour l'opposition

ISTANBUL : Vingt ans de pouvoir et il en redemande: le président Recep Tayyip Erdogan se rend de nouveau dans le sud de la Turquie, meurtri par le séisme du 6 février, pour lancer vendredi la campagne officielle en vue de sa réélection qui s'annonce à haut risque.

Comme à Gaziantep, le chef de l'Etat multiplie à six semaines du scrutin les promesses de reconstruction et les visites dans les tentes aux rescapés du séisme du 6 février (plus de 50.000 morts, trois millions de déplacés et des centaines de milliers de famille sinistrées), serrant contre lui les vieilles femmes en fichu et les enfants.

Mais pas sûr que cette empathie démonstrative suffise cette fois face à la crise économique et l'inflation à deux chiffres qui appauvrit les classes moyennes et aux conséquences du tremblement de terre qui a laminé l'économie et l'emploi dans les onze provinces touchées.

Face à M. Erdogan, 69 ans, trois candidats validés cette semaine par la commission électorale comptent bien lui compliquer la vie, avec un espoir de succès pour l'opposition.

Selon un sondage de l'institut TAG Research, 51,8% des électeurs souhaitent voir le chef du CHP (le principal parti d'opposition) Kemal Kiliçdaroglu à la présidence contre 42,6% pour M. Erdogan.

- «J'arrive!» -

M. Kiliçdaroglu - souriant sur ses affiches de campagne sous le slogan: "Bonjour, je suis Kemal, j'arrive!" - représente une alliance de six partis, de la gauche à la droite nationaliste et a reçu le soutien tacite du parti pro-kurde HDP (10 à 13% des électeurs) dont le leader, Selahattin Demirtas, est emprisonné.

Quand le chef de l'Etat arpente le pays et semble omniprésent à la télévision, M. Kiliçdaroglu, économiste et ancien haut-fonctionnaire de 74 ans, s'adresse sur Twitter à chaque segment de la société via des messages vidéo, depuis sa cuisine en formica et mal éclairée - 3,3 millions de vues pour le dernier, jeudi, à l'attention des femmes conservatrices.

L'Eurasia Group, consultant en risques politiques, affirme dans une note du 22 mars que depuis l'annonce de sa candidature, le chef du CHP n'a cessé "d'élargir sa base" (de 30 à 40% des intentions de vote) tandis que celle de M. Erdogan s'érode (de 60 à 50%).

"Le principal défi de Kiliçdaroglu sera de gagner les électeurs anti-Erdogan - qui constituent la majorité - sans déclencher de bagarres au sein de l'opposition", juge l'Eurasia Group.

Or, Kemal Kiliçdaroglu doit compter avec la réapparition de Muharrem Ince, candidat malheureux contre M. Erdogan en 2018 et décidé à jouer les trouble-fêtes.

M. Ince, qui avait disparu sans même saluer ses partisans au soir du premier tour, a rencontré le candidat du CHP cette semaine, en vue d'un possible accord.

Mais pour l'heure, selon les politologues dont ceux de l'institut Metropoll, ce revenant pourrait attirer la jeunesse qui reproche au chef du CHP son manque de charisme.

- Vote jeune -

Or le vote jeune sera l'une des composantes importantes de cette élection: 70% du corps électoral a moins de 34 ans et six millions de jeunes Turcs voteront pour la première fois le 14 mai.

Enfin, un ancien député, Sinan Ogan (extrême-droite), devrait faire acte de présence au premier tour.

Outre la grave crise économique (plus de 50% d'inflation et jusqu'à 85% à l'automne) qui plombe le revenu des ménages, le séisme a fait apparaître les failles de l'Etat tout puissant rêvé par M. Erdogan.

Il a fallu trois jours pour déclencher les secours dans un pays hyper-centralisé, puis des ratés sont apparus dans la distribution de l'aide, en particulier des tentes.

Mais surtout, l'effondrement des habitations sur leurs habitants a révélé la négligence des secteurs immobilier et de la construction, ceux-là mêmes qui ont tiré la croissance sous M. Erdogan depuis 20 ans.

Le président, qui avait fait campagne en 2003 sur les ruines du séisme de 1999 à Izmit (nord-ouest, 17.000 morts) en dénonçant l'impéritie du système, risque à son tour de payer pour ce sol turc toujours en colère.

Alors qu'il célébrait le 24 mars le chantier d'un futur hôpital à Antakya (sud), particulièrement dévastée, les caméras ont montré que l'édifice - censé ouvrir le 10 mai - n'avait aucune fondation. Comme ces résidences qui se sont couchées comme des Lego le 6 février.

D'ailleurs, comme un augure, la terre a de nouveau tremblé (4.6) vendredi à Gaziantep, quelques heures avant l'arrivée du chef de l'Etat.


A l'ONU, l'enquêtrice en chef sur Gaza a encore espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés

Navi Pillay, la présidente de la commission d'enquête indépendante de l'ONU qui a accusé cette semaine Israël de commettre un génocide à Gaza, ne perd pas espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés. (AFP)
Navi Pillay, la présidente de la commission d'enquête indépendante de l'ONU qui a accusé cette semaine Israël de commettre un génocide à Gaza, ne perd pas espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés. (AFP)
Short Url
  • Selon les enquêteurs, le président israélien, Isaac Herzog, le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et l'ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, ont "incité à commettre un génocide"
  • Israël a "rejeté catégoriquement" ce "rapport biaisé et mensonger"

GENEVE: Navi Pillay, la présidente de la commission d'enquête indépendante de l'ONU qui a accusé cette semaine Israël de commettre un génocide à Gaza, ne perd pas espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés.

"La justice est lente", a affirmé l'ancienne juge sud-africaine, dans un entretien à l'AFP.

Mais "comme l'a dit (Nelson) Mandela, cela semble toujours impossible, jusqu'à ce qu'on le fasse. Je considère qu'il n'est donc pas impossible qu'il y ait des arrestations et des procès" à l'avenir, a-t-elle ajouté.

La commission d'enquête, qui ne s'exprime pas au nom de l'ONU, a établi qu'Israël commet un génocide à Gaza depuis le début de la guerre déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas du 7-Octobre.

Selon les enquêteurs, le président israélien, Isaac Herzog, le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et l'ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, ont "incité à commettre un génocide".

Israël a "rejeté catégoriquement" ce "rapport biaisé et mensonger".

La Cour pénale internationale (CPI) avait déjà émis des mandats d'arrêt contre MM. Netanyahu et Gallant.

Mme Pillay reconnaît que la CPI dépend des Etats pour la mise en œuvre des mandats d'arrêt car elle n'a "ni shérif, ni forces de police".

Mais elle veut y croire, faisant une comparaison : "Je n'aurais jamais pensé que l'apartheid prendrait fin de mon vivant".

"Tellement douloureux" 

Jeune avocate d'origine indienne dans l'Afrique du Sud de l'apartheid, devenue juge et Haute-Commissaire aux droits de l'homme à l'ONU (2008-2014), Mme Pillay, 83 ans, a l'art de traiter des dossiers difficiles.

Sa carrière l'a menée des cours sud-africaines, où elle a défendu les activistes anti-apartheid et obtenu des droits cruciaux pour les prisonniers politiques, au Tribunal pénal international pour le Rwanda, en passant par la CPI.

Sa mission est des plus ardues depuis qu'elle préside, depuis sa création en 2021, la commission chargée par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU d'enquêter sur les atteintes aux droits dans les territoires palestiniens et en Israël.

Elle déplore d'avoir été qualifiée d'"antisémite" depuis et dénonce les appels sur les réseaux sociaux de ceux qui réclament que les Etats-Unis la sanctionnent, comme Washington l'a fait pour une rapporteure de l'ONU, des juges de la CPI et des ONG palestiniennes.

Mais le plus dur, pour elle et son équipe, est de visionner les vidéos provenant de Gaza.

"Nous nous inquiétons pour notre personnel. Nous les surmenons et c'est traumatisant ces vidéos", dit-elle, citant "des violences sexuelles contre les femmes" et "les médecins qui sont dénudés par l'armée".

"C'est tellement douloureux" à regarder même si "on ne peut pas comparer notre souffrance à celle de ceux qui l'ont vécue", poursuit-elle.

Alors qu'elle présidait le Tribunal pénal international pour le Rwanda, des vidéos de civils abattus ou torturés l'ont aussi "marqué à vie".

Selon elle, la comparaison entre le Rwanda et Gaza ne s'arrête pas là : "Je vois des similitudes. Ce sont les mêmes méthodes".

Du Rwanda à Gaza 

"Dans le cas du Rwanda, c'était le groupe des Tutsi qui était visé. Ici, tous les éléments de preuve montrent que c'est le groupe palestinien qui est visé", dit-elle.

Elle mentionne aussi les propos de dirigeants israéliens qui "déshumanisent" les Palestiniens en les comparant à des "animaux". Comme lors du génocide rwandais, lorsque les Tutsi étaient "traités de cafards", ce qui revient à dire qu'"il est acceptable de les tuer", dénonce-t-elle.

Mme Pillay a indiqué qu'à l'avenir la commission entendait se pencher aussi sur des crimes supposés commis par d'autres "individus", expliquant qu'une grande partie des preuves a été publiée par les soldats israéliens eux-mêmes sur les réseaux sociaux.

Elle déplore toutefois que, faute de financements, la commission n'ait pas pu encore examiner si certains Etats qui fournissent de l'armement à Israël pouvaient être considérés complices.

Un travail qu'elle laisse à son successeur. Elle quitte la commission le 3 novembre en raison de son âge et de problèmes de santé.

Avant cela, elle doit présenter un dernier rapport devant l'Assemblée générale de l'ONU à New York. "J'ai déjà un visa", confie-t-elle.


Gaza: Bruxelles propose de taxer des biens importés d'Israël dans l'UE et de sanctionner deux ministres

La Commission européenne a proposé mercredi de renchérir le coût de certaines importations en provenance d'Israël et de sanctionner deux ministres d'extrême droite du gouvernement de Benjamin Netanyahu.  "Je veux être très claire, le but n'est pas de punir Israël. Le but est d'améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d'un point presse la cheffe de la diplomatie de l'UE, Kaja Kallas. (AFP)
La Commission européenne a proposé mercredi de renchérir le coût de certaines importations en provenance d'Israël et de sanctionner deux ministres d'extrême droite du gouvernement de Benjamin Netanyahu. "Je veux être très claire, le but n'est pas de punir Israël. Le but est d'améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d'un point presse la cheffe de la diplomatie de l'UE, Kaja Kallas. (AFP)
Short Url
  • L'exécutif européen avait déjà proposé en août 2024 de sanctionner ces deux ministres. Une tentative vaine, faute d'accord au sein des 27 Etats membres
  • Ces sanctions pour être adoptées requièrent l'unanimité des pays de l'UE

BRUXELLES: La Commission européenne a proposé mercredi de renchérir le coût de certaines importations en provenance d'Israël et de sanctionner deux ministres d'extrême droite du gouvernement de Benjamin Netanyahu.

"Je veux être très claire, le but n'est pas de punir Israël. Le but est d'améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d'un point presse la cheffe de la diplomatie de l'UE, Kaja Kallas.

Les mesures commerciales devraient, si elles étaient adoptées par les pays de l'UE, renchérir de quelque 227 millions d'euros le coût de certaines importations israéliennes, principalement d'origine agricole.

La Commission européenne a également proposé de sanctionner deux ministres israéliens d'extrême droite, Itamar Ben-Gvir, chargé de la Sécurité nationale, et Bezalel Smotrich chargé des Finances, selon un responsable de l'UE.

L'exécutif européen avait déjà proposé en août 2024 de sanctionner ces deux ministres. Une tentative vaine, faute d'accord au sein des 27 Etats membres. Ces sanctions pour être adoptées requièrent l'unanimité des pays de l'UE.

"Tous les États membres conviennent que la situation à Gaza est intenable. La guerre doit cesser", a toutefois plaidé mercredi Mme Kallas. Ces propositions seront sur la table des représentants des 27 Etats membres dès mercredi.

Les sanctions dans le domaine commercial ne nécessitent que la majorité qualifiée des Etats membres. Mais là encore, un accord sera difficile à obtenir, jugent des diplomates à Bruxelles.

Des mesures beaucoup moins ambitieuses, également présentées par la Commission européenne il y a quelques semaines, n'avaient pas trouvé de majorité suffisante pour être adoptées. Avait notamment fait défaut le soutien de pays comme l’Allemagne ou l'Italie.

Les exportations israéliennes vers l'UE, son premier partenaire commercial, ont atteint l'an dernier 15,9 milliards d'euros.

Seuls 37% de ces importations seraient concernés par ces sanctions, si les 27 devaient donner leur feu vert, essentiellement dans le secteur agro-alimentaire.


Trump s'en prend à des magistrats après l'assassinat de Charlie Kirk

Cette capture d'écran provenant de la diffusion en direct du tribunal de l'Utah montre Tyler Robinson, suspect dans le meurtre du militant politique Charlie Kirk, assistant à une audience à distance depuis sa cellule de prison à Provo, dans l'Utah, le 16 septembre 2025. (AFP)
Cette capture d'écran provenant de la diffusion en direct du tribunal de l'Utah montre Tyler Robinson, suspect dans le meurtre du militant politique Charlie Kirk, assistant à une audience à distance depuis sa cellule de prison à Provo, dans l'Utah, le 16 septembre 2025. (AFP)
Short Url
  • Dans le viseur du locataire de la Maison Blanche, sur son réseau Truth, se trouvent deux de ses cibles privilégiées : l'ex-procureur spécial Jack Smith, et le juge Juan Merchan qui avait présidé son procès pour des paiements cachés à une star du X
  • Donald Trump reproche à Jack Smith d'avoir ouvert il y a quelques années une enquête sur Turning Point, le mouvement créé par l'influenceur ultraconservateur américain Charlie Kirk, assassiné le 10 septembre

WASHINGTON: Le président américain Donald Trump a de nouveau stigmatisé mercredi des magistrats qui l'avaient poursuivi et jugé durant le mandat de Joe Biden, prenant prétexte du récent assassinat de l'influenceur ultraconservateur Charlie Kirk.

Dans le viseur du locataire de la Maison Blanche, sur son réseau Truth, se trouvent deux de ses cibles privilégiées : l'ex-procureur spécial Jack Smith, et le juge Juan Merchan qui avait présidé son procès pour des paiements cachés à une star du X.

Donald Trump reproche à Jack Smith d'avoir ouvert il y a quelques années une enquête sur Turning Point, le mouvement créé par l'influenceur ultraconservateur américain Charlie Kirk, assassiné le 10 septembre.

"Pourquoi le merveilleux Turning Point a-t-il été mis sous ENQUÊTE par le +Dérangé+ Jack Smith et l'administration Biden Corrompue et Incompétente ?", s'interroge Donald Trump dans un message sur Truth.

"Ils ont essayé de forcer Charlie, ainsi que de nombreuses autres personnes et mouvements, à cesser leurs activités. Ils ont instrumentalisé le ministère de la Justice contre les opposants politiques de Joe Biden, y compris MOI!", s'offusque-t-il encore.

Jack Smith, lui-même visé par une enquête administrative depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, avait été nommé procureur spécial en 2022.

Il avait lancé des poursuites fédérales contre Donald Trump, pour tentatives illégales d'inverser les résultats de l'élection de 2020 et rétention de documents classifiés après son départ de la Maison Blanche.

Les poursuites avaient été abandonnées après la réélection de Trump, en vertu de la tradition consistant à ne pas poursuivre un président en exercice. Jack Smith avait ensuite démissionné du ministère de la Justice.

Sans jamais le citer nommément, le président Trump s'en prend également sur le réseau Truth à Juan Merchan, qui a présidé le procès Stormy Daniels. Le président avait été reconnu coupable de 34 chefs d'accusation, pour des paiements cachés de 130.000 dollars à l'ex-star du X.

Donald Trump exprime le souhait que le juge "corrompu" paie "un jour un prix très élevé pour ses actions illégales".

Depuis l'assassinat de Charlie Kirk, le camp républicain redouble de véhémence contre les démocrates et organisations progressistes, accusés de promouvoir la violence politique.

"La gauche radicale a causé des dégâts énormes au pays", a affirmé le président républicain mardi, avant son départ au Royaume-Uni. "Mais nous y remédions".

Selon le Washington Post, un élu républicain du Wisconsin a déposé une proposition de loi visant à bloquer les fonds fédéraux aux organisations employant des personnes "qui tolèrent et célèbrent la violence politique".

Le New York Times précise pour sa part que sont notamment dans le viseur l'Open Society Foundation du milliardaire George Soros ainsi que la Ford Foundation, qui toutes deux financent des organisations de gauche.