Borne et Cresson, deux femmes chahutées à Matignon

Cette combinaison de photos d'archives prises le 16 mai 2022 montre Elisabeth Borne (à gauche), alors ministre du Travail, et Edith Cresson, ancienne Premier ministre de la France. Le 3 avril 2023, Elisabeth Borne sera restée en fonction aussi longtemps qu'Edith Cresson, la première femme Premier ministre en France. (AFP).
Cette combinaison de photos d'archives prises le 16 mai 2022 montre Elisabeth Borne (à gauche), alors ministre du Travail, et Edith Cresson, ancienne Premier ministre de la France. Le 3 avril 2023, Elisabeth Borne sera restée en fonction aussi longtemps qu'Edith Cresson, la première femme Premier ministre en France. (AFP).
Short Url
Publié le Samedi 01 avril 2023

Borne et Cresson, deux femmes chahutées à Matignon

  • Les deux femmes sont confrontées à la même difficulté: l'absence de majorité absolue à l'Assemblée nationale, même s'il ne manquait que quelques députés à Mme Cresson, au lieu d'une quarantaine pour Mme Borne
  • Pour faire passer des textes, elles doivent convaincre au-delà de leur camp ou, à défaut, utiliser le 49.3, qui permet l'adoption de projets sans vote mais expose à la censure

PARIS : Elisabeth Borne aura tenu lundi autant de jours à Matignon qu'Edith Cresson, première femme à occuper ce poste, avec une incertitude pour la suite de son mandat, chahuté par les retraites, quand sa prédécesseuse était contestée par les barons du PS sur fond de sexisme ambiant.

"La méthode sera celle de la concertation et du dialogue" pour rechercher "les majorités les plus larges". Ce n'est pas Elisabeth Borne qui prononce ces mots mais la socialiste Edith Cresson, nommée "Premier ministre" le 15 mai 1991.

Car les deux femmes sont confrontées à la même difficulté: l'absence de majorité absolue à l'Assemblée nationale, même s'il ne manquait que quelques députés à Mme Cresson, au lieu d'une quarantaine pour Mme Borne.

Pour faire passer des textes, elles doivent convaincre au-delà de leur camp ou, à défaut, utiliser le 49.3, qui permet l'adoption de projets sans vote mais expose à la censure.

Edith Cresson a utilisé cette arme constitutionnelle 8 fois, Elisabeth Borne 11 fois, y compris pour faire passer la très contestée réforme des retraites, attisant la contestation dans la rue et la fragilisant à Matignon.

Lundi, son bail rue de Varenne aura atteint celui d'Edith Cresson: 10 mois et 18 jours. Une échéance regardée de près par l'Elysée: envisager un remplacement avant ce terme aurait été "dramatique dans le souvenir que ça laisserait", note un conseiller.

«Entrecôte»

Contrairement à Edith Cresson, attaquée dans sa gestion y compris par les "éléphants" du PS sur fond de "machisme", Elisabeth Borne n'a pas déplu à sa majorité.

"Certains disaient +elle (Elisabeth Borne) va être cressonnisée+. Eh bien pas du tout, il y a zéro question sur sa dimension à gérer la fonction. Elle fait au mieux", saluait début février un proche d'Emmanuel Macron.

Après le 49.3, l'ancien chef du gouvernement Edouard Philippe, parfois critique, l'a même réconfortée: "Je sais ce que c'est d'être Premier ministre, une autre peut le dire aussi. Ce n'est pas facile, je suis admiratif".

Si Elisabeth Borne devait quitter Matignon, "il faudra la juger sur son action politique et pas sur son sexe", insiste un cadre de la majorité. Et "rien n'empêche le président de nommer une femme après une femme. Son premier choix (la LR Catherine Vautrin, ndlr), c’était aussi une femme".

"La question posée c'est: le président a demandé un nouvel agenda (pour élargir la majorité, ndlr). Va-t-elle pouvoir l'endosser ?", ajoute cette source du camp présidentiel.

La sénatrice socialiste Laurence Rossignol considère qu'"on a beaucoup progressé" depuis Edith Cresson, car "en tant que Première ministre, Elisabeth Borne peut être critiquée, mais elle est respectée en tant que femme".

En l'occurrence, elle n'a pas été comparée à son arrivée à la marquise de Pompadour comme Edith Cresson, dont la nomination par François Mitterrand, pour remplacer Michel Rocard, avait été vue y compris au PS comme le fait du prince.

L'actuelle Première ministre trouve néanmoins encore "super sexiste" que certains lui reprochent de ne pas "bouffer des entrecôtes en buvant de la bière".

«Longévité»

Quand Elisabeth Borne reçoit Edith Cresson à Matignon le 8 novembre, les deux femmes estiment que "les choses ont insuffisamment évolué" sur l'égalité, et qu'une femme à Matignon "ne devrait plus être une source d'étonnement".

En trente ans, le gouvernement est devenu paritaire mais seules 5 femmes sur 21 y sont ministres de plein exercice.

La fougueuse Edith Cresson multipliait les faux pas et propos imprudents. "La Bourse, j'en ai rien à cirer", disait-elle, comparant par ailleurs ses ministres à des "cloportes".

Quand François Mitterrand s'en sépare le 2 avril 1992 pour nommer Pierre Bérégovoy, un ancien ministre de l'Economie respecté par les marchés et l'opposition, "c'est positif pour le président", explique à l'AFP Jean Garrigues, auteur de "Elysée contre Matignon" (Tallandier, 2022).

Car le mécontentement la visait davantage que le chef de l'Etat qui "restait plus à l'abri".

Aujourd'hui, la colère des manifestants "se cristallise sur Emmanuel Macron" si bien que "la présidence jupitérienne pourrait valoir une plus grande longévité" à sa Première ministre, avance l'historien.


Darmanin veut mettre les victimes «au centre» du système judiciaire

"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI. (AFP)
"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI. (AFP)
Short Url
  • "Il y aura un tarif minimum, pour parler très populaire, d'un an de prison ferme pour tous ceux qui ont agressé physiquement un policier, un gendarme, un élu local (...) un magistrat, quelqu'un qui représente l'autorité de l'Etat"
  • "Aujourd'hui, le minimal, c'est zéro. Demain, le minimal ce sera, sans récidive, au premier fait, un an de prison ferme"

PARIS: Le garde des Sceaux Gérald Darmanin a annoncé mardi soir avoir donné instruction de placer les "victimes au centre" du système judiciaire et précisé son projet de loi prévoyant une "peine minimum" d'un an de prison pour toute agression d'une personne dépositaire de l'autorité publique.

"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI.

Gérald Darmanin a assuré avoir pris une instruction ministérielle qui prendra effet "lundi prochain", exigeant que toute victime puisse être "reçue à (sa) demande" par les instances judiciaires ou encore qu'une notification lui soit adressée pour la prévenir "quand (son) agresseur sort de prison".

"Il est normal, si vous êtes victime de viol (...) que vous puissiez savoir quand la personne va sortir de prison", a illustré le garde des Sceaux.

"On va changer totalement le paradigme du ministère de la Justice. Au lieu de mettre l'accusé au centre, nous allons mettre la victime au centre", a encore souligné M. Darmanin.

Il a également précisé les contours d'un projet de loi pour instaurer une "peine minimum" d'un an de prison pour tout agresseur d'une personne dépositaire de l'autorité publique.

"Il y aura un tarif minimum, pour parler très populaire, d'un an de prison ferme pour tous ceux qui ont agressé physiquement un policier, un gendarme, un élu local (...) un magistrat, quelqu'un qui représente l'autorité de l'Etat", a-t-il affirmé.

"Aujourd'hui, le minimal, c'est zéro. Demain, le minimal ce sera, sans récidive, au premier fait, un an de prison ferme", a-t-il insisté, espérant une entrée en vigueur en "début d'année prochaine" après un vote au Parlement.

Gérald Darmanin veut aussi légiférer pour qu'une peine de sursis ne puisse être prononcée qu'une seule fois avant le prononcé d'une peine de prison ferme, pour lutter contre les multirécidivistes.

"Les gens auront un seul sursis. Et puis s'ils en ont un deuxième, c'est directement la case prison ou c'est directement l'application de la peine de sursis, par exemple le travail d'intérêt général", a-t-il prôné lors de cet entretien donné après le discours de politique générale de Sébastien Lecornu.

"Si nous ne corrigeons pas nos excès, si nous ne faisons pas preuve d'humilité, si nous ne disons pas que nous nous sommes trompés (...), je crois que nous courons le grand danger d'être éliminés totalement de la vie politique française et de laisser aux Français le choix entre l'extrême droite et l'extrême gauche" lors de la présidentielle de 2027, a-t-il ajouté.

 


Lecornu face à l'Assemblée, son gouvernement suspendu à la réforme des retraites

 C'est l'heure de vérité pour Sébastien Lecornu, après des semaines de crise politique: le Premier ministre va enfin prononcer mardi sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, où ses engagements sur les retraites dicteront la conduite des socialistes, qui détiennent la clé de la censure. (AFP)
C'est l'heure de vérité pour Sébastien Lecornu, après des semaines de crise politique: le Premier ministre va enfin prononcer mardi sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, où ses engagements sur les retraites dicteront la conduite des socialistes, qui détiennent la clé de la censure. (AFP)
Short Url
  • Le pensionnaire de Matignon se rendra d'abord à l'Elysée pour un premier Conseil des ministres à 10H00
  • Sa nouvelle équipe examinera les projets de budget de l'Etat et de la Sécurité sociale, afin qu'ils soient transmis dans les temps au Parlement

PARIS: C'est l'heure de vérité pour Sébastien Lecornu, après des semaines de crise politique: le Premier ministre va enfin prononcer mardi sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, où ses engagements sur les retraites dicteront la conduite des socialistes, qui détiennent la clé de la censure.

Le pensionnaire de Matignon se rendra d'abord à l'Elysée pour un premier Conseil des ministres à 10H00. Sa nouvelle équipe examinera les projets de budget de l'Etat et de la Sécurité sociale, afin qu'ils soient transmis dans les temps au Parlement.

Mais c'est à partir de 15H00 que les choses se joueront, à la tribune de l'Assemblée nationale, avec sa déclaration de politique générale. Les responsables des groupes parlementaires pourront ensuite lui répondre avant qu'il ne reprenne une dernière fois la parole.

Si l'exercice impose qu'il aborde de nombreux sujets cruciaux pour le pays, l'attention sera focalisée sur les retraites.

"Nous demandons clairement la suspension immédiate et complète de la réforme" de 2023, adoptée sans vote au prix d'un recours au 49.3, a martelé lundi le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure.

La question est délicate pour Sébastien Lecornu, dont la priorité est de "donner un budget à la France d'ici la fin de l'année".

Même le camp présidentiel est divisé sur la question: si certains ne veulent pas voir détricoter un marqueur emblématique du second quinquennat d'Emmanuel Macron, d'autres espèrent une suspension pour tenter de sortir de la crise politique.

"Il faut bouger clairement sur les retraites et j'espère que le Premier ministre le fera demain", a ainsi estimé lundi le député macroniste Charles Sitzenstuhl.

Selon des sources gouvernementales et parlementaires, Sébastien Lecornu invitera mardi à Matignon les ministres et députés du camp gouvernemental, avant de se rendre à l'Assemblée prononcer son discours.

"Pente naturelle" 

Le PS tiendra un Bureau national à 13H00, a-t-on appris auprès d'une source socialiste. Et se retrouve sous la pression des autres oppositions, RN et LFI en tête.

"C'est le moment de vérité", a lancé lundi le patron du RN Jordan Bardella. Le gouvernement "va évidemment tomber puisqu'il n'y a aucune possibilité de suspension des retraites avec les gens qui sont là-dedans", a jugé pour sa part le chef de file de LFI Jean-Luc Mélenchon.

A ce stade, deux motions de censure ont été déposées, par LFI et des alliés de gauche, et par la coalition RN/UDR, le parti d'Eric Ciotti.

Le PS pourrait décider de déposer sa propre motion mardi après le discours de politique générale.

Le choix des socialistes sera décisif: leurs voix feraient presque assurément pencher la balance de la censure, qui nécessite 289 voix.

Si tout le reste de la gauche (insoumis, écologistes et communistes) et l'alliance RN-UDR votaient une censure, il ne faudrait même qu'une vingtaine de voix du PS pour faire tomber le gouvernement.

Une équation qui interroge un conseiller de l'exécutif: "est-ce que Faure tient le groupe?"

"On a peut-être une douzaine, une dizaine de députés, qui voteront quand même" la censure, même si le groupe appelait à s'abstenir, a commenté sur LCP le porte-parole des députés socialistes Romain Eskenazi.

Il estime toutefois que si le gouvernement accède à des demandes sur les "retraites, le pouvoir d'achat et la fiscalité", il sera épargné.

"Je pense que la pente naturelle des députés est de dire +franchement, on sanctionne tout ça+", résume une source au sein du groupe. Selon lui, "en leur for intérieur", les députés socialistes sont partagés alors que "les Français sont aussi fatigués" par la crise politique et "qu'ils nous demandent de nous entendre".

D'autant que le PS escompte décrocher d'autres victoires dans l'hémicycle.

L'objectif du projet de budget est de garder le déficit en dessous des 5% du PIB, au lieu de 4,7% initialement prévu, un assouplissement qui laisse une marge de 9 milliards d'euros pour éventuellement satisfaire les demandes des oppositions.

"Sur ces bases là, nous allons pouvoir réviser complètement la copie qui va être présentée en Conseil des ministres", a estimé lundi Olivier Faure.


Gouvernement Lecornu: «le devoir de tous c'est d'oeuvrer à la stabilité», exhorte Macron

Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin. Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté. (AFP)
Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin. Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté. (AFP)
Short Url
  • Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin
  • Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté

CHARM EL-CHEIKH: Emmanuel Macron a appelé lundi les forces politiques à "oeuvrer à la stabilité" et non à "faire des paris sur l'instabilité", au lendemain de la nomination du nouveau gouvernement de Sébastien Lecornu, déjà menacé de censure par LFI et le RN.

"Je trouve que beaucoup de ceux qui ont nourri la division, les spéculations, n'ont pas été au niveau du moment où vit la France et de ce qu'attendent les Françaises et les Français", a insisté le chef de l'Etat à son arrivée en Egypte où il assiste à un "sommet pour la paix" à Gaza.

"Les forces politiques qui ont joué la déstabilisation de Sébastien Lecornu sont les seules responsables de ce désordre", a-t-il martelé.

Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin. Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté.

M. Lecornu, reconduit vendredi, avait été contraint à la démission il y a une semaine, en voyant sa coalition gouvernementale voler en éclats avec la fronde des Républicains (LR).

Face à ce chaos politique, M. Macron a demandé "à tout le monde de se ressaisir, de travailler avec exigence, respect". Et, interrogé sur une possible dissolution en cas de nouvelle chute du gouvernement, il a assuré ne "faire aucun pari".

"Je souhaite que le pays puisse avancer dans l'apaisement, la stabilité, l'exigence et le service des Français", a encore déclaré le président.