France: Les leçons militaires de la guerre en Ukraine

L'infirmière Liana, 25 ans, du bataillon Da Vinci Wolves attend l'évacuation d'un militaire ukrainien blessé près de la ligne de front de Bakhmout, le 1er avril 2023, lors de l'invasion russe de l'Ukraine.
L'infirmière Liana, 25 ans, du bataillon Da Vinci Wolves attend l'évacuation d'un militaire ukrainien blessé près de la ligne de front de Bakhmout, le 1er avril 2023, lors de l'invasion russe de l'Ukraine.
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Publié le Lundi 03 avril 2023

France: Les leçons militaires de la guerre en Ukraine

  • La confrontation internationale par procuration entamée en Ukraine marque le retour à la guerre de haute intensité en Europe
  • La guerre en Ukraine continue à délivrer ses leçons; pour la France, le développement de ses outils souverains et de la coopération européenne sont prioritaires

PARIS: Treize mois après son déclenchement, la guerre en Ukraine s’impose comme un tournant majeur à la fois historique et géopolitique. Outre les conséquences sur l’ordre mondial et l’Europe en particulier, les leçons militaires sont nombreuses et édifiantes pour les guerres d’aujourd’hui et de demain. Cette nouvelle époque qui a commencé le 24 février 2022 incite la France à tirer les enseignements nécessaires pour assurer sa sécurité, défendre ses intérêts stratégiques et sa place dans le concert des nations.

Les enseignements d’une guerre de haute intensité

L’offensive de la Russie en Ukraine se voulait une «guerre éclair». Mais au fil des mois, le conflit s’enlise et se durcit sans que l’on sache à quoi pourra ressembler la fin de cette terrible guerre. Durant les trois décennies des «dividendes de la paix» suivant la chute de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) en 1991, les dépenses militaires en Europe ont été bien réduites. Cependant, l’annexion de la Crimée par la Russie, en 2014, a rappelé à l’ordre ceux qui ont caressé l’illusion de la fin de l’Histoire.

La confrontation internationale par procuration entamée en Ukraine marque le retour à la guerre de haute intensité en Europe (avec son cortège de lourdes pertes humaines et matérielles) supposée à tort révolue. Sur le plan géopolitique, ce conflit constitue également un tournant pour la défense de l’Europe: nouvelle posture de l’Allemagne; engagement militaire de l’Union européenne (UE); émergence du front Est conduit par la Pologne; demandes de la Suède et de la Finlande pour rejoindre l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) et quête d’une défense collégiale dans le cadre atlantique ou au sein d’un pôle stratégique.

Leçons militaires

Quant aux leçons strictement militaires, nous assistons à une guerre hybride alliant les guerres classiques des XIXe et XXe siècles, et la guerre moderne du XXIe siècle (intimidation nucléaire russe, usage du cyberspace et de la guerre électronique et premier théâtre spatial).
Parmi les enseignements majeurs, nous notons l’importance de la profondeur stratégique et de la masse humaine pour les offensives et les défenses.

Sur le terrain, les affrontements se déroulent sur tous les champs: terre, air, mer, espace, cyber, mais aussi sur les champs informationnel et électromagnétique.
Dans ce conflit de haute intensité, il s’avère que les chars (armes classiques de guerres historiques), les drones high-tech et les missiles balistiques forment le trio vital dans la guerre en Ukraine. S’y ajoutent tout d’abord l’infanterie, les armes légères et l’artillerie, puis les avions de combat et les armes de la marine.


La guerre en Ukraine a bouleversé les perceptions de la guerre et elle incite les armées françaises à tirer les enseignements de ce conflit pour mieux gérer le présent et l’avenir.


Enfin, la guerre en Ukraine nous apprend que les armées consomment d’énormes quantités d’armement dans les guerres de haute intensité, auxquelles la France (comme nombre d’autres puissances) n’est pas préparée.

La nécessaire adaptation des armées françaises

À en croire un ancien haut officier français à la retraite: «La guerre en Ukraine a bouleversé les perceptions de la guerre et elle incite les armées françaises à tirer les enseignements de ce conflit pour mieux gérer le présent et l’avenir.»

Sans doute les combats du Donbass entre Russes et Ukrainiens sont riches d’enseignements pour adapter les stratégies et mieux comprendre les belligérants et l’évolution des menaces. En premier lieu, l’adaptation du format des armées et le modèle à suivre sont essentiels pour faciliter la coopération avec les autres alliés européens dans la défense du territoire ou tout conflit de haute intensité.

Le conflit ukrainien nous apprend aussi que la conquête du territoire et la défaite de l’ennemi demeurent des objectifs prioritaires. Pour cela, les armées doivent être capables de répondre à tous les types de menaces auxquels un État peut être confronté. Outre le combat classique et historique, les militaires doivent être prêts sur les champs informationnel, cyber et de l’influence, devenus déterminants dans les conflits du XXIe siècle. L’autre fait notable de cette guerre d’usure est le manque flagrant de munitions et d’armes, et la nécessité de passer de la logique des flux, au besoin de reconstituer des stocks et de prévoir plus de commandes d’armes et de lignes de production.

L’autre leçon à méditer pour la France, grande puissance nucléaire et seule puissance nucléaire de l’UE, est la préparation de la réponse à la résurgence de la rhétorique nucléaire en Europe. Depuis la fin du mois de février 2022, la Russie a brandi à plusieurs reprises la menace du recours aux armes nucléaires, et récemment, le président, Vladimir Poutine, a ordonné l’installation d’armes nucléaires en Biélorussie. Ainsi, la France est amenée à apprécier l’évolution de cette menace, notamment via l’hypothèse d’une nouvelle prolifération nucléaire dans les prochaines années à travers le monde.

En analysant les faits et les conséquences attendues de la guerre en Ukraine, les armées françaises (avec l’appui des armées alliées) ont effectué récemment (février-mars 2023), dans le sud de la France, l’exercice militaire géant Orion qui a mobilisé sept mille soldats, comprenant un exercice de simulation proche des conditions du conflit ukrainien.

En somme, la guerre en Ukraine continue à délivrer ses leçons. Pour la France, le développement de ses outils souverains et de la coopération européenne sont prioritaires.


Macron met en garde contre la mort de l'Europe

Le président français Emmanuel Macron prononce un discours sur l'Europe, devant un slogan qui dit "La fin d'une Europe compliquée" dans un amphithéâtre de la Sorbonne à Paris, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron prononce un discours sur l'Europe, devant un slogan qui dit "La fin d'une Europe compliquée" dans un amphithéâtre de la Sorbonne à Paris, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Le président français a évoqué une Europe «dans une situation d'encerclement» face aux grandes puissances régionales
  • Dans un contexte géopolitique alourdi par la guerre en Ukraine, il a appelé l'UE à renforcer encore sa défense au sein de l'Otan

PARIS: "Notre Europe est mortelle, elle peut mourir". Emmanuel Macron a dressé jeudi un portrait alarmiste à un mois et demi d'élections européennes compliquées pour son camp, en exhortant à un sursaut des Vingt-Sept pour bâtir une "Europe puissance" et une défense "crédible".

"Cela dépend uniquement de nos choix mais ces choix sont à faire maintenant" car "à l'horizon de la prochaine décennie, (...) le risque est immense d'être fragilisé, voire relégué", a-t-il asséné devant 500 invités, dont les ambassadeurs des 26 autres Etats membres de l'UE, des étudiants, des chercheurs et le gouvernement au complet.

Le président français a évoqué dans un discours-fleuve une Europe "dans une situation d'encerclement" face aux grandes puissances régionales et a jugé que les valeurs de la "démocratie libérale" étaient "de plus en plus critiquées" et "contestées".

"Le risque, c'est que l'Europe connaisse le décrochage et cela, nous commençons déjà à le voir malgré tous nos efforts", a averti le chef de l'Etat, en plaidant pour une "Europe puissante", qui "se fait respecter", "assure sa sécurité" et reprend "son autonomie stratégique".

Dans un contexte géopolitique alourdi par la guerre en Ukraine, il a annoncé qu'il inviterait les Européens à se doter d'un "concept stratégique" de "défense européenne crédible", en évoquant la possibilité pour elle de se doter d'un bouclier antimissiles.

Il a aussi appelé l'Europe à renforcer son industrie de défense et plaidé pour un "emprunt européen", sujet tabou notamment en Allemagne, pour investir dans l'armement en appliquant le principe de "préférence européenne".

Entrée en campagne

Face aux débats sur l'immigration portés par la droite et l'extrême droite, il a affirmé que l'UE devait "retrouver la maîtrise" de ses "frontières" et "l'assumer", proposant "une structure politique" continentale pour prendre des décisions sur les sujets de migration, de criminalité et de terrorisme.

Sur le plan économique, pour aboutir à une "Europe de prospérité", Emmanuel Macron a défendu un "choc d'investissements commun", en doublant la capacité financière de l'UE pour faire face aux défis de défense, climatique, numérique et industriel.

Devant les pratiques commerciales chinoises et américaines, le président français a également demandé une "révision" de la politique européenne "en défendant nos intérêts".

"Ca ne peut pas marcher si on est les seuls au monde à respecter les règles du commerce telles qu'elles avaient été écrites il y a 15 ans, si les Chinois, les Américains, ne les respectent plus en subventionnant les secteurs critiques", a-t-il déclaré.

Réagissant peu après, le chancelier allemand Olaf Scholz, pas toujours sur la même longueur d'ondes que son homologue, a salué les "bonnes impulsions" du discours pour que "l'Europe reste forte" et promis de continuer à la "faire avancer ensemble".

Le discours d'Emmanuel Macron est largement considéré comme une entrée en campagne du chef de l'Etat français, alors que son camp patine à six semaines des élections européennes du 9 juin, pour lesquelles le Rassemblement national (RN, extrême droite) fait largement course en tête.

Selon un récent sondage Opinionway, la liste de la majorité présidentielle, à 19%, se situait toujours loin derrière celle du RN (29%), mais gardait une nette avance sur celle des socialistes (12%).

"Sur la scène européenne, cela fait sept ans qu'Emmanuel Macron confond ses incantations et ses gesticulations avec des réalisations", a ironisé Marine Le Pen, cheffe de file des députés du RN, sur X, accusant le chef de l'Etat de "brader des pans entiers de souveraineté" nationale.

Le palais présidentiel de l'Elysée a réfuté toute tactique électoraliste et affirmé que M. Macron ambitionnait d'"influer sur l'agenda" de la prochaine Commission européenne à l'issue des élections de juin.

Une légitimité qui sera mesurée à l'aune des réactions européennes. Et aux retours des Français, qui estiment à 57% que le président n'a pas eu "d'influence réelle" sur l'UE depuis 2017, selon un sondage Elabe publié jeudi.

Vendredi, le président prendra aussi la température lors d'un échange avec des étudiants à Strasbourg (Est), où il signera un nouveau contrat triennal pour conforter la stature européenne de la capitale alsacienne qui accueille le parlement européen.

 

 


UE: une majorité de Français doute de l'influence réelle de Macron, selon un sondage

Le président français Emmanuel Macron arrive pour une conférence de presse à la fin du sommet du Conseil européen au siège de l'UE à Bruxelles, le 18 avril 2024. (Photo de Ludovic MARIN / AFP)
Le président français Emmanuel Macron arrive pour une conférence de presse à la fin du sommet du Conseil européen au siège de l'UE à Bruxelles, le 18 avril 2024. (Photo de Ludovic MARIN / AFP)
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  • 66% des Français estiment qu'Emmanuel Macron ne doit pas «s'impliquer davantage dans la campagne» car «ce n'est pas son rôle en tant que président de la République»
  • Pour autant 61% des Français jugent qu'une «défaite nette» de la liste Renaissance serait un «échec personnel» pour le président

PARIS: Une majorité de Français (57%) doute de l'influence réelle d'Emmanuel Macron sur le fonctionnement et les décisions prises par l'Union européenne depuis 2017, selon un sondage Elabe publié jeudi pour BFMTV.

Alors qu'Emmanuel Macron va mettre en avant son bilan européen lors d'un discours jeudi matin à la Sorbonne, seuls 42% des Français estiment que le chef de l'État a eu "une influence réelle sur le fonctionnement et les décisions prises par l’Union européenne" depuis 2017.

L'électorat d’Emmanuel Macron porte un regard très positif sur son rôle (70%), alors que la majorité des électeurs de gauche (56%) et d'extrême droite (68%) sont plutôt négatifs.

A un mois et demi des européennes, 66% des Français estiment qu'Emmanuel Macron ne doit pas "s'impliquer davantage dans la campagne" car "ce n'est pas son rôle en tant que président de la République".

Pour autant 61% des Français jugent qu'une "défaite nette" de la liste Renaissance serait un "échec personnel" pour le président.

En cas de large défaite du camp présidentiel, une majorité (61%) souhaite qu'Emmanuel Macron "change significativement d'orientation politique", une opinion partagée par 43% des électeurs du président au premier tour de l'élection présidentielle en 2022.

Pour autant, seule une minorité de Français (46% contre 54%) réclame une dissolution de l’Assemblée nationale et l'organisation d'élections législatives anticipées. Encore moins (39% contre 61%) souhaitent un changement de Premier ministre.

Si 58% des sondés déclarent tenir compte avant tout d'enjeux de politique européenne dans leur décision de vote, 41% concèdent qu'ils feront leur choix avant tout sur des enjeux nationaux, surtout parmi les électeurs RN (61%).

Ce sondage a été réalisé par internet du 23 au 24 avril à partir d'un échantillon de 1.001 personnes, représentatif des résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus. Selon les résultats, la marge d'erreur est comprise entre +/- 1,4 point et +/-3,1 points.


Evénements climatiques extrêmes: la Croix-Rouge souhaite un sac d'urgence par Français

Cette photographie prise le 5 avril 2024 montre une enseigne de pharmacie affichant une température de 31 degrés Celsius à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. (AFP)
Cette photographie prise le 5 avril 2024 montre une enseigne de pharmacie affichant une température de 31 degrés Celsius à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. (AFP)
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  • Le dérèglement climatique fait déjà partie du quotidien des Français mais ils ne sont pas prêts y répondre, estime une étude de la Croix-Rouge
  • «75% (des Français) ne se sentent pas préparés face aux inondations, 73% face aux incendies de forêt, 59% face à la canicule», selon un sondage OpinionWay

PARIS: Un "sac d’urgence" pour chaque Français en cas d’évacuation face aux événements climatiques extrêmes: c’est l’une des préconisations de la Croix-Rouge française dans un rapport sur la résilience de la société française, qui fait état d'un manque de préparation.

Canicule, sécheresse, incendies de forêt, inondations: le dérèglement climatique fait déjà partie du quotidien des Français mais ils ne sont pas prêts y répondre, estime une étude de la Croix-Rouge, en collaboration avec le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc), publiée jeudi.

"75% (des Français) ne se sentent pas préparés face aux inondations, 73% face aux incendies de forêt, 59% face à la canicule", selon un sondage OpinionWay pour la Croix-Rouge française.

"La préparation face aux crises est l'affaire de tous. Elle concerne bien entendu les pouvoirs publics, mais aussi les acteurs associatifs et privés, ainsi que les citoyens", déclare à l'AFP Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française.

Pour affronter "l’inévitable", l’association a dix recommandations. Dont la constitution du "Catakit", un sac d'urgence par personne, prêt en cas d'évacuation et comprenant par exemple de la nourriture non périssable, de l'eau, une trousse de secours, des vêtements et une lampe torche, pour attendre l'arrivée de l'aide.

"Seuls 11% des Français disposent d’un sac d’urgence prêt, et moins de la moitié connaît les objets indispensables qu’il faut y glisser", détaille le sondage OpinionWay.

Autre recommandation: la formation aux gestes et aux comportements qui sauvent. "On estime aujourd’hui à seulement 40% le nombre de Français ayant récemment suivi une formation aux gestes qui sauvent, contre 95% Norvège ou 80% en Allemagne", note le rapport.

Or, rappelle la Croix-Rouge, "si les individus sont informés et formés, l’impact des événements climatiques extrêmes sur les populations sera moindre et les dégâts matériels réduits".

L'association suggère que chaque Français ait a minima connaissance des réflexes vitaux: "savoir identifier les alertes sonores, avoir les bons comportements en cas de catastrophes" en plus de la maîtrise des gestes qui sauvent.

"Les événements climatiques extrêmes se manifestent de manière plus fréquente, plus intense, plus longue, et plus étendue géographiquement, rappelle Philippe Da Costa. "Tous les territoires de l'Hexagone et d’Outre-mer sont concernés".

Pour la Croix-Rouge, "il n’y a pas de fatalité". "Se préparer pour savoir comment agir avant les crises et comment réagir pendant les crises" pourra limiter l'impact des évènements climatiques extrêmes sur les populations.