Censure partielle, totale, ou balle au centre: Les options des Sages sur les retraites

Des fourgons de police sont garés devant l'entrée du Conseil constitutionnel lors d'une manifestation (Photo, AFP).
Des fourgons de police sont garés devant l'entrée du Conseil constitutionnel lors d'une manifestation (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 09 avril 2023

Censure partielle, totale, ou balle au centre: Les options des Sages sur les retraites

  • Trois scénarios sont sur la table, du probable rejet de certaines mesures à la censure complète, en passant par un premier pas vers un référendum
  • Sur le papier, une validation complète du projet de loi, sans la moindre censure, est également possible

PARIS: Tous les yeux seront rivés sur lui: le Conseil constitutionnel rendra vendredi ses décisions sur la réforme des retraites. Trois scénarios sont sur la table, du probable rejet de certaines mesures à la censure complète, en passant par un premier pas vers un référendum.

La probable censure partielle

Pro-réforme et opposants s'attendent tous à ce que certaines mesures passent à la trappe. Parmi les propositions en danger: l'index seniors, qui doit obliger les grandes entreprises à déclarer les salariés de plus de 55 ans, mais pourrait constituer un cavalier législatif. L'index devrait cependant être repêché dans un futur projet de loi.

L'expérimentation d'un nouveau CDI en fin de carrière est également menacée.

Une censure partielle serait un moindre mal pour l'exécutif, qui pourrait arguer que le coeur du réacteur, le report de l'âge légal à 64 ans, est validé.

"Le Conseil irait dans le sens où il a toujours été", à savoir "ne pas contrer les grandes réformes sociales ou sociétales", estime Lauréline Fontaine, professeure de droit constitutionnel et autrice de "la Constitution maltraitée" (Amsterdam).

"S'il y a censure de points (...) mais pas des 64 ans, alors ça ne répondra en rien à la conflictualité sociale", a prévenu le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger. Des élus de gauche ont déjà annoncé qu'ils continueraient à exiger le retrait de la réforme.

Sur le papier, une validation complète du projet de loi, sans la moindre censure, est également possible, mais improbable d'après plusieurs constitutionnalistes interrogés.

Le vertige de la censure totale

Les opposants au texte la réclament, et invoquent notamment un détournement de l'esprit de la Constitution par l'exécutif. Pour faire passer la réforme, celui-ci a utilisé un budget rectificatif de la Sécu, ce qui a restreint la durée des débats parlementaires.

Un choix "motivé par aucun autre motif que celui de l’opportunité", a tancé le député PS Jérôme Guedj, qui a aussi évoqué des débats "insincères", notamment sur la revalorisation des petites pensions.

Elina Lemaire, professeure de droit public à l'Université de Bourgogne, souscrit à certains arguments, mais reste circonspecte quant à un rejet pour "détournement" de procédure: "il faudrait en quelque sorte que le Conseil aille scruter la conscience du gouvernement, ce qu'il s'est toujours refusé à faire".

"Ce n'est pas parce que la procédure est inhabituelle qu’il faudrait la censurer", estime le constitutionnaliste Didier Maus.

Il soulève pour sa part de potentiels "pièges constitutionnels": si les Sages estimaient que la réforme aggrave la situation des femmes ou de certaines carrières longues, et qu'il y a "rupture d'égalité". Cela pourrait conduire à un gros coup de ciseau dans les articles du projet de loi.

Reste l'hypothèse d'un acte fort des Sages. En 1971, ils avaient élargi spectaculairement leur champ d'action en se plaçant en garant des libertés fondamentales. Mais un demi-siècle plus tard, ils sont toujours accusés par certains juristes de docilité envers l'exécutif.

"Il pourrait y avoir à nouveau l'occasion d'un coup institutionnel, en se plaçant en gardien de la Constitution face à l'exécutif", avance prudemment Elina Lemaire.

Réforme + RIP: fausse égalité

Les Sages pourraient faire coup double: ne pas censurer l'essentiel de la réforme, et valider la procédure de référendum d'initiative partagée (RIP) de la gauche. Ses initiateurs veulent soumettre à une consultation nationale une proposition de loi afin que l'âge de départ à la retraite ne puisse pas dépasser 62 ans.

Les conditions requises semblent réunies (signatures de parlementaires, champ de la proposition...), et le feu vert au RIP est "probable", considère Lauréline Fontaine.

Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, et Jean-Pierre Camby, professeur associé à l’université Paris-Saclay, alertent toutefois dans Le Figaro: l'injonction d'un âge de départ qui "ne peut pas être fixé au-delà de 62 ans" pourrait "contraindre la loi future" et faire tiquer les Sages.

Même en cas de validation, la route reste longue. Il faudrait que la proposition recueille 4,8 millions de signatures citoyennes en neuf mois, et qu'elle ne soit pas examinée durant les six mois suivants par l'Assemblée nationale et le Sénat, pour qu'elle soit soumise à référendum.

Reste à savoir ce que déciderait Emmanuel Macron si cette perspective se dessinait au soir du 14 avril. Certains à gauche l'appellent à imiter l'ancien président de la République Jacques Chirac, qui avait promulgué mais jamais appliqué le CPE (contrat première embauche), combattu par la rue.


Emeutes en Nouvelle-Calédonie: Macron convoque une réunion de crise

Un habitant masqué surveille des militants à l'entrée de Tuband, dans le quartier Motor Pool de Nouméa, le 15 mai 2024, au milieu de manifestations liées au débat sur un projet de loi constitutionnelle visant à élargir le corps électoral pour les prochaines élections dans l'outre-mer français de Nouvelle-Calédonie. (AFP)
Un habitant masqué surveille des militants à l'entrée de Tuband, dans le quartier Motor Pool de Nouméa, le 15 mai 2024, au milieu de manifestations liées au débat sur un projet de loi constitutionnelle visant à élargir le corps électoral pour les prochaines élections dans l'outre-mer français de Nouvelle-Calédonie. (AFP)
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  • Les dirigeants des Républicains ont demandé que le Conseil des ministres instaure mercredi l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie pour mettre fin aux émeutes
  • Le président Emmanuel Macron a convoqué mercredi matin une réunion de crise après une nouvelle nuit d'émeutes en Nouvelle-Calédonie

PARIS: Le président Emmanuel Macron a convoqué mercredi matin une réunion de crise après une nouvelle nuit d'émeutes en Nouvelle-Calédonie, qui a fait deux morts et des centaines de blessés, ont annoncé ses services.


La mairie de Paris demande au préfet d'interdire les maraudes d'ultradroite «  discriminatoires  »

Dans le reportage, une vingtaine de membres du groupuscule Luminis proposent, lors d'une maraude nocturne dans la capitale, des aliments contenant du porc, et uniquement à certains sans-abri. (AFP).
Dans le reportage, une vingtaine de membres du groupuscule Luminis proposent, lors d'une maraude nocturne dans la capitale, des aliments contenant du porc, et uniquement à certains sans-abri. (AFP).
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  • Le reportage donne à voir "le pire de l'humanité: le tri dans la solidarité, le tri en fonction de l'ethnie, le tri en fonction de la religion", écrivent Emmanuel Grégoire et Léa Filoche, respectivement premier adjoint et adjointe aux solidarités
  • Dans le reportage, une vingtaine de membres du groupuscule Luminis proposent, lors d'une maraude nocturne dans la capitale, des aliments contenant du porc, et uniquement à certains sans-abri

PARIS: Deux adjoints de la maire de Paris Anne Hidalgo ont demandé mardi au préfet de police Laurent Nunez d'interdire les maraudes "discriminatoires" dans la capitale, menées par des groupes d'ultradroite aux propos "ouvertement racistes", après un reportage de BFMTV.

Le reportage en question donne à voir "le pire de l'humanité: le tri dans la solidarité, le tri en fonction de l'ethnie, le tri en fonction de la religion", écrivent Emmanuel Grégoire et Léa Filoche, respectivement premier adjoint et adjointe aux solidarités, dans un courrier transmis à l'AFP.

Dans le reportage, une vingtaine de membres du groupuscule Luminis proposent, lors d'une maraude nocturne dans la capitale, des aliments contenant du porc, et uniquement à certains sans-abri.

"On ne donne qu'aux Blancs", dit ainsi une jeune femme. "Les noirs évidemment et les arabes, on ne leur donne pas."

Des propos "extrêmement choquants, ouvertement racistes et discriminatoires" pour les deux adjoints, "qui sont de nature, selon nous, à relever d'une qualification pénale et salissent en tout état de cause l'image de notre ville, tout en étant susceptibles de troubler l'ordre public".

Les deux élus de gauche rappellent qu'en 2007, le Conseil d'Etat avait interdit la distribution des "soupes au cochon", une "façon détournée des extrémistes de droite d'exclure les musulmans".

Le groupuscule suivi par BFMTV "va plus loin en revendiquant son racisme et justifiant ces pratiques discriminatoires", s'alarment-ils.

Les élus de la municipalité demandent à Laurent Nunez et au ministre de l'Intérieur de "prendre les mesures d'interdiction de ce genre de distributions alimentaires qui sont plus sûrement des opérations de promotion de la haine que de solidarité".

Samedi, plusieurs centaines de militants d'ultradroite ont défilé à Paris. La préfecture de police de Paris avait pourtant interdit cette manifestation annuelle en arguant d'un risque de troubles à l'ordre public, mais le tribunal administratif de Paris a suspendu cette mesure.


Nouvelle-Calédonie: un mort lors d'une nouvelle nuit d'émeutes, lés députés votent la révision constitutionnelle

Des voitures accidentées ou calcinées étaient également visibles un peu partout dans les rues, alors que des camions transportant des gendarmes mobiles, entre autres forces de l'ordre, sillonnaient la ville. (AFP).
Des voitures accidentées ou calcinées étaient également visibles un peu partout dans les rues, alors que des camions transportant des gendarmes mobiles, entre autres forces de l'ordre, sillonnaient la ville. (AFP).
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  • Plusieurs bâtiments publics de Nouméa ont brûlé dans la nuit, a constaté un correspondant de l'AFP
  • Des voitures accidentées ou calcinées étaient également visibles un peu partout dans les rues, alors que des camions transportant des gendarmes mobiles, entre autres forces de l'ordre, sillonnaient la ville

NOUMEA: Une personne a été tuée par balle dans la nuit de mardi à mercredi lors d'une deuxième nuit consécutive d'émeutes en Nouvelle-Calédonie, alors que les députés votaient à Paris la révision constitutionnelle du corps électoral à l'origine de la colère du camp indépendantiste.

Selon le représentant de l'Etat dans l'archipel français du Pacifique Sud, cette personne, touchée par des tirs avec deux autres personnes, est décédée des suites de ses blessures à l'hôpital de Nouméa.

Le Haut-commissaire de la République, Louis Le Franc, a précisé devant la presse que la victime n'avait pas été victime "d'un tir de la police ou de la gendarmerie, mais de quelqu'un qui a certainement voulu se défendre".

Malgré le couvre-feu mis en place dans la principale ville du territoire dès 18h00 locales mardi (9h00 à Paris), les graves violences qui ont débuté lundi dans l'archipel ont repris dès la nuit tombée, marquée par de nombreux incendies, pillages et  échanges de tirs, y compris contre les forces de l'ordre.

Plusieurs bâtiments publics de Nouméa ont brûlé dans la nuit, a constaté un correspondant de l'AFP.

Des voitures accidentées ou calcinées étaient également visibles un peu partout dans les rues, alors que des camions transportant des gendarmes mobiles, entre autres forces de l'ordre, sillonnaient la ville.

"On est dans une situation que je qualifierais d'insurrectionnelle", a déploré M. Le Franc, "L'heure doit être à l'apaisement (...) l'appel au calme est impératif", a-t-il insisté. "Je vous laisse imaginer ce qui va se passer si des milices se mettaient à tirer sur des gens armés".