Face à une inflation historique, le modèle agricole du Maroc en question

Sur cette photo prise le 23 février 2023, des clients achètent des produits frais au marché de Sidi Moussa, dans la ville de Sale, sur la côte atlantique du Maroc, au nord de la capitale. La hausse de l'inflation au Maroc fait grimper le coût de la vie et suscite la colère de la population. Alors que les prix des denrées alimentaires grimpent en flèche, les critiques ciblent le modèle agricole du pays, basé sur l'exportation. ( AFP).
Sur cette photo prise le 23 février 2023, des clients achètent des produits frais au marché de Sidi Moussa, dans la ville de Sale, sur la côte atlantique du Maroc, au nord de la capitale. La hausse de l'inflation au Maroc fait grimper le coût de la vie et suscite la colère de la population. Alors que les prix des denrées alimentaires grimpent en flèche, les critiques ciblent le modèle agricole du pays, basé sur l'exportation. ( AFP).
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Publié le Mardi 18 avril 2023

Face à une inflation historique, le modèle agricole du Maroc en question

  • "La hausse des prix est une honte (...), nous sommes un pays agricole et pourtant les légumes y sont chers", s'exaspéraient le 8 avril des manifestants devant le Parlement à Rabat
  • Début février, le gouvernement a suspendu l'exportation de certains produits, notamment les tomates, afin d'approvisionner le marché local

RABAT : Des légumes sur les marchés marocains presque aussi chers que dans certains supermarchés de France, avec un salaire minimum cinq fois inférieur: le modèle agricole du pays, basé sur les exportations, est remis en question par une inflation record qui provoque la colère de la population.

La poussée inflationniste, +10,1% en glissement annuel en février dont 20,1% de hausse pour les produits alimentaires, selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP), vaut à l'exécutif des critiques de tout bord en plein mois sacré du Ramadan, quand la consommation augmente.

Si l'ampleur des manifestations contre la vie chère reste limitée, le mécontentement s'installe.

"La hausse des prix est une honte (...), nous sommes un pays agricole et pourtant les légumes y sont chers", s'exaspéraient le 8 avril des manifestants devant le Parlement à Rabat.

Début février, le gouvernement a suspendu l'exportation de certains produits, notamment les tomates, afin d'approvisionner le marché local, suscitant les protestations d'associations professionnelles qui ont demandé au Premier ministre Aziz Akhannouch de revenir sur cette mesure.

Pour le patron du HCP, Ahmed Lahlimi, cette crise questionne la viabilité du modèle agricole marocain, d'autant que ce secteur clé de l'économie (13% du PIB et 14% des exportations) est exposé à des sécheresses récurrentes et au dérèglement climatique.

"L'agriculture doit faire sa révolution pour changer de système de production, aller vers une souveraineté alimentaire et produire ce que nous consommons en premier lieu", a plaidé fin mars M. Lahlimi dans une interview au site d'information Médias24.

«Facteurs externes»

Face aux récriminations, le ministre de l'Agriculture Mohamed Sadiki a attribué le bond des prix alimentaires à "des facteurs externes et conjoncturels", comme l'envolée du coût des matières premières et une vague de froid qui a retardé la cueillette des tomates.

Le Maroc s'est doté en 2008 d'un ambitieux "Plan Maroc Vert" (PMV) qui lui a permis d'assurer une autosuffisance alimentaire, à entre 50% et 100% selon les filières d'approvisionnement.

Depuis l'adoption du PMV il y a 15 ans, la production agricole a doublé de valeur: de 5,6 à plus de 11 milliards d'euros, malgré la perte d'environ 7 milliards de mètres cubes de pluie annuellement depuis 1985.

Mais le royaume reste à la merci d'une sécheresse devenue structurelle "qui réduit la superficie cultivée et donc l'offre, faisant augmenter les prix", explique à l'AFP Abderrahim Handouf, ingénieur agronome spécialiste de l'irrigation.

S'y ajoute les coûts des matières premières importées (semences, énergie, engrais azotés...) qui ont bondi "de 30% à 70%", selon le ministère de l'Agriculture. Idem pour les importations de blé.

«Souveraineté alimentaire»

Le "Plan Maroc Vert" (rebaptisé "Génération Green" pour la période 2020-30) a fait des exportations de fruits et légumes une priorité, ce qui pèse sur le marché local et a favorisé la flambée des prix.

Des voix s'élèvent pour réclamer une réorientation de la politique agricole marocaine vers une stratégie qui "assure la souveraineté alimentaire, à commencer par l'industrie semencière où le Maroc accuse beaucoup de retard", souligne M. Handouf.

Autre difficulté pour l'exécutif: réformer le système de commercialisation gangréné par des intermédiaires qui gagnent "trois à quatre fois plus que la valeur de cession", d'après les producteurs de fruits et légumes qui se sont plaints dans une lettre adressée le 31 mars à M. Akhannouch.

Le gouvernement a pourtant annoncé plusieurs opérations de lutte contre les spéculateurs. Des mesures "qui n'ont pas eu les résultats escomptés", reconnaît le porte-parole du gouvernement Mustapha Baïtas.

L'exécutif promet que les prix vont bientôt baisser.

En attendant, la Banque centrale du Maroc a de nouveau relevé le mois dernier son taux directeur à 3% -- la troisième hausse en six mois -- afin d'enrayer l'inflation galopante qui affecte les ménages modestes et vulnérables.

Cette décision a déplu au gouvernement qui mise sur une relance par la croissance, toujours atone, et s'inquiète "des retombées négatives sur le pouvoir d'achat des Marocains", selon des médias.

De son côté, le Haut-commissaire au Plan, Ahmed Lahlimi, estime que l'inflation va perdurer tant que "l'on n'aura pas fait les réformes pour améliorer notre offre et notre productivité, avec un travail d'assainissement de nos circuits de distribution" alimentaire.


Un an après la chute d’Assad, les Syriens affichent un fort soutien à al-Chareh

Des citoyens syriens brandissent leurs drapeaux nationaux lors des célébrations marquant le premier anniversaire du renversement de l'ancien président Bachar al-Assad à Damas, lundi. (AP)
Des citoyens syriens brandissent leurs drapeaux nationaux lors des célébrations marquant le premier anniversaire du renversement de l'ancien président Bachar al-Assad à Damas, lundi. (AP)
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  • Un sondage révèle un optimisme croissant et un large soutien aux progrès du gouvernement après la chute d’Assad
  • L’Arabie saoudite apparaît comme le pays étranger le plus populaire, Trump reçoit également un soutien marqué

LONDRES : Alors que les Syriens ont célébré cette semaine le premier anniversaire de la chute de Bachar Al-Assad, une enquête menée dans le pays révèle un soutien massif au nouveau président et place l’Arabie saoudite comme principal partenaire international apprécié.

L’ancien président avait fui le pays le 8 décembre 2024, après une offensive éclair de l’opposition jusqu’à Damas, mettant fin à 14 ans de guerre civile.

La campagne était menée par Ahmad al-Chareh, aujourd’hui président du pays, qui s’efforce de stabiliser la Syrie et de rétablir des relations avec ses partenaires internationaux.

Ces efforts ont été salués dans un sondage récemment publié, montrant que 81 % des personnes interrogées ont confiance dans le président et 71 % dans le gouvernement national.

Les institutions clés bénéficient également d’un fort soutien : plus de 70 % pour l’armée et 62 % pour les tribunaux et le système judiciaire.

L’enquête a été menée en octobre et novembre par Arab Barometer, un réseau de recherche américain à but non lucratif.

Plus de 1 200 adultes sélectionnés aléatoirement ont été interrogés en personne à travers le pays sur une large gamme de sujets, notamment la performance du gouvernement, l’économie et la sécurité.

Le large soutien exprimé envers al-Chareh atteint un niveau enviable pour de nombreux gouvernements occidentaux, alors même que la Syrie fait face à de profondes difficultés.

Le coût de la reconstruction dépasse les 200 milliards de dollars selon la Banque mondiale, l’économie est dévastée et le pays connaît encore des épisodes de violence sectaire.

Al-Chareh s’efforce de mettre fin à l’isolement international de la Syrie, cherchant l’appui de pays de la région et obtenant un allègement des sanctions américaines.

Un soutien clé est venu d’Arabie saoudite, qui a offert une aide politique et économique. Le sondage place le Royaume comme le pays étranger le plus populaire, avec 90 % d’opinions favorables.

Le Qatar recueille lui aussi une forte popularité (plus de 80 %), suivi de la Turquie (73 %).

La majorité des personnes interrogées — 66 % — expriment également une opinion favorable envers les États-Unis, saluant la décision du président Donald Trump d’assouplir les sanctions et l’impact attendu sur leur vie quotidienne.

Après sa rencontre avec al-Chareh à Washington le mois dernier, Trump a annoncé une suspension partielle des sanctions, après en avoir déjà assoupli plusieurs volets.

Le sondage montre que 61 % des Syriens ont une opinion positive de Trump — un niveau supérieur à celui observé dans une grande partie du Moyen-Orient.

En revanche, l’enthousiasme est bien moindre concernant les efforts américains pour normaliser les relations entre la Syrie et Israël.

Seuls 14 % soutiennent cette démarche, et à peine 4 % disent avoir une opinion favorable d’Israël.

Lors du chaos provoqué par la chute d’Assad, l’armée israélienne a occupé de nouveaux territoires dans le sud de la Syrie et a mené de fréquentes attaques au cours de l’année écoulée.

Plus de 90 % des Syriens considèrent l’occupation israélienne des territoires palestiniens et les frappes contre l’Iran, le Liban et la Syrie comme des menaces critiques pour leur sécurité.

Dans Foreign Policy, Salma Al-Shami et Michael Robbins (Arab Barometer) écrivent que les résultats de l’enquête donnent des raisons d’être optimiste.

« Nous avons constaté que la population est pleine d’espoir, favorable à la démocratie et ouverte à l’aide étrangère », disent-ils. « Elle approuve et fait confiance à son gouvernement actuel. »

Mais ils notent aussi plusieurs sources d’inquiétude, notamment l’état de l’économie et la sécurité interne.

Le soutien au gouvernement chute nettement dans les régions majoritairement alaouites.

La dynastie Assad, au pouvoir pendant plus de 50 ans, était issue de la minorité alaouite, dont les membres occupaient de nombreux postes clés.

L’économie reste la principale préoccupation : seuls 17 % se disent satisfaits de sa performance, et beaucoup s’inquiètent de l’inflation, du chômage et de la pauvreté.

Quelque 86 % déclarent que leurs revenus ne couvrent pas leurs dépenses, et 65 % affirment avoir eu du mal à acheter de la nourriture le mois précédent.

La sécurité préoccupe aussi : 74 % soutiennent les efforts du gouvernement pour collecter les armes des groupes armés et 63 % considèrent l’enlèvement comme une menace critique.

À l’occasion de l’anniversaire de la chute d’Assad, lundi, al-Chareh a affirmé que le gouvernement œuvrait à construire une Syrie forte, à consolider sa stabilité et à préserver sa souveraineté.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Israël mène une série de frappes contre le Hezbollah au Liban

Des soldats libanais debout sur un véhicule militaire à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban. (AFP)
Des soldats libanais debout sur un véhicule militaire à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban. (AFP)
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  • Israël a frappé vendredi plusieurs sites du Hezbollah au sud et à l’est du Liban, ciblant notamment un camp d’entraînement de sa force d’élite al-Radwan, malgré le cessez-le-feu conclu en novembre 2024
  • Ces raids interviennent alors que l’armée libanaise doit achever le démantèlement des infrastructures militaires du Hezbollah le long de la frontière israélienne d’ici le 31 décembre

BEYROUTH: Israël a mené une série de frappes aériennes contre le sud et l'est du Liban vendredi matin, selon les médias officiels, l'armée israélienne affirmant viser des objectifs du Hezbollah pro-iranien dont un camp d'entrainement.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024 avec le groupe islamiste libanais, Israël continue de mener des attaques régulières contre le Hezbollah, l'accusant de se réarmer.

Selon l'Agence nationale d'information (Ani), les raids de vendredi, qualifiés en partie de "violents", ont visé une dizaine de lieux, certains situés à une trentaine de km de la frontière avec Israël.

Dans un communiqué, l'armée israélienne a affirmé avoir "frappé un complexe d'entrainement" de la force d'élite du Hezbollah, al-Radwan, où des membres de la formation chiite apprenaient "l'utilisation de différents types d'armes", devant servir dans "des attentats terroristes".

L'armée israélienne a également "frappé des infrastructures militaires supplémentaires du Hezbollah dans plusieurs régions du sud du Liban", a-t-elle ajouté.

L'aviation israélienne avait déjà visé certains des mêmes sites en début de semaine.

Ces frappes interviennent alors que l'armée libanaise doit achever le démantèlement le 31 décembre des infrastructures militaires du Hezbollah entre la frontière israélienne et le fleuve Litani, situé à une trentaine de km plus au nord, conformément à l'accord de cessez-le-feu.

Les zones visées vendredi se trouvent pour la plupart au nord du fleuve.

Le Hezbollah a été très affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth.

Depuis, les Etats-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe.


Pluies diluviennes et vents puissants ajoutent au chaos qui frappe Gaza

Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes. (AFP)
Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes. (AFP)
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  • A al-Zawaida, dans le centre de la bande de Gaza, des mares forcent les gens à marcher dans l'eau stagnante, qui leur arrive aux chevilles, ou à sauter d'un îlot de sable émergé à un autre
  • Selon un rapport de l'ONU, 761 sites, abritant environ 850.000 déplacés, présentent un risque élevé d'inondation dans la bande de Gaza

GAZA: Pelle à la main, des Palestiniens portant des sandales en plastique et des pulls fins creusent des tranchées autour de leurs tentes dans le quartier de Zeitoun, à Gaza-ville, rempart dérisoire face aux pluies torrentielles qui s'abattent depuis des heures.

Dès mercredi soir, la tempête Byron a balayé le territoire palestinien, bordé par la mer Méditerranée, inondant les campements de fortune et ajoutant à la détresse de la population, déplacée en masse depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le 7 octobre 2023.

A Zeitoun, le campement planté au milieu des décombres a des allures cauchemardesques, sous un ciel chargé de gros nuages gris et blancs.

Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes.

Accroupis sur des briques posées dans la boue, un groupe d'enfants mangent à même des faitouts en métal devant l'ouverture d'un petit abri en plastique, en regardant le ciel s'abattre sur le quartier.

"Nous ne savions pas où aller" 

A al-Zawaida, dans le centre de la bande de Gaza, des mares forcent les gens à marcher dans l'eau stagnante, qui leur arrive aux chevilles, ou à sauter d'un îlot de sable émergé à un autre.

"La nuit dernière a été terrible pour nous et pour nos enfants à cause des fortes pluies et du froid, les enfants ont été trempés, les couvertures et les matelas aussi. Nous ne savions pas où aller", raconte à l'AFP Souad Mouslim, qui vit sous une tente avec sa famille.

"Donnez-nous une tente décente, des couvertures pour nos enfants, des vêtements à porter, je le jure, ils ont les pieds nus, ils n'ont pas de chaussures", implore-t-elle.

"Jusqu'à quand allons-nous rester comme ça? C'est injuste", dit-elle en élevant la voix pour couvrir le bruit des gouttes frappant la toile.

Selon un rapport de l'ONU, 761 sites, abritant environ 850.000 déplacés, présentent un risque élevé d'inondation dans la bande de Gaza.

Le territoire connait généralement un épisode de fortes pluies en fin d'automne et en hiver, mais la dévastation massive due à la guerre l'a rendu plus vulnérable.

"La situation est désespérée", résume Chourouk Mouslim, une déplacée originaire de Beit Lahia, dans le nord de Gaza, elle aussi sous une tente à al-Zawaida.

"Nous ne pouvons même pas sortir pour allumer un feu" pour cuisiner ou se chauffer, déplore-t-elle, avant d'ajouter qu'elle n'a de toutes les manières ni bois, ni gaz.

Dans ce territoire dont les frontières sont fermées, où l'aide humanitaire arrive en quantité insuffisante selon l'ONU, malgré l'entrée en vigueur d'une trêve le 10 octobre, les pénuries empêchent une population déjà démunie de faire face à ce nouveau problème.

Lointaine reconstruction 

Sous les tentes, les plus chanceux bâchent le sol ou le recouvrent de briques pour empêcher que le sable humide ne détrempe leurs affaires. Dans les zones où le bitume n'a pas été arraché, des bulldozers continuent de déblayer les décombres des bâtiments détruits.

Beaucoup de gens restent debout, à l'entrée des abris, plutôt que de s'asseoir une surface mouillée.

"La tempête a eu un impact grave sur la population, des bâtiments se sont effondrés et une grande partie des infrastructures étant détruite, elles ne permettent plus d'absorber cet important volume de pluie", note Mahmoud Bassal, le porte-parole de la Défense civile de Gaza.

Cette organisation, qui dispense des premiers secours sous l'autorité du Hamas, a affirmé que la tempête avait causé la mort d'une personne, écrasée par un mur ayant cédé. Elle a ajouté que ses équipes étaient intervenues après l'effondrement partiel de trois maisons durant les fortes pluies.

La Défense civile a averti les habitants restés dans des logements partiellement détruits ou fragilisés par les bombardements qu'ils se mettaient en danger.

"Les tentes, c'est inacceptable", estime M. Bassal, "ce qui doit être fourni maintenant, ce sont des abris qu'on peut déplacer, équipés de panneaux solaires, avec deux pièces, une salle de bain et toutes les installations nécessaires pour les habitants. Seulement à ce moment-là, la reconstruction pourra commencer".