PARIS:Un texte offensif sur les relations avec l'Algérie rejeté, une réforme constitutionnelle retirée en cours d'examen: les LR ont fait chou blanc jeudi à l'Assemblée avec leurs initiatives sur l'immigration, dont l'objectif était surtout d'accroître la pression sur le camp présidentiel.
Quatre jours avant l'arrivée du projet de loi immigration dans l'hémicycle, Les Républicains avaient placé deux textes sur ce thème en haut de l'affiche de leur journée réservée au Palais Bourbon, avant d'autres sur la santé, le logement ou encore l'éducation.
Sans véritables espoirs de succès, l'enjeu était pour eux d'incarner la fermeté aux yeux de l'opinion, face à un gouvernement "sans ambition" sur l'immigration. Et dont le projet de loi, après son durcissement au Sénat, a été "détricoté" à leurs yeux en commission à l'Assemblée.
La proposition de résolution des LR demandant que Paris mette fin à l'accord franco-algérien de 1968 - qui confère un statut particulier aux Algériens en matière de circulation, de séjour et d'emploi en France - a été repoussée sans surprise, avec 151 voix contre et 114 pour.
Même adoptée, elle n'aurait pas eu de valeur contraignante, mais le camp présidentiel s'inquiétait de son impact sur les relations diplomatiques avec Alger.
Au sein de la majorité, seul le groupe Horizons et deux députés isolés du groupe macroniste Renaissance ont voté pour.
Le Rassemblement national a apporté son soutien à l'initiative des LR, à qui tous les groupes de gauche ont, au contraire, reproché d'agiter des "fantasmes" migratoires.
«Etrange attelage»
La députée LR Michèle Tabarot a plaidé dans l'hémicycle en faveur d'une proposition "très importante", jugeant que l'accord de 1968 donnait aux Algériens "un droit quasi-automatique à l'immigration".
S'il n'est pas question pour le gouvernement d'une dénonciation unilatérale, la négociation d'un nouvel avenant "est à l'ordre du jour", a assuré mercredi Elisabeth Borne.
Après ce premier revers, les députés LR ont présenté leur deuxième texte, une vaste réforme de la Constitution, sans laquelle légiférer sera vain face à "l'immigration massive", selon eux.
Mais ils l'ont retiré à 20H00, après plusieurs heures de débats, bien avant la fin de son examen.
"Nous avons vu dans cet hémicycle se constituer une majorité", "un étrange attelage de la Nupes et de la majorité Renaissance, soutenu par le gouvernement", a justifié le chef du groupe LR, Olivier Marleix.
La même majorité que "celle qui a été à l'œuvre toute la semaine dernière en commission des lois pour défaire" la version sénatoriale du projet de loi immigration, a-t-il poursuivi.
Avant ce retrait, l'Assemblée avait supprimé l'article qu'Eric Ciotti, le président du parti LR, avait décrit comme "le plus important", prévoyant que le Parlement fixerait des quotas annuels plafonnant l'immigration, auxquels "rien ne pourra s'opposer".
"La question des quotas n'est pas une question taboue", mais la proposition "n'est pas aboutie", a estimé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, qui a insisté sur sa volonté de se montrer "constructif".
Dans un entretien à Nice Matin daté de vendredi, il répète vouloir "tendre la main" aux députés LR.
Un article prévoyant que les demandes d'asile soient déposées "non pas sur le territoire national, mais dans nos représentations diplomatiques ou dans nos postes consulaires, ou à la frontière", avait également été supprimé.
«Double Frexit»
La réforme de LR proposait également d'élargir le champ du référendum aux questions d'immigration. Et que des lois organiques adoptées par les deux assemblées ou par référendum puissent déroger aux accords internationaux ou au droit européen.
Pour "revenir à une vision qui redonne aux Français le cours de leur destin", selon Eric Ciotti.
Le gouvernement n'a pas fermé la porte sur la question du référendum. Mais M. Darmanin a fustigé le "double Frexit", "européen" et "constitutionnel", que représenterait la dérogation aux règles européennes. "Si vous voulez changer l'Europe, il faut gagner les élections européennes et modifier les traités européens", a-t-il lancé.
La gauche a tiré à boulets rouges sur toutes ces propositions. Pour la députée socialiste Cécile Untermaier, elles montrent que "l'extrême droite implante son vocabulaire et ses cadres de pensée au sein de la droite républicaine".
"Pourquoi courez-vous derrière les idées du RN? Vous ne les rattraperez jamais", a aussi lancé aux Républicains l'élu MoDem Erwan Balanant.
Avec le retrait du texte constitutionnel, les députés LR espèrent avoir le temps d'aller au bout de l'examen avant minuit d'un autre texte au menu de leur "niche parlementaire", visant à former davantage de médecins. Il sera examiné à partir de 21H30.