Pour les travailleurs au noir de Grèce, «violer le confinement, une question de survie»

Manifestation de travailleurs demandant des mesures de soutien début novembre à Athènes (Photo, Louisa GOULIAMAKI/AFP).
Manifestation de travailleurs demandant des mesures de soutien début novembre à Athènes (Photo, Louisa GOULIAMAKI/AFP).
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Publié le Mercredi 02 décembre 2020

Pour les travailleurs au noir de Grèce, «violer le confinement, une question de survie»

  • L'absence d'attestation d'employeur pour circuler dans un pays où l'économie souterraine compte pour plus du quart du revenu intérieur, oblige de nombreux travailleurs à braver l’interdit
  • « Je préfère prendre le risque, au moins je peux gagner 50 euros la journée et payer le loyer, le supermarché (...) et en cas d'amende, je la paierai plus tard » confie l’un d’eux

ATHÈNES: Les nombreux travailleurs non déclarés de Grèce « sont contraints de violer » le confinement et de risquer une amende, en l'absence d'attestation d'employeur pour circuler dans un pays où l'économie souterraine compte pour plus du quart du revenu intérieur.

« Rester chez soi avec l'angoisse de ne rien gagner pendant un mois ? », s'indigne Vaguélis, plombier non déclaré de la banlieue nord-est d'Athènes qui accepte les petits boulots au noir dans son quartier en cette période de confinement imposé en Grèce depuis le 7 novembre. 

« Je préfère prendre le risque, au moins je peux gagner 50 euros la journée et payer le loyer, le supermarché (...) et en cas d'amende, je la paierai plus tard », confie le quadragénaire, qui requiert l'anonymat.

Pendant ce confinement, comme le précédent au printemps, le gouvernement grec encourage le télétravail. En cas d'impossibilité, le travailleur doit obtenir une attestation de son employeur pour circuler. Sinon, il risque une amende de 300 euros en cas de contrôle policier.

Les professionnels à leur compte peuvent fournir une attestation mentionnant leur numéro d'identification fiscale.

Mais les nombreux travailleurs au noir n'entrent dans aucune de ces catégories en Grèce, où l'économie souterraine représente près de 30% du produit intérieur brut (PIB). 

« Je suis contraint de violer la loi, c'est une question de survie », assène Vaguélis.

« La police ferme les yeux »

Même inquiétude chez Elisa, coiffeuse à domicile, qui ne donnera pas non plus son nom : « Je fais une attestation manuscrite qui dit que je vais faire des courses et je travaille surtout dans mon quartier » pour éviter les déplacements « risqués dans le centre-ville où les contrôles sont plus fréquents ».

Elisa, 32 ans, travaille au noir depuis quatre ans, après la fermeture du salon de coiffure dans lequel elle exerçait pendant la crise financière grecque (2010-2018), à l'instar de centaines de milliers de micro-entreprises du pays.

« Si j'ai une deuxième cliente dans la journée, je remplis une nouvelle attestation en changeant l'heure. Je prends toujours soin d'avoir un sac avec quelques courses dans ma voiture en cas de contrôle policier », confie cette habitante du nord d'Athènes.

Cependant, « la police est plus tolérante pendant ce second confinement », se félicite Vaguélis, dont les revenus avaient baissé de plus de 50% lors du premier confinement.

« On n'est pas en train de voler », fustige-t-il, « tout le monde sait comment l'économie marche en Grèce, il faut que l'argent circule ; la majorité des livreurs sont sans sécurité sociale et la police ferme les yeux ».  

Selon des estimations, le taux de mobilité, l'un des indices indirects d'évaluation de l'économie souterraine, « a enregistré une hausse de 35% pendant le deuxième confinement par rapport au premier », relève Panayotis Petrakis, professeur d'Economie à l'Université d'Athènes.

« Les pertes en termes de produit intérieur brut (PIB) étaient de près de 2,5 milliards d'euros pendant le premier confinement, mais actuellement ces pertes sont estimées à la moitié » de ce montant, précise-t-il.

L'économie grecque est toujours en convalescence après la crise financière au cours de laquelle le pays avait perdu un quart de son PIB. Le chômage, qui avait alors explosé, reste toujours l'un des plus élevés de la zone euro (à 18,9% en 2020, selon le gouvernement).

« Dans l'angoisse » d'une arrestation

La Grèce s'attend à une chute de 10,5% du PIB en 2020 avant une reprise de 4% l'année prochaine.

L'arrêt de l'économie pour cause de confinement a surtout frappé le tourisme, moteur de l'économie grecque, mais aussi les services aux personnes et le divertissement, où les travailleurs au noir sont légion.

Selon les experts, la contraction va surtout frapper les plus vulnérables, ceux qui ne bénéficient pas des aides de l'Etat et sont privés de « réseau social et légal de protection » : les bas revenus, les chômeurs et les sans-papiers. 

Anna vit « dans l'angoisse d'être arrêtée » : cette femme de ménage de Géorgie vit depuis plus de dix ans en Grèce mais n'a toujours pas de papiers. 

L'attestation qu'elle remplit pour circuler dans Athènes stipule « aide à personne vulnérable ». Mais elle dit avoir « perdu beaucoup de clients, surtout âgés, qui ont peur » de lui ouvrir leur porte, car elle utilise les transports en commun, plus risqués pour la circulation du virus. 


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.