Sainte-Soline, symbole de l'exacerbation des conflits d'aménagement

Une réserve d'eau pour l'irrigation agricole en construction, à Sainte-Soline, dans le centre-ouest de la France, le 11 avril 2023 (Photo, AFP).
Une réserve d'eau pour l'irrigation agricole en construction, à Sainte-Soline, dans le centre-ouest de la France, le 11 avril 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 30 août 2023

Sainte-Soline, symbole de l'exacerbation des conflits d'aménagement

  • A la fin des années 2000, les premières ZAD (zone à défendre) ont marqué un tournant pour relocaliser les luttes face au peu d'effets des grands rassemblements altermondialistes sur les politiques publiques
  • A Sainte-Soline, la mobilisation le 25 mars contre une retenue d'eau a révélé le rôle décisif des Soulèvements de la Terre (SLT)

PARIS: La manifestation contre les "mégabassines" de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) fin mars, qui s'est soldée par de violents affrontements, marque une exacerbation des conflits d'aménagement liée à l'urgence climatique, selon des chercheurs interrogés par l'AFP.

Mobilisation pour le parc de la Vanoise, lutte du Larzac, Plogoff, "camps d'été" à Bure, manifestation contre le barrage de Sivens ou occupation de Notre-Dame-des-Landes... "La France possède une longue tradition de conflits sur des enjeux d'aménagement", reconnaît Xavier Desjardins, professeur d'urbanisme à Sorbonne Université. Ce qui se justifie selon lui d'un point de vue militant, "car il est plus facile d'obtenir l'abandon d'un projet de centrale qu'un changement de système global".

A la fin des années 2000, les premières ZAD (zone à défendre) ont marqué un tournant pour relocaliser les luttes face au peu d'effets des grands rassemblements altermondialistes sur les politiques publiques.

"Aujourd'hui la contestation prend des formes tactiquement différentes et se radicalise", observe Philippe Subra, géographe et professeur émérite à l'Institut français de géopolitique.

Il ne s'agit plus de défendre un site que l'on occupe mais d'occuper un site défendu par les forces de l'ordre. Contournements autoroutiers, fermes-usines, carrières, lignes LGV... A travers une mobilisation ponctuelle et massive, les opposants visent le même résultat qu'en occupant une ZAD pendant des années.

A Sainte-Soline, la mobilisation le 25 mars contre une retenue d'eau a révélé le rôle décisif des Soulèvements de la Terre (SLT) dans un événement qui a rassemblé 6 à 8 000 manifestants selon les autorités, 30 000 selon les organisateurs.

Créé en 2021 dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, SLT se définit comme une "coalition large" d'associations, ONG, syndicats paysans... "C'est la tentative de construire un réseau de luttes locales" pour "établir un véritable rapport de force en vue d'arracher la terre au ravage industriel et marchand", explique son site internet.

«Urgence écologique»

"SLT prolonge la structuration entamée dans les années 2010 à l'échelle nationale par le mouvement +contre les Grands projets inutiles et imposés+ (GPII)", observe Jean-Michel Fourniau, directeur de recherche émérite à l'université Gustave Eiffel.

"L'organisation, très décentralisée, choisit quelques combats, leur donne une grande résonance médiatique puis passe à de nouveaux combats liés à l'urgence écologique, un thème nouveau", poursuit-il.

Pour le gouvernement, à Sainte-Soline, un cap a été franchi. Dénonçant "un déferlement inouï de la part d'individus armés et violents" proches de l'ultragauche, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a lancé une procédure de dissolution contre SLT.

Pour SLT, "l'impératif politique" est d'obtenir "l'arrêt des chantiers", ce qui passe "par le désarmement collectif des infrastructures". Un "sabotage" revendiqué.

Selon Gérald Darmanin, les services de renseignement enregistrent 42 projets susceptibles de "faire naître des contestations extrêmement violentes", dont l'autoroute reliant Toulouse et Castres.

"Le niveau de violence est nettement plus élevé des deux côtés", observe le géographe Philippe Subra.

Passage en force

En cause notamment, une perméabilité plus grande entre partisans de l'action violente et opposants pacifiques tentés de considérer la confrontation comme le seul moyen d'être entendus.

Autre facteur de mobilisation, le sentiment d'un passage en force des projets, faute de concertation. "Alors que les droits de la participation ont progressé en France depuis les années 1990, plusieurs lois ont fait régresser ces droits depuis 2017", regrette Jean-Michel Fourniau.

Selon lui, beaucoup de grands projets échappent ainsi aujourd'hui à une concertation préalable, et de nouvelles lois pourraient "évacuer les infrastructures +vertes+ du débat public afin d'aller plus vite".

De plus, certains enjeux comme l'eau "sont gérés par des syndicats techniques, loin du regard des citoyens, sans jamais construire de débat sur le partage de la ressource", observe Xavier Desjardins.

Tant et si bien que certains projets d'aménagement autrefois considérés comme allant de soi semblent désormais obsolètes.

"On est en train de quitter une culture de l'aménagement qui consistait à moderniser et à équiper le territoire, à une culture du +ménagement+ où les objectifs de préservation des paysages, des écosystèmes et du climat pèseront beaucoup plus lourds", prévoit M. Subra.


Accord EU-USA: Bayrou juge que la France a été "un peu seule"

Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis
  • Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire"

PARIS: Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis, en marge d'un déplacement dans les locaux de Tracfin, organisme de lutte contre la criminalité financière, à Montreuil (93).

Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire", et qu'il fallait "un processus encore pas totalement élucidé de ratification" de cet accord.

"Il y a à vérifier quelle est la portée exacte de ces accords, et les Etats auront d'une manière ou d'une autre leur mot à dire", a-t-il ajouté.

"Je sais que toutes les autorités françaises, et en particulier le président de la République (Emmanuel Macron), ont été ceux qui se sont battus le plus contre des concessions qu'on considérait comme excessives", a-t-il affirmé avant de s'interroger: "Est-ce que nous avons été un peu seuls? Oui".

"Est-ce qu'on a le sentiment qu'à l'intérieur de l'Union européenne, des forces politiques et économiques étaient plutôt sur une ligne de trouver des accommodements? Oui", a-t-il ajouté, en estimant que de son point de vue, "la voie pour l'Europe est une voie d'affirmation et de résistance quand il faut et de fierté le plus souvent possible".

La classe politique française a été unanime à dénoncer l'accord conclu entre le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui prévoit notamment une hausse de 15% des droits de douane sur les exportations européennes.

Le président Emmanuel Macron a déploré mercredi en Conseil des ministres que l'Union européenne n'ait pas été assez "crainte" dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis, affirmant que la France continuerait de faire montre "d'exigence et de fermeté" dans la suite des discussions.


Lille: enquête ouverte après les propos sur internet d'une étudiante gazaouie

L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
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  • Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie

LILLE: Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie, dont Sciences Po Lille a annulé l'inscription mercredi.

"Une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme, apologie de crime contre l'humanité avec utilisation d'un service de communication au public en ligne", a écrit la procureure de la République de Lille, Carole Etienne, à l'AFP.

Des captures d'écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu'un compte, attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis, a repartagé des messages appelant à tuer des juifs.

Elle a été désinscrite de l'Institut d'études politiques de Lille, où elle devait étudier à partir de septembre, en raison du contenu de certaines de ses publications qui "entre en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences Po Lille", a indiqué l'établissement mercredi.

"Pourquoi on est passé à travers? Il y a quand même une question, il faut y répondre", a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur.

"Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien évidemment", a-t-il ajouté.

"Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s'en est rendu compte", a-t-il ajouté, précisant que "les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères".

Sollicité par l'AFP, Sciences Po Lille a expliqué avoir "accueilli cette étudiante sur proposition du consulat général de France à Jérusalem".

L'incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu'au gouvernement.

"Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n'a rien à faire en France", a réagi sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Il a indiqué avoir "demandé à ce qu'une enquête interne soit diligentée pour que cela ne puisse en aucun cas se reproduire".

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné sur le même réseau social avoir "demandé de faire fermer ce compte haineux", et a martelé que "les propagandistes du Hamas n'ont rien à faire dans notre pays".


Restitutions coloniales: le gouvernement français annonce un projet de loi

La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
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  • Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation
  • Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises

PARIS: Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation.

S'appliquant en priorité aux pays africains mais de "portée géographique universelle", ce texte vise à accélérer le retour dans leur pays d'origine de biens culturels appartenant aux collections nationales françaises.

Ils doivent revenir à des "Etats qui, du fait d'une appropriation illicite, en ont été privés" entre 1815 et 1972, selon le ministère français de la Culture.

Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises. Les oeuvres à restituer devront avoir été acquises "dans une situation de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenue par contrainte ou violence ou d'une personne qui ne pouvait en disposer", a précisé le ministère.

La décision de sortie des collections pour opérer cette restitution ne passera plus par un processus législatif au cas par cas mais pourra intervenir sur seul décret du Conseil d'Etat et après avis, le cas échéant, d'une commission scientifique bilatérale.

Cette commission devra en effet documenter et déterminer, si besoin, le caractère illicite de l'appropriation des oeuvres réclamées à travers un travail qui associerait des experts et historiens français et l'Etat demandeur, selon le ministère.

Concernant la période historique retenue, 1815 correspond à la date d'un règlement des conquêtes napoléoniennes qui est dû à un premier mouvement de restitution d'œuvres à l'échelle européenne. 1972 est celle de l'entrée en application de la convention internationale de l'Unesco protégeant les biens culturels contre le trafic illicite.