Soudan: les appels au cessez-le-feu pour la fête de l'Aïd ignorés par les belligérants

Des soldats de l'armée soudanaise gardent une position à Port-Soudan, le 20 avril (Photo, AFP).
Des soldats de l'armée soudanaise gardent une position à Port-Soudan, le 20 avril (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Lundi 24 avril 2023

Soudan: les appels au cessez-le-feu pour la fête de l'Aïd ignorés par les belligérants

  • Réagissant pour la première fois depuis le début des hostilités, le chef de l'armée a tranché: il n'y aura pas de discussions avec son rival
  • Mais les appels au dialogue ou à une trêve même courte n'ont trouvé aucun écho depuis six jours

KHARTOUM: Militaires et paramilitaires se sont livrés à d'intenses combats de rue vendredi à Khartoum, selon des témoins, alors que les belligérants ont ignoré de multiples appels au cessez-le-feu à l'occasion de la fête de l'Aïd el-Fitr, la fin du mois sacré du Ramadan.

La capitale soudanaise a été secouée par des tirs et raids aériens dans la nuit et la matinée, comme c'est le cas quotidiennement depuis le début des combats le 15 avril, qui ont fait "413 morts et 3.551 blessés", selon un nouveau bilan de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

 

Des soldats américains envoyés en renfort dans l'hypothèse d'une évacuation de l'ambassade au Soudan Selon le Pentagone

Les Etats-Unis dépêchent des militaires dans la région du Soudan pour faciliter une éventuelle évacuation du personnel de leur ambassade, dans le contexte des combats entre l'armée soudanaise et les paramilitaires à Khartoum, a annoncé jeudi le Pentagone.

"Nous envoyons des forces supplémentaires dans la région pour sécuriser et faciliter l'éventuel départ du Soudan du personnel américain de l'ambassade, au cas où les circonstances l'imposeraient", a indiqué le Pentagone dans un communiqué, qui ne précise pas le nombre de soldats impliqués.

De nouveaux hôpitaux ont été fortement endommagés à Khartoum, et quatre établissements ont été touchés à al-Obeid, à 350 km au sud de la capitale, souligne le syndicat des médecins. Les combats opposent l'armée régulière du général Abdel Fattah al-Burhane , chef de facto du Soudan depuis le putsch de 2021, et les paramilitaires des Forces de Soutien Rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo .

Sur le plan diplomatique, les consultations s'intensifient:  le ministre britannique des Affaires étrangères, James Cleverly, a indiqué vendredi écourter son déplacement de plusieurs jours dans la région Asie-Pacifique "à cause de la situation au Soudan".

La veille, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, et le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, avaient tous deux appelé séparément à un cessez-le-feu d'"au moins" trois jours pour marquer l'Aïd. Les combats sont concentrés principalement à Khartoum et au Darfour (ouest).

Les FSR ont annoncé "une trêve de 72 heures" à 04H00 GMT mais l'annonce n'a pas été suivie d'effet comme les jours précédents. Créées en 2013, les FSR regroupent des milliers d'anciens Janjawids, des miliciens arabes recrutés par l'ex-dictateur Omar el-Béchir, déchu en 2019, pour combattre des minorités ethniques au Darfour.

A Khartoum, Abdewahid Othmane, un habitant de 53 ans, critique ceux "qui aiment trop le pouvoir. Ils se battent pour le pouvoir mais ils ne s'intéressent pas aux pauvres gens qui n'ont ni eau ni électricité et du mal à se nourrir".

Le général Daglo était depuis le putsch d'octobre 2021 le numéro deux du général Burhane. Ce dernier est apparu jeudi pour la première fois depuis le début des hostilités à la télévision d'Etat et s'est adressé à la nation pour l'Aïd, sans jamais mentionner de trêve.

«Notre pays saigne»

"Pour l'Aïd, notre pays saigne: la destruction, la désolation et le bruit des balles ont pris le pas sur la joie", a déclaré le général Burhane. Jusqu'ici, comme son rival, le général Daglo, il n'avait parlé qu'à des médias et ne s'était pas adressé directement aux 45 millions de Soudanais.

De leur côté, les Etats-Unis vont dépêcher des militaires dans la région pour faciliter une éventuelle évacuation de leur ambassade, alors que l'aéroport est fermé depuis samedi et que les chancelleries appellent leurs ressortissants à se signaler tout en évitant tout déplacement.

Le réseau téléphonique, lui, ne fonctionne plus que par intermittence. Femmes et enfants majoritairement se pressent sur les routes pour fuir, entre points de contrôles et cadavres.

La lutte de pouvoir entre les deux généraux s'est intensifiée au moment de signer les conditions d'intégration des hommes du général Daglo aux troupes régulières du général Burhane, pour finaliser l'accord politique sur le retour des civils au pouvoir. Le conflit latent depuis des semaines s'est alors transformé en bataille rangée, entraînant la fuite de nombreux civils à l'étranger: 10.000 à 20.000 personnes, surtout des femmes et des enfants, sont passés au Tchad voisin, selon l'ONU.

Militaires américains déployés 

Les deux côtés multiplent les annonces de victoire et s'accusent mutuellement, des affirmations impossibles à vérifier sur le terrain tant le danger est permanent.

L'armée de l'air, qui vise les FSR disséminées dans les zones résidentielles, n'hésite pas à larguer des bombes, parfois au-dessus d'hôpitaux, ont témoigné des médecins.

"70% des 74 hôpitaux de Khartoum et des zones touchées par les combats ont été mis hors d'usage", selon leur syndicat.

Les humanitaires ont pour la plupart été forcés de suspendre leur aide après que trois employés du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été tués.

"Ni Burhane ni Daglo n'ont l'air de vouloir céder, la situation pourrait encore empirer", prévient déjà le centre de recherche International Crisis Group (ICG).

"Un conflit de longue durée serait la ruine du Soudan", le troisième producteur d'or d'Afrique et pourtant l'un des pays les plus pauvres du monde où plus du tiers de la population a faim, ajoute l'ICG.

A l'autre extrémité du pays, sur la côte, des dizaines de manifestants ont défilé à Port-Soudan contre ce qu'une banderole décrivait comme "la présence de l'ambassadeur des Emirats arabes unis dans l'est du Soudan". "Non à l'ingérence étrangère", était-il encore écrit.


Syrie: Chareh lance un appel à l'unité un an après la chute d'Assad

Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
Short Url
  • Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence
  • Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer

DAMAS: Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile.

"La phase actuelle exige que tous les citoyens unissent leurs efforts pour bâtir une Syrie forte, consolider sa stabilité, préserver sa souveraineté", a déclaré le dirigeant, endossant pour l'occasion l'uniforme militaire comme le 8 décembre 2024, quand il était entré dans Damas à la tête de forces rebelles.

Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence.

Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer.

Il a rompu avec son passé jihadiste et réhabilité la Syrie sur la scène internationale, obtenant la levée des sanctions internationales, mais reste confronté à d'importantes défis sécuritaires.

De sanglantes violences intercommunautaires dans les régions des minorités druze et alaouite, et de nombreuses opérations militaires du voisin israélien ont secoué la fragile transition.

"C'est l'occasion de reconstruire des communautés brisées et de panser des divisions profondes", a souligné dans un communiqué le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.

"L'occasion de forger une nation où chaque Syrien, indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique, peut vivre en sécurité, dans l'égalité et dans la dignité".

Les célébrations de l'offensive éclair, qui ont débuté fin novembre, doivent culminer lundi avec une parade militaire et un discours du président syrien.

Elles sont toutefois marquées par le boycott lancé samedi par un chef spirituel alaouite, Ghazal Ghazal. Depuis la destitution d'Assad, lui-même alaouite, cette minorité est la cible d'attaques.

L'administration kurde, qui contrôle une grande partie du nord et du nord-est de la Syrie, a également annoncé l'interdiction de rassemblements et événements publics dimanche et lundi "en raison de la situation sécuritaire actuelle et de l'activité accrue des cellules terroristes".

 


Liban: l'armée annonce six arrestations après une attaque visant des Casques bleus

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
Short Url
  • L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban
  • "Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité

BEYROUTH: Six personnes ont été arrêtées au Liban, soupçonnées d'être impliquées dans une attaque d'une patrouille de Casques bleus jeudi dans le sud du pays, qui n'a pas fait de blessés, a annoncé l'armée libanaise samedi.

L'incident s'était produit jeudi soir, selon un communiqué de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) quand "des Casques bleus en patrouille ont été approchés par six hommes sur trois mobylettes près de Bint Jbeil". "Un homme a tiré environ trois coups de feu sur l'arrière du véhicule. Personne n'a été blessé".

L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban, où, déployée depuis 1978, elle est désormais chargée de veiller au respect du cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la dernière guerre entre Israël et le Hezbollah pro-iranien.

"Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité.

Bastion du Hezbollah, le sud du Liban subit ces dernières semaines des bombardements réguliers de la part d'Israël, qui assure viser des cibles du mouvement chiite et l'accuse d'y reconstituer ses infrastructures, en violation de l'accord de cessez-le-feu.

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre.

Mercredi, le quartier général de la Finul a accueilli à Naqoura, près de la frontière avec Israël, de premières discussions directes, depuis des décennies, entre des responsables israélien et libanais, en présence de l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus.

Le président libanais, Joseph Aoun, a annoncé de prochaines discussions à partir du 19 décembre, qualifiant de "positive" la réunion tenue dans le cadre du comité de surveillance du cessez-le-feu, disant que l'objectif était d'éloigner "le spectre d'une deuxième guerre" au Liban.


Les efforts pour panser les «profondes divisions» de la Syrie sont ardus mais «pas insurmontables», déclare Guterres

Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
Short Url
  • Antonio Guterres salue "la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", "la résilience et le courage" des Syriens
  • La transition offre l'opportunité de "forger une nation où chaque Syrien peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité"

NEW YORK : Les efforts pour guérir les "profondes divisions" de la Syrie seront longs et ardus mais les défis à venir ne sont "pas insurmontables", a déclaré dimanche le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à l'occasion du premier anniversaire de la chute du régime Assad.

Une offensive surprise menée par une coalition de forces rebelles dirigées par Hayat Tahrir al-Sham et des milices alliées a rapidement balayé les zones tenues par le régime à la fin du mois de novembre 2024. En l'espace de quelques jours, elles se sont emparées de villes clés et ont finalement capturé la capitale Damas.

Le 8 décembre de l'année dernière, alors que les défenses du régime s'effondraient presque du jour au lendemain, le président de l'époque, Bachar Assad, a fui la République arabe syrienne, mettant fin à plus de 50 ans de règne brutal de sa famille.

"Aujourd'hui, un an s'est écoulé depuis la chute du gouvernement Assad et la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", a déclaré M. Guterres, saluant la "résilience et le courage" des Syriens "qui n'ont jamais cessé de nourrir l'espoir en dépit d'épreuves inimaginables".

Il a ajouté que cet anniversaire était à la fois un moment de réflexion sur les sacrifices consentis en vue d'un "changement historique" et un rappel du chemin difficile qui reste à parcourir pour le pays.

"Ce qui nous attend est bien plus qu'une transition politique ; c'est la chance de reconstruire des communautés brisées et de guérir de profondes divisions", a-t-il déclaré, ajoutant que la transition offre l'occasion de "forger une nation où chaque Syrien - indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique - peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité".

M. Guterres a souligné que les Nations Unies continueraient à soutenir les Syriens dans la mise en place de nouvelles institutions politiques et civiques.

"Les défis sont importants, mais pas insurmontables", a-t-il déclaré. "L'année écoulée a montré qu'un changement significatif est possible lorsque les Syriens sont responsabilisés et soutenus dans la conduite de leur propre transition.

Il a ajouté que les communautés à travers le pays construisent de nouvelles structures de gouvernance et que "les femmes syriennes continuent de mener la charge pour leurs droits, la justice et l'égalité".

Bien que les besoins humanitaires restent "immenses", il a souligné les progrès réalisés dans la restauration des services, l'élargissement de l'accès à l'aide et la création de conditions propices au retour des réfugiés et des personnes déplacées.

Des efforts en matière de justice transitionnelle sont en cours, a-t-il ajouté, ainsi qu'un engagement civique plus large. M. Guterres a exhorté les gouvernements à soutenir fermement une "transition dirigée par les Syriens et prise en charge par les Syriens", précisant que le soutien doit inclure le respect de la souveraineté, la suppression des obstacles à la reconstruction et un financement solide pour le redressement humanitaire et économique.

"En ce jour anniversaire, nous sommes unis dans un même but : construire les fondations de la paix et de la prospérité et renouveler notre engagement en faveur d'une Syrie libre, souveraine, unie et ouverte à tous", a ajouté M. Guterres.