Au procès Sarkozy, l'ancien haut magistrat et «l'affaire B.»

Gilbert Azibert, 73 ans, un masque FFP2 glissé sous ses lunettes, s'emporte contre des « accusations insupportables » (Photo, AFP)
Gilbert Azibert, 73 ans, un masque FFP2 glissé sous ses lunettes, s'emporte contre des « accusations insupportables » (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 03 décembre 2020

Au procès Sarkozy, l'ancien haut magistrat et «l'affaire B.»

  • «On me fait grief d'avoir contacté je ne sais qui pour obtenir je ne sais quoi. (...) Mais tout ce qui est à décharge, on n'en parle pas», regrette M. Azibert
  • Il insiste à plusieurs reprises sur sa spécialisation en procédure pénale, lui qui «annotait depuis 30 ans» une revue juridique

PARIS : « Ca m'intéressait sur un plan juridique »: l'ex-haut magistrat Gilbert Azibert, jugé au côté de Nicolas Sarkozy pour corruption, a vivement réfuté mercredi avoir influé sur un pourvoi de l'ex-président dans l'affaire Bettencourt en échange d'un « coup de pouce » pour un poste à Monaco.

« Grotesque », « indigne »: le ton assuré à la barre du tribunal correctionnel, Gilbert Azibert, 73 ans, un masque FFP2 glissé sous ses lunettes, s'emporte contre des « accusations insupportables ». 

Après 40 ans d'une carrière sans accroc, qui l'a mené de Marseille à la Cour de cassation en passant par la Chancellerie, il a pris sa retraite après sa mise en cause dans l'affaire des « écoutes », qui l'a « détruit » six ans et demi plus tôt.

Début 2014, les juges enquêtant sur des soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 découvrent que l'ex-chef de l'Etat converse avec son avocat Thierry Herzog sur une ligne officieuse, ouverte sous l'alias de « Paul Bismuth ». 

Dans certains échanges, l'ancien président s'inquiète du sort de son pourvoi déposé devant la Cour de cassation pour que lui soient rendus ses agendas saisis dans l'affaire Bettencourt. Dans ce dossier, il avait obtenu un non-lieu fin 2013 mais ses agendas étaient susceptibles d'intéresser les juges dans d'autres affaires. 

Gilbert Azibert, ami de 25 ans de Me Herzog et alors avocat général dans une chambre civile de la Cour, est soupçonné d'avoir cherché à obtenir des informations couvertes par le secret et tenté d'influencer ses collègues de la chambre criminelle amenés à se prononcer sur ce pourvoi. 

Et ce, en contrepartie d'une intervention du « président Sarkozy » pour le poste de prestige que le magistrat convoitait à Monaco, et pour lequel il affirme devant le tribunal « ne pas avoir candidaté ». 

Ces accusations de corruption et de trafic d'influence ont à nouveau été balayées par Gilbert Azibert, et la défense toute entière, Hervé Temime, l'un des défenseurs de Me Herzog, vitupérant contre un « dossier horrible ».

« La vérité »

« On me fait grief d'avoir contacté je ne sais qui pour obtenir je ne sais quoi. (...) Mais tout ce qui est à décharge, on n'en parle pas », regrette M. Azibert. Le regard appuyé vers les procureurs financiers, il rappelle que tous les conseillers de la Cour ont assuré lors de l'enquête qu'il ne « les avait pas contactés ». 

Dans des conversations entre Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog, ce dernier laisse pourtant entendre que le magistrat a « glané » des « informations privilégiées » et qu'il a bien contacté des conseillers, relève la présidente Christine Mée. 

« Peut-être que Thierry Herzog a voulu rassurer son client », avance Gilbert Azibert. 

Et quid de l'arrêt de la chambre de l'instruction de Bordeaux sur les agendas présidentiels trouvé en perquisition à son domicile, transmis par Me Herzog alors qu'il était couvert par le secret?

« Je n'ai pas caché que c'est lui (Thierry Herzog) qui me l'avait donné », assume Gilbert Azibert. Après l'échec d'un envoi par mail, il était même allé le récupérer dans le cabinet de Me Herzog.

« Je ne me suis pas posé la question (du secret). Pour moi, c'est un document de travail qu'on a retrouvé chez moi comme d'autres qu'on n'a pas voulu voir », se défend le prévenu, « excédé » de se trouver devant le tribunal.

Il insiste à plusieurs reprises sur sa spécialisation en procédure pénale, lui qui « annotait depuis 30 ans » une revue juridique.

Début 2014, « l'affaire B. intéresse la France entière » et la question juridique de la saisie des agendas d'un président de la République particulièrement Gilbert Azibert, « sur un plan juridique ».

La Cour de cassation donnera finalement tort à Nicolas Sarkozy et, pour cet ex-haut magistrat, « il y a un problème constitutionnel sérieux qui n'a toujours pas été tranché », sur la « violation de la séparation des pouvoirs », dit-il au tribunal.

Nicolas Sarkozy, premier président de la Ve République à comparaître pour corruption, doit être interrogé lundi.

Profitant d'une saillie de la défense contre des écoutes jugées « illégales », l'ex-président se lève et promet de « (s'expliquer) sur toutes les conversations » car il veut « la vérité ».

L'interrogatoire de Gilbert Azibert a été brutalement suspendu en fin de journée après de très vives tensions entre le parquet et la défense. Il reprendra jeudi.


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».


Selon ManPowerGroup, l'IA pourrait réduire l'importance des « compétences » dans le recrutement

Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
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  • L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences ».
  • « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

PARIS : L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences », selon un dirigeant de ManPowerGroup.

En effet, « les compétences pourraient s'avérer obsolètes dans six mois », explique Tomas Chamorro-Premuzic, directeur de l'innovation du géant américain du travail temporaire, rencontré par l'AFP au salon Vivatech, à Paris, qui ferme ses portes samedi.  Selon lui, « il vaut mieux savoir que vous travaillez dur, que vous êtes curieux, que vous avez de bonnes aptitudes relationnelles et ça, l'IA peut vous aider à l'évaluer ».

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

Cependant, les tâches informatiques (utilisation d'Internet, messagerie, etc.) pouvant être accomplies de manière autonome par des agents d'IA connaissent une « rapide expansion ». 

Dans ce contexte, les employeurs pourraient rechercher de plus en plus de salariés dotés de compétences hors de portée de l'IA, telles que le jugement éthique, le service client, le management ou la stratégie, comme l'indique une enquête de ManpowerGroup menée auprès de plus de 40 000 employeurs dans 42 pays et publiée cette semaine.

M. Chamorro-Premuzic déplore toutefois que ces compétences ne soient pas encore davantage mises en avant dans la formation. « Pour chaque dollar que vous investissez dans la technologie, vous devez investir huit ou neuf dollars dans les ressources humaines, la transformation culturelle, la gestion du changement », dit-il.

Les craintes d'un chômage de masse provoqué par l'IA restent par ailleurs exagérées à ce stade, estime le dirigeant, malgré certaines prédictions alarmistes.

D'après Dario Amodei, patron de la société d'intelligence artificielle Anthropic, cette technologie pourrait faire disparaître la moitié des emplois de bureau les moins qualifiés d'ici cinq ans. 

« Si l'histoire nous enseigne une chose, c'est que la plupart des prévisions sont fausses », répond M. Chamorro-Premuzic.

Concernant le recrutement, activité principale de ManPowerGroup, le dirigeant ajoute que « les agents d'intelligence artificielle ne deviendront certainement pas le cœur de notre métier dans un futur proche ». Il constate également que l'IA est utilisée par les demandeurs d'emploi.

« Des candidats sont capables d'envoyer 500 candidatures parfaites en une journée, de passer des entretiens avec leurs bots et de déjouer certains éléments des évaluations », énumère-t-il.