Emmanuel Macron met une pression maximale sur Élisabeth Borne

Le président français Emmanuel Macron s'exprime en présence de la Première ministre française Elisabeth Borne lors de leur rencontre avec l'association patronale française Mouvement des entreprises de France, à l'Elysée à Paris, le 18 avril 2023 (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron s'exprime en présence de la Première ministre française Elisabeth Borne lors de leur rencontre avec l'association patronale française Mouvement des entreprises de France, à l'Elysée à Paris, le 18 avril 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 26 avril 2023

Emmanuel Macron met une pression maximale sur Élisabeth Borne

Emmanuel Macron met une pression maximale sur Élisabeth Borne
  • Lorsque Emmanuel Macron a pris la parole au lendemain de la validation du Conseil constitutionnel de sa réforme des retraites, le grand non-dit de son discours concernait sa Première ministre, Mme Borne
  • En fixant à sa Première ministre une période de cent jours et une série de défis à relever, Emmanuel Macron veut donner cette illusion qu’il est toujours maître des horloges et des calendriers

La théorie du Premier ministre fusible du président de la république a été très courante au cours des dernières décennies en France. À l’exception du mandat de Nicolas Sarkozy (2007/2012) qui a eu François Fillon comme chef de gouvernement durant cinq ans, les autres présidents ont tous utilisé le poste de Premier ministre pour organiser la respiration et la dynamique de leur mandat. Après Édouard Philippe, est-ce au tour d’Élisabeth Borne de goûter au rite sacrificiel de la 5e république?

En effet, lorsque Emmanuel Macron a pris la parole au lendemain de la validation du Conseil constitutionnel de sa réforme des retraites, le grand non-dit de son discours concernait sa Première ministre, Mme Borne. Un non-dit crypté, mais tellement clair sur la nouvelle séquence qui attend la gouvernance Macron et sur l’avenir de la locataire de Matignon.

Déjà, le fait de fixer une période de cent jours, donnant la vague illusion que son second mandat commence réellement au lendemain de cette crise des retraites, est en soi un avertissement dans le temps sur la durée de vie d’Élisabeth Borne à son poste de Première ministre.

En outre, le fait de coupler cette période avec des objectifs précis, tous faisant partie du cahier des charges de la Première ministre, met une forte pression sur les épaules de Mme Borne et lui impose une obligation de résultat qui va se payer comptant.

Emmanuel Macron lui a confié trois objectifs essentiels, dont la réalisation pourrait sortir le pays de cette impasse dans laquelle la logique d’une réforme imposée l’a enfermé.

Le premier étant de faire adopter, dans un contexte de grande inflation et de baisse notoire du pouvoir d’achat, des mesures à vocation économique et sociale qui pourraient susciter l’adhésion et l’empathie des Français. Après le choc de la réforme de structure, il faut alterner avec des réformes de consensus et de compromis. L’idée étant de chasser des esprits les accusations d’une gouvernance de clivages et de ruptures aiguës.

Le deuxième objectif est de tenter de briser ce front syndical inédit qui joue le rôle de carburant de toutes les grandes manifestations dans la rue. Il est clair que le bloc syndical uni qui s’est opposé à la réforme de retraite a joué un rôle primordial dans l’expression de cette colère généralisée qui refuse cette réforme et oblige le gouvernement à passer en force. Casser discrètement ce front syndical nécessite une politique qui vise à séduire et à attirer dans ses filets les syndicats dits «réformistes» et à isoler les plus radicaux, en leur faisant perdre leur crédibilité et leurs capacités de mobilisation. Pour atteindre cet objectif, Élisabeth Borne doit montrer toute la palette de son intelligence de gouvernement.

Le troisième objectif confié à la Première ministre est celui de tenter d’élargir la majorité parlementaire qui la soutient. En l’absence d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, Mme Borne a gouverné, depuis sa nomination à Matignon, à coups de 49.3. Ce fameux article constitutionnel qui lui fait l’économie d’un débat et d’un vote parlementaire. Cet article offre un confort, une forme de facilité, mais il ne peut s’ériger en mode de gouvernement. Emmanuel Macron sait que l’abus de ce 49.3 finira par être perçu comme un exercice qui tue le souffle et la dynamique démocratique qui consiste à permettre aux représentants de la nation de discuter, de choisir et de trancher.

Emmanuel Macron aurait dû logiquement se séparer de Mme Borne au lendemain de la motion de censure qui a failli lui retirer sa confiance, mais le faire sous la pression des événements signerait le fait que les oppositions syndicales et politiques ont réussi à l’obliger à poser un genou à terre et à concéder une défaite

Mustapha Tossa

Depuis le début de cette crise, Emmanuel Macron avait fait le pari qu’il serait fatalement rejoint dans cette aventure par les parlementaires du parti les Républicains. Or, ce parti encore sous le choc de multiples défaites et d’une guerre sans merci des ego, pris dans un tourbillon de contradictions, n’était pas au rendez-vous, obligeant le gouvernement à passer en force.

Élisabeth Borne a cent jours pour réaliser ces trois objectifs. À moins de lui fabriquer une baguette magique politique, il est difficilement imaginable qu’elle puisse réussir cette mission. Ce qui donne à certains la certitude que ses jours sont comptés à Matignon et que le président Macron n’aura d’autres choix que de faire appel à une nouvelle équipe gouvernementale.

Emmanuel Macron aurait dû logiquement se séparer de Mme Borne au lendemain de la motion de censure qui a failli lui retirer sa confiance, mais le faire sous la pression des événements signerait le fait que les oppositions syndicales et politiques ont réussi à l’obliger à poser un genou à terre et à concéder une défaite.

En lui fixant une période de cent jours et une série de défis à relever, Emmanuel Macron veut donner cette illusion qu’il est toujours maître des horloges et des calendriers. Il lui reste également dans ses options la fameuse carte de dissuasion politique qui consiste à menacer de dissoudre le Parlement et de convoquer des élections législatives anticipées dans l’espoir, incertain, de reconquérir une majorité absolue qui lui permettrait de gouverner de manière verticale et confortable.

 

 

Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.  

Twitter: @tossamus

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.