Cinq raisons pour lesquelles les États-Unis devraient maintenir leur engagement dans le Golfe

Le président américain élu, Joe Biden. (Reuters)
Le président américain élu, Joe Biden. (Reuters)
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Publié le Vendredi 04 décembre 2020

Cinq raisons pour lesquelles les États-Unis devraient maintenir leur engagement dans le Golfe

Cinq raisons pour lesquelles les États-Unis devraient maintenir leur engagement dans le Golfe
  • À Washington comme dans les capitales du Golfe, d’importantes discussions portent actuellement sur la nature des relations entre le Conseil de coopération du Golfe (CCG) et les États-Unis sous le président élu, Joe Biden
  • À mon avis, bien des raisons placent le Golfe en tête des préoccupations extérieures des États-Unis

À Washington comme dans les capitales du Golfe, d’importantes discussions portent actuellement sur la nature des relations entre le Conseil de coopération du Golfe (CCG) et les États-Unis sous le président élu, Joe Biden. Il est tout à fait compréhensible que la nouvelle administration se concentre sur la lutte contre le coronavirus (Covid-19) au niveau national et sur la relance de son économie. Toutefois, cela n'a pas empêché par le passé les États-Unis de coopérer avec le reste du monde tout en protégeant les intérêts américains à l'étranger. Je ne partage pas le point de vue des pessimistes qui pensent que les États-Unis n'auront pas le temps, l'énergie ni la volonté de se préoccuper du Golfe. À mon avis, bien des raisons placent le Golfe en tête des préoccupations extérieures des États-Unis.

En premier lieu figurent la sécurité de la région du Golfe et la politique américaine vis-à-vis de l'Iran. Par ailleurs, avec l'élection de M. Biden, les appels lancés aux États-Unis pour qu'ils retirent ou réduisent leur présence au Moyen-Orient, y compris dans la région du Golfe, ont ravivé les inquiétudes. Ces appels remontent notamment à la présidence Obama et à sa double politique de «retrait stratégique» et de «pivot» ou de «rééquilibrage» de la politique étrangère américaine pour qu'elle soit davantage axée sur l'Asie et le Pacifique que sur l'Europe et le Moyen-Orient. Les médias ont amplifié les implications de ces politiques dans le Golfe, alors que leurs conséquences étaient en réalité négligeables. Les États-Unis ont maintenu une présence sécuritaire solide dans le Golfe et ont poursuivi la formation et l'équipement des forces militaires des États du CCG, tout en renforçant, sur plusieurs plans, leur engagement avec le CCG en tant que bloc.

Plus inquiétant encore est l'accord sur le nucléaire iranien, signé sans prendre en compte les craintes des pays du CCG, qui sont pourtant les premiers concernés par le programme de Téhéran et les plus proches géographiquement des centrales nucléaires iraniennes. La centrale nucléaire de Bouchehr, par exemple, se situe à deux cents kilomètres seulement des principales agglomérations du CCG.

En outre, l'accord a entraîné des conséquences inattendues, telles que la montée des activités déstabilisatrices de l'Iran dans toute la région. Si l'administration Obama était fortement préoccupée par ces activités, sa réponse fut plutôt discrète, parce qu'elle souhaitait conclure l'accord nucléaire au plus vite. De même, alors qu'elle observait non sans inquiétude le développement rapide par l'Iran de son programme de missiles balistiques après la conclusion de l'accord nucléaire, l'administration Obama a répondu de manière passablement modérée. L'Iran, qui a mal interprété le message, s'est estimé libre de ses actes dans la région en échange de la signature de l'accord.

L'accord nucléaire signé a également permis à l'Iran de se libérer de plusieurs des sanctions imposées par les États-Unis et de débloquer des fonds importants, ce qui l'a rendu plus apte à se mêler des affaires de ses voisins, à soutenir des mouvements sectaires et terroristes et à compromettre la liberté de navigation.

Lorsque l'administration Biden commencera à exposer sa politique à l'égard de l'Iran, elle prendra certainement en compte ces conséquences inattendues. D'une part, il est désormais évident qu’il nous faut plus qu’un accord qui porte uniquement sur le programme nucléaire de l'Iran. Il faut plutôt mettre sur la table des discussions les activités régionales et le programme de missiles de ce pays. Il est également évident, dans la mesure où il a été facile pour l'Iran d'accélérer son programme nucléaire au cours des derniers mois, que l'accord doit prévoir de prolonger la période de temporisation et de renforcer les inspections.
 

Le rôle que joue l'Iran dans la région figure parmi les principales préoccupations partagées par les États-Unis et les pays du CCG; en effet, ils souhaitent contrer le régime de Téhéran et modifier son comportement pour le rendre conforme aux normes internationales. Dans ses communications avec l'Iran, le CCG a proposé des moyens susceptibles de calmer les tensions et de rétablir la confiance. Les États-Unis sont en mesure de soutenir ces efforts. Une mission qui s'annonce difficile, car les partisans de la ligne dure en Iran ont remporté une majorité écrasante aux élections parlementaires de février dernier. On s'attend également à ce que les partisans de la ligne dure remportent la prochaine élection présidentielle, prévue au mois de juin 2021, ce qui resserrera l'emprise du Corps des gardiens de la révolution islamique sur le pouvoir et renforcera son pouvoir de contrecarrer les efforts de désamorçage du conflit.

La deuxième raison pour placer le Golfe en tête de la liste des priorités en matière de politique étrangère de l'administration Biden est la lutte contre le terrorisme. Ce dernier est en pleine expansion, avec le regroupement de Daech en Irak et en Syrie et l'intensification des activités d'Al-Qaïda en Afrique. Le partenariat entre le CCG et les États-Unis a joué un rôle efficace dans la lutte contre les activités terroristes aux niveaux militaire, politique et du renseignement. Grâce à des institutions spécialisées, les États-Unis et le CCG ont également œuvré de concert afin d’interrompre le financement des terroristes et leurs tentatives pour recruter des jeunes.

Troisièmement, les États-Unis continueront probablement à s'engager sur plusieurs autres problèmes régionaux; ils se rendront compte que les États du CCG sont engagés sur les mêmes problèmes et que les deux parties pourront unir leurs efforts pour les résoudre. Parmi ces problèmes figurent le conflit israélo-palestinien, la Syrie, le Liban, l'Irak, le Yémen et l'Afghanistan. Il faut également citer les tensions grandissantes dans la Corne de l'Afrique et le différend entre l'Égypte et l'Éthiopie.

Les deux parties souhaitent contrer le régime de Téhéran et modifier son comportement pour qu'il se conforme aux normes internationales.

Quatrièmement, le changement de l'environnement énergétique. Maintenant que les États-Unis ont retrouvé leur rôle de producteur et d'exportateur de pétrole, ils partagent davantage d'intérêts communs avec les producteurs de pétrole du CCG. En avril, les États-Unis ont joué le rôle de médiateur entre l'Opep et la Russie afin de réduire la surproduction de pétrole qui avait entraîné une chute des prix. Alors que les États-Unis ont joué un rôle majeur dans le développement de l'industrie pétrolière classique dans le Golfe plusieurs décennies auparavant, de nouveaux partenariats sont désormais possibles dans le domaine du pétrole et du gaz de schiste, ainsi que dans celui des énergies renouvelables et de l’économie d'énergie.

En cinquième lieu, le commerce et l'investissement revêtent une importance particulière pour les États-Unis, qui cherchent à reconstruire leur économie gravement affectée par la Covid-19 et à résoudre les différends commerciaux. En outre, les pays du CCG entreprennent des efforts de diversification ambitieux qui offrent d'importantes possibilités de partenariats fructueux entre les entreprises américaines et celles du Golfe. Les précédents sommets qui ont uni le CCG et les États-Unis dans le passé ont permis de recenser un large éventail d'opportunités, économiques et autres, qui ont déjà été réalisées en partie.

Les États-Unis et les pays du CCG réussiront à tirer un grand profit d’une telle palette d’intérêts partagés s'ils renforcent leur partenariat, tant collectivement que bilatéralement, avec chaque État membre. Bien entendu, il y aura des divergences sur certaines questions clés mais, par un dialogue constant et sincère, elles pourront être aplanies pour aboutir à une convergence des points de vue.

Le Dr Abdel Aziz Aluwaisheg est le secrétaire général adjoint du Conseil de coopération du Golfe pour les affaires politiques et la négociation et chroniqueur pour Arab News.

Twitter: @abuhamad1

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com.