Turquie: ce que l'opposition veut changer (ou pas) si elle est élue

Le président turc Recep Tayyip Erdogan s'exprime lors d'un rassemblement électoral sur la place Gundogdu à Izmir , le 29 avril 2023 (Photo, AFP).
Le président turc Recep Tayyip Erdogan s'exprime lors d'un rassemblement électoral sur la place Gundogdu à Izmir , le 29 avril 2023 (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Dimanche 30 avril 2023

Turquie: ce que l'opposition veut changer (ou pas) si elle est élue

  • L'opposition veut revenir à un système parlementaire dans lequel les pouvoirs de l'exécutif seront confiés à un Premier ministre élu par le Parlement
  • L'opposition promet de rompre immédiatement avec la politique défendue bec et ongles par Erdogan

ISTANBUL: L'alliance de l'opposition turque promet, en cas de victoire aux élections présidentielle et législatives en mai, de rompre avec deux décennies d'héritage du président Recep Tayyip Erdogan.

Voici ce qu'elle veut changer.

Retour au jeu démocratique

"Notre République sera couronnée de démocratie": Kemal Kiliçdaroglu, candidat de l'Alliance nationale à la présidentielle, veut en finir avec "le régime d'un seul homme", une formule qu'il répète à l'envi pour dénoncer l'extrême concentration des pouvoirs entre les mains du président Erdogan.

Dans son programme de 240 pages, l'alliance, qui réunit six partis, promet l'abandon du régime présidentiel introduit en 2018 et le retour à une séparation stricte des pouvoirs, avec un "exécutif comptable" de ses décisions.

L'opposition veut revenir à un système parlementaire dans lequel les pouvoirs de l'exécutif seront confiés à un Premier ministre élu par le Parlement. Le président sera élu pour mandat unique de sept ans.

"Changer de régime ne sera pas simple en raison du seuil parlementaire très élevé des 3/5 nécessaire pour les révisions constitutionnelles", estime toutefois Bertil Oder, professeure de droit constitutionnel à l'université Koç d'Istanbul.

Vent de libertés

L'opposition promet une "justice indépendante et impartiale" et la libération de nombreux prisonniers dont le mécène Osman Kavala, condamné à la prison à vie.

M. Kiliçdaroglu affirme aussi qu'il fera libérer Selahattin Demirtas, chef de file du parti prokurde HDP (Parti démocratique des Peuples) et bête noire du président Erdogan, emprisonné depuis 2016 pour "propagande terroriste".

L'Alliance nationale, qui compte en son sein le Bon Parti, influente formation nationaliste, n'a toutefois fait aucune proposition concrète pour résoudre la question kurde.

L'opposition veut raviver la liberté d'expression et celle de la presse, très largement reprise en main. Son dirigeant souhaite abolir le délit d'"insulte au président", qui a permis d'étouffer les voix dissonantes, promettant aux Turcs qu'ils pourront le "critiquer très facilement".

Défendre «toutes les femmes» 

Président du Parti républicain du peuple (CHP, laïque), Kemal Kiliçdaroglu veut garantir le port du voile dans la loi, afin de rassurer les électrices conservatrices qui redoutent que son parti, historiquement hostile au foulard, ne revienne sur certains acquis obtenus sous Erdogan.

"Nous défendrons les droits de toutes les femmes", a-t-il promis, s'engageant également à "respecter les croyances, modes de vie et identités de chacun", à l'opposé d'Erdogan.

Kiliçdaroglu souhaite réintégrer la Turquie dans la Convention d'Istanbul, qui impose de poursuivre les auteurs de violences contre les femmes et qu'Ankara avait quittée en 2021.

Sous le règne d'Erdogan : gagnants et perdants en Turquie

Le président Recep Tayyip Erdogan et son parti de la Justice et du développement (AKP) dominent la vie politique en Turquie depuis vingt ans.

Certains pans de la société en ont tiré bénéfice, d'autres y ont perdu, dans un pays polarisé. Quelques exemples à la veille des élections présidentielle et législatives du 14 mai.

Les gagnants

LES RELIGIEUX

La direction des affaires religieuses, ou Diyanet, est devenue une force sociale puissante sous M. Erdogan, lui-même un pieux musulman dont le parti islamo-conservateur a défié les fondements laïcs de la Turquie post-ottomane. Le Diyanet dispose de sa propre chaîne de télévision, qui pèse sur le débat politique, et bénéficie d'un budget comparable à celui d'un ministère de taille moyenne. L'étendue de ses prérogatives en a fait une cible des adversaires laïques du président qui se plaignent de l'augmentation du nombre des mosquées, des cours de Coran et de l'influence des confréries religieuses. L'ancien chef du Diyanet, Mehmet Görmez, s'est ainsi retrouvé mêlé à un scandale sur son style de vie jugé somptueux.

LE SECTEUR IMMOBILIER ET LA CONSTRUCTION

Sous M. Erdogan, l'immobilier et les grands chantiers se sont développés partout en Turquie, stimulant la croissance. Certains groupes et entrepreneurs considérés comme proches du gouvernement se sont vu octroyer des marchés publics juteux. Cette frénésie a remodelé ce pays, offrant des logements neufs à des millions de personnes tout en modifiant profondément la silhouette de villes comme Istanbul, soudain couvertes de gratte-ciel. Cette frénésie de développement a accompagné l'appétit du chef de l'Etat pour les "projets fous", de méga-investissements ambitieux de plusieurs milliards de dollars - ponts, autoroutes, aéroports,etc. - dont le Canal Istanbul, imaginé pour doubler le Bosphore mais toujours dans les limbes.

LES FEMMES CONSERVATRICES

M. Erdogan a défendu les droits des musulmans conservateurs après des décennies d'un régime résolument laïc. Les femmes pieuses ont ainsi été progressivement autorisées à porter le foulard - jusqu'alors interdit de fait - dans les universités, la fonction publique, la police et au parlement. Le chef de l'Etat en a fait une affaire personnelle parce que ses deux filles, couvertes comme leur mère, n'avaient "pas été autorisées à porter le foulard" à l'université.

Les perdants 

LES MEDIAS

Le paysage médiatique turc, autrefois cité en exemple pour son pluralisme, s'est progressivement étriqué sous M. Erdogan. Les observateurs estiment que 90% des médias turcs sont désormais sous le contrôle du gouvernement ou de ses partisans. Le président sortant a favorisé l'acquisition de journaux et de chaînes de télévision par des hommes d'affaires proches du pouvoir auxquels des prêts publics ont été accordés. Parallèlement, s'engageait la répression des voix critiques, en particulier de celles des médias kurdes, encore renforcée après le coup d'État manqué de 2016. Selon l'association turque P24, soixante-quatre journalistes sont actuellement emprisonnés.

LES MILITAIRES

L'armée turque, profondément laïque et coutumière des coups d'État, a progressivement perdu son influence sur la scène politique. Le processus s'est accéléré après qu'une faction a organisé une tentative de coup d'État en 2016, imputée à un prédicateur musulman exilé aux États-Unis. Le président Erdogan a répliqué par des purges qui ont envoyé des milliers de soldats en prison – à vie pour des centaines d'entre eux. Les militaires ayant les grades les plus élevés ont été décimés, altérant les capacités de la principale force sur le flanc oriental de l'Otan. L'armée de l'air, en particulier, a perdu nombre de ses pilotes et de ses officiers.

Bilans nuancés 

KURDES

Réprimés par les gouvernements laïcs comme la plupart des minorités en Turquie, les Kurdes ont aidé M. Erdogan à se faire élire et l'ont soutenu à ses débuts. Le chef de l'Etat a tenté de promouvoir leurs droits culturels et linguistiques, ouvrant des négociations pour mettre fin à la lutte armée d'une partie d'entre eux et leur octroyer une plus large autonomie dans le sud-est. Mais après l'échec de ces pourparlers et une flambée de violences en 2015-2016, la communauté kurde (15 à 20 millions de personnes) s'est retrouvée sous une pression croissante. Des dizaines de dirigeants kurdes ont été emprisonnés ou démis de leurs fonctions électives. Le principal parti prokurde, le HDP, dont le chef de file est emprisonné, risque d'être interdit comme bien d'autres avant lui, accusé de "terrorisme".

LA CLASSE MOYENNE

La Turquie a connu un boom économique au cours de la première décennie au pouvoir de M. Erdogan, générant une nouvelle classe moyenne florissante. Mais, depuis 2013, l'économie passe d'une crise à une autre. Selon la Banque mondiale, le produit intérieur brut actuel de la Turquie - qui mesure la richesse d'un pays - est retombé au niveau des cinq premières années au cours desquelles M. Erdogan a été au pouvoir. Avec une inflation officielle de plus de 85% atteinte l'an dernier, les économies de millions de ménages sont parties en fumée. Et de nombreuses familles peinent à finir le mois désormais.

Economie: retour à l'orthodoxie

L'opposition promet de rompre immédiatement avec la politique défendue bec et ongles par Erdogan qui, à rebours des théories économiques classiques, entend continuer de baisser les taux d'intérêt malgré une inflation supérieure à 50%.

L'Alliance nationale assure qu'elle ramènera l'inflation "à un chiffre d'ici deux ans" et "rendra sa crédibilité à la livre turque", qui a perdu près de 80% de sa valeur en cinq ans face au dollar.

"Quel que soit le vainqueur des élections, il est peu probable que l'économie turque se rétablisse rapidement", juge cependant Erdal Yalçin, professeur d'économie internationale à l'université de Constance (Allemagne).

Diplomatie apaisée

L'opposition vise "une pleine adhésion à l'Union européenne", affirme Ahmet Ünal Çeviköz, conseiller spécial de Kemal Kiliçdaroglu. Mais diplomates et observateurs n'escomptent pas d'avancée à court ou moyen terme.

Consciente qu'Ankara a irrité ses alliés de l'Otan en nouant depuis 2016 une relation privilégiée avec Moscou, elle veut réaffirmer la place de la Turquie au sein de l'Alliance tout en maintenant un "dialogue équilibré" avec la Russie, convaincue de pouvoir aider à mettre fin au conflit en Ukraine.

Mais la priorité, selon M. Çeviköz, sera de renouer avec la Syrie de Bachar al-Assad: une réconciliation indispensable pour assurer le retour, "sur une base volontaire" et en moins de deux ans, des 3,7 millions de réfugiés syriens vivant en Turquie, une promesse qui inquiète les défenseurs des droits humains.

Turquie : Erdogan face au péril jeunes

Emre Ali Ferli a 18 ans et n'a connu que Recep Tayyip Erdogan au pouvoir. Cet étudiant votera à la présidentielle du 14 mai en Turquie pour le principal opposant au chef de l'Etat, Kemal Kiliçdaroglu.

"Je suis fatigué de me lever chaque jour en pensant à la politique. Lorsque le président Erdogan ne sera plus là, les jeunes pourront se concentrer sur leurs examens et s'exprimer librement", prophétise-t-il.

Comme Emre, 5,2 millions de primo-votants ayant grandi sous l'ère Erdogan, soit 8% environ de l'électorat, sont appelés aux urnes mi-mai.

"C'est par vous que le printemps arrivera", a lancé Kemal Kiliçdaroglu, le chef du CHP (social-démocrate) et candidat d'une alliance de six partis d'opposition, à des jeunes réunis mi-avril à Ankara.

Selon un récent sondage, seuls 20% des 18-25 ans voteront pour le président turc et son parti aux élections présidentielle et législatives du 14 mai, considérées comme les plus périlleuses pour M. Erdogan depuis son accession au pouvoir en 2003.

A l'approche du double scrutin, MM. Erdogan et Kiliçdaroglu, âgés respectivement de 69 et 74 ans, rivalisent de promesses pour séduire la génération Z (taxe supprimée sur l'achat des téléphones portables, forfait internet gratuit, carte jeunes, etc.). D'autant qu'un troisième homme, Muharrem Ince, cherche à se poser en candidat de la jeunesse.

"Le vote Erdogan est moindre chez les jeunes. Les primo-votants sont plus modernes et moins religieux que l'électeur moyen et plus de la moitié sont insatisfaits de la vie qu'ils mènent", résume Erman Bakirci, chercheur à l'institut de sondages Konda.


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Short Url
  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.


Canada: le libéral Mark Carney donné vainqueur après une campagne centrée sur Trump

Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
Short Url
  • Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays
  • Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti

OTTAWA: Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays.

Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti.

Il y a quelques mois encore, la voie semblait toute tracée pour permettre aux conservateurs canadiens emmenés par Pierre Poilievre de revenir aux affaires, après dix ans de pouvoir de Justin Trudeau.

Mais le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et son offensive inédite contre le Canada, à coups de droits de douane et de menaces d'annexion, ont changé la donne.

A Ottawa, où les libéraux sont réunis pour la soirée électorale dans une aréna de hockey, l'annonce des résultats a provoqué une salve d'applaudissements et des cris enthousiastes.

"Je suis si heureuse", lâche sur place Dorothy Goubault, originaire de la région des Mille Iles en Ontario. "Je suis contente car nous avons quelqu'un qui peut parler à M. Trump à son niveau. M. Trump est un homme d'affaires. M. Carney est un homme d'affaires, et je pense qu'ils peuvent tous les deux se comprendre".

Pour le ministre Steven Guilbeault, "les nombreuses attaques du président Trump sur l'économie canadienne, mais aussi sur notre souveraineté et notre identité même, ont vraiment mobilisé les Canadiens", a-t-il déclaré sur la chaine publique CBC.

Et les électeurs "ont vu que le Premier ministre Carney avait de l'expérience sur la scène mondiale".

Mark Carney n'avait pas encore pris la parole à minuit locales (04H00 GMT), tandis que se poursuivait le dépouillement.

Dans les longues files devant les bureaux de vote toute la journée, les électeurs ont souligné l'importance de ce scrutin, parlant d'élections historiques et déterminantes pour l'avenir de ce pays de 41 millions d'habitants.

- "Chaos" -

À 60 ans, Mark Carney, novice en politique mais économiste reconnu, a su convaincre une population inquiète pour l'avenir économique et souverain du pays qu'il était la bonne personne pour piloter le pays en ces temps troublés.

Cet ancien gouverneur de la banque du Canada et de Grande-Bretagne n'a cessé de rappeler pendant la campagne que la menace américaine est réelle pour le Canada.

"Ils veulent nos ressources, notre eau. Les Américains veulent notre pays", a-t-il prévenu.

"Le chaos est entré dans nos vies. C'est une tragédie, mais c'est aussi une réalité. La question clé de cette élection est de savoir qui est le mieux placé pour s'opposer au président Trump?", a-t-il expliqué pendant la campagne.

Pour faire face, il a promis de maintenir des droits de douane sur les produits américains tant que les mesures de Washington seront en place.

Mais aussi de développer le commerce au sein de son pays en levant les barrières douanières entre provinces et de chercher de nouveaux débouchés, notamment en Europe.

En face, le chef conservateur, qui avait promis des baisses d'impôts et des coupes dans les dépenses publiques, n'a pas réussi à convaincre les électeurs de ce pays du G7, 9e puissance mondiale, de tourner le dos aux libéraux.

Pierre Poilievre aura aussi souffert jusqu'au bout de la proximité, de par son style et certaines de ses idées, avec le président américain, ce qui lui a aliéné une partie de l'électorat, selon les analystes.

Au QG des conservateurs à Ottawa, Jason Piche se dit toutefois "surpris" des résultats, "je pensais que ce serait plus serré que ça".

Un peu plus loin, Jean-Guy Bourguignon, homme d'affaires de 59 ans, se dit carrément "très triste". "Est-ce que c'est vraiment ça le pays dans lequel nous voulons vivre?", demande-t-il alors qu'il énumère les politiques des libéraux, qu'il juge liberticides.

Près de 29 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes dans ce vaste pays du G7 qui s'étend sur six fuseaux horaires. Et plus de 7,3 millions de personnes avaient voté par anticipation, un record.


Ukraine: Poutine annonce une trêve du 8 au 10 mai, «tentative de «manipulation»» répond Zelensky

Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors d'une réunion du Conseil des législateurs à Saint-Pétersbourg, le 28 avril 2025. (AFP)
Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors d'une réunion du Conseil des législateurs à Saint-Pétersbourg, le 28 avril 2025. (AFP)
Short Url
  • Le président russe Vladimir Poutine a annoncé lundi une trêve sur le front en Ukraine durant trois jours du 8 au 10 mai
  • Son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky denonçant une "tentative de manipulation"

MOSCOU: Le président russe Vladimir Poutine a annoncé lundi une trêve sur le front en Ukraine durant trois jours du 8 au 10 mai, à l'occasion de la commémoration de la victoire sur l'Allemagne nazie, son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky denonçant une "tentative de manipulation".

Le président américain Donald Trump exhorte Kiev et Moscou à conclure un cessez-le-feu et un accord de paix, trois ans après le début de l'offensive russe ayant déjà fait des dizaines de milliers de morts civils et militaires.

"A partir de minuit entre le 7 et le 8 mai, et jusqu'à minuit entre le 10 et le 11 mai, la partie russe annonce un cessez-le-feu", a indiqué le Kremlin dans un communiqué. "Pendant cette période, toutes les opérations de combat seront arrêtées".

D'après la présidence russe, Vladimir Poutine a pris cette décision unilatérale "pour des raisons humanitaires" et à l'occasion des célébrations du 80e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.

Pour M. Zelensky, au contraire, "il y a désormais une nouvelle tentative de manipulation". "Pour une raison, a-t-il dit dans son adresse quotidienne, tout le monde doit attendre le 8 mai et ne cesser le feu qu'ensuite pour garantir le silence" lors de la parade du 9 mai sur la place Rouge à Moscou.

La Russie commémore le 9 mai cet événement dont Vladimir Poutine a fait un marqueur essentiel de la puissance retrouvée du pays. Les dirigeants d'une vingtaine de pays sont attendus pour un défilé militaire en grande pompe sur la place Rouge à Moscou.

Le Kremlin a dit considérer que l'Ukraine "devrait suivre cet exemple", tout en prévenant que les forces russes "fourniront une réponse adéquate et efficace" en cas de violation de la trêve.

Vladimir Poutine avait déjà déclaré un bref cessez-le-feu de 30 heures les 19 et 20 avril à l'occasion de Pâques. Les deux camps s'étaient ensuite accusés de l'avoir violé, même si une baisse de l'intensité des combats avait été ressentie dans plusieurs secteurs du front.

"Accroître la pression sur la Russie"

La Maison Blanche a soutenu lundi que Donald Trump souhaitait un cessez-le-feu "permanent" en Ukraine et pas seulement une trêve temporaire.

Les Etats-Unis, jusque-là le premier soutien de l'Ukraine, veulent tourner la page aussi vite que possible quitte, craint Kiev, à accepter des dispositions très favorables à Moscou.

Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a dit dimanche à son homologue russe, Sergueï Lavrov, qu'il était temps de mettre fin à une "guerre insensée" en Ukraine, selon un communiqué lundi.

De son côté, le président français Emmanuel Macron a affirmé que "dans les huit à dix jours prochains, nous allons accroître la pression sur la Russie", dans un entretien publié par le magazine Paris Match.

Il a estimé avoir "convaincu les Américains de la possibilité d’une escalade des menaces, et potentiellement de sanctions" contre Moscou.

Conditions maximalistes de Poutine 

La Russie maintient des conditions maximalistes concernant l'Ukraine, dont elle veut la reddition et le renoncement à rejoindre l'Otan, tout en s'assurant de pouvoir garder les territoires ukrainiens annexés.

La reconnaissance internationale de l'annexion russe de la Crimée et de quatre autres régions ukrainiennes est une condition "impérative" à la paix, a encore martelé lundi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.

La Russie a annexé la péninsule ukrainienne de Crimée en mars 2014, ce que la communauté internationale, Etats-Unis compris, n'a jamais reconnu.

En septembre 2022, quelques mois après le déclenchement de son assaut à grande échelle, elle a aussi revendiqué l'annexion de quatre régions ukrainiennes qu'elle occupe partiellement, celles de Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporijjia.

La Russie, qui a l'avantage sur le front, a revendiqué lundi la prise de Kamyanka, un village de la région de Kharkiv, dans le nord-est de l'Ukraine.

La Corée du Nord a pour la première fois reconnu lundi avoir envoyé des troupes en Russie et qu'elles avaient aidé Moscou à reprendre aux Ukrainiens les zones de la région de Koursk dont ils s'étaient emparés.

Trois personnes ont par ailleurs été tuées lundi dans une attaque russe contre un village de la région de Donetsk (est), selon les services du procureur régional.