Affaire libyenne: ce qui est reproché à Claude Guéant

La mise en cause de M. Guéant s'appuie aussi sur sa rencontre secrète en septembre 2005 en Libye avec Abdallah al-Senoussi, ex-chef des services secrets de Kadhafi (Photo, AFP).
La mise en cause de M. Guéant s'appuie aussi sur sa rencontre secrète en septembre 2005 en Libye avec Abdallah al-Senoussi, ex-chef des services secrets de Kadhafi (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 04 décembre 2020

Affaire libyenne: ce qui est reproché à Claude Guéant

  • Les juges soupçonnent que M. Guéant a été rétribué pour une possible intervention auprès d'EADS (devenu Airbus) en faveur d'Alexandre Djouhri
  • Les magistrats accusent aussi le haut fonctionnaire d'avoir aidé Alexandre Djouhri à exfiltrer M. Saleh de France en 2012, alors qu'il était visé par une notice rouge d'Interpol

PARIS: Claude Guéant, un des plus proches collaborateurs de l'ex-chef de l'Etat, est mis en examen depuis mars 2015 dans l'enquête sur des soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle 2007 de Nicolas Sarkozy.

Les juges lui reprochent désormais une longue liste d'infractions, dont depuis mercredi celle d'"association de malfaiteurs", qui dessinent un "pacte de corruption" allégué entre le régime de Khadafi et le camp Sarkozy, ce qu'il réfute en bloc.

Une vente de tableaux suspecte

Les magistrats s'interrogent sur un virement de 500.000 euros qu'il reçoit en mars 2008, possible contrepartie au "pacte de corruption".

Faute d'éléments, ils le mettent d'abord en examen a minima, pour "faux" et "blanchiment de fraude fiscale en bande organisée", avant d'aggraver les charges contre lui en 2018, notamment pour "corruption".

Claude Guéant justifie ce versement par la vente de deux tableaux, des marines d'un peintre flamand, à un avocat d'affaires malaisien, Siva Rajendram, pour financer l'achat d'un appartement.

Pour certains experts, les tableaux sont surévalués. Les enquêteurs pensent que l'argent provient de fonds libyens, via les hommes d'affaires Alexandre Djouhri et Khalid Bugshan, autres mis en examen.

Le banquier à la manoeuvre, Wahib Nacer, est alors en contact étroit avec M. Djouhri et Bachir Saleh, l'argentier du régime libyen.

Sa proximité avec Alexandre Djouhri

Derrière la vente, les juges soupçonnent que M. Guéant a été rétribué pour une possible intervention auprès d'EADS (devenu Airbus) en faveur d'Alexandre Djouhri, qui réclamait le paiement d'une commission sur une vente d'avions.

Pour les juges, M. Djouhri a surtout joué l'intermédiaire entre Claude Guéant et Bachir Saleh, possible canal d'un financement occulte de la campagne.

L'année 2009, le fonds souverain libyen (LAP) que gère Bachir Saleh acquiert pour 10 millions d'euros - un prix surévalué - une villa à Mougins (Alpes-Maritimes). M. Djouhri est soupçonné d'en avoir été le véritable propriétaire derrière un montage. Le lien avec la campagne deux ans plus tôt n'est pas établie, mais conforte la thèse de relations troubles avec la Libye.

"On fabrique de toute pièce de prétendues contreparties à de prétendus financements", avait tonné M. Guéant chez les juges en 2018. Son RIB a été retrouvé par les policiers chez M. Djouhri en Suisse.

Les magistrats accusent aussi le haut fonctionnaire d'avoir aidé Alexandre Djouhri à exfiltrer M. Saleh de France en 2012, alors qu'il était visé par une notice rouge d'Interpol, y voyant là encore un renvoi d'ascenseur qui a permis la fuite d'un témoin-clé.

Ziad Takieddine, porteur de valises

L'enquête établit ensuite ses contacts étroits, avant la présidentielle, avec l'homme d'affaires Ziad Takieddine, concurrent de Djouhri dans les cercles libyens.

"Ziad Takieddine est quelqu'un qui est extrêmement entreprenant", se défend M. Guéant sur BFMTV en novembre, évoquant "une sensibilité" ou des "contacts utiles".

Fin 2016, M. Takieddine est mis en examen après avoir affirmé sur Mediapart avoir convoyé 5 millions d'euros en 2006 et 2007 dans des valises remises à M. Guéant et M. Sarkozy, pour le financement de la campagne, un coup d'accélérateur dans l'enquête.

Mais l'intermédiaire fait volte-face en novembre dernier: l'argent aurait été remis en 2005 à Claude Guéant, qui dément une nouvelle fois, non pour la campagne 2007 mais pour financer la formation de personnels libyens.

La rencontre de 2005 avec al-Senoussi

La mise en cause de M. Guéant s'appuie aussi sur sa rencontre secrète en septembre 2005 en Libye avec Abdallah al-Senoussi, ex-chef des services secrets de Kadhafi, condamné en France pour l'attentat du DC-10 d'UTA en 1989 qui avait fait 170 morts.

Les juges soupçonnent ce rendez-vous avec le beau-frère du Guide, organisé par M. Takieddine, de faire partie du plan pour "obtenir ou tenter d'obtenir des soutiens financiers en vue du financement" de la campagne, en échange de "contreparties diplomatiques" et "économiques", mais aussi "juridiques" via une "promesse de levée du mandat d'arrêt" visant M. al-Senoussi.

Pour la défense, Claude Guéant est tombé dans un "piège" tendu par M. Takieddine, tout comme Brice Hortefeux, intime de M. Sarkozy, peu après.

Dans l'année qui suit, Takieddine reçoit au minimum six millions d'euros libyens sur ses comptes. Destinés en tout ou partie, selon l'accusation, au camp Sarkozy qui soutient à l'inverse que Takieddine a escroqué les Libyens et gardé l'argent pour lui.

Du cash dans la campagne

Dans l'esprit des juges, Claude Guéant, aurait donc organisé lors de la campagne 2007 l'utilisation du cash reçu de M. Takieddine. Selon les investigations, M. Guéant loue alors un grand coffre, dont il assure qu'il sert à entreposer des discours du candidat, sans convaincre les enquêteurs. Les investigations ont déterminé qu'au moins 30.000 à 35.000 euros ont circulé en liquide au QG du candidat.


France: un Ukrainien inculpé pour le meurtre d'une Franco-Russe dans un conflit de voisinage

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  • Selon le parquet, il y avait de la part de cette femme "une attitude régulièrement agressive avec des menaces de mort envers" ses voisins ukrainiens arrivés en France en mars 2022 pour fuir l'invasion de leur pays par la Russie
  • Née au Kazakhstan en 1967, alors en URSS, elle était arrivée en France en 2004, d'après la même source

EVREUX: Un Ukrainien de 69 ans a été inculpé pour meurtre et placé sous contrôle judiciaire après le décès mardi de sa voisine franco-russe à Evreux, dans le nord de la France, lors d'un différend de voisinage, a-t-on appris vendredi auprès du parquet local.

Un couple de retraités ukrainiens ainsi que leur amie avaient été agressés avec un couteau d'environ 20 cm par leur voisine franco-russe, vers 5H00 locales (7H00 GMT) dans la nuit de lundi à mardi, a expliqué le procureur de la République d'Evreux Rémi Coutin lors d'une conférence de presse.

Le mari du couple ukrainien aurait alors retourné l'arme blanche contre sa voisine la blessant à trois reprises, dont une mortelle à la cuisse, toujours selon le procureur.

"Pour nous c'est la victime, celle qui a reçu les coups de couteau et est décédée mardi matin, qui était venue agresser au moins à deux reprises cette nuit-là les personnes ukrainiennes qui se trouvaient dans l'appartement au-dessus d'elle", a déclaré Rémi Coutin, justifiant ainsi le non placement en détention de l'auteur présumé des faits.

Selon le parquet, il y avait de la part de cette femme "une attitude régulièrement agressive avec des menaces de mort envers" ses voisins ukrainiens arrivés en France en mars 2022 pour fuir l'invasion de leur pays par la Russie.

Née au Kazakhstan en 1967, alors en URSS, elle était arrivée en France en 2004, d'après la même source.

Un voisin a déclaré avoir passé la soirée à boire des bières chez la quinquagénaire avant que celle-ci ne décide "de monter le son de la musique, de donner des coups de balai dans le plafond afin d'embêter ses voisins du dessus", puis de se rendre chez eux pour une première altercation.

Déjà condamné à cinq reprises pour violences, ce voisin est mis en examen pour violences aggravées pour avoir frappé l'homme ukrainien lors cette première rencontre nocturne, a relevé le parquet.

Un habitant de l'immeuble a indiqué lors de son audition qu'il avait déjà demandé l'intervention à la police les 22 et 30 juin, parce que la victime était en train de donner des coups de poing dans la porte de l'appartement de ses voisins ukrainiens.

Entendu par la police, l'ex-mari de la femme franco-russe a relaté que s'agissant de la guerre entre la Russie et l'Ukraine, elle considérait que la Russie devait "se défendre, chasser les nazis d'Ukraine et lutter contre l'OTAN".

 


Audiovisuel public: Dati dégaine le «vote bloqué» pour accélérer les débats

Brigitte Macron et Rachida Dati. (AFP)
Brigitte Macron et Rachida Dati. (AFP)
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  • Vendredi matin, à la reprise, rien n'a laissé présager que les discussions puissent s'accélérer. Un peu plus d'une demi heure après le début des débats, Mme Dati a annoncé que le gouvernement demandait au Sénat "de se prononcer par un vote unique
  • Cette procédure très rarement utilisée permet d'accélérer les débats en n'organisant qu'un seul vote, sur le texte et les amendements que le gouvernement choisit de conserver

PARIS: Fin de session chaotique au Sénat: face à l'"obstruction" de la gauche, la ministre de la Culture Rachida Dati a dégainé vendredi matin l'arme constitutionnelle du "vote bloqué" sur la réforme de l'audiovisuel public, pour tenter d'aboutir avant les congés parlementaires.

C'est une nouvelle vicissitude pour ce texte au parcours chaotique, porté à bout de bras par la ministre face à l'hostilité des syndicats, et qui pour l'essentiel prévoit de créer le 1er janvier 2026 une holding, France Médias, qui chapeauterait France Télévisions, Radio France et l'Ina (Institut national de l'audiovisuel), sous l'autorité d'un président-directeur général.

L'examen du texte a avancé à très faible allure jeudi: suspensions de séance à répétition, rappels au règlement, motions de rejet préalable, invectives en pagaille... En plus de huit heures de débats, les sénateurs ont à peine démarré l'examen de l'article premier de la proposition de loi du sénateur Laurent Lafon.

A la manoeuvre, la gauche, bien décidée à jouer la montre, alors que la session extraordinaire doit théoriquement s'achever vendredi à minuit.

Vendredi matin, à la reprise, rien n'a laissé présager que les discussions puissent s'accélérer. Un peu plus d'une demi heure après le début des débats, Mme Dati a annoncé que le gouvernement demandait au Sénat "de se prononcer par un vote unique sur l'ensemble du texte", "en application de l'article 44 alinéa 3 de la Constitution".

Cette procédure très rarement utilisée permet d'accélérer les débats en n'organisant qu'un seul vote, sur le texte et les amendements que le gouvernement choisit de conserver.

"Après plus de sept heures de débat, nous n'avons pu débattre que de 31 amendements sur ce texte. On a vu encore ce matin (...) de l'obstruction, toujours de l'obstruction et encore de l'obstruction", a-t-elle justifié. Il restait alors environ 300 amendements à débattre.

Les débats, suspendus vers 10H15, ont repris près de deux heures plus tard, et le président de séance Didier Mandelli (LR) a pris acte de la demande du gouvernement.

Débats "escamotés" 

Les orateurs de la gauche ont successivement protesté contre ce "coup de force", selon le mot de l'ancienne ministre socialiste Laurence Rossignol. "On parle de liberté de la presse. Mais commençons déjà par respecter les droits du Parlement", a-t-elle tonné, rappelant que le Sénat avait d'autres outils à sa disposition pour discipliner les discussions.

Et ce alors que les débats ont déjà été "escamotés" en première lecture à l'Assemblée le 30 juin, après le vote surprise d'un motion de rejet déposée par les écologistes, face aux bancs désertés de la coalition gouvernementale.

"C'est vous qui êtes responsables du fait que le débat ne peut pas avoir lieu. Ce n'est pas nous", leur a rétorqué le rapporteur du texte, Cédric Vial (LR).

Le président de la commission de la culture Laurent Lafon (UDI) a lui aussi défendu la décision du gouvernement, pointant une obstruction "caractérisée" destinée à "empêcher que le Sénat confirme son soutien" au texte.

Selon des sources parlementaires, la décision de déclencher le "vote bloqué" était sur la table depuis jeudi.

Mais, alors que le président du Sénat et le ministre des Relations avec le Parlement étaient enclins à laisser le débat se dérouler, "c'est bien Rachida Dati", en première ligne face à la gauche, qui "à un moment donné (...) a tranché pour tout le monde", selon un poids lourd.

Désormais, l'examen du texte devrait pouvoir "aller au bout" avant la fin de la session, selon cette source. Et revenir sans doute à l'automne à l'Assemblée, à une date indéterminée.


Trois députés contraints de démissionner après avoir été déclarés inéligibles par le Conseil constitutionnel

La ministre française de la Culture Rachida Dati et le Premier ministre français Gabriel Attal  s'adressent à la presse lors d'une visite de campagne pour soutenir la candidate du MoDem Maud Gatel  et le candidat de la Renaissance Jean Laussucq pour les élections législatives, sur un marché, à Paris, le 5 juillet 2024. (Photo d'archives AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati et le Premier ministre français Gabriel Attal s'adressent à la presse lors d'une visite de campagne pour soutenir la candidate du MoDem Maud Gatel et le candidat de la Renaissance Jean Laussucq pour les élections législatives, sur un marché, à Paris, le 5 juillet 2024. (Photo d'archives AFP)
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  • Les dépenses irrégulières "représentent 21% du montant des dépenses du compte et 10,2% du plafond des dépenses autorisées dans la circonscription" et s'élèvent à 7.030 euros, a précisé le Conseil constitutionnel
  • Brigitte Barèges a été épinglée pour avoir facturé la participation à sa campagne de deux collaborateurs de son cabinet à la mairie de Montauban, alors qu'elle en était la maire

PARIS: Trois députés, les élus Ensemble pour la République (EPR) Jean Laussucq et Stéphane Vojetta ainsi que celle de l'Union des droites (UDR) Brigitte Barèges, ont été déclarés inéligibles par le Conseil constitutionnel vendredi, en raison d'irrégularités dans leurs comptes de campagne.

Jean Laussucq, député de Paris, Brigitte Barèges, députée du Tarn-et-Garonne, et Stéphane Vojetta, député pour les Français établis hors de France, ont été déclarés inéligibles "pour une durée d'un an" et "démissionnaires d'office" de leurs mandats, a annoncé le Conseil constitutionnel.

Il est reproché à Jean Laussucq d'avoir réglé "des dépenses de campagne au moyen de son compte bancaire personnel" et d'avoir laissé des tiers régler "directement une part significative des dépenses exposées pour sa campagne électorale" de 2024.

Les dépenses irrégulières "représentent 21% du montant des dépenses du compte et 10,2% du plafond des dépenses autorisées dans la circonscription" et s'élèvent à 7.030 euros, a précisé le Conseil constitutionnel.

Brigitte Barèges a été épinglée pour avoir facturé la participation à sa campagne de deux collaborateurs de son cabinet à la mairie de Montauban, alors qu'elle en était la maire.

Enfin, le Conseil constitutionnel a reproché à Stéphane Vojetta, élu dans une circonscription comprenant notamment l'Espagne et le Portugal, d'avoir réglé "irrégulièrement" une "part substantielle des dépenses engagées", durant sa campagne, notamment des "frais de transport".

Des élections législatives partielles devront être organisées prochainement pour désigner des nouveaux députés.

Deux autres députés élus lors des législatives de juillet 2024 avaient dû remettre leurs sièges en jeu après des décisions du Conseil constitutionnel, dans le Jura et en Saône-et-Loire.