Macron de nouveau sur le terrain veut faire du lycée pro une «cause nationale»

Le président français Emmanuel Macron (C) serre la main d'un employé d'une cantine scolaire lors d'une visite au lycée Bernard Palissy, un lycée professionnel français à Saintes, dans l'ouest de la France, le 4 mai 2023. (Photo, AFP)
Le président français Emmanuel Macron (C) serre la main d'un employé d'une cantine scolaire lors d'une visite au lycée Bernard Palissy, un lycée professionnel français à Saintes, dans l'ouest de la France, le 4 mai 2023. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 04 mai 2023

Macron de nouveau sur le terrain veut faire du lycée pro une «cause nationale»

  • Emmanuel Macron a confirmé un investissement d'«un milliard d'euros par an» supplémentaire pour la filière, avec l'objectif d'«aller vers 100% d'insertion professionnelle»
  • Il a rappelé un chiffre «cruel»: au niveau national, seulement 40% des jeunes diplômés des lycées professionnels trouvent un emploi six mois après l'obtention de leur diplôme

SAINTES: Faire des lycées professionnels une "cause nationale". Emmanuel Macron a présenté jeudi sa réforme, financée à hauteur d'un milliard d'euros supplémentaires par an, lors d'un déplacement en Charente-Maritime où les opposants à la réforme des retraites ont essayé à nouveau de se faire entendre.

Le chef de l'État, qui veut reprendre la main après plusieurs mois de crise et poursuit ses visites de terrain au rythme d'une à deux sorties par semaine, n'a pas croisé de manifestants en arrivant au lycée technologique et professionnel Bernard Palissy à Saintes.

Ils étaient maintenus à bonne distance, en vertu d'un arrêté préfectoral pris mercredi soir, interdisant les manifestations ou attroupements dans un périmètre de 500 mètres autour de l'établissement par crainte de "troubles à l'ordre public".

A l'intérieur du lycée, Emmanuel Macron a confirmé un investissement d'"un milliard d'euros par an" supplémentaire pour la filière, avec l'objectif d'"aller vers 100% d'insertion professionnelle", en faisant de ces lycées "une voie par choix".

Le chef de l’État a rappelé un chiffre "cruel": au niveau national, seulement 40% des jeunes diplômés des lycées professionnels trouvent un emploi six mois après l'obtention de leur diplôme. Cela concerne "un tiers de nos jeunes et c'est plutôt un tiers de nos jeunes qui ont eu plus de difficultés avant".

Il a vanté les mérites et le succès de l'apprentissage, qui repose sur l'alternance entre enseignement théorique et contrat chez un employeur, justifiant que certaines filières de lycées professionnels, sans débouché sur le marché du travail, soient "fermées".

Il a, en outre, détaillé des mesures de lutte contre le décrochage scolaire mais aussi assuré que "l'engagement des enseignants de lycée pro" serait reconnu par des hausses de salaires "avec un effort encore significatif et redoublé" dans la mesure où ces derniers acceptent de nouvelles tâches.

Concernant les stages, dont la durée sera augmentée de moitié en terminale pour ceux qui souhaitent aller vers l'emploi, M. Macron a promis la création d'indemnités de 50 à 100 euros par semaine de stage à partir de la rentrée 2023.

Prise en charge par l'État, cette indemnité qui n'existait pas du tout auparavant "est à la fois une mesure de justice et de mérite", a dit le chef de l'État. "C’est reconnaître que c'est un travail qui est demandé aux élèves".

En France, un tiers des lycéens, soit environ 621 000 élèves, sont scolarisés en lycée professionnel, un public souvent "fragile, jeune et hétérogène", selon une conseillère présidentielle.

Se disant "surpris par un bon discours", le secrétaire général du Snetaa-FO (majoritaire), Pascal Vivier, a apprécié que le président n'ait "pas stigmatisé le lycée professionnel comme étant la cause du problème" et ait "rappelé que les élèves arrivent dans nos établissements en étant éreintés".

Il s'est dit en revanche, "plus mitigé sur la refonte de la carte des formations". Sa collègue du Snuep-FSU, Sigrid Gérardin, s'est inquiétée qu'avec les "100% d'insertion professionnelle", "les élèves de la voie professionnelle sont destinés à aller vers le marché de l'emploi, plutôt que vers la poursuite d'études".

Emmanuel Macron détaille la réforme du lycée professionnel

Stages rémunérés, carte des filières remaniée, lien renforcé avec l'entreprise : Emmanuel Macron a présenté jeudi la réforme du lycée professionnel, promesse de campagne. Voici les principales mesures à retenir:

Une enveloppe d'un milliard d'euros par an

Pour cette réforme, un milliard d'euros par an supplémentaire est mis sur la table. "On va mettre un milliard d'euros par an en plus sur le lycée professionnel (...). On doit aller vers 100% d'insertion professionnelle", a déclaré le chef de l'État jeudi, lors d'un déplacement dans le lycée technologique et professionnel Bernard-Palissy à Saintes (Charente-Maritime).

Les lycéens rémunérés durant leur stage

Dès la rentrée prochaine, les élèves de lycée professionnel vont toucher un peu d'argent pendant leur période en entreprise. Aujourd'hui il n'y a aucune indemnité. Emmanuel Macron l'a détaillée : elle sera à hauteur de 50 euros par semaine en classe de seconde, 75 euros en première et 100 euros en terminale.

Prise en charge par l'État, cette indemnité "est à la fois une mesure de justice et de mérite", a dit le président. "C'est reconnaître que c'est un travail qui est demandé aux élèves".

Dans un communiqué, Sud éducation a regretté le choix du président "de sous-payer les élèves en stage avec des indemnités allant de 1,4 euro de l'heure pour les élèves de seconde professionnelle à 2,8 euros de l’heure en terminale".

Plus de stages en terminale

Pour l'année de terminale, qui nécessite davantage de "souplesse", selon le président, "la durée des stages sera augmentée de 50%" pour ceux qui souhaitent aller directement dans l'emploi. Elle ne change pas en revanche pour les années de seconde et première.

Les syndicats y voient une solution "facile" pour proposer de la "main-d'œuvre pas chère pour des emplois désertés par les actifs plus qualifiés".

Refonte de l'offre de formations

Le président a évoqué la fermeture de certaines filières de lycées professionnels, sans débouché sur le marché du travail, "parce que l'économie et les besoins bougent". "On doit adapter beaucoup plus, dès la rentrée prochaine, la carte des formations en fonction des besoins", a-t-il ajouté.

"Si on a des formations où les élèves n'ont ni accès à des diplômes, ni accès à un emploi, il ne faut pas les garder", a-t-il dit.

L'idée est de créer de nouvelles filières, dans des secteurs porteurs, comme le numérique, ou l'écologie.

Lien renforcé avec le monde de l'entreprise

Emmanuel Macron a annoncé la mise en place d'"un bureau des entreprises dans chaque lycée professionnel" pour garantir un meilleur accompagnement des élèves, et la venue dans ces établissements de "professeurs associés" issus du monde de l'entreprise.

"Les formations en lycée professionnel doivent être le reflet de la réalité du monde professionnel d'aujourd'hui. On doit continuer de créer plus de liens entre le monde éducatif et le monde de l'entreprise, en assumant que le lycée professionnel est une troisième voie", a-t-il dit.

Étape surprise? 

M. Macron était accompagné des ministres de l'Éducation nationale Pap Ndiaye, du Travail Olivier Dussopt, en première ligne sur les retraites, et de l'Enseignement professionnel Carole Grandjean.

Une table-ronde s'est tenue avant l'arrivée du chef de l'État avec les personnels du lycée, grâce à un groupe électrogène, l'électricité ayant été coupée. Dans d'autres déplacements présidentiels, de telles coupures avaient été revendiquées par la CGT.

Après ses annonces, M. Macron a longuement déambulé parmi les lycéens, ironisant en réponse à une question sur le financement du milliard annuel supplémentaire: "je fais des réformes, parfois impopulaires pour ça", a-t-il répliqué en référence au recul de l'âge de départ à la retraite à 64 ans.

Va-t-il ensuite faire une étape surprise pour montrer qu'il peut échanger avec les Français malgré la vive hostilité ? Rien n'est prévu à ce stade, selon l'Élysée.

A Saintes, des manifestants, munis de casseroles, avaient réussi à se rapprocher du lycée Palissy en remontant la voie ferrée et, selon un journaliste de l'AFP, le bruit des casseroles et des slogans "Bassines, retraites, même combat" s'entendait au loin en entrant dans l'établissement. Le trafic SNCF a été interrompu.

"Le mouvement rassemble tous les milieux et tous les âges, partout en France, il serait temps qu'ils se posent les bonnes questions", a déclaré Mathilde Canivet, 33 ans, à l'AFP. "On en a ras-le-bol d'être méprisés", a ajouté cette agente d'Enedis.


Lecornu recevra les socialistes mercredi, annonce Olivier Faure

Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu recevra mercredi matin les responsables du Parti socialiste, avec qui il devra négocier à l'automne un accord sur le budget 2026 pour éviter une censure, a annoncé leur Premier secrétaire Olivier Faure. (AFP)
Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu recevra mercredi matin les responsables du Parti socialiste, avec qui il devra négocier à l'automne un accord sur le budget 2026 pour éviter une censure, a annoncé leur Premier secrétaire Olivier Faure. (AFP)
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  • Depuis sa nomination mardi, Sébastien Lecornu a commencé ses consultations avec d'abord les partis de son "socle commun" (bloc central et LR), puis les syndicats et organisations patronales avec qui il a des entretiens encore lundi et mardi
  • Mais le rendez-vous le plus attendu est celui avec les socialistes. Déjà menacé de censure par LFI et le RN, c'est eux qui peuvent éviter à M. Lecornu de connaître le même sort que ses prédécesseurs

PARIS: Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu recevra mercredi matin les responsables du Parti socialiste, avec qui il devra négocier à l'automne un accord sur le budget 2026 pour éviter une censure, a annoncé leur Premier secrétaire Olivier Faure.

"On a rendez-vous mercredi matin et donc nous le verrons pour la première fois", a déclaré M. Faure lundi sur France 2. Les Ecologistes de Marine Tondelier et le Parti communiste de Fabien Roussel ont également indiqué à l'AFP être reçus mercredi, respectivement à 14H et 18H.

Depuis sa nomination mardi, Sébastien Lecornu a commencé ses consultations avec d'abord les partis de son "socle commun" (bloc central et LR), puis les syndicats et organisations patronales avec qui il a des entretiens encore lundi et mardi.

Mais le rendez-vous le plus attendu est celui avec les socialistes. Déjà menacé de censure par LFI et le RN, c'est eux qui peuvent éviter à M. Lecornu de connaître le même sort que ses prédécesseurs.

Au coeur de ce rendez-vous le projet de budget 2026 que le nouveau gouvernement devra présenter avant la mi-octobre au Parlement.

Les socialistes posent notamment comme conditions un moindre effort d'économies l'année prochaine que ce qu'envisageait François Bayrou et une fiscalité plus forte des plus riches, à travers la taxe sur les très hauts patrimoines élaborée par l'économiste Gabriel Zucman (2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros).

Mais Sébastien Lecornu, s'il s'est dit prêt samedi à "travailler sans idéologie" sur les questions "de justice fiscale" et de "répartition de l'effort", a déjà fait comprendre son hostilité à cette taxe Zucman, et notamment au fait de taxer le patrimoine professionnel "car c'est ce qui permet de créer des emplois".

"Quand on parle patrimoine professionnel, vous pensez à la machine outil ou aux tracteurs mais pas du tout. On parle d'actions, la fortune des ultrariches, elle est essentiellement en actions", lui a répondu M. Faure.

"Si vous dites que, dans la base imposable, on retire ce qui est l'essentiel de leur richesse, en réalité, vous n'avez rien à imposer", a-t-il argumenté.

"C'était déjà le problème avec l'Impôt sur la fortune (ISF, supprimé par Emmanuel Macron) qui touchait les +petits riches+ et épargnaient les +ultrariches+ parce que les +ultrariches+ placent leur argent dans des holdings", a-t-il reconnu.

 


Pour Sébastien Lecornu, un premier déplacement consacré à la santé

Sébastien Lecornu assiste à la présentation du supercalculateur Asgard au Mont Valérien à Suresnes, près de Paris, le 4 septembre 2025. (AFP)
Sébastien Lecornu assiste à la présentation du supercalculateur Asgard au Mont Valérien à Suresnes, près de Paris, le 4 septembre 2025. (AFP)
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  • Déplacement symbolique à Mâcon : Pour son premier déplacement, Sébastien Lecornu met l'accent sur l'accès aux soins et le quotidien des Français
  • Conscient de l'absence de majorité, il consulte partis et syndicats, cherchant des terrains d'entente sur le budget, tout en laissant la porte ouverte à une fiscalité plus juste

PARIS: Sébastien Lecornu se rend samedi en province, à Mâcon, pour son premier déplacement en tant que Premier ministre consacré à la santé et à "la vie quotidienne" des Français, délaissant pendant quelques heures les concertations qu'il mène activement à Paris avant de former un gouvernement.

Quatre jours à peine après sa nomination, le nouveau et jeune (39 ans) locataire de Matignon va à la rencontre des Français, pour qui il reste encore un inconnu. Il échangera notamment avec des salariés d'un centre de santé de Saône-et-Loire dont le but est d'améliorer l'accès aux soins.

Lui-même élu local de l'Eure, où il a été maire, président de département et sénateur, ce fils d'une secrétaire médicale et d'un technicien de l'aéronautique avait assuré dès le soir de sa nomination "mesurer les attentes" de ses concitoyens et "les difficultés" qu'ils rencontraient.

Celles-ci sont souvent "insupportables" pour accéder à un médecin ou à un professionnel de santé, parfois "source d'angoisse", souligne son entourage. Le Premier ministre entend dans ce contexte "témoigner de la reconnaissance de la Nation à l’égard des personnels soignants" et "réaffirmer la volonté du gouvernement de faciliter l’accès aux soins".

Il s'agit aussi pour Sébastien Lecornu de convaincre l'opinion, autant que les forces politiques, du bien-fondé de sa méthode: trouver des terrains d'entente, en particulier sur le budget, permettant de gouverner sans majorité.

Sébastien Lecornu est très proche d'Emmanuel Macron, avec qui il a encore longuement déjeuné vendredi à l'Elysée.

- Mouvements sociaux -

Sa nomination coïncide avec plusieurs mouvements sociaux. Le jour de sa prise de fonction, une mobilisation lancée sur les réseaux sociaux pour "bloquer" le pays a réuni 200.000 manifestants, et une autre journée de manifestations à l'appel des syndicats est prévue jeudi.

"Il y a une grande colère" chez les salariés, a rapporté Marylise Léon, la secrétaire générale de la CFDT, premier syndicat de France, à l'issue d'une entrevue vendredi avec le nouveau Premier ministre, qui lui a dit travailler sur une "contribution des plus hauts revenus" dans le budget 2026.

C'est sur le budget que ses deux prédécesseurs, François Bayrou et Michel Barnier, sont tombés. Et Sébastien Lecornu cherche en priorité une forme d'entente avec les socialistes.

Mais il lui faut dans le même temps réduire les déficits, alors que l'agence de notation Fitch a dégradé vendredi soir la note de la dette française.

Le centre et la droite de la coalition gouvernementale se disent prêts à taxer plus fortement les ultra-riches sans pour autant aller jusqu'à l'instauration de la taxe Zucman sur les plus hauts patrimoines, mesure phare brandie par les socialistes et dont LR ne veut pas.

Une telle mesure marquerait en tout cas une des "ruptures" au fond prônées par Sébastien Lecornu à son arrivée, puisqu'elle briserait le tabou des hausses d'impôts de la macronie.

- Méthode -

Sébastien Lecornu veut aussi des changements de méthode.

Il a d'abord réuni jeudi --pour la première fois depuis longtemps-- les dirigeants des partis du "socle commun", Renaissance, Horizons, MoDem et Les Républicains, afin qu'ils s'entendent sur quelques priorités communes.

Un format "présidents de parti" qui "permet de travailler en confiance, de façon plus directe, pour échanger sur les idées politiques, sur les arbitrages", salue un participant.

Avant les oppositions et à quelques jours d'une deuxième journée de manifestations, il a consulté les partenaires sociaux, recevant vendredi la CFDT et Medef, avant la CGT lundi.

En quête d'un compromis pour faire passer le budget, le chef de gouvernement pourrait repartir du plan de son prédécesseur François Bayrou délesté de ses mesures les plus controversées. A l'instar de la suppression de deux jours fériés.

L'hypothèse d'une remise sur les rails du conclave sur les retraites semble aussi abandonnée. Les partenaires sociaux refusent de toute façon de le rouvrir.

Des gestes sont attendus à l'égard des socialistes alors qu'à l'Elysée, on estime que le Rassemblement national, premier groupe à l'Assemblée nationale, se range désormais comme la France insoumise du côté du "dégagisme".

Cultivant une parole sobre voire rare, Sébastien Lecornu ne s'exprimera qu'à l'issue de ces consultations "devant les Français", avant la traditionnelle déclaration de politique générale, devant le Parlement.


Lecornu joue le contraste avec Bayrou sans dévoiler son jeu

Le nouveau Premier ministre français et ancien ministre des Armées Sébastien Lecornu (à droite) est accueilli par le Premier ministre sortant François Bayrou lors de la cérémonie de passation des pouvoirs à l'hôtel Matignon à Paris, le 10 septembre 2025. (AFP)
Le nouveau Premier ministre français et ancien ministre des Armées Sébastien Lecornu (à droite) est accueilli par le Premier ministre sortant François Bayrou lors de la cérémonie de passation des pouvoirs à l'hôtel Matignon à Paris, le 10 septembre 2025. (AFP)
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  • Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu adopte un style sobre et minimaliste, contrastant avec François Bayrou, afin de gagner du temps et préparer en coulisses une majorité fragile
  • Chargé de former un gouvernement dans un climat parlementaire explosif, il consulte à tout-va, mais les lignes de fracture gauche-droite rendent difficile l’émergence d’un accord stable

PARIS: Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu joue le contraste de styles avec François Bayrou, plaidant pour la "sobriété" face à un prédécesseur volontiers prolixe, ce qui lui permet de ne pas s'avancer sur le fond du compromis qu'il doit bâtir.

A son arrivée mercredi à Matignon, l'ex-ministre des Armées a posé d'emblée les bases de cette approche minimaliste.

"Je ne vais pas faire de grand discours, puisque cette instabilité et la crise politique et parlementaire que nous connaissons commandent à l'humilité, la sobriété", a-t-il dit dans un discours particulièrement bref, deux minutes à peine.

La passation de pouvoirs avait un petit parfum de vengeance devant François Bayrou, qui l'avait doublé à ce poste en décembre, en imposant sa nomination à Emmanuel Macron.

Le leader centriste de 74 ans ne s'est jamais montré tendre à l'égard de son cadet, pas encore quadragénaire, qu'il qualifie en privé de "courtisan" pour sa proximité discrète avec le chef de l'Etat.

Sa courte prise de parole rompt avec l'exercice du pouvoir de son prédécesseur, qui ne rechigne pas aux longues explications pédagogiques sur la dette ou la situation internationale, et apprécie de parler en direct avec les journalistes. Les dernières semaines de François Bayrou à Matignon ont été marquées par de nombreuses interventions dans les médias pour défendre le vote de confiance qui l'a au final fait tomber.

Le centriste dramatisait l'urgence à résorber la dette, un "piège mortel". Sébastien Lecornu assure qu'"il n'y a pas de chemin impossible".

- "Rassurer" -

Sans "nier les difficultés", il ne faut "pas jouer sur les peurs", "il faut rassurer les gens et leur donner un message d'espoir", explique son entourage, dans un contexte de rupture entre l'opinion et les politiques.

Sébastien Lecornu a pointé le "décalage" entre la vie politique et la vie "réelle" des Français, mais aussi entre la politique "intérieure" et la "géopolitique mondiale".

Homme de droite rallié au macronisme en 2017, il a incarné cette prudence et cette discrétion lors de son passage au ministère des Armées depuis 2022. Malgré la guerre qui sévit de nouveau en Europe avec le conflit ukrainien, il est resté très peu disert dans les médias, au point de demeurer un quasi inconnu pour le grand public.

Devra-t-il se faire violence dans ses nouvelles fonctions? "C'est vrai qu'il va devoir s'ouvrir plus", observe un de ses soutiens. Il ne s'exprime que lorsqu'il a "quelque chose à dire", ajoute-t-il.

Avant d'expliquer ses projets aux Français, le chef du gouvernement entend mener de larges concertations.

"Il va falloir changer" en étant "plus créatif, parfois plus technique, plus sérieux dans la manière de travailler avec nos oppositions", a-t-il aussi grincé devant François Bayrou.

Prônant "des ruptures" sur la forme comme sur le fond, il refuse de s'exprimer sur les objets ou les concessions qu'il pourrait faire afin d'aboutir à un compromis qui lui permettrait de former un gouvernement, conformément à la feuille de route d'Emmanuel Macron.

- "Sortir du bois" -

Sébastien Lecornu a réuni jeudi matin les dirigeants du "socle commun", partis du centre et de droite qui constituent sa coalition naturelle. Il s'est ensuite rendu à l'Assemblée nationale et au Sénat, pour y rencontrer les présidents des deux chambres, la macroniste Yaël Braun-Pivet et le LR Gérard Larcher.

Il a aussi été reçu dans les bureaux de Nicolas Sarkozy qui lui a "témoigné son soutien", d'après l'entourage de l'ex-chef de l'Etat.

Vendredi et lundi, il doit recevoir les partenaires sociaux (syndicats et patronat).

Le nouveau locataire de Matignon a notamment avancé l'idée devant ses interlocuteurs des Républicains "de se mettre d'accord, outre le budget, sur deux ou trois textes majeurs et forts" qui répondraient aux priorités des uns et des autres.

Ses soutiens louent ses qualités de "négociateur" comme sur la loi de programmation militaire, mais cette fois il va devoir "sortir du bois sur certains sujets". Travailler avec les socialistes "sans déplaire" à la droite, analyse un proche.

Ainsi Gérard Larcher s'est dit opposé à la mise en place d'une taxe sur les très hauts patrimoines, alors que pour la gauche c'est "la base de tout accord" de non censure, selon l'eurodéputé Raphaël Glucksmann.

Peu d'espoir également de trouver un terrain d'entente avec le RN qui entend lui demander de "rompre avec le macronisme". Ce sera "la rupture ou la censure", a prévenu Marine Le Pen jeudi soir sur TF1.

Rien à espérer non plus du côté de La France insoumise: "Nous avons proposé un programme et nous sommes élus pour l'appliquer, pas pour faire des combines et chercher des places", a tranché Jean-Luc Mélenchon sur France 2.