Franck Riester: la France est une terre d’opportunités pour les investisseurs saoudiens

Franck Riester à Arab News en français: "Notre premier défi est de sortir de la crise. Tant au plan économique que sanitaire, la coopération internationale est la clé. C’est le sens de l’initiative ACT-Accelerator, ou ACT-A, qui vise à mettre les futurs vaccins contre la Covid-19 à la disposition du monde entier." (AFP).
Franck Riester à Arab News en français: "Notre premier défi est de sortir de la crise. Tant au plan économique que sanitaire, la coopération internationale est la clé. C’est le sens de l’initiative ACT-Accelerator, ou ACT-A, qui vise à mettre les futurs vaccins contre la Covid-19 à la disposition du monde entier." (AFP).
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Publié le Vendredi 11 décembre 2020

Franck Riester: la France est une terre d’opportunités pour les investisseurs saoudiens

  • L’Arabie saoudite est un partenaire économique important, et nous souhaitons renforcer encore cette dynamique
  • La France est une terre d’opportunités pour les investisseurs saoudiens qui cherchent à diversifier leur portefeuille

Ministre délégué auprès de Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Franck Riester est également ancien ministre de la Culture et ancien maire de Coulommiers. À 46 ans, il est aujourd’hui chargé du Commerce extérieur et de l'Attractivité.

Après son déplacement du 23 au 25 novembre en Jordanie puis aux Émirats arabes unis, le ministre délégué est optimiste quant à l’importance du rôle de la France dans la région.

Arab News en français a pu s'entretenir avec lui pour discuter du sommet du G20 de Riyad, des investissements français en Arabie saoudite, ainsi que de coopération bilatérale pour combattre le terrorisme.

Vous rentrez tout juste d’une tournée aux Émirats arabes unis et en Jordanie. Vos rencontres ont-elles été fructueuses?

Comme vous le savez, les prises de position du président de la république sur la laïcité ont fait l’objet de manipulations et ont suscité un certain nombre d’incompréhensions au sein du monde musulman. Je me suis donc déplacé en Jordanie pour dissiper les malentendus et rappeler la force des liens, notamment économiques, qui nous unissent. Il ne peut y avoir de malentendus entre partenaires et amis. Dans le même esprit, je me rendrai prochainement en Arabie saoudite et au Koweït.

Je me suis déplacé en Jordanie pour dissiper les malentendus et rappeler la force des liens, notamment économiques, qui nous unissent. 

J’ai également passé quarante-huit heures aux Émirats arabes unis pour amplifier nos relations économiques, tout particulièrement dans les secteurs d’avenir. Je pense notamment à la fintech [technologie financière], la Greentech [éco-innovation], l’intelligence artificielle, la ville durable ou encore les transports, où la coopération franco-émiratie est intense. J’ai pu mesurer la force de notre partenariat stratégique, que nous avons réaffirmé pour les dix années à venir en juin dernier. L’Expo 2020 de Dubaï, qui aura lieu l’an prochain et où la France sera naturellement présente, marquera une nouvelle étape de notre partenariat. Je me suis engagé à m’y rendre.

Quel rôle pour la France au sein du G20, à la lumière des nouveaux défis – crise économique, pandémie, terrorisme?

Avec ses partenaires européens, la France entend assumer un certain leadership dans l’élaboration des réponses que nous apportons collectivement aux grands défis mondiaux. Nous nous engageons notamment en faveur d’un véritable renouveau du multilatéralisme, car nous avons la conviction que l’échelon multilatéral est l’échelon d’action le plus pertinent. C’est vrai en matière de sécurité ou de climat, ça l’est également en matière commerciale. C’est pourquoi nous souhaitons une réforme profonde de l’Organisation mondiale du commerce, qui apaise les tensions commerciales et permette de mieux utiliser les règles du commerce pour répondre aux enjeux de développement durable.

En termes d’attractivité, sur une échelle de 1 à 10, où se place l’Arabie saoudite pour la France?

L’Arabie saoudite est un partenaire économique important, et nous souhaitons renforcer encore cette dynamique. Le Royaume compte parmi les 40 pays prioritaires que nous suivons étroitement en matière d’attractivité. Le réseau diplomatique français est pleinement mobilisé pour identifier et accompagner les projets d’investissements en France qui pourraient provenir d’Arabie saoudite.

Les récentes réformes sur la kafala – les travailleurs étrangers n’auront plus besoin de l’autorisation de leur employeur pour changer d’emploi, voyager ou quitter l’Arabie saoudite, à partir de mars 2021 – sont-elles de nature à encourager les investissements français dans le Royaume?

La France est d’ores et déjà très présente en Arabie saoudite, où elle est le troisième investisseur avec plus de 5 milliards d’euros d’investissements directs. Les autorités saoudiennes ont placé l’attractivité du Royaume et la diversification de l’économie saoudienne au cœur du programme Vision 2030. Nous nous attachons à sensibiliser l’ensemble des acteurs français à cet objectif. La création d’un ministère de l’Investissement ainsi que les réformes économiques en cours, dont celles de la kafala, sont des signaux positifs.

Prévoyez-vous une augmentation des flux d’investissement de l’Arabie saoudite vers la France? Si oui, comment?

La progression notable des investissements saoudiens en France ces dernières années est un signe encourageant et nous pouvons aller encore plus loin. Nous sommes d’ailleurs honorés d’accueillir le premier invité saoudien au sommet «Choose France 2021», au château de Versailles, organisé par le président de la République.

Pour aller plus loin, je crois qu’il nous faut aller au-delà des partenariats traditionnels dans le secteur immobilier et hôtelier, où se concentre encore aujourd’hui la grande majorité des investissements saoudiens. Car la France, c’est aussi un écosystème d’innovation leader en Europe, qui compte parmi les plus dynamiques du monde.

Nous sommes honorés d’accueillir le premier invité saoudien au sommet «Choose France 2021», au château de Versailles, organisé par le président de la République.

Avec le plan France Relance, nous mobilisons des moyens inédits pour consolider ce leadership, dont 30 milliards d’euros sur deux ans d’investissements pour la transition écologique. Notre ambition est de devenir la première grande économie décarbonée européenne à l’horizon 2050.

La France est une terre d’opportunités pour les investisseurs saoudiens qui cherchent à diversifier leur portefeuille en l’élargissant aux énergies vertes, aux hautes technologies et aux secteurs d’avenir où l’excellence du savoir-faire français est reconnue dans le monde entier.

Comment évaluez-vous cette édition du G20 en matière d’avancées des relations commerciales entre l’Arabie saoudite et la France?

Les réunions du G20 sont avant tout des sommets de chefs d’État et de gouvernement destinés à élaborer des réponses communes aux défis mondiaux. Ce n’est pas le lieu pour traiter des questions bilatérales. En matière commerciale, nous avons un certain nombre de projets en cours avec l’Arabie saoudite. Nous les suivons de près, avec l’objectif de densifier encore les relations que nous entretenons déjà.

Quel bilan faites-vous de la gestion de ce G20 par l’Arabie saoudite?

Je tiens à remercier l’Arabie saoudite pour l’organisation de ce sommet. Le G20 de Riyad a permis d’obtenir des résultats satisfaisants dans de nombreux domaines prioritaires pour la France et ses partenaires européens. En matière de santé notamment, les chefs d’État et de gouvernement se sont entendus pour considérer les vaccins contre la Covid-19 comme un «bien public mondial» afin d’y garantir un accès équitable.

Il faut le saluer, le G20 est parvenu à un accord sur la suspension du service de la dette pour 77 États fragiles, et sur un cadre pour le traitement des dettes à venir

Le G20 a également envoyé un signal positif en termes de lutte contre le réchauffement climatique: conformément à la feuille de route tracée par l’accord de Paris, ses signataires se sont engagés à relever leur niveau d’ambition et à réviser à la hausse leurs contributions nationales dans la perspective de la Conférence de Glasgow de 2021 sur les changements climatiques, ou COP26.

Enfin, et il faut le saluer, le G20 est parvenu à un accord sur la suspension du service de la dette pour 77 États fragiles, et sur un cadre pour le traitement des dettes à venir. Au moment où de nombreux États peinent à faire face aux conséquences financières de la crise économique et sanitaire, cela pose les bases de restructurations de dettes souveraines au cas par cas, dans un cadre multilatéral auquel souscrit la Chine.

L’Arabie saoudite va à présent transmettre sa présidence à l’Italie, et nous poursuivrons notre engagement l’année prochaine pour que le G20 continue de jouer son rôle de promotion d’une mondialisation mieux régulée et plus durable.

Quels défis à l’aune de la pandémie?

Notre premier défi est de sortir de la crise. Tant au plan économique que sanitaire, la coopération internationale est la clé. C’est le sens de l’initiative ACT-Accelerator, ou ACT-A, qui vise à mettre les futurs vaccins contre la Covid-19 à la disposition du monde entier.

C’est le sens de la réflexion, promue notamment par la France, pour rendre les circuits commerciaux mondiaux plus résilients et plus durables, pour sécuriser les chaînes de valeur dont dépend notre approvisionnement en produits stratégiques, pour verdir les pratiques commerciales multilatérales afin de mettre les échanges internationaux au service d’une croissance soutenable au plan environnemental.

C’est aussi le sens des efforts que déploie le gouvernement français pour diversifier ses partenaires économiques et approfondir les relations bilatérales à fort potentiel.


Les députés s'apprêtent à baisser le rideau sur la partie «recettes» du budget de l'Etat

Les députés bouclent lundi huit jours de débats sur la partie "recettes" du budget de l'Etat, sans espoir de voter sur ce premier volet mardi comme initialement prévu. Mais à l'heure où chacun dresse un premier bilan, il semble peu probable que le texte puisse trouver une majorité dans l'hémicycle. (AFP)
Les députés bouclent lundi huit jours de débats sur la partie "recettes" du budget de l'Etat, sans espoir de voter sur ce premier volet mardi comme initialement prévu. Mais à l'heure où chacun dresse un premier bilan, il semble peu probable que le texte puisse trouver une majorité dans l'hémicycle. (AFP)
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  • Au menu lundi, la poursuite des discussions sur la justice fiscale, avec notamment des amendements sur la taxation des plus-values immobilières, ou les droits de succession
  • La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin devrait dresser un bilan des mesures adoptées jusqu'à présent

PARIS: Les députés bouclent lundi huit jours de débats sur la partie "recettes" du budget de l'Etat, sans espoir de voter sur ce premier volet mardi comme initialement prévu. Mais à l'heure où chacun dresse un premier bilan, il semble peu probable que le texte puisse trouver une majorité dans l'hémicycle.

Au menu lundi, la poursuite des discussions sur la justice fiscale, avec notamment des amendements sur la taxation des plus-values immobilières, ou les droits de succession.

La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin devrait dresser un bilan des mesures adoptées jusqu'à présent.

Les députés s'empareront mardi en séance du budget de la Sécurité sociale, rejeté en commission vendredi.

Celui-ci doit faire l'objet d'un vote solennel le 12 novembre, après lequel pourront reprendre les discussions sur le projet de loi de finances, jusqu'au plus tard le 23 novembre à minuit - les délais constitutionnels obligeant alors le gouvernement à transmettre le texte au Sénat. Le gouvernement tablait ces jours-ci sur un vote le 18 novembre pour la partie "recettes" du budget de l'Etat.

Mais d'ores et déjà le rapporteur général du Budget, Philippe Juvin (LR), anticipe son rejet: "Je ne vois pas très bien comment cette partie 1 pourrait être votée, parce qu'en fait elle ne va satisfaire personne", a-t-il dit sur LCI dimanche.

En cas de rejet de cette première partie, le projet de budget partirait au Sénat dans sa version initiale.

"Ecœurement" 

L'adoption du texte nécessiterait l'abstention des socialistes et des écologistes (et le vote positif de la coalition gouvernementale). Or rien ne la laisse présager à ce stade.

Le chef des députés PS, Boris Vallaud, a ainsi fait part dans une interview à La Tribune Dimanche de son "écœurement", après le rejet vendredi de la taxe Zucman sur le patrimoine des ultra-riches, et alors que la gauche peine de manière générale à "mettre de la justice dans ce budget".

"Si on devait nous soumettre le budget aujourd'hui, nous voterions évidemment contre, en sachant tout ce que cela implique, à savoir la chute du gouvernement", a ajouté celui dont le groupe avait décidé de laisser sa chance à Sébastien Lecornu en ne le censurant pas.

Les écologistes se montrent eux aussi sévères, vis-à-vis du gouvernement mais aussi des socialistes, dont ils semblent critiquer une quête du compromis à tout prix: "Je ne comprends plus ce que fait le PS", a déclaré la patronne des députés écolos Cyrielle Chatelain sur franceinfo vendredi soir.

Mais le texte ne fait pas seulement des mécontents à gauche. Le gouvernement a lui aussi marqué ses réticences face à des votes souvent contraires à ses avis, qui ont abouti à alourdir la pression fiscale.

"Je pense qu'il faut qu'on arrête de créer des impôts (...) Aujourd'hui, si je compte les mesures sur l'impôt des multinationales, sur les rachats d'actions, sur la taxe sur les super-dividendes et l'ensemble des amendements qui ont été votés, le taux de prélèvements obligatoires atteindrait au moins (...) 45,1% du PIB, c'est plus qu'en 2013 où il était à 44,8%", a fustigé Amélie de Montchalin vendredi soir.

"Sorcellerie fiscale" 

Le ministre de l'Economie Roland Lescure a lui mis en garde contre la "sorcellerie fiscale" et le vote de mesures "totalement inopérantes". Particulièrement dans son viseur, une "taxe Zucman" sur les multinationales censées rapporter 26 milliards d'euros, selon son initiateur Eric Coquerel, le président LFI de la commission des Finances.

Montré du doigt par la droite pour son soutien à la mesure, le Rassemblement national a assumé son vote: le président du RN Jordan Bardella a défendu sur X un "mécanisme de lutte contre la fraude fiscale des grandes multinationales étrangères".

Sur France Inter dimanche, le vice-président du RN Sébastien Chenu a cependant fustigé un budget "de bric et de broc", qui crée "beaucoup d'impôts" sans s'attaquer "aux dépenses toxiques".

Vendredi, reconnaissant les limites de la discussion budgétaire pour parvenir à une copie d'ensemble cohérente, le Premier ministre a demandé "à l'ensemble des ministres concernés" de réunir les représentants des groupes pour "essayer de se mettre d'accord sur les grands principes de l'atterrissage d'un texte pour la Sécurité sociale et pour le projet de loi de finances".

 


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.