La conférence estonienne Lennart Meri met en lumière les développements au Moyen-Orient et les relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran

Hanna Notte, associée principale au Centre de Vienne pour le désarmement et la non-prolifération (Photo, fournie).
Hanna Notte, associée principale au Centre de Vienne pour le désarmement et la non-prolifération (Photo, fournie).
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Publié le Samedi 13 mai 2023

La conférence estonienne Lennart Meri met en lumière les développements au Moyen-Orient et les relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran

  • Nous sommes mal placés en ce qui concerne le programme nucléaire de Téhéran, prévient un expert
  • Le rôle de la Chine dans la médiation entre le Royaume et la République islamique expliqué

TALLINN : Lors d’une conférence importante sur le leadership éclairé en Estonie, les analystes ont débattu vendredi afin de savoir si la région du Moyen-Orient et ses points chauds avaient été négligés en raison de l’attention accordée par l’Occident à l’invasion russe de l’Ukraine. 

Dans ce qui a été décrit comme une « bénédiction mitigée », il y a eu un changement stratégique des États-Unis vers l'Asie de l'Est et la préoccupation de l'Europe à l'égard de la Russie. Selon un panel de la conférence Lennart Meri, ceci aurait conduit à une attention réduite de l'Occident sur le Moyen-Orient. Certains panélistes ont averti que « même si vous quittez le Moyen-Orient, le Moyen-Orient ne vous laissera pas seul ».

Cela a été discuté lors de la session de préouverture de l'événement principal à la conférence Lennart Meri, dans la capitale estonienne, Tallinn. Le rôle du Moyen-Orient, la montée de l'Arabie saoudite aux côtés de pays non-arabes, dont l'Iran, la Turquie et Israël, ont également été pris en compte.

Hanna Notte, associée principale du Centre de Vienne pour le désarmement et la non-prolifération, a déclaré que les États-Unis ne voulaient pas de guerre au Moyen-Orient. Notte a ajouté que « nous pouvons continuer à jouer à des jeux avec le JCPOA iranien », faisant référence à l'accord sur le nucléaire iranien –  abandonné par l'ancien président américain Donald Trump –  qui est bloqué depuis l'année dernière.

Notte a déclaré que « nous sommes dans une mauvaise passe » avec le JCPOA, et que le régime iranien stocke maintenant de l'uranium, ajoutant à la guerre de la Russie en Ukraine une « clé majeure dans la diplomatie nucléaire mondiale ».

Hanna Notte, associée principale au Centre de Vienne pour le désarmement et la non-prolifération
Hanna Notte, associée principale au Centre de Vienne pour le désarmement et la non-prolifération 

La session a abordé l'accord bloqué du JCPOA ainsi que l'absence de l'Occident, dans le but d’ouvrir la voie à d'autres acteurs peut-être moins bienveillants, notamment la Russie et la Chine, afin qu’ils affirment leur influence. Un exemple a été cité : leur négligence de l'impact des armes iraniennes exportées vers la guerre au Yémen, mais pas vers la guerre en Ukraine.

Seth Jones, vice-président senior et directeur du programme de sécurité internationale au Centre d'études stratégiques et internationales, a déclaré qu'il y avait eu une diminution de l'influence américaine. En parallèle, celle de la Chine avait augmenté au Moyen-Orient en raison d'une diminution de la dépendance à l'égard des pétroles ainsi qu’une diminution de la menace terroriste perçue dans la région.

Seth-Jones, vice-président senior et directeur du programme de sécurité internationale au Center for Strategic and International Studies
Seth-Jones, vice-président senior et directeur du programme de sécurité internationale au Center for Strategic and International Studies 

Faisal J. Abbas, rédacteur en chef d'Arab News, basé à Riyad, a également commenté le rôle de la Chine et salué son efficacité à négocier le rapprochement saoudo-iranien. Il a affirmé qu'il n'avait fallu que trois mois à compter de la proposition présentée par le président Xi lors de sa visite à Riyad en décembre 2022 et la déclaration à Pékin le 10 mars 2023. 

Or, malgré le rôle que jouent les Chinois dans la région, les relations du Royaume avec les États-Unis restent « rigides » - ​​ajoutant qu'il y a des raisons pour lesquelles la proposition chinoise de médiation a été bien accueillie.

« Je sais très bien comment la Chine est perçue en Europe et comment elle est perçue aux États-Unis, mais il faut aussi la regarder d'un point de vue du Moyen-Orient », a déclaré Abbas.

Il a ajouté : « Nous savons ce qui se passe en Asie, en termes de politique étrangère chinoise là-bas, mais vous devez vous rappeler dans la mémoire collective du monde arabe (que) la Chine n'a jamais été une puissance colonisatrice dans la région », ajoutant : «Elle n'apporte aucun bagage, contrairement à la Grande-Bretagne ou la France, ou même les États-Unis dans la région.»

« Surtout, contrairement à l'Irak (qui a essayé de servir de médiateur entre Riyad et Téhéran), la Chine a un effet de levier et 400 milliards de raisons, et c'est le montant des investissements promis en dollars (1 dollar = 0,91 euro) à investir en Iran au cours des 25 prochaines années ».

Faisal J. Abbas, rédacteur en chef de Arab News basé à Riyad
Faisal J. Abbas, rédacteur en chef de Arab News basé à Riyad 

Selon Anna Borschchevskaya, chercheuse principale du Washington Institute for Near East Policy, l’alignement de la Russie avec l'Iran date depuis longtemps. Mais pour la première fois, Moscou dépend de Téhéran afin d’obtenir des armes pour la guerre en Ukraine et recherche le soutien politique de partis qui n'ont pas été isolés. 

Anna Borshchevskaya, chercheuse principale au Washington Institute for Near East Policy
Anna Borshchevskaya, chercheuse principale au Washington Institute for Near East Policy 

Mustafa Aydin, professeur à la faculté des relations internationales des sciences économiques, administratives et sociales de l'Université Kadir Has de Turquie, a déclaré que la priorité de son pays était « la stabilité à ses propres frontières et dans la région élargie du Levant et du Moyen-Orient ». Il a ajouté que cela avait fait défaut depuis la fin de la guerre froide.

Mustafa Aydin, professeur à la faculté d’économie des relations internationales
Mustafa Aydin, professeur à la faculté d’économie des relations internationales 

Il a également déclaré que le soutien américain aux Kurdes syriens avait rompu les relations avec la Turquie et Ankara afin de forger des liens plus étroits avec la Russie.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


Liban: deux morts dans une frappe israélienne contre un véhicule dans le sud 

Des équipes d'urgence libanaises bouclent le périmètre d'un incendie sur le site des frappes israéliennes suite à des ordres d'évacuation, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 27 avril 2025. Photo d'illustration (Photo par AFP)
Des équipes d'urgence libanaises bouclent le périmètre d'un incendie sur le site des frappes israéliennes suite à des ordres d'évacuation, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 27 avril 2025. Photo d'illustration (Photo par AFP)
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  • Deux personnes ont été tuées jeudi dans une frappe israélienne contre un véhicule dans le sud du Liban
  • Israël mène régulièrement des frappes au Liban, principalement dans le sud, affirmant cibler le Hezbollah pro-iranien, plus de cinq mois après l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu le 27 novembre

BEYROUTH: Deux personnes ont été tuées jeudi dans des frappes israéliennes sur une localité du sud du Liban, a annoncé le ministère libanais de la Santé.

Le ministère a indiqué dans un communiqué qu'une frappe "menée par un drone de l'ennemi israélien contre une voiture dans la localité de Maiss el-Jabal a tué un Libanais et blessé deux Syriens".

Une autre personne a été tuée dans une seconde frappe sur cette localité, a ajouté le ministère dans un autre communiqué.

Israël mène régulièrement des frappes au Liban, principalement dans le sud, affirmant cibler le Hezbollah pro-iranien, plus de cinq mois après l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu le 27 novembre.

Au début de la guerre à Gaza en octobre 2023, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas, le Hezbollah a tiré des roquettes à partir du sud du Liban sur Israël, affirmant agir en soutien à son allié palestinien.

Israël a réagi en septembre 2024 par d'intenses bombardements sur le Liban, principalement contre les bastions du Hezbollah, qui est sorti très affaibli de la guerre.

Une commission regroupant le Liban, Israël, les Etats-Unis, la France et l'ONU est chargée de superviser l'application du cessez-le-feu.

Beyrouth presse la communauté internationale de faire pression sur Israël pour qu'il mette fin à ses attaques et se retire de cinq positions frontalières où il a maintenu des troupes, malgré l'accord.

Le Liban affirme respecter l'ensemble de ses engagements et impute à Israël la responsabilité du non-respect de l'accord.

Lundi, l'armée israélienne a indiqué avoir frappé plus de 50 "cibles terroristes" en un mois au Liban "après des violations du cessez-le-feu et des accords entre Israël et le Liban, posant une menace pour l'Etat d'Israël et sa population".

 


Les Emirats vont lever l'interdiction à leurs ressortissants de se rendre au Liban

Les Emirats arabes unis vont lever l'interdiction faite à leurs ressortissants de se rendre au Liban, qui avait été imposée lors d'une querelle diplomatique en 2021, selon une déclaration conjointe des deux pays publiée jeudi. (AFP)
Les Emirats arabes unis vont lever l'interdiction faite à leurs ressortissants de se rendre au Liban, qui avait été imposée lors d'une querelle diplomatique en 2021, selon une déclaration conjointe des deux pays publiée jeudi. (AFP)
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  • En 2021, les Emirats arabes unis avaient interdit à leurs ressortissants de se rendre au Liban, et rappelé leurs diplomates en poste à Beyrouth en signe de solidarité avec l'Arabie saoudite, après les critiques d'un ministre libanais envers Riyad
  • Ni Beyrouth ni Abou Dhabi n'avaient interdit les déplacements des Libanais aux Emirats arabes unis, bien que certains aient eu des difficultés à obtenir des visas

DUBAI: Les Emirats arabes unis vont lever l'interdiction faite à leurs ressortissants de se rendre au Liban, qui avait été imposée lors d'une querelle diplomatique en 2021, selon une déclaration conjointe des deux pays publiée jeudi.

Cette décision a été annoncée au lendemain d'une rencontre à Abou Dhabi entre le président libanais Joseph Aoun et son homologue émirati Mohammed ben Zayed Al-Nahyane.

"Les deux parties sont convenues d'autoriser les citoyens à voyager, après avoir pris les mesures nécessaires pour faciliter les déplacements entre les deux pays et mis en place les mécanismes appropriés", indique le communiqué.

En 2021, les Emirats arabes unis avaient interdit à leurs ressortissants de se rendre au Liban, et rappelé leurs diplomates en poste à Beyrouth en signe de solidarité avec l'Arabie saoudite, après les critiques d'un ministre libanais envers l'intervention militaire de Ryad au Yémen.

Ni Beyrouth ni Abou Dhabi n'avaient interdit les déplacements des Libanais aux Emirats arabes unis, bien que certains aient eu des difficultés à obtenir des visas.

Le Fonds d'Abou Dhabi pour le développement, qui soutient des projets d'infrastructure dans les pays en développement, enverra une délégation au Liban pour étudier d'éventuels projets communs, ajoute le communiqué.

Les liens entre les deux pays se sont détériorés au cours de la dernière décennie en raison de l'influence du Hezbollah pro-iranien sur le Liban.

Mais depuis que le Hezbollah est sorti affaibli fin novembre de plus d'un an d'hostilités, dont deux mois de guerre ouverte, avec Israël, les Emirats arabes unis manifestent à nouveau leur intérêt pour le Liban, à la suite d'autres pays du Golfe.

En mars, l'Arabie saoudite avait déclaré qu'elle examinerait les "obstacles" à la reprise des importations libanaises et à la levée de l'interdiction faite à ses ressortissants de se rendre au Liban.

M. Aoun avait auparavant rencontré le prince héritier Mohammed ben Salmane, dirigeant de facto de l'Arabie saoudite, à Ryad, où il effectuait son premier voyage à l'étranger depuis son entrée en fonction en janvier.

M. Aoun, qui a les faveurs de Ryad et de Washington, a été élu après que l'affaiblissement du Hezbollah et le renversement en Syrie de l'allié du mouvement, Bachar al-Assad, ont modifié l'équilibre des pouvoirs au Liban.

 


Syrie: l'un des principaux chefs religieux druzes dénonce une «campagne génocidaire» contre sa communauté

 Au moins quinze combattants druzes ont été tués mercredi dans une embuscade près de Damas, a rapporté jeudi l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). (AFP)
Au moins quinze combattants druzes ont été tués mercredi dans une embuscade près de Damas, a rapporté jeudi l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). (AFP)
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  • Des combats avaient opposé mercredi à Sahnaya, près de Damas, des groupes armés liés au pouvoir islamiste sunnite à des combattants druzes, avant un retour à un calme précaire
  • Les 15 combattants druzes, qui se rendaient à Sahnaya, ont été pris pour cible "par les forces de sécurité, et des hommes armés qui leur sont affiliés", selon l'ONG

DAMAS: La plus haute autorité spirituelle des druzes de Syrie a dénoncé jeudi une "campagne génocidaire" contre sa communauté et s'en est pris au pouvoir d'Ahmad al-Chareh, au lendemain de combats confessionnels ayant fait des dizaines de morts près de Damas.

Ces heurts entre combattants druzes et groupes armés liés au pouvoir sunnite illustrent l'instabilité persistante en Syrie, près de cinq mois après le renversement du président Bachar al-Assad, issu de la minorité alaouite.

Dans un communiqué, cheikh Hikmat al-Hajri a dénoncé une "campagne génocidaire injustifiée" visant des "civils à leur domicile" et réclamé "une intervention immédiate de forces internationales".

"Nous ne faisons plus confiance à une entité qui prétend être un gouvernement (...) Un gouvernement ne tue pas son peuple en recourant à ses propres milices extrémistes, puis, après les massacres, prétend que ce sont des éléments incontrôlés". "Un gouvernement protège son peuple."

Les combats à Jaramana et Sahnaya, où vivent des chrétiens et des druzes, ont réveillé le spectre des massacres qui ont fait début mars plus de 1.700 morts, en grande majorité des membres de la minorité alaouite. Les violences avaient été déclenchées par des attaques des pro-Assad contre les forces de sécurité.

Affirmant vouloir défendre les druzes, Israël, pays voisin de la Syrie avec laquelle il est techniquement en guerre, a menacé de frapper le pouvoir syrien en cas de nouvelles violences contre cette minorité.

Les druzes sont une minorité ésotérique issue de l'islam chiite et ses membres sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël. Les alaouites sont une autre branche minoritaire de l'islam, tandis que le sunnisme et le chiisme en sont les deux principaux courants.

"Engagement ferme" 

Les combats près de Damas ont été déclenchés lundi soir par une attaque de groupes armés affiliés au pouvoir contre Jaramana, après la diffusion sur les réseaux sociaux d'un message audio attribué à un druze et jugé blasphématoire à l'égard du prophète Mahomet. L'AFP n'a pas pu vérifier l'authenticité du message.

Les heurts à Jaramana ont fait 17 morts mardi avant de s'étendre mercredi à Sahnaya où 22 combattants de deux camps ont péri, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Mercredi aussi, 15 combattants druzes ont péri dans une embuscade sur une route menant à Sahnaya, d'après l'ONG.

Des accords entre représentants des druzes et du pouvoir ont permis de rétablir le calme mardi soir à Jaramana, une banlieue de Damas, et mercredi soir à Sahnaya, à 15 km au sud-ouest de Damas, où des forces de sécurité ont été déployées.

Les autorités syriennes avaient averti qu'elles "frapperaient d'une main de fer tous ceux qui cherchent à saper la stabilité de la Syrie", accusant des "groupes hors-la-loi" d'avoir provoqué les violences.

Le pouvoir syrien a dans ce contexte réaffirmé son "engagement ferme à protéger toutes les composantes du peuple syrien, y compris la communauté druze". Il a aussi exprimé "son rejet catégorique de toute ingérence étrangère" après l'intervention militaire israélienne.

"Etendre le chaos" 

Israël a mené plusieurs frappes affirmant cibler des objectifs du pouvoir syrien.

Les druzes d'Israël forment une minorité arabophone d'environ 150.000 personnes réputée pour son patriotisme, et sont surreprésentés dans l'armée et la police par rapport à leur nombre.

Au Liban voisin, le chef druze libanais, Walid Joumblatt, a accusé Israël d'instrumentaliser les druzes de Syrie. "Israël continue de vouloir appliquer son plan de toujours (...) consistant à morceler la région en entités confessionnelles et étendre le chaos", a-t-il déclaré fin mars.

Dès la chute de Bachar al-Assad le 8 décembre, renversé par une coalition de factions rebelles islamistes dirigée par M. Chareh après plus de 13 ans de guerre civile, Israël a multiplié les gestes d'ouverture envers les druzes.

Mais les dignitaires druzes ont réaffirmé leur attachement à l'unité de la Syrie et rejeté les menaces israéliennes contre le pouvoir syrien.

"En se plaçant en protecteur de la communauté druze, Israël espère à la fois se trouver des alliés locaux, particulièrement dans le sud syrien, mais aussi peser dans la balance à un moment où le futur de la Syrie reste incertain (...)", estime Michael Horowitz, un analyste indépendant.