Erdogan vs Kiliçdaroglu: deux voies pour la Turquie

Le président turc arrive pour une prière nocturne lors de sa visite à la grande mosquée Sainte-Sophie dans le cadre de sa campagne présidentielle avant les élections présidentielles et législatives du 14 mai, à Istanbul, le 13 mai 2023. (AFP).
Le président turc arrive pour une prière nocturne lors de sa visite à la grande mosquée Sainte-Sophie dans le cadre de sa campagne présidentielle avant les élections présidentielles et législatives du 14 mai, à Istanbul, le 13 mai 2023. (AFP).
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Publié le Dimanche 14 mai 2023

Erdogan vs Kiliçdaroglu: deux voies pour la Turquie

  • La Turquie choisit dimanche entre Recep Tayyip Erdogan, le tribun au pouvoir depuis vingt ans, et Kemal Kiliçdaroglu, à la tête d'une large coalition
  • Le pouvoir d'un seul homme ou une direction collégiale, l'autocratie ou le rétablissement promis de l'état de droit: deux avenirs possibles, deux choix de société s'ouvrent à ce pays de 85 millions d'habitants, clivé comme jamais

ISTANBUL : L'un hurle au risque de chaos, l'autre promet le retour du printemps.

La Turquie choisit dimanche entre Recep Tayyip Erdogan, le tribun au pouvoir depuis vingt ans, et Kemal Kiliçdaroglu, à la tête d'une large coalition.

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Le président turc Recep Tayyip Erdogan (à droite) prononce un discours lors d'un rassemblement dans le quartier de Beyoglu à la veille des élections présidentielles et législatives, sur la rive européenne d'Istanbul, le 13 mai 2023. (AFP). 

Le pouvoir d'un seul homme ou une direction collégiale, l'autocratie ou le rétablissement promis de l'état de droit: deux avenirs possibles, deux choix de société s'ouvrent à ce pays de 85 millions d'habitants, clivé comme jamais.

Entre Erdogan, 69 ans, qui joue son maintien au pouvoir, et Kiliçdaroglu, 74 ans, ce n'est pas une affaire de génération mais de style et de conviction.

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Le président du Parti républicain du peuple (CHP) et candidat à la présidence de la Turquie, Kemal Kilicdaroglu (C), se rend à Anitkabir, le mausolée du fondateur de la Turquie Mustafa Kemal Ataturk, lors d'une campagne électorale à Ankara, le 13 mai 2023. (AFP). 

Le chef de l'Etat, issu d'une famille humble installée dans un quartier populaire d'Istanbul sur la Corne d'or, musulman dévot, chantre des valeurs familiales, demeure le champion de la majorité conservatrice longtemps dédaignée par une élite urbaine et laïque.

'Notre chef'

"Erdogan est notre chef et nous sommes ses soldats!", clamait samedi une fervente supportrice, Sennur Henek, 48 ans, attendant le "Reis", comme le surnomment ses plus fidèles partisans, pour son dernier meeting de campagne dans son quartier d'origine, Kasimpasa.

Ancien maire d'Istanbul (1994-1998), Erdogan s'est hissé au pouvoir en 2003 après la victoire l'année précédente aux élections du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) qu'il a fondé.

Kemal Kiliçdaroglu, né dans un milieu modeste à Dersim (aujourd'hui Tunceli) en Anatolie orientale, économiste de formation et ancien haut fonctionnaire, il a dirigé la puissante Sécurité sociale turque.

Il est depuis 2010 le chef du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) fondé par le père de la nation turque, Mustafa Kemal Atatürk, qui a longtemps promu une laïcité dure.

Preuve de leurs convictions respectives, Erdogan a terminé sa campagne samedi soir devant l'ex-basilique Sainte-Sophie d'Istanbul, qu'il a convertie en mosquée en 2020, quand son opposant se recueillait à Ankara devant le mausolée d'Atatürk.

Kiliçdaroglu appartient à la communauté alévie, une branche hétérodoxe de l'islam considérée comme hérétique par les sunnites rigoristes, ce qui a été longtemps vu comme un obstacle possible à son élection.

Mais le candidat de l'opposition a su contourner cet écueil, dans une courte vidéo où il a abordé frontalement la question, vue plus de 100 millions de fois sur Twitter.

Il a su également rassurer certains conservateurs en promettant une loi pour garantir aux femmes le droit de porter le voile, telles qu'on les croise fréquemment dans ses meetings.

Elections en Turquie, mode d'emploi

La Turquie est appelée aux urnes dimanche pour désigner son nouveau président et renouveler son parlement. Mode d'emploi.

Primo-votants et observateurs

Quelque 64 millions d'électeurs (sur 85 millions d'habitants) sont inscrits.

Parmi eux, 3,4 millions qui ont déjà voté à l'étranger, et 5,2 millions de jeunes primo-votants qui n'ont connu que M. Erdogan et sa dérive autocratique depuis les grandes manifestations de 2013 et le coup d'Etat raté de 2016.

Des centaines d'observateurs sont déployés dans les 50 000 bureaux de vote ouverts entre 08h00 (05H00 GMT) et 17h00 (14h00 GMT), y compris dans les zones du sud du pays dévastées par le séisme du 6 février.

Le Conseil de l'Europe doit par exemple dépêcher 350 observateurs, en plus de ceux désignés par les partis, dont les 300 000 mobilisés par l'opposition.

En 2018, le taux de participation avait dépassé les 86%.

Duel entre deux camps

Quatre noms figurent sur les bulletins de la présidentielle: celui de Recep Tayyip Erdogan, 69 ans dont vingt au sommet de l'Etat, et chef du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur).

Face à lui Kemal Kiliçdaroglu, chef du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate et laïque fondé par Mustafa Kemal sur les ruines de l'empire ottoman). L'ancien fonctionnaire de 74 ans mène une coalition de six formations allant de la droite nationaliste au centre-gauche libéral.

Sinan Ogan, un ancien député d'extrême droite, est également en lice, crédité de moins de 5% des intentions de vote dans les dernières enquêtes d'opinion.

Un quatrième candidat, Muharrem Ince, s'est désisté jeudi, mais trop tard pour voir son nom retiré des bulletins.

Si aucun candidat n'obtient la majorité dimanche, un second tour aura lieu le 28 mai.

L'enjeu des législatives

Elles permettent dans un scrutin proportionnel de désigner les 600 membres de la Grande assemblée nationale, un parlement monocaméral au rôle éclipsé depuis la réforme constitutionnelle de 2017 et par le régime présidentiel fort qui en a découlé.

Le bloc formé par l'AKP de M. Erdogan et ses alliés du mouvement nationaliste MHP détient actuellement la majorité.

L'opposition ambitionne de lui ravir et même d'obtenir la majorité des deux tiers requise pour modifier la Constitution.

Une cohabitation est possible mais rendrait la gouvernance difficile.

Président jusqu'en 2028 ?

Le président ne peut théoriquement siéger que pour deux mandats de cinq ans.

M. Erdogan peut prétendre endosser pour la troisième fois la fonction suprême car il n'a pas été tenu compte du mandat effectué après sa victoire à la présidentielle de 2014 sous l'ancien système, après 12 années passés en tant que Premier ministre.

M. Erdogan, pourrait donc en théorie rester à la tête du pays jusqu'en 2028.

M. Kiliçdaroglu quant à lui a suggéré qu'il ne resterait qu'un seul mandat s'il est élu dimanche.

'Ramener la démocratie'

Erdogan, bretteur infatigable, s'empare des foules, hausse le ton, manie l'invective et même l'insulte, traite son adversaire de "terroriste", dénonce un complot de l'Occident, peut parler plus d'une heure en scène jusqu'à trois fois par jour.

Il défend son bilan, le développement du pays et des infrastructures au cours de ses deux décennies de pouvoir - mais glisse sur la crise économique qui engloutit son pays avec une inflation toujours supérieure à 40% et une monnaie dévaluée de moitié en deux ans.

Kiliçdaroglu a privilégié la collégialité de ses meetings: fréquemment accompagné sur scène des très populaires maires CHP d'Istanbul Ekrem Imamoglu et d'Ankara, Mansur Yavas, et des dirigeants des partis alliés, il parle peu.

Privé d'accès à la plupart des chaînes de télévision turque, qui retransmettent chacun des meetings du président en direct, il a misé sur les réseaux sociaux et a développé sa vision de l'avenir dans de courtes vidéos faites maison, tournées notamment dans sa cuisine et qui ont fait un carton sur Twitter.

"Kemal", comme il s'annonce sur ses affiches, se pose aussi en "Monsieur Propre", dénonçant depuis des années la corruption et le népotisme qui gangrènent selon lui les sommets de l'Etat.

"Êtes-vous prêts pour ramener la démocratie dans ce pays ? A ramener la paix ?", a-t-il demandé vendredi soir en clôture de son dernier meeting à Ankara.

S'il est élu, Kiliçdaroglu a l'intention de réintégrer le palais présidentiel choisi par Mustafa Kemal à Ankara en 1923, lors de la proclamation de la République. Et de délaisser le fastueux palais de plus de 1.100 pièces construit par Erdogan.

Turquie, dans Antakya dévastée : «Je ne revoterai pas pour Erdogan»

Mehmet Topaloglu est arrivé parmi les premiers dimanche pour voter : «il faut du changement, ça suffit», lance cet habitant d'Antakya, ville du sud de la Turquie anéantie par le séisme du 6 février.

Les élections présidentielle et législatives turques qui se déroulent cette année sont pour lui différentes «en raison du tremblement de terre et de l'économie».

«J'ai voté (Recep Tayyip) Erdogan pour ses deux premiers mandats, mais là, je ne revoterai pas pour lui, même si c'était mon père», lâche l'éleveur et père de quatre enfants, à l'entrée d'une école de la ville transformée en bureau de vote.

Semra Karakas et sa fille Aylin, 23 ans, ont fait quatorze heures de car pour revenir voter à Antakya. Leur appartement n'a pas résisté au séisme du 6 février qui a fait plus de 50.000 morts dans le sud de la Turquie. Les deux femmes vivent depuis à Antalya, sur la côte sud du pays.

«Avant même le séisme mon vote était défini, mais avec le séisme ça s'est confirmé», lâche la fille, étudiante en architecture, pantalon noir et veste blanche, devant un des douze conteneurs blancs acheminés dans la cour de l'école pour permettre aux électeurs de voter.

Plus de 5,3 millions de jeunes gens votent pour la première fois cette année et se sentent durement affectés par la crise économique, l'inflation et la dévaluation de la monnaie.

«L'Etat ne nous est pas venu en aide» et ses représentants «sont arrivés trois ou quatre jours après» le sinistre, reprend Aylin Karakas, affirmant que les votes pour le président turc Erdogan, au pouvoir depuis vingt ans, «vont beaucoup baisser» cette année dans la province d'Hatay, celle d'Antakya, particulièrement meurtrie par le drame qui a fait aussi trois millions de disparus.

- «Bébés morts» -

Sa mère évoque avec émotion «les bébés morts» dans les décombres en attendant les secours qui n'arrivaient pas, certains, souligne-t-elle, «de froid».

«Cette catastrophe va impacter le vote», affirme-t-elle, alors que les sondages placent le principal opposant au chef de l'Etat, Kemal Kiliçdaroglu, en bonne posture.

Un groupe de jeunes entre dans la cour : «Tayyip Erdogan doit se casser !», lance l'un d'eux, Sercan, qui refuse de donner son nom de famille après avoir qualifié le président de tous les noms d'oiseaux.

«Toutes les élections sont importantes mais celle-ci l'est plus que les autres à cause du séisme», explique plus doctement Cemil Kanatçi, béret gris sur le crâne, quelques mètres en arrière.

Votera-t-il différemment que par le passé ? «C'est possible», dit pudiquement le septuagénaire.

«Ces élections sont beaucoup plus importantes», affirme également Deryer Deniz, 35 ans.

Cette travailleuse médicale, longues boucles blondes, vit avec six autres personnes dans une tente depuis le séisme. Elle dit connaître «beaucoup d'électeurs qui votaient coûte que coûte pour Erdogan» et ne voteront plus pour le chef de l'Etat sortant cette année, sans savoir si cela sera suffisant pour faire basculer le scrutin.

«Mais si le gouvernement tombe, (la province de) Hatay aura eu son rôle», lâche-t-elle.


Washington cible l'Autorité palestinienne, en plein débat sur la reconnaissance d'un Etat de Palestine

Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
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  • Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine

WASHINGTON: Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine.

L'annonce des sanctions américaines survient en effet au moment où de nombreux Etats, dont la France et le Canada, ont promis de reconnaître un Etat de Palestine en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre, provoquant la colère d'Israël et des Etats-Unis qui parlent d'une "récompense" faite au Hamas dans la bande de Gaza.

La France et l'Arabie saoudite ont co-présidé lundi et mardi à l'ONU une conférence internationale, plaidant ainsi pour la solution à deux Etats, israélien et palestinien, seul chemin pour parvenir à la paix au Proche-Orient.

Washington, qui rejette toute reconnaissance unilatérale d'un Etat palestinien, a décrit la conférence comme étant une "insulte" faite aux victimes de l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Dans un communiqué jeudi, le département d'Etat américain a fait part de sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'OLP, sans les identifier, accusés notamment d'"internationaliser le conflit avec Israël".

Washington reproche aux deux institutions de "soutenir des actions au sein d'organisations internationales qui sapent et contredisent les engagements antérieurs" notamment à travers la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI).

Washington avait sanctionné en juin quatre magistrates de la CPI, estimant que leurs procédures visant l'exécutif israélien étaient "illégitimes" et "politisées".

Washington, principal allié d'Israël, accuse aussi l'OLP et l'Autorité palestinienne de "continuer à soutenir le terrorisme, y compris par l'incitation et la glorification de la violence" dans les livres scolaires, une accusation de longue date.

Les sanctions consistent en un refus de visa pour des membres des deux institutions.

- "Distorsion morale" -

"Il est dans l'intérêt de notre sécurité nationale d'imposer des sanctions et de tenir l'OLP et l'Autorité palestinienne responsables du non-respect de leurs engagements et de la remise en cause des perspectives de paix", a indiqué le département d'Etat.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, s'est aussitôt félicité de cette décision, jugeant que "l'Autorité palestinienne doit payer le prix de sa politique actuelle consistant à verser des indemnités aux terroristes et à leurs familles pour les attentats commis et pour l'incitation à la haine contre Israël dans les écoles, les manuels scolaires, les mosquées et les médias palestiniens".

Il a également relevé, sur X, que cette mesure "met en évidence la distorsion morale de certains pays qui se sont empressés de reconnaître un Etat palestinien virtuel tout en fermant les yeux sur le soutien de l'Autorité palestinienne au terrorisme et à l'incitation à la haine".

L'Autorité palestinienne, dont le président est Mahmoud Abbas, administre la Cisjordanie occupée, tandis que l'OLP, créée en 1964, est le mouvement fondateur représentant les Palestiniens, longtemps dirigée par leur leader historique Yasser Arafat.

L'OLP rassemble la majorité des mouvements politiques palestiniens mais pas le mouvement islamiste Hamas, qui s'est emparé du pouvoir à Gaza en 2007.

Des pays arabes et occidentaux voudraient voir l'Autorité palestinienne, très affaiblie, jouer un rôle dans la gouvernance de la bande de Gaza après la guerre qui y fait rage depuis octobre 2023.

Depuis son retour au pouvoir en janvier, le président Donald Trump, qui a accueilli le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu par trois fois à la Maison Blanche, plus qu'aucun autre dirigeant étranger, a apporté un soutien inconditionnel à Israël, tout en oeuvrant sans succès pour un cessez-le-feu à Gaza.

Mais il s'est montré peu disert sur l'Autorité palestinienne, décriée pour le manque de réformes et la corruption.

Parmi ses premiers décrets, le président Trump avait levé des sanctions imposées sous son prédécesseur Joe Biden visant des colons israéliens extrémistes en Cisjordanie, en proie à une recrudescence des violences.


L'envoyé de Trump rencontre Netanyahu, Israël face à des critiques accrues

L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
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  • L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël
  • Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël

Jérusalem, Non défini: L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël.

Après 22 mois d'une guerre dévastatrice déclenchée par une attaque du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023, la bande de Gaza est menacée d'une "famine généralisée" selon l'ONU et est totalement dépendante de l'aide humanitaire distribuée par camions ou larguée depuis les airs.

Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël, selon la Défense civile locale qui a fait état de 38 Palestiniens tués jeudi.

Plusieurs dizaines de corps gisaient empilés à la morgue de l'hôpital al-Chifa dans le nord de Gaza, dans l'attente d'être collectés par leurs proches, a constaté un correspondant de l'AFP.

"Le moyen le plus rapide de mettre fin à la crise humanitaire à Gaza est que le Hamas CAPITULE ET LIBÈRE LES OTAGES !!!", a déclaré le président américain Donald Trump sur X.

Rien n'a filtré de la rencontre entre MM. Witkoff et Netanyahu mais en début de semaine, M. Trump a semblé se distancer de son allié israélien en évoquant une "vraie famine" à Gaza.

Avant l'arrivée jeudi de l'émissaire de M. Trump, des dizaines de mères et proches d'otages encore aux mains du Hamas ont manifesté devant le bureau du Premier ministre à Jérusalem, exigeant un "accord global" qui garantirait la libération des 49 otages encore détenus à Gaza, dont 27 ont été déclarés morts par l'armée.

- "Position minoritaire" -

L'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 a entraîné du côté israélien la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles.

En riposte, Israël a juré de détruire le Hamas et lancé une offensive dévastatrice à Gaza qui a fait au moins 60.249 morts, en majorité des civils, d'après les données du ministère de la Santé à Gaza jugées fiables par l'ONU. La campagne aérienne et terrestre a dévasté le territoire et provoqué un désastre humanitaire.

Le chef de la diplomatie allemande Johann Wadephul a lui rencontré à Jérusalem son homologue israélien Gideon Saar, avant de rencontrer M. Netanyahu.

Avant de décoller pour Israël, M. Wadephul a estimé qu'Israël était "de plus en plus en position minoritaire", alors qu'un "nombre croissant de pays, y compris européens, sont prêts à reconnaître un Etat palestinien sans processus de négociation préalable".

Ces visites interviennent après la multiplication des alertes d'organisations internationales sur une famine à Gaza et l'échec de négociations indirectes, sous médiation américaine, qatarie et égyptienne, entre Israël et le Hamas en vue d'un cessez-le-feu.

Le gouvernement israélien a annoncé dimanche une pause limitée dans l'offensive afin de permettre l'acheminement de l'aide dans le petit territoire pauvre où s'entassent plus de deux millions de Palestiniens.

Mais ces aides sont jugées insuffisantes par les organisations internationales face aux besoins immenses de la population.

- "Pression déformée"

Le Portugal a indiqué jeudi envisager de reconnaître l'Etat de Palestine, après que plusieurs pays dont le Canada, la France et le Royaume-Uni ont annoncé leur intention de faire de même en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre.

Une telle reconnaissance reste néanmoins largement symbolique en raison du refus d'Israël de la création d'un tel Etat auquel aspirent les Palestiniens.

Dans ce contexte, Israël a dénoncé une "campagne de pression internationale déformée" venant "récompenser le Hamas et nuire aux efforts visant à obtenir un cessez-le-feu à Gaza".

Les Etats-Unis, qui ont dénoncé les annonces sur la reconnaissance d'un Etat palestinien, ont imposé des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), accusant les deux organismes d'avoir pris des mesures pour "internationaliser leur conflit avec Israël" et de "continuer à soutenir le terrorisme".

Le gouvernement Netanyahu, qui veut chasser le Hamas de Gaza et a annoncé son intention de contrôler le territoire, semble peiner à trancher sur une solution politique d'après-guerre.

Dans ce contexte, la frange la plus radicale de sa coalition gouvernementale plaide pour un retour des colonies à Gaza, évacuées en 2005 avec le retrait unilatéral israélien du territoire après 38 ans d'occupation.

L'armée israélienne a par ailleurs annoncé le retrait du nord de Gaza de sa 98e Division, composée d'unités parachutistes et de commandos d'élite, qui a "se prépare désormais à de nouvelles missions".


Une experte de l’ONU : « La famine imposée à Gaza est une atteinte grave à la dignité humaine »

Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
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  • Alice Jill Edwards dénonce une privation prolongée de nourriture entraînant malnutrition, défaillances d’organes et décès, notamment chez les nourrissons et femmes enceintes
  • « Des règles changeantes, une distribution militarisée et l’incertitude permanente sur l’accès aux besoins de base provoquent désespoir, stress et traumatismes », alerte-t-elle

NEW YORK: La rapporteuse spéciale de l’ONU sur la torture, Alice Jill Edwards, a exprimé mercredi sa vive inquiétude face à l’augmentation du nombre de décès liés à la famine parmi les Palestiniens de Gaza.

Elle a qualifié la famine infligée aux civils de « meurtrière, inhumaine et dégradante », appelant à une aide humanitaire rapide et sans entrave vers l’enclave dévastée.

« Priver des gens de nourriture, d’eau et de dignité constitue une violation grave et répétée dans ce conflit. Cela doit cesser », a-t-elle déclaré, citant des rapports « choquants » de civils tués en faisant la queue pour se nourrir, et des cas généralisés de faim et de malnutrition.

Elle a alerté sur un risque croissant de famine généralisée à Gaza, soulignant que toutes les parties au conflit ont des obligations juridiques, au regard du droit international, d’assurer un accès à l’eau et à la nourriture pour les civils sous leur contrôle, et de faciliter l’aide humanitaire.

« Ils ne doivent ni voler, ni détourner, ni bloquer délibérément l’acheminement de l’aide », a-t-elle averti.

Elle a décrit les « conséquences physiologiques catastrophiques » de la privation prolongée de calories : malnutrition, défaillance d’organes et décès, touchant particulièrement les groupes vulnérables comme les nourrissons et les femmes enceintes.

« L’impact psychologique d’un tel déni est d’une cruauté intrinsèque », a-t-elle poursuivi.

« Des règles constamment changeantes, des distributions militarisées, et une incertitude quotidienne sur l’accès aux besoins fondamentaux plongent les gens dans un désespoir et une détresse extrêmes. »

Elle a salué l’annonce par Israël de pauses humanitaires permettant au Programme alimentaire mondial d’opérer pendant trois mois, tout en soulignant que « davantage doit être fait » pour mettre fin aux hostilités et établir une paix durable fondée sur la solution à deux États.

« Personne ne devrait subir l’humiliation de devoir mendier pour se nourrir, surtout quand des stocks suffisants sont disponibles », a-t-elle déclaré.

Edwards a également renouvelé son appel à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages, à la libération des Palestiniens détenus arbitrairement, et à la mise en place d’enquêtes indépendantes sur les allégations de torture, de mauvais traitements et d’éventuels crimes de guerre, de la part de toutes les parties.

Elle a indiqué avoir exprimé ses préoccupations à plusieurs reprises aux autorités concernées et continuer de réclamer une pleine reddition de comptes.

Les rapporteurs spéciaux font partie des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Ils sont indépendants, ne sont pas membres du personnel des Nations unies et travaillent bénévolement.