Les élections de dimanche déclenchent de vifs débats au sein de l'opposition turque en perte de vitesse

Des gens déambulent devant un kiosque à journaux au lendemain de l'élection présidentielle, à Istanbul, en Turquie, le lundi 15 mai 2023. (AP Photo)
Des gens déambulent devant un kiosque à journaux au lendemain de l'élection présidentielle, à Istanbul, en Turquie, le lundi 15 mai 2023. (AP Photo)
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Publié le Lundi 15 mai 2023

Les élections de dimanche déclenchent de vifs débats au sein de l'opposition turque en perte de vitesse

  • Il n'est pas encore certain que l'alliance de l'opposition puisse se remettre de l'échec électoral de dimanche et regagner la confiance du public
  • Cagaptay pense que si Erdogan l'emporte au second tour, il consolidera son pouvoir et ce sera la dernière élection libre et équitable de la Turquie tant qu'il restera sur la scène

ANKARA: Aucun des deux partis n'ayant atteint le seuil requis pour une victoire absolue lors des élections de dimanche, le président turc sortant, Recep Tayyip Erdogan, affrontera son adversaire, Kemal Kilicdaroglu, lors d'un second tour de scrutin le 28 mai. Les deux semaines les plus longues de l'histoire politique turque viennent donc de commencer.

Avec environ 26,7 millions de voix, Erdogan a obtenu 49,4 % des suffrages, contre 44,9 % pour son rival, qui a recueilli 24,4 millions de voix.

L'alliance électorale d'Erdogan a obtenu la majorité absolue au Parlement, avec environ 325 sièges sur 600.

Avec un score plus élevé que prévu, le parti d'Erdogan a cependant enregistré sa plus faible part de voix depuis vingt ans, principalement en raison de la cherté de vie.

Des partis d'extrême droite ont également fait leur entrée au Parlement, notamment le parti islamiste kurde Huda-Par, dans le cadre de la coalition du gouvernement au pouvoir. Le nationalisme turc s'est renforcé dans toute l'Anatolie, ce qui a fait craindre à certains un recul considérable de la démocratie si Erdogan remportait un nouveau mandat.

Le bloc d'opposition n'a pas été en mesure d'obtenir les 360 sièges nécessaires pour organiser un référendum sur la fin de la présidence exécutive actuelle et le passage à un système parlementaire renforcé.

Ce résultat représente le meilleur scénario possible pour Erdogan, a déclaré Wolfango Piccoli, coprésident de Teneo Intelligence, une société basée à Londres.

Le président «dispose désormais d'une avance psychologique claire sur l'opposition». Se rendre au second tour était la principale stratégie électorale d'Erdogan et il est maintenant bien placé pour l'emporter au second tour le 28 mai», a expliqué Piccoli.

Erdogan devrait à présent axer sa stratégie électorale sur des questions telles que la menace d'instabilité politique, les exigences en matière de sécurité nationale et les problèmes de gouvernance potentiels au cas où le détenteur de la majorité parlementaire ne serait pas du même parti que le président.

Les régions où Kilicdaroglu a obtenu le plus grand pourcentage de voix sont les villes à majorité kurde, en particulier Tunceli (80%), Sirnak (75%), Hakkari (72%) et Diyarbakir (71,8%).

Soner Cagaptay, directeur du programme de recherche sur la Turquie au Washington Institute, a déclaré que Kilicdaroglu a toujours été confronté à une bataille difficile contre Erdogan.

Erdogan contrôle de nombreuses institutions turques, des tribunaux aux conseils électoraux, a-t-il déclaré à Arab News.

Il a ajouté que 90% des médias turcs «sont sous le contrôle d'entreprises pro-Erdogan dans un pays où 80% des citoyens ne savent pas lire une langue étrangère».

Cagaptay a déclaré qu'Erdogan «peut mettre en place un récit postfactuel pour l'électorat». Tous ces éléments font partie des avantages d'Erdogan et l'ont aidé à réduire l'écart avec Kilicdaroglu depuis l'année dernière et à offrir une élection compétitive.

Cagaptay estime que les élections n'ont pas été «équitables en Turquie depuis longtemps. Mais la campagne et le vote sont toujours libres».

En ce qui concerne l'économie, Cagaptay pense que lors des élections nationales, Erdogan savait qu'il devrait offrir un sentiment de prospérité et de croissance.

«Erdogan n'a jamais gagné d'élections nationales sans croissance», ajoute-t-il.

Selon lui, le président «a assuré une croissance remarquable pendant quinze ans, à une époque où les pays voisins de la Turquie connaissaient des difficultés économiques, ce qui l'a aidé à se constituer une base solide de partisans dévoués qu'il a sortis de la pauvreté».

«C'est l'une des raisons pour lesquelles il a rétabli les liens avec le Golfe, ce qui a attiré d'énormes flux d'investissements en provenance de ces pays, ainsi que de l'argent en provenance de Russie», a déclaré Cagaptay.

«Ces fonds, qui ont été généreusement distribués sous forme de prestations de sécurité sociale et d'augmentations de salaire considérables, ont stabilisé le soutien public d'Erdogan et contribué à sa popularité», a-t-il ajouté.

Il n'est pas encore certain que l'alliance de l'opposition puisse se remettre de l'échec électoral de dimanche et regagner la confiance du public. La confiance en soi de l'opposition étant totalement anéantie après le vote de dimanche, les résultats du second tour semblent favoriser Erdogan.

Certains experts ont même évoqué la possibilité de scissions au sein du camp de l'opposition, en particulier le parti de droite Bon, qui a perdu des voix au profit du camp ultranationaliste, et qui pourrait quitter l'Alliance nationale après le second tour.

Dimanche soir, Kilicdaroglu s'est entretenu au téléphone avec l'ultranationaliste Sinan Ogan, le troisième candidat à la présidence, qui a obtenu 5,2% des voix et qui pourrait faire pencher la balance.

Quel que soit le candidat soutenu par Ogan, il aura probablement l'avantage au second tour.

Ogan critique vivement le chef de l'opposition pour son alliance indirecte avec le bloc prokurde. Le mouvement politique kurde a fortement soutenu Kilicdaroglu dans le cœur kurde de la Turquie, dans le sud-est et les villes de l'est.

Berk Esen, politologue à l'université Sabanci d'Istanbul, pense que le Parlement turc le plus conservateur a été formé à la suite des élections de dimanche, ce qui donnera une composition «déformée» du Parlement qui ne reflète pas le choix des électeurs.

Esen a rendu Kilicdaroglu responsable de l'échec électoral de l'opposition, car le candidat de l'opposition a dû honorer l'accord qu'il avait conclu avec les petits partis de droite pour devenir le candidat du bloc d'opposition.

«Ces partis mineurs, qui ont fait preuve d'une piètre performance au cours de la campagne électorale, ont concentré leur attention sur les élections présidentielles au point d'ignorer les élections parlementaires», a-t-il déclaré à Arab News.

Esen pense que les résultats de dimanche ont été les pires jamais enregistrés par l'opposition en Turquie et qu'ils ont démoralisé les électeurs des principaux partis d'opposition, car leur part au Parlement était inférieure à celle de 2011.

«Si Erdogan avait gagné avec une légère majorité, l'élection serait au moins terminée», a précisé Esen.

«L'opposition étant démoralisée au point de ne pas pouvoir faire campagne, les résultats seront très faussés car les électeurs de l'opposition n'iront pas nécessairement voter. Les taux de vote à l'étranger pourraient baisser», a-t-il déclaré.

Esen a ajouté que «ces élections auraient pu être remportées par l'opposition si elle avait suivi d'autres stratégies et choisi d'autres candidats».

Esen a déclaré que ses prévisions pour le second tour étaient plutôt pessimistes.

«Erdogan conservera sa marge car le camp de l'opposition ne sera pas en mesure de dynamiser et de motiver ses électeurs.»

Cagaptay, quant à lui, pense que si Erdogan l'emporte au second tour, il consolidera complètement son pouvoir et ce sera la dernière élection libre et équitable de la Turquie tant qu'il restera sur la scène.

«Bien que son mandat soit limité par la Constitution, il façonnera probablement une nouvelle image de son statut et obtiendra un nombre indéfini de mandats», a-t-il déclaré.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Washington cible l'Autorité palestinienne, en plein débat sur la reconnaissance d'un Etat de Palestine

Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
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  • Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine

WASHINGTON: Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine.

L'annonce des sanctions américaines survient en effet au moment où de nombreux Etats, dont la France et le Canada, ont promis de reconnaître un Etat de Palestine en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre, provoquant la colère d'Israël et des Etats-Unis qui parlent d'une "récompense" faite au Hamas dans la bande de Gaza.

La France et l'Arabie saoudite ont co-présidé lundi et mardi à l'ONU une conférence internationale, plaidant ainsi pour la solution à deux Etats, israélien et palestinien, seul chemin pour parvenir à la paix au Proche-Orient.

Washington, qui rejette toute reconnaissance unilatérale d'un Etat palestinien, a décrit la conférence comme étant une "insulte" faite aux victimes de l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Dans un communiqué jeudi, le département d'Etat américain a fait part de sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'OLP, sans les identifier, accusés notamment d'"internationaliser le conflit avec Israël".

Washington reproche aux deux institutions de "soutenir des actions au sein d'organisations internationales qui sapent et contredisent les engagements antérieurs" notamment à travers la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI).

Washington avait sanctionné en juin quatre magistrates de la CPI, estimant que leurs procédures visant l'exécutif israélien étaient "illégitimes" et "politisées".

Washington, principal allié d'Israël, accuse aussi l'OLP et l'Autorité palestinienne de "continuer à soutenir le terrorisme, y compris par l'incitation et la glorification de la violence" dans les livres scolaires, une accusation de longue date.

Les sanctions consistent en un refus de visa pour des membres des deux institutions.

- "Distorsion morale" -

"Il est dans l'intérêt de notre sécurité nationale d'imposer des sanctions et de tenir l'OLP et l'Autorité palestinienne responsables du non-respect de leurs engagements et de la remise en cause des perspectives de paix", a indiqué le département d'Etat.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, s'est aussitôt félicité de cette décision, jugeant que "l'Autorité palestinienne doit payer le prix de sa politique actuelle consistant à verser des indemnités aux terroristes et à leurs familles pour les attentats commis et pour l'incitation à la haine contre Israël dans les écoles, les manuels scolaires, les mosquées et les médias palestiniens".

Il a également relevé, sur X, que cette mesure "met en évidence la distorsion morale de certains pays qui se sont empressés de reconnaître un Etat palestinien virtuel tout en fermant les yeux sur le soutien de l'Autorité palestinienne au terrorisme et à l'incitation à la haine".

L'Autorité palestinienne, dont le président est Mahmoud Abbas, administre la Cisjordanie occupée, tandis que l'OLP, créée en 1964, est le mouvement fondateur représentant les Palestiniens, longtemps dirigée par leur leader historique Yasser Arafat.

L'OLP rassemble la majorité des mouvements politiques palestiniens mais pas le mouvement islamiste Hamas, qui s'est emparé du pouvoir à Gaza en 2007.

Des pays arabes et occidentaux voudraient voir l'Autorité palestinienne, très affaiblie, jouer un rôle dans la gouvernance de la bande de Gaza après la guerre qui y fait rage depuis octobre 2023.

Depuis son retour au pouvoir en janvier, le président Donald Trump, qui a accueilli le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu par trois fois à la Maison Blanche, plus qu'aucun autre dirigeant étranger, a apporté un soutien inconditionnel à Israël, tout en oeuvrant sans succès pour un cessez-le-feu à Gaza.

Mais il s'est montré peu disert sur l'Autorité palestinienne, décriée pour le manque de réformes et la corruption.

Parmi ses premiers décrets, le président Trump avait levé des sanctions imposées sous son prédécesseur Joe Biden visant des colons israéliens extrémistes en Cisjordanie, en proie à une recrudescence des violences.


L'envoyé de Trump rencontre Netanyahu, Israël face à des critiques accrues

L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
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  • L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël
  • Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël

Jérusalem, Non défini: L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël.

Après 22 mois d'une guerre dévastatrice déclenchée par une attaque du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023, la bande de Gaza est menacée d'une "famine généralisée" selon l'ONU et est totalement dépendante de l'aide humanitaire distribuée par camions ou larguée depuis les airs.

Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël, selon la Défense civile locale qui a fait état de 38 Palestiniens tués jeudi.

Plusieurs dizaines de corps gisaient empilés à la morgue de l'hôpital al-Chifa dans le nord de Gaza, dans l'attente d'être collectés par leurs proches, a constaté un correspondant de l'AFP.

"Le moyen le plus rapide de mettre fin à la crise humanitaire à Gaza est que le Hamas CAPITULE ET LIBÈRE LES OTAGES !!!", a déclaré le président américain Donald Trump sur X.

Rien n'a filtré de la rencontre entre MM. Witkoff et Netanyahu mais en début de semaine, M. Trump a semblé se distancer de son allié israélien en évoquant une "vraie famine" à Gaza.

Avant l'arrivée jeudi de l'émissaire de M. Trump, des dizaines de mères et proches d'otages encore aux mains du Hamas ont manifesté devant le bureau du Premier ministre à Jérusalem, exigeant un "accord global" qui garantirait la libération des 49 otages encore détenus à Gaza, dont 27 ont été déclarés morts par l'armée.

- "Position minoritaire" -

L'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 a entraîné du côté israélien la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles.

En riposte, Israël a juré de détruire le Hamas et lancé une offensive dévastatrice à Gaza qui a fait au moins 60.249 morts, en majorité des civils, d'après les données du ministère de la Santé à Gaza jugées fiables par l'ONU. La campagne aérienne et terrestre a dévasté le territoire et provoqué un désastre humanitaire.

Le chef de la diplomatie allemande Johann Wadephul a lui rencontré à Jérusalem son homologue israélien Gideon Saar, avant de rencontrer M. Netanyahu.

Avant de décoller pour Israël, M. Wadephul a estimé qu'Israël était "de plus en plus en position minoritaire", alors qu'un "nombre croissant de pays, y compris européens, sont prêts à reconnaître un Etat palestinien sans processus de négociation préalable".

Ces visites interviennent après la multiplication des alertes d'organisations internationales sur une famine à Gaza et l'échec de négociations indirectes, sous médiation américaine, qatarie et égyptienne, entre Israël et le Hamas en vue d'un cessez-le-feu.

Le gouvernement israélien a annoncé dimanche une pause limitée dans l'offensive afin de permettre l'acheminement de l'aide dans le petit territoire pauvre où s'entassent plus de deux millions de Palestiniens.

Mais ces aides sont jugées insuffisantes par les organisations internationales face aux besoins immenses de la population.

- "Pression déformée"

Le Portugal a indiqué jeudi envisager de reconnaître l'Etat de Palestine, après que plusieurs pays dont le Canada, la France et le Royaume-Uni ont annoncé leur intention de faire de même en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre.

Une telle reconnaissance reste néanmoins largement symbolique en raison du refus d'Israël de la création d'un tel Etat auquel aspirent les Palestiniens.

Dans ce contexte, Israël a dénoncé une "campagne de pression internationale déformée" venant "récompenser le Hamas et nuire aux efforts visant à obtenir un cessez-le-feu à Gaza".

Les Etats-Unis, qui ont dénoncé les annonces sur la reconnaissance d'un Etat palestinien, ont imposé des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), accusant les deux organismes d'avoir pris des mesures pour "internationaliser leur conflit avec Israël" et de "continuer à soutenir le terrorisme".

Le gouvernement Netanyahu, qui veut chasser le Hamas de Gaza et a annoncé son intention de contrôler le territoire, semble peiner à trancher sur une solution politique d'après-guerre.

Dans ce contexte, la frange la plus radicale de sa coalition gouvernementale plaide pour un retour des colonies à Gaza, évacuées en 2005 avec le retrait unilatéral israélien du territoire après 38 ans d'occupation.

L'armée israélienne a par ailleurs annoncé le retrait du nord de Gaza de sa 98e Division, composée d'unités parachutistes et de commandos d'élite, qui a "se prépare désormais à de nouvelles missions".


Une experte de l’ONU : « La famine imposée à Gaza est une atteinte grave à la dignité humaine »

Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
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  • Alice Jill Edwards dénonce une privation prolongée de nourriture entraînant malnutrition, défaillances d’organes et décès, notamment chez les nourrissons et femmes enceintes
  • « Des règles changeantes, une distribution militarisée et l’incertitude permanente sur l’accès aux besoins de base provoquent désespoir, stress et traumatismes », alerte-t-elle

NEW YORK: La rapporteuse spéciale de l’ONU sur la torture, Alice Jill Edwards, a exprimé mercredi sa vive inquiétude face à l’augmentation du nombre de décès liés à la famine parmi les Palestiniens de Gaza.

Elle a qualifié la famine infligée aux civils de « meurtrière, inhumaine et dégradante », appelant à une aide humanitaire rapide et sans entrave vers l’enclave dévastée.

« Priver des gens de nourriture, d’eau et de dignité constitue une violation grave et répétée dans ce conflit. Cela doit cesser », a-t-elle déclaré, citant des rapports « choquants » de civils tués en faisant la queue pour se nourrir, et des cas généralisés de faim et de malnutrition.

Elle a alerté sur un risque croissant de famine généralisée à Gaza, soulignant que toutes les parties au conflit ont des obligations juridiques, au regard du droit international, d’assurer un accès à l’eau et à la nourriture pour les civils sous leur contrôle, et de faciliter l’aide humanitaire.

« Ils ne doivent ni voler, ni détourner, ni bloquer délibérément l’acheminement de l’aide », a-t-elle averti.

Elle a décrit les « conséquences physiologiques catastrophiques » de la privation prolongée de calories : malnutrition, défaillance d’organes et décès, touchant particulièrement les groupes vulnérables comme les nourrissons et les femmes enceintes.

« L’impact psychologique d’un tel déni est d’une cruauté intrinsèque », a-t-elle poursuivi.

« Des règles constamment changeantes, des distributions militarisées, et une incertitude quotidienne sur l’accès aux besoins fondamentaux plongent les gens dans un désespoir et une détresse extrêmes. »

Elle a salué l’annonce par Israël de pauses humanitaires permettant au Programme alimentaire mondial d’opérer pendant trois mois, tout en soulignant que « davantage doit être fait » pour mettre fin aux hostilités et établir une paix durable fondée sur la solution à deux États.

« Personne ne devrait subir l’humiliation de devoir mendier pour se nourrir, surtout quand des stocks suffisants sont disponibles », a-t-elle déclaré.

Edwards a également renouvelé son appel à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages, à la libération des Palestiniens détenus arbitrairement, et à la mise en place d’enquêtes indépendantes sur les allégations de torture, de mauvais traitements et d’éventuels crimes de guerre, de la part de toutes les parties.

Elle a indiqué avoir exprimé ses préoccupations à plusieurs reprises aux autorités concernées et continuer de réclamer une pleine reddition de comptes.

Les rapporteurs spéciaux font partie des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Ils sont indépendants, ne sont pas membres du personnel des Nations unies et travaillent bénévolement.