L'intelligence artificielle prend de vitesse alarmistes et régulateurs

Gary Marcus, professeur émérite à l'Université de New York, lors d’une audience de contrôle de la sous-commission judiciaire du Sénat sur la vie privée, la technologie et le droit pour examiner l'intelligence artificielle, sur le Capitole à Washington, DC, le 16 mai 2023. (Photo par Andrew Caballero-Reynolds / AFP)
Gary Marcus, professeur émérite à l'Université de New York, lors d’une audience de contrôle de la sous-commission judiciaire du Sénat sur la vie privée, la technologie et le droit pour examiner l'intelligence artificielle, sur le Capitole à Washington, DC, le 16 mai 2023. (Photo par Andrew Caballero-Reynolds / AFP)
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Publié le Vendredi 19 mai 2023

L'intelligence artificielle prend de vitesse alarmistes et régulateurs

  • Le créateur de chatGPT craint que cette technologie ne «cause de graves dommages au monde», en manipulant des élections ou en chamboulant le marché du travail
  • Mais en Europe comme aux Etats-Unis, les milieux économiques sont focalisés sur la course à l'IA, pour son potentiel économique comme son importance géopolitique

PARIS, France : Face aux prouesses de l'intelligence artificielle (IA), les mises en garde se multiplient, jusqu'au créateur de chatGPT, tandis que l'UE s'efforce lentement de réguler. Mais tous semblent pris de vitesse par l'essor fulgurant de cette technologie.

«Il faut une régulation mondiale», a plaidé mardi devant le Sénat américain le patron d'Open AI, Sam Altman. Le créateur de chatGPT craint que cette technologie ne «cause de graves dommages au monde», en manipulant des élections ou en chamboulant le marché du travail.

Comme lui, les géants américains de la tech appellent à un encadrement. Prudemment, et tout en rivalisant de nouveaux services d'IA annoncés chaque semaine.

Ainsi la vice-présidente «Confiance et confidentialité» d'IBM, Christina Montgomery, a réclamé une régulation, mais qui n'entrave pas l'innovation. En avril, le patron de Google, Sundar Pichai, a convenu «qu'à terme il faudra élaborer une régulation mondiale» mais que «nous n'en sommes qu'au début».

Les «repentis» des Gafa sont les plus virulents. Geoffrey Hinton, 75 ans, l’un des pères fondateurs de l’IA, a démissionné de Google début mai pour alerter sur les menaces.

Fin mars, plus de 1.000 personnalités demandaient un moratoire de six mois sur la recherche en IA et des instances de régulation. Dont Elon Musk qui, lui aussi, développe sa propre société d'IA. Ou encore le penseur Yuval Noah Harari («Sapiens»), convaincu que l'IA peut détruire l'humanité.

«Nous ne voulons pas d'un monde où cinq entreprises embarquent l'humanité sur l'avion de l'IA sans réfléchir au futur que nous voulons», a réclamé le militant Tristan Harris, ex-responsable éthique de Google.

- La leçon du RGPD ? -

En Europe, ce sont surtout des chercheurs, des experts et des régulateurs qui tirent la sonnette d'alarme. Depuis quelques semaines, les tribunes anti-IA se multiplient.

«La génération de fausses images et vidéos par l’IA font courir un risque inédit aux prochaines élections», soulignent des consultants du cabinet Vae Solis dans le journal Le Monde. «Il est urgent de reprendre le contrôle de l’intelligence artificielle, qui recèle de quoi provoquer des désordres sociaux sans précédent», renchérit le chercheur en IA, Hugues Bersini.

Pendant ce temps, l'UE progresse sur son «IA Act». La semaine dernière, le Parlement européen est tombé d'accord sur une version de travail qui doit être votée en juin. Mais il faudra encore des années avant une mise en oeuvre.

Le texte soumettrait les IA génératives comme ChatGPT à une autorisation préalable et leur imposerait une transparence de leurs algorithmes et leurs données.

«Tout le monde est d'accord sur la nécessité de règles, même les entreprises», se félicite l'experte Ivana Bartoletti, responsable Confidentialité de la société de conseil Wipro. Des réflexions existent au niveau du Conseil de l'Europe, des Etats-Unis et de l'ONU, souligne-t-elle. «Nous devons être moins apocalyptiques, cela ne fait que terrifier les gens plutôt que de les aider à apprendre à utiliser l'IA de manière responsable», fait-elle valoir.

Mais en Europe comme aux Etats-Unis, les milieux économiques sont focalisés sur la course à l'IA, pour son potentiel économique comme son importance géopolitique. «C'est un élément de la sécurité nationale», souligne le PDG de Google.

En Europe, les entreprises et les politiques pro-IA craignent qu'avec son «IA Act», l'UE ne se tire une balle dans le pied.

«Le RGPD (Règlement européen sur les données personnelles) devrait nous servir de leçon. Loin de ralentir les grandes entreprises numériques, il leur a donné l'avantage», car seuls les Gafa avait l'armée de juristes nécessaires, avertit dans le journal La Tribune Gilles Babinet, président du Conseil national du numérique, aux membres nommés par le gouvernement.

Pour lui, pas question de suivre l'exemple de la CNIL italienne qui a bloqué ChatGPT pendant trois semaines pour avoir collecté des données sans consentement. L'IA américaine a été réautorisée après des engagements de conformité mais elle fait l'objet de plaintes similaires ailleurs dans l'UE.

«L’Europe ne peut pas se permettre de manquer une nouvelle fois une rupture technologique aussi critique. La version de l’IA Act revient de facto à interdire l’émergence de modèles de langages européens», assure Cédric O, ex-ministre français du Numérique.

Sans préciser les raisons, Google a annoncé cette semaine le déploiement de Bard, rival de ChatGPT, dans 180 pays. Mais pas dans l'UE.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".