Entre l’Orient et le Maghreb, la Libye balance

Des personnes utilisent des pédalos sur le lac Saraya, à l'extérieur du château rouge de Tripoli, le 21 mai 2023. (Photo, AFP)
Des personnes utilisent des pédalos sur le lac Saraya, à l'extérieur du château rouge de Tripoli, le 21 mai 2023. (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 22 mai 2023

Entre l’Orient et le Maghreb, la Libye balance

  • «Historiquement, chacune des trois provinces de la Libye était connectée à son voisinage immédiat»
  • Les trajectoires des trois régions n’étaient cependant pas figées dans l’Histoire

TUNIS: La Libye est-elle maghrébine, orientale ou africaine? Pour répondre à cette question, le laboratoire Échanges Maghreb-Afrique-Europe de l’université de la Manouba a organisé à Tunis (du 11 au 13 mai 2023) un colloque sur le thème suivant: «La Libye entre la dialectique de l’appartenance maghrébine, orientale et l’expansion africaine».

«Historiquement, chacune des trois provinces de la Libye était connectée à son voisinage immédiat; l’Orient arabe et en particulier l’Égypte pour la Cyrénaïque (est), le Maghreb pour la Tripolitaine (ouest) et l’Afrique subsaharienne pour le Fezzan (sud), mais sans exclusive», résume le professeur Saïd Bhira, maître de conférences à l’Institut supérieur de l'Histoire de la Tunisie contemporaine, à l’université de la Manouba.

M. Bhira a travaillé sur les mémoires du commandant Abdessalem Jalloud, ancien bras droit de Mouammar Kadhafi.

À l’est, «Barka et Benghazi, berceau de la présence grecque depuis l’Antiquité, avaient des relations étroites avec l’Orient arabe», précise l’historien. À la même époque, la Tripolitaine, à l’ouest, «constituait un espace de l’influence romaine et de la culture latine».

Syrte, qui sépare la Tripolitaine de la Cyrénaïque, avait, selon Saïd Bhira, une double caractéristique. D’un côté, elle était, parmi toutes les régions libyennes, celle qui «avait les relations les plus étroites avec la Méditerranée». De l’autre, elle constituait «la route la plus courte vers l’Afrique subsaharienne, d’où partaient et où arrivaient les caravanes» assurant les échanges commerciaux avec cette partie du monde.

Toutefois, les trajectoires des trois régions n’étaient pas figées dans l’Histoire. L’Ouest libyen ne s’est pas coupé de l’Ifriqiya, la partie orientale du Maghreb d’aujourd’hui, et l’Est n’était pas imperméable à l’influence de l’Orient arabe.

Syrte, qui sépare la Tripolitaine de la Cyrénaïque, avait, selon Saïd Bhira, une double caractéristique; d’un côté, elle était, parmi toutes les régions libyennes, celle qui «avait les relations les plus étroites avec la Méditerranée» et de l’autre, elle constituait «la route la plus courte vers l’Afrique subsaharienne, d’où partaient et où arrivaient les caravanes».

Le parcours de Mohammed Ibn Ali al-Senoussi, fondateur de la confrérie de la Senoussia en 1837, est emblématique de cette ouverture. Né à Mostaganem (Algérie), il se réfugie en Arabie saoudite après l’occupation de l’Algérie par la France, il y fait ses études et il y crée sa première zaouïa – une sorte de représentation de la confrérie –, observe Federico Cresti, professeur d'Histoire des pays afro-asiatiques à la faculté de sciences politiques de l'université de Catane (Italie). Mais la Senoussia a également eu des rapports très étroits avec le sud de la Tunisie, notamment avec Tozeur (sud-ouest, près de la frontière avec l’Algérie) et Gabès (sud-est), note l’universitaire Mohieddine Hadhri.

Syrte a parfois fait partie du Maghreb, mais la ville a aussi été connectée à l’Égypte, affirme l’universitaire Mohamed Hassan, auteur d’une étude intitulée Le Golfe de Syrte à travers l’Histoire durant la période intermédiaire.

L’attrait pour l’Égypte n’épargnait pas non plus l’Ouest libyen. Tout en étant naturellement proche et très connectée à son environnement maghrébin, la ville de Tripoli échangeait avec l’Égypte. L’un des partis politiques actifs à Tripoli s’appelle l’Union égypto-tripolitaine, indique l’historien Mohamed Dhifallah.

Si des changements ont eu lieu depuis, notamment «dans les équilibres et les circuits commerciaux», Saïd Bhira est convaincu que «quelque chose de l’héritage du passé est resté dans l’identité de la Libye et que c’est devenu l’une de ses caractéristiques».

L'ancien secrétaire général du ministère des Affaires étrangères souligne à ce propos que «le régime de M. Kadhafi a tenté d'exploiter les multiples affiliations de la Libye pour mener des expériences et des manœuvres en direction de l'Orient, du Grand Maghreb et de l'Afrique». Il rappelle en outre que le leader libyen s’était proclamé «roi des rois» du continent en 2009.


Syrie: Chareh lance un appel à l'unité un an après la chute d'Assad

Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
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  • Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence
  • Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer

DAMAS: Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile.

"La phase actuelle exige que tous les citoyens unissent leurs efforts pour bâtir une Syrie forte, consolider sa stabilité, préserver sa souveraineté", a déclaré le dirigeant, endossant pour l'occasion l'uniforme militaire comme le 8 décembre 2024, quand il était entré dans Damas à la tête de forces rebelles.

Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence.

Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer.

Il a rompu avec son passé jihadiste et réhabilité la Syrie sur la scène internationale, obtenant la levée des sanctions internationales, mais reste confronté à d'importantes défis sécuritaires.

De sanglantes violences intercommunautaires dans les régions des minorités druze et alaouite, et de nombreuses opérations militaires du voisin israélien ont secoué la fragile transition.

"C'est l'occasion de reconstruire des communautés brisées et de panser des divisions profondes", a souligné dans un communiqué le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.

"L'occasion de forger une nation où chaque Syrien, indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique, peut vivre en sécurité, dans l'égalité et dans la dignité".

Les célébrations de l'offensive éclair, qui ont débuté fin novembre, doivent culminer lundi avec une parade militaire et un discours du président syrien.

Elles sont toutefois marquées par le boycott lancé samedi par un chef spirituel alaouite, Ghazal Ghazal. Depuis la destitution d'Assad, lui-même alaouite, cette minorité est la cible d'attaques.

L'administration kurde, qui contrôle une grande partie du nord et du nord-est de la Syrie, a également annoncé l'interdiction de rassemblements et événements publics dimanche et lundi "en raison de la situation sécuritaire actuelle et de l'activité accrue des cellules terroristes".

 


Liban: l'armée annonce six arrestations après une attaque visant des Casques bleus

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
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  • L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban
  • "Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité

BEYROUTH: Six personnes ont été arrêtées au Liban, soupçonnées d'être impliquées dans une attaque d'une patrouille de Casques bleus jeudi dans le sud du pays, qui n'a pas fait de blessés, a annoncé l'armée libanaise samedi.

L'incident s'était produit jeudi soir, selon un communiqué de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) quand "des Casques bleus en patrouille ont été approchés par six hommes sur trois mobylettes près de Bint Jbeil". "Un homme a tiré environ trois coups de feu sur l'arrière du véhicule. Personne n'a été blessé".

L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban, où, déployée depuis 1978, elle est désormais chargée de veiller au respect du cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la dernière guerre entre Israël et le Hezbollah pro-iranien.

"Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité.

Bastion du Hezbollah, le sud du Liban subit ces dernières semaines des bombardements réguliers de la part d'Israël, qui assure viser des cibles du mouvement chiite et l'accuse d'y reconstituer ses infrastructures, en violation de l'accord de cessez-le-feu.

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre.

Mercredi, le quartier général de la Finul a accueilli à Naqoura, près de la frontière avec Israël, de premières discussions directes, depuis des décennies, entre des responsables israélien et libanais, en présence de l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus.

Le président libanais, Joseph Aoun, a annoncé de prochaines discussions à partir du 19 décembre, qualifiant de "positive" la réunion tenue dans le cadre du comité de surveillance du cessez-le-feu, disant que l'objectif était d'éloigner "le spectre d'une deuxième guerre" au Liban.


Les efforts pour panser les «profondes divisions» de la Syrie sont ardus mais «pas insurmontables», déclare Guterres

Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
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  • Antonio Guterres salue "la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", "la résilience et le courage" des Syriens
  • La transition offre l'opportunité de "forger une nation où chaque Syrien peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité"

NEW YORK : Les efforts pour guérir les "profondes divisions" de la Syrie seront longs et ardus mais les défis à venir ne sont "pas insurmontables", a déclaré dimanche le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à l'occasion du premier anniversaire de la chute du régime Assad.

Une offensive surprise menée par une coalition de forces rebelles dirigées par Hayat Tahrir al-Sham et des milices alliées a rapidement balayé les zones tenues par le régime à la fin du mois de novembre 2024. En l'espace de quelques jours, elles se sont emparées de villes clés et ont finalement capturé la capitale Damas.

Le 8 décembre de l'année dernière, alors que les défenses du régime s'effondraient presque du jour au lendemain, le président de l'époque, Bachar Assad, a fui la République arabe syrienne, mettant fin à plus de 50 ans de règne brutal de sa famille.

"Aujourd'hui, un an s'est écoulé depuis la chute du gouvernement Assad et la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", a déclaré M. Guterres, saluant la "résilience et le courage" des Syriens "qui n'ont jamais cessé de nourrir l'espoir en dépit d'épreuves inimaginables".

Il a ajouté que cet anniversaire était à la fois un moment de réflexion sur les sacrifices consentis en vue d'un "changement historique" et un rappel du chemin difficile qui reste à parcourir pour le pays.

"Ce qui nous attend est bien plus qu'une transition politique ; c'est la chance de reconstruire des communautés brisées et de guérir de profondes divisions", a-t-il déclaré, ajoutant que la transition offre l'occasion de "forger une nation où chaque Syrien - indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique - peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité".

M. Guterres a souligné que les Nations Unies continueraient à soutenir les Syriens dans la mise en place de nouvelles institutions politiques et civiques.

"Les défis sont importants, mais pas insurmontables", a-t-il déclaré. "L'année écoulée a montré qu'un changement significatif est possible lorsque les Syriens sont responsabilisés et soutenus dans la conduite de leur propre transition.

Il a ajouté que les communautés à travers le pays construisent de nouvelles structures de gouvernance et que "les femmes syriennes continuent de mener la charge pour leurs droits, la justice et l'égalité".

Bien que les besoins humanitaires restent "immenses", il a souligné les progrès réalisés dans la restauration des services, l'élargissement de l'accès à l'aide et la création de conditions propices au retour des réfugiés et des personnes déplacées.

Des efforts en matière de justice transitionnelle sont en cours, a-t-il ajouté, ainsi qu'un engagement civique plus large. M. Guterres a exhorté les gouvernements à soutenir fermement une "transition dirigée par les Syriens et prise en charge par les Syriens", précisant que le soutien doit inclure le respect de la souveraineté, la suppression des obstacles à la reconstruction et un financement solide pour le redressement humanitaire et économique.

"En ce jour anniversaire, nous sommes unis dans un même but : construire les fondations de la paix et de la prospérité et renouveler notre engagement en faveur d'une Syrie libre, souveraine, unie et ouverte à tous", a ajouté M. Guterres.