France: nouvelle bataille à l'Assemblée autour de la retraite à 64 ans

La Première ministre française Elisabeth Borne s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris le 30 mai 2023. (Photo, AFP)
La Première ministre française Elisabeth Borne s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris le 30 mai 2023. (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Mercredi 31 mai 2023

France: nouvelle bataille à l'Assemblée autour de la retraite à 64 ans

  • Dans une ambiance houleuse, la majorité a ainsi remporté une victoire d'étape, avant l'arrivée en séance la semaine prochaine de ce texte qui contribue à entretenir la flamme de la contestation à cette réforme très décriée
  • Les députés ont voté de justesse, par 38 voix contre 34, la suppression de l'article-clé de cette proposition de loi portée par le groupe indépendant Liot, la plupart des élus LR joignant leurs voix à celles de la majorité présidentielle

PARIS: Le camp présidentiel a réussi à détricoter mercredi en commission une proposition de loi visant à abroger la retraite à 64 ans, face à des oppositions dénonçant des "magouilles" pour empêcher un vote, le 8 juin, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.

Dans une ambiance houleuse, la majorité a ainsi remporté une victoire d'étape, avant l'arrivée en séance la semaine prochaine de ce texte qui contribue à entretenir la flamme de la contestation à cette réforme très décriée, promulguée mi-avril.

Les députés ont voté de justesse, par 38 voix contre 34, la suppression de l'article-clé de cette proposition de loi portée par le groupe indépendant Liot, la plupart des élus LR joignant leurs voix à celles de la majorité présidentielle. Ils ont ensuite adopté un texte ainsi vidé de sa substance.

Après ce revers, les oppositions tenteront le 8 juin de réintroduire l'article écarté. La cheffe du groupe LFI Mathilde Panot a appelé à une "pression populaire maximale le 6 juin" lors de la nouvelle journée de mobilisation organisée par les syndicats.

Les élus de la coalition de gauche Nupes ont fini par claquer la porte de la commission des Affaires sociales pour dénoncer des "manoeuvres" de la majorité.

Face au détricotage du texte, ils avaient tenté une contre-attaque à coups de milliers d'amendements. Avec l'objectif d'empêcher les débats d'aller à leur terme, pour que la version initiale de la proposition soit discutée le 8 juin, et non sa version torpillée.

Une "obstruction flagrante" au yeux de la présidente de la commission Fadila Khattabi (Renaissance), qui a décidé de les écarter.

Elle a ensuite fait approuver sa décision par le bureau de l'instance, malgré de vives protestations de la gauche.

«Droits bafoués»

"Notre droit constitutionnel de dépôt d'amendements a été bafoué", a dénoncé le socialiste Arthur Delaporte.

"Les manoeuvres de la Macronie et des députés LR (...) n'honorent ni notre démocratie, ni nos principes républicains", a réagi la présidente des députés RN, Marine Le Pen.

Ces nouvelles joutes autour des retraites avaient démarré dans une ambiance survoltée dans la matinée dans la salle bondée de la commission, que les journalistes ont été contraints de quitter.

A l'initiative de cette proposition de loi, le rapporteur Charles de Courson (Liot) a plaidé en vain pour une "occasion de sortir par le haut" de cette crise qui a fait descendre jusqu'à plusieurs centaines de milliers de manifestants dans les rues. Il a proposé d'explorer de nouvelles "pistes" de financement comme "une contribution plus élevée des revenus du patrimoine".

La cheffe de file des députés Renaissance Aurore Bergé a ironisé sur le changement de pied de Charles de Courson, vieux routier de l'Assemblée, qui a longtemps joué selon elle le rôle de "Don Quichotte de nos finances publiques". Il s'est mué en "Che Guevara de la Marne", a raillé Alexandre Vincendet (LR).

Même adoptée par l'Assemblée, la proposition de loi de Liot n'aurait que de faibles chances d'aboutir au plan législatif. Mais elle embarrasse l'exécutif, inquiet du signal politique qu'enverrait un tel vote, quelques semaines à peine après la promulgation de la réforme.

«Démagogie»

Élisabeth Borne a accusé les oppositions de mentir aux Français "en portant, avec la plus grande démagogie, un texte dont chacun sait ici, pertinemment, qu'il serait censuré par le Conseil constitutionnel".

Les députés de la majorité martèlent qu'il ne devrait même pas être examiné, parce qu'il déroge à l'article 40 de la Constitution, qui dispose qu'une proposition de loi ne doit pas créer de charge publique.

Or, l'abrogation de la retraite à 64 ans coûterait plus de 15 milliards d'euros selon l'exécutif, furieux que le président de la commission des Finances Éric Coquerel (LFI) ait estimé malgré cela que cette proposition de loi était "recevable".

Le camp présidentiel compte de nouveau brandir cet argument massue de l'article 40 en amont du 8 juin.

Le scénario qui se dessine est que la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet invoque elle-même le couperet de la recevabilité financière afin de retoquer les amendements qui seront déposés pour rétablir l'article d'abrogation des 64 ans.

Ce qui aurait pour conséquence d'empêcher un vote dans l'hémicycle, où le rapport de force serait moins favorable au camp présidentiel qu'en commission.

Face à ce "déni de démocratie", "une motion de censure finira par passer, peut-être dans un délai pas si lointain", a mis en garde Charles de Courson.

 

200 manifestants aux abords de l'Assemblée pour l'abrogation des 64 ans

Près de 200 personnes se sont réunies à l'appel de La France insoumise mercredi aux abords de l'Assemblée nationale pour soutenir la proposition de loi d'abrogation de la retraite à 64 ans, examinée en commission des Affaires sociales.

Le rassemblement, essentiellement composé de militants, s'est déroulé alors que le camp présidentiel venait de faire supprimer l'article-clé du texte proposé par le groupe indépendant Liot, en attendant l'examen du texte dans l'hémicycle le 8 juin.

"Ils ont bouché l'ensemble des issues démocratiques", a dénoncé au micro Mathilde Panot, la présidente du groupe des députés insoumis. "Ils essaient de dénaturer la loi, parce qu'ils savent que le 8 juin ils vont perdre ce vote", a-t-elle ajouté accompagnée par des applaudissements.

"On réduit au silence les oppositions, jamais aucun pouvoir n'est allé aussi loin", a abondé la députée écologiste Sandra Regol. "Imaginez la même jurisprudence entre les mains de l'extrême droite."

Les débats en commission ont été retransmis par des enceintes. La vingtaine de députés présents, en majorité des insoumis, ont entonné la Marseillaise et "On est là".

"On ne lâche rien", a confié à l'AFP Valérie Jacob, 57 ans, déléguée CGT à la fondation de l'Armée du Salut. "J'ai suivi de près les débats. (...) Pour moi on n'est plus dans une démocratie, mais dans un régime autoritaire, alors que tous les syndicats et 90% des Français sont contre la retraite à 64 ans."

La syndicaliste a espéré que la manifestation du 6 juin à l'appel des syndicats brasse "dix millions de personnes, parce que tout le monde est concerné".


Dix passeurs présumés jugés pour un naufrage meurtrier dans la Manche

Une femme passe devant les restes d'un bateau de contrebande endommagé sur la plage de Bleriot à Sangatte, près de Calais, dans le nord de la France, le 11 juin 2025. (AFP)
Une femme passe devant les restes d'un bateau de contrebande endommagé sur la plage de Bleriot à Sangatte, près de Calais, dans le nord de la France, le 11 juin 2025. (AFP)
Short Url
  • Trente-neuf migrants, dont huit mineurs, avaient pu être sauvés, mais quatre avaient été retrouvé morts et quatre autres n'ont jamais été retrouvés
  • La même nuit, sept autres départs d'embarcations clandestines avaient été dénombrés dans la Manche

LILLE: Dix hommes, dont huit Afghans, sont jugés à partir de lundi à Lille pour leur rôle présumé de passeurs dans le naufrage d'une embarcation clandestine qui avait fait quatre morts et quatre disparus dans la Manche en décembre 2022.

Parti entre 1H00 et 1H30 du matin dans la nuit du 13 au 14 décembre 2022, le canot, qui transportait en majorité des migrants afghans, avait fait naufrage à quelques kilomètres des côtes anglaises.

Trente-neuf migrants, dont huit mineurs, avaient pu être sauvés, mais quatre avaient été retrouvé morts et quatre autres n'ont jamais été retrouvés.

La même nuit, sept autres départs d'embarcations clandestines avaient été dénombrés dans la Manche.

Selon les éléments de l'enquête, alors que les migrants gonflaient le bateau avant le départ, plusieurs ont entendu une détonation, synonyme selon eux de crevaison. Les passeurs leur ont dit de ne pas s'en faire et qu'il s'agissait du seul bateau disponible pour eux.

D'après les témoignages des rescapés, il n'y avait pas assez de gilets de sauvetage pour tout le monde et aucune des personnes décédées n'en portait un. La température était glaciale et la mer très agitée.

Après une ou deux heures de traversée, un boudin a commencé à se dégonfler et l'eau à entrer dans l'embarcation, jusqu'à atteindre les genoux des passagers. Paniqués, ils se sont mis debout pour tenter de faire signe à un bateau. Mais le fond du canot, peu solide, a ployé sous leur poids et celui de l'eau, et tous se sont retrouvés à l'eau.

Neuf des prévenus sont jugés, jusqu'à vendredi, pour homicide involontaire par violation d'une obligation de sécurité, deux d'entre eux le sont pour blanchiment, tous pour aide au séjour irrégulier. Huit sont afghans, un syrien, un irakien.

Certains des prévenus sont soupçonnés d'avoir recruté des passeurs et assuré la logistique auprès des passagers, d'autres d'avoir géré l'organisation sur le camp de migrants de Loon-Plage (Nord), où vivaient les migrants avant leur tentative de traversée, toujours selon les éléments de l'enquête. D'autres encore sont jugés pour s'être occupés du transport des migrants vers la plage et de la mise à l'eau du canot, et deux pour avoir collecté une partie des paiements.

Le mineur sénégalais qui pilotait le canot est, lui, inculpé dans le cadre d'une procédure au Royaume-Uni.

Apparu en 2018, le phénomène des traversées de la Manche en petites embarcations est à l'origine de nombreux naufrages, le plus meurtrier ayant coûté la vie à 27 personnes en novembre 2021.

Depuis le début de l'année, au moins 15 migrants sont morts dans la Manche, bras de mer parmi les plus fréquentés du monde et où les conditions météorologiques sont souvent difficiles, selon un décompte de l'AFP à partir de chiffres officiels. En 2024, 78 étaient morts ainsi, un record.


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
Short Url
  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
Short Url
  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».