Sénégal: le pouvoir déploie des forces armées dans Dakar, qui redoute une arrestation de Sonko

Un quartier animé à Dakar le 1er juin 2023, lors des troubles qui ont suivi la condamnation de l'opposant Ousmane Sonko au Sénégal (Photo, AFP).
Un quartier animé à Dakar le 1er juin 2023, lors des troubles qui ont suivi la condamnation de l'opposant Ousmane Sonko au Sénégal (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 02 juin 2023

Sénégal: le pouvoir déploie des forces armées dans Dakar, qui redoute une arrestation de Sonko

  • Deux responsables policiers ont fait état de trois morts dans des manifestations contre la condamnation d'Ousmane Sonko au Sénégal
  • M. Sonko, opposant le plus farouche du président Macky Sall, était absent au prononcé de l'arrêt, tout comme lors de son procès

DAKAR : Les autorités sénégalaises ont déployé vendredi des hommes en tenue et armes de combat dans Dakar où, après le déchaînement de violence de jeudi, beaucoup redoutent un embrasement si le pouvoir fait arrêter l'opposant Ousmane Sonko, candidat à la présidentielle condamné à deux ans de prison ferme.

Des hommes portant treillis et fusils d'assaut ont été positionnés en différents points de Dakar, capitale habituellement grouillante aux rues à présent largement désertées et à l'activité quasiment paralysée après l'une des journées de contestation politique les plus meurtrières depuis des années, ont constaté les journalistes de l'AFP.

L'AFP n'a pu identifier s'il s'agissait de soldats ou de gendarmes en uniformes de camouflage. Ni le porte-parole du gouvernement ni celui de l'état-major n'ont confirmé que les autorités auraient fait appel à l'armée.

Le ministre de l'Intérieur Antoine Diome a assuré dans la nuit que "l'Etat du Sénégal (avait) pris toutes les mesures" pour rétablir l'ordre.

Ce qu'il faut savoir sur les violences au Sénégal

Le Sénégal a connu jeudi une éruption de violences qui a fait neuf morts après la condamnation à deux ans de prison de l'opposant Ousmane Sonko, l'une des journées de contestation politique les plus meurtrières de ces dernières années.

Comment en est-on arrivé là ? A quoi s'attendre ? Des éléments de réponse, face à beaucoup d'incertitudes.

Comment en est-on arrivé là ?

Depuis février 2021, les Sénégalais vivent au rythme du feuilleton qui met en scène M. Sonko, l'un des chefs de file de l'opposition, une jeune employée d'un salon de massage qui l'accuse de l'avoir violée à cinq reprises, et un certain nombre d'autres acteurs, y compris du pouvoir.

M. Sonko a toujours réfuté les viols dont il est accusé. Il crie au complot ourdi par le pouvoir pour l'écarter de la présidentielle de 2024, à laquelle il est candidat.

Jeudi, il a été acquitté des accusations de viols mais condamné à deux ans de prison pour avoir poussé à la débauche une jeune de moins de 21 ans, un délit au Sénégal. Cette condamnation devrait signifier son inéligibilité.

Ses droits électoraux sont déjà compromis par une récente condamnation à six mois de prison avec sursis pour diffamation contre un ministre, une autre manipulation de la justice selon lui.

M. Sonko dit refuser de connaître le même sort que deux autres concurrents du président Macky Sall, Khalifa Sall et Karim Wade, qui ont vu leur trajectoire interrompue par des affaires judiciaires.

La personnalité de M. Sonko divise. Mais il jouit d'une forte popularité auprès des jeunes et dans les milieux modestes, dans un contexte économique et social éprouvant.

Absent à son procès et au délibéré, il a été interpellé dimanche et ramené de force chez lui. Se disant "séquestré", il a appelé les Sénégalais à manifester "massivement".

Quel scénario à venir ?

La situation de M. Sonko n'est pas la seule source de tension. Les Sénégalais attendent depuis des mois de savoir si le président Macky Sall, élu en 2012 et réélu en 2019, se présentera à un troisième mandat en 2024. L'opposition et des défenseurs des droits disent que la Constitution le lui interdit et l'appellent à renoncer.

La loi fondamentale a été révisée en 2016. Elle stipule que la durée du mandat présidentiel est de cinq ans, et non plus sept, et que "nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs".

M. Sall a dit à plusieurs reprises par le passé qu'il ne ferait pas plus de deux mandats. Mais depuis des mois il entretient le flou. Du point de vue juridique, le débat est tranché, en faveur de la possibilité de se représenter, a-t-il dit. Restent les considérations politiques.

Le gouvernement a reconnu avoir restreint les accès aux réseaux sociaux comme Facebook, WhatsApp ou Twitter pour faire cesser selon lui "la diffusion de messages haineux et subversifs".

Dans la crainte des saccages, les magasins sont restés fermés le long de rues entières portant encore les traces des violences de la veille.

A l'université, théâtre d'affrontements prolongés et d'importantes destructions, les étudiants ont reçu la consigne de partir et nombre d'entre eux ont quitté le campus en tirant une valise pour attraper un bus ou tout autre moyen de transport.

"Le Sénégal n'a jamais connu pareille situation", a assuré Babacar Ndiaye, étudiant de 26 ans, "nous ne nous attendions pas à ça. Les affaires politiques ne devraient pas nous concerner".

Craindre le pire

"Mais il y a injustice", a-t-il dit en parlant de la condamnation d'Ousmane Sonko, le plus farouche adversaire du président Macky Sall, engagé depuis deux ans dans un bras de fer acharné avec le pouvoir pour sa survie judiciaire et politique.

Avant les événements de jeudi, une vingtaine de civils avaient été tués depuis 2021 dans des troubles largement liés à la situation de M. Sonko. Le pouvoir et le camp de M. Sonko s'en rejettent mutuellement la faute.

Dakar, sa banlieue et plusieurs villes ont connu jeudi des affrontements entre jeunes et forces de sécurité et des saccages de magasins et d'équipements publics. Le ministre de l'Intérieur a fait état de neuf morts.

Des heurts épars ont été rapportés vendredi matin. De nouveaux appels à manifester ont circulé pour l'après-midi.

La conférence de presse où le sélectionneur de l'équipe nationale de football Aliou Cissé devait annoncer vendredi les joueurs retenus pour deux prochains matches a été remplacée par un communiqué. La circulation du train reliant Dakar et la ville nouvelle de Diamniado a été suspendue.

Les Dakarois interrogés par l'AFP ont dit craindre l'éventualité où le gouvernement ferait arrêter M. Sonko, présumé bloqué par les forces de sécurité chez lui dans la capitale, "séquestré" selon lui.

"S'ils l'arrêtent, il faudra craindre le pire", disait Yankouba Sané, employé de l'université.

"S'il y a une personne qui n'ira jamais en prison au Sénégal, c'est bien Ousmane Sonko. S'ils le défèrent, ils vont aggraver la situation", abondait Alioune Diop, commerçant de 46 ans.

Perte inestimable

Le relativement jeune âge de M. Sonko, son discours souverainiste et panafricaniste, ses diatribes contre "la mafia d'Etat", les multinationales et l'emprise économique et politique exercée selon lui par l'ancienne puissance coloniale française lui valent une forte adhésion dans une jeunesse en quête de perspectives et d'espoir dans un environnement économique et social difficile. Les moins de 20 ans représentent la moitié de la population.

M. Sonko a été condamné jeudi à deux ans de prison ferme pour avoir poussé à la "débauche" une jeune femme de moins de 21 ans.

La cour l'a en revanche acquitté des charges de viols et menaces de mort contre cette employée d'un salon de beauté où il allait se faire masser entre 2020 et 2021, charges pour lesquelles il était jugé.

La décision paraît, au vu du code électoral, entraîner l'inéligibilité de M. Sonko. Il n'a cessé de nier les accusations en criant à la machination du pouvoir pour l'écarter de la présidentielle, ce que le pouvoir réfute.

M. Sonko peut désormais être arrêté "à tout moment", a dit le ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall.

Soutien ou pas à M. Sonko, beaucoup expriment leur lassitude devant ce feuilleton de deux ans qui a souvent dicté le rythme de la marche du pays.

"Depuis de le début de cette histoire, nous avons perdu énormément, l'économie du pays en a pris un grand coup (...) La perte est inestimable alors que nous avons des frais", se désolait Bada Diop, commerçant.


Au moins neuf morts dans l'accident d'un avion-cargo aux États-Unis

Au moins neuf personnes sont mortes dans l'accident d'un avion-cargo qui s'est écrasé mardi peu après son décollage de Louisville, dans le centre-est des Etats-Unis, a annoncé mercredi le gouverneur du Kentucky. (AFP)
Au moins neuf personnes sont mortes dans l'accident d'un avion-cargo qui s'est écrasé mardi peu après son décollage de Louisville, dans le centre-est des Etats-Unis, a annoncé mercredi le gouverneur du Kentucky. (AFP)
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  • "Kentucky, d'autres nouvelles déchirantes nous parviennent de Louisville. Le nombre de victimes s'élève désormais à au moins 9, et pourrait encore augmenter. En ce moment, ces familles ont besoin de prières, d'amour et de soutien"
  • L'accident a également fait au moins 11 blessés. Le gouverneur de l'Etat tiendra une conférence de presse à 11H30, heure locale (16H30 GMT)

WASHINGTON: Au moins neuf personnes sont mortes dans l'accident d'un avion-cargo qui s'est écrasé mardi peu après son décollage de Louisville, dans le centre-est des Etats-Unis, a annoncé mercredi le gouverneur du Kentucky.

"Kentucky, d'autres nouvelles déchirantes nous parviennent de Louisville. Le nombre de victimes s'élève désormais à au moins 9, et pourrait encore augmenter. En ce moment, ces familles ont besoin de prières, d'amour et de soutien", a écrit sur X le gouverneur de l'Etat, Andy Beshear.

L'accident a également fait au moins 11 blessés. Le gouverneur de l'Etat tiendra une conférence de presse à 11H30, heure locale (16H30 GMT).

Le vol UPS 2976, qui devait rejoindre Hawaï, "s'est écrasé vers 17H15 heure locale" (22H15 GMT) mardi, selon le régulateur américain de l'aviation, la FAA. L'appareil était un McDonnell Douglas MD-11.

L'avion avait "trois membres d'équipage à son bord", a déclaré dans un communiqué le transporteur UPS, dont le siège de la division aérienne est installé à Louisville.

L'appareil aurait percuté "de manière assez directe" une installation de recyclage de pétrole, a précisé le gouverneur.

Une vidéo amateur partagée par la chaîne locale WLKY montre le moteur gauche de l'avion en feu tandis que l'appareil rase le sol en tentant de décoller de la piste, avant visiblement d'exploser plus loin, provoquant un large panache de fumée noire.

L'appareil a terminé sa course à près de 5 km de l'aéroport, selon la police.

Des images aériennes de télévisions locales montraient aussi, peu après le crash, un large brasier s'étalant sur plusieurs centaines de mètres de long dans une zone de hangars et de parkings, avec les gyrophares des équipes de secours à proximité.

Les vols, annulés mardi soir, ont été rétablis à l'aéroport international Mohamed-Ali de Louisville, a annoncé mercredi matin sur X le maire de la ville, Craig Greenberg.

UPS a annoncé mercredi via un communiqué suspendre toutes les opérations de tri des colis sur place, pour la deuxième journée consécutive.

Louisville sert de principal hub aérien américain pour UPS, selon une fiche d'information de l'entreprise.

Paralysie budgétaire 

Les enquêteurs de l'Agence américaine de sécurité des transports (NTSB) doivent arriver mercredi sur place.

L'accident de mardi intervient au moment où les conséquences de la paralysie budgétaire, due à un désaccord entre républicains et démocrates au Congrès, se font particulièrement ressentir dans le domaine du transport aérien.

Depuis plusieurs semaines, des pénuries de contrôleurs aériens - qui travaillent depuis le 1er octobre sans être payés - entraînent retards et annulations de vols à travers le pays.

Si la paralysie budgétaire se prolonge au-delà de cette semaine, l'espace aérien américain pourrait même être partiellement fermé, a mis en garde mardi le ministre des Transports, Sean Duffy.

UPS Airlines, la division aérienne du groupe américain de messagerie et de livraison de colis, opérait début septembre une flotte d'environ 500 avions de transport de marchandises, dont 27 MD-11, l'appareil impliqué dans l'accident de mardi.

Le dernier accident aérien majeur aux Etats-Unis s'est produit le 29 janvier dernier à proximité de l'aéroport Ronald-Reagan de Washington, quand un hélicoptère militaire est entré en collision avec un avion de ligne sur le point d'atterrir, tuant 67 personnes au total.


Mamdani élu maire de New York, soirée de revers pour Trump

Le socialiste Zohran Mamdani a remporté mardi la mairie de New York au terme d'une soirée d'élections locales dans lesquelles Donald Trump a essuyé plusieurs revers, un message de défiance à un an des élections de mi-mandat. (AFP)
Le socialiste Zohran Mamdani a remporté mardi la mairie de New York au terme d'une soirée d'élections locales dans lesquelles Donald Trump a essuyé plusieurs revers, un message de défiance à un an des élections de mi-mandat. (AFP)
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  • L'élu local de 34 ans, opposant résolu au président américain, a largement devancé son principal adversaire, l'ancien gouverneur de l'Etat, le centriste Andrew Cuomo, selon les projections de plusieurs médias
  • Zohran Mamdani deviendra le 1er janvier le premier maire musulman de la plus grande ville des Etats-Unis

NEW YORK: Le socialiste Zohran Mamdani a remporté mardi la mairie de New York au terme d'une soirée d'élections locales dans lesquelles Donald Trump a essuyé plusieurs revers, un message de défiance à un an des élections de mi-mandat.

L'élu local de 34 ans, opposant résolu au président américain, a largement devancé son principal adversaire, l'ancien gouverneur de l'Etat, le centriste Andrew Cuomo, selon les projections de plusieurs médias.

Zohran Mamdani deviendra le 1er janvier le premier maire musulman de la plus grande ville des Etats-Unis.

Sa victoire a été accueillie par des cris de joie et parfois les larmes de ses partisans réunis dans une grande salle rococo des années 1920 du centre de Brooklyn.

"En cette période d'obscurité politique, New York sera la lumière", leur a lancé le jeune élu, ajoutant que la ville pouvait "montrer à une nation trahie par Donald Trump comment le vaincre".

L'ancien président démocrate Bill Clinton, dont M. Cuomo a fait partie de l'administration, a souhaité au vainqueur de "transformer l'élan de (sa) campagne" pour construire "un New York meilleur, plus juste et plus abordable".

"L'avenir s'annonce un peu meilleur", a commenté pour sa part Barack Obama, évoquant les différentes victoires démocrates de la soirée.

Participation record 

Donald Trump, qui a fait de Zohran Mamdani l'une de ses nouvelles bêtes noires, a lui aussi rapidement réagi. Dans un message publié sur son réseau Truth Social, il a cité des "sondeurs" anonymes affirmant que les défaites républicaines étaient dues à la paralysie budgétaire -- le  "shutdown" -- et au fait que son propre nom ne figurait pas sur les bulletins de vote.

Plus tôt dans la journée, il avait appelé les électeurs juifs à faire barrage au candidat, militant de la cause palestinienne. En réponse, Zohran Mamdani s'est de nouveau engagé, dans son discours de victoire, à "bâtir une mairie qui (...) ne faiblira pas dans la lutte contre le fléau de l'antisémitisme".

Vainqueur surprise de la primaire démocrate en juin, l'élu du Queens à l'Assemblée de l'Etat de New York n'a jamais, depuis lors, quitté la tête des sondages, même après le retrait de la course du maire sortant Eric Adams, qui a également appelé à le battre en ralliant Andrew Cuomo.

Signe de l'engouement pour le scrutin, avant la fermeture des bureaux de vote à 21H00, plus de deux millions d'électeurs s'étaient rendus aux urnes, la plus importante participation depuis près de 60 ans.

Né en Ouganda dans une famille d'intellectuels d'origine indienne, arrivé aux Etats-Unis à sept ans et naturalisé en 2018, Zohran Mamdani a fait de la lutte contre la vie chère le coeur de sa campagne.

Si Donald Trump l'a qualifié de "communiste", ses propositions -- encadrement des loyers, bus et crèches gratuits -- relèvent plutôt de la social-démocratie.

Autres victoires démocrates 

Très populaire auprès des jeunes, le futur maire a également ramené à lui de nombreuses personnes qui s'étaient éloignées de la politique, "des électeurs frustrés par le status quo, en quête de nouvelles personnalités", selon le politologue Costas Panagopoulos.

"Si Zohran Mamdani devient maire, Trump n'en fera qu'une bouchée", a prédit Andrew Cuomo avant le verdict mardi, insistant, comme il l'a fait durant toute la campagne, sur l'inexpérience de son adversaire.

Plusieurs fois, le président républicain a promis de mettre des bâtons dans les roues du jeune candidat démocrate s'il était élu, en s'opposant au besoin au versement de certaines subventions fédérales à la ville.

Voisin de New York, l'Etat du New Jersey a choisi la démocrate Mikie Sherrill contre l'homme d'affaires républicain Jack Ciattarelli. L'Etat a longtemps été considéré comme un bastion démocrate. Mais à la dernière présidentielle, Donald Trump y avait considérablement réduit l'écart.

Plus au sud sur la côte est, la Virginie a élu la première femme à sa tête, la démocrate Abigail Spanberger, battant la républicaine Winsome Earle-Sears.

Enfin, les Californiens ont approuvé un texte visant à redécouper leur carte électorale en faveur des démocrates, qui cherchent à compenser ce qu'ont fait au Texas les républicains sous la pression de Donald Trump.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".