Pakistan: après les inondations, les promesses sans lendemain d'une reconstruction

Sur cette photo prise le 9 mai 2023, des victimes des inondations marchent dans l'enceinte de leur maison endommagée dans le district de Dadu au Pakistan (AFP).
Sur cette photo prise le 9 mai 2023, des victimes des inondations marchent dans l'enceinte de leur maison endommagée dans le district de Dadu au Pakistan (AFP).
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Publié le Mardi 06 juin 2023

Pakistan: après les inondations, les promesses sans lendemain d'une reconstruction

  • Causées par des pluies de mousson torrentielles, les inondations ont affecté un tiers du pays, faisant plus de 1 700 morts et jusqu'à 8 millions de déplacés
  • Le Pakistan, cinquième pays le plus peuplé au monde, qui figure parmi les plus menacés par les phénomènes météorologiques extrêmes, a lié ces inondations au dérèglement climatique

DADU : Noor Bibi a perdu sa mère et sa fillette dans les catastrophiques inondations de l'été 2022 au Pakistan. Un an plus tard, elle n'a toujours pas de toit sur la tête et les promesses gouvernementales d'une reconstruction adaptée au climat semblent déjà appartenir au passé.

La famille de Noor et leurs voisins s'abritent sous de rudimentaires toiles de tente dans leur village de Sohbat Khosa, dans le district de Dadu (sud).

Cet abri ne protège guère contre la chaleur étouffante et les pluies de la mousson à venir. Leurs habitations, pour la plupart démolies par les eaux, n'ont pas encore été reconstruites.

Les villageois, qui ont perdu tout moyen de subsistance avec la destruction des terres agricoles, sont trop pauvres pour les retaper eux-mêmes. Ils ont juste pu réunir assez d'argent pour aménager des toilettes publiques et un réservoir d'eau.

Noor, une travailleuse agricole qui approche la soixantaine, prie pour que "quelqu'un (les) aide à construire une bonne maison à un endroit en hauteur". "Au moins on ne perdrait pas autant" en cas de nouvelles inondations, dit-elle à l'AFP.

Son voeu pourrait être exaucé. La Fondation Alkhidmat, une ONG pakistanaise, envisage de construire 30 logements dans le village.

Causées par des pluies de mousson torrentielles, les inondations ont affecté un tiers du pays, faisant plus de 1 700 morts et jusqu'à 8 millions de déplacés.

Le Pakistan, cinquième pays le plus peuplé au monde, qui figure parmi les plus menacés par les phénomènes météorologiques extrêmes, a lié ces inondations au dérèglement climatique.

Le gouvernement a présenté en début d'année un "Plan de redressement, de réhabilitation et de reconstruction résilients", dont le coût est estimé à 16,3 milliards de dollars.

Il a obtenu plus de 9 milliards de dollars de promesses d'aides internationales dédiées à la reconstruction.

L'absence des autorités

Le plan est à moyen terme. Mais un an après les inondations, il n'existe encore que sur le papier. Sur le terrain, l'adaptation au changement climatique reste une réalité très distante.

A Dadu, comme un peu partout dans la province du Sind, encore partiellement inondée, l'absence des autorités est dénoncée par la population qui, sans avoir conscience du réchauffement, comprend l'urgence à laquelle elle fait face.

Aucun effort concerté de réhabilitation n'est visible. Les rares infrastructures publiques n'ont le plus souvent pas été réparées et la reconstruction des habitations est laissée aux communautés locales ou à quelques ONG.

"Le gouvernement semble ne pas exister ici et s'il fait quelque chose, ce n'est que de la corruption", accuse Ali Muhammad, coordinateur d'Alkhidmat à Dadu.

Le Pakistan est empêtré dans une double crise politique et économique qui gèle toute initiative publique. Mais ses faiblesses structurelles - la mauvaise gouvernance et la corruption - sont aussi à pointer du doigt.

"Mieux reconstruire coûte cher et la quantité de dommages est colossale", fait valoir à l'AFP le ministre pakistanais des Affaires étrangères, Bilawal Bhutto Zardari.

Aveu significatif, il dit "ne pas pouvoir parler de ce que le gouvernement fédéral a fait ou envisage de faire". Mais le gouvernement provincial du Sind, dirigé par son parti, a lancé "deux ou trois initiatives destinées non seulement à reconstruire, mais à mieux reconstruire".

L'une consiste à "financer la reconstruction de maisons via des ONG et des organisations caritatives". Alkhidmat, comme deux autres ONG interrogées par l'AFP, n'a toutefois pas reçu d'argent public et est financée intégralement par des fonds privés.

Alkhidmat a reconstruit quelques dizaines de logements à Dadu, une goutte d'eau dans l'océan des 2 millions d'habitations détruites ou endommagées par les inondations à l'échelle du pays.

La fondation devrait à terme ériger 80 maisons dans le village de Bari Baital, qui est resté recouvert par l'eau jusqu'à la fin novembre et où le réseau électrique n'a pas été réparé. Mais cela ne suffira pas à loger le millier d'habitants.

«Où pourrions-nous aller?»

Pour les rendre plus résistantes à de futures inondations, les maisons reconstruites par l'ONG sont surélevées sur un socle en briques. Les murs sont maçonnés avec un ciment censé mieux protéger contre l'eau, et le toit est fait de béton armé.

"Les gens (ici) n'ont pas conscience du changement climatique", souligne Imtiaz Ali Chandio, l'instituteur du village, qui en a entendu parler mais admet ne pas y connaître grand-chose.

Tout ce qu'ils savent, c'est que leur village, protégé par une digue de terre d'une rivière située à quelques kilomètres de là, est "un passage pour les eaux de crue depuis des siècles".

Mais partir ailleurs n'est pas une option. "Où pourrions-nous aller? Tout ce que nous avons est ici", se lamente Abdulrahim Brohi, un vieil homme qui avait déjà connu les terribles inondations de 2010.

"Nous n'avons déjà pas les moyens de reconstruire nos maisons ici, alors comment pourrions-nous nous permettre d'acheter une terre ailleurs?", relève-t-il.

Prisée des touristes pour ses paysages enchanteurs, la vallée de Swat, dans le nord-ouest du pays, avait aussi subi l'été dernier des dégâts massifs.

Des centaines d'hôtels, restaurants, commerces et habitations juchés sur les berges de la rivière Swat avaient été détruits ou endommagés par sa crue.

Pour éviter un nouveau désastre, les autorités locales ont "imposé une interdiction complète de construire tout type de bâtiment sur les rives", affirme à l'AFP Irfanullah Khan Wazir, un haut responsable du district de Swat.

«Constructions illégales»

Mais l'interdiction est loin d'être respectée. A Bahrain, petite station de montagne dont la partie basse avait été submergée par l'eau, nombre de magasins, restaurants et hôtels sont rénovés ou reconstruits à quelques mètres de la rivière. Même la mosquée a été rebâtie sur son ancien emplacement.

"Les gens se livrent à des constructions illégales la nuit les week-ends, mais (les autorités) n'y prêtent aucune attention. Leur silence laisse perplexe", observe Zafar Ali, un gérant d'hôtel.

Son établissement, qui a été fortement endommagé, est en cours de reconstruction. Il est situé à peine à une vingtaine de mètres du cours d'eau, mais dans une zone autorisée, jure-t-il.

Il a tout de même fait doubler de hauteur le mur de protection sur la berge. Mais déplacer l'hôtel ailleurs n'a pas été envisagé, sa situation en bord de rivière garantissant la prospérité de l'affaire.

"Les touristes veulent pouvoir ouvrir leurs fenêtres et voir la rivière dehors. Les hôtels qui sont construits plus loin ont du mal à couvrir leurs dépenses", justifie-t-il.

A Swat aussi on dénonce l'inaction des autorités. La route principale qui longe la rivière a été rouverte, mais des tronçons entiers de bitume sont toujours arrachés.

Les hôteliers, restaurateurs et commerçants disent ne pas avoir été dédommagés. Seules certaines personnes ayant perdu leurs maisons ont reçu une compensation de 400 000 roupies (1 300 euros), très insuffisante toutefois pour pouvoir rebâtir.

Muhammad Ishaq, un tailleur de Bahrain, a vu sa maison engloutie par les flots. Il n'a toujours pas été indemnisé et a dû aller habiter chez son père, un peu plus haut sur la montagne.

Il avait construit sa maison en bord de rivière pour disposer d'eau à volonté. La vie est plus rude dans la maison paternelle, qui n'a pas l'eau courante. Mais s'il parvient un jour à s'offrir un nouveau chez-soi, il admet que ce devra être "à l'écart de la rivière".


Au moins neuf morts dans l'accident d'un avion-cargo aux États-Unis

Au moins neuf personnes sont mortes dans l'accident d'un avion-cargo qui s'est écrasé mardi peu après son décollage de Louisville, dans le centre-est des Etats-Unis, a annoncé mercredi le gouverneur du Kentucky. (AFP)
Au moins neuf personnes sont mortes dans l'accident d'un avion-cargo qui s'est écrasé mardi peu après son décollage de Louisville, dans le centre-est des Etats-Unis, a annoncé mercredi le gouverneur du Kentucky. (AFP)
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  • "Kentucky, d'autres nouvelles déchirantes nous parviennent de Louisville. Le nombre de victimes s'élève désormais à au moins 9, et pourrait encore augmenter. En ce moment, ces familles ont besoin de prières, d'amour et de soutien"
  • L'accident a également fait au moins 11 blessés. Le gouverneur de l'Etat tiendra une conférence de presse à 11H30, heure locale (16H30 GMT)

WASHINGTON: Au moins neuf personnes sont mortes dans l'accident d'un avion-cargo qui s'est écrasé mardi peu après son décollage de Louisville, dans le centre-est des Etats-Unis, a annoncé mercredi le gouverneur du Kentucky.

"Kentucky, d'autres nouvelles déchirantes nous parviennent de Louisville. Le nombre de victimes s'élève désormais à au moins 9, et pourrait encore augmenter. En ce moment, ces familles ont besoin de prières, d'amour et de soutien", a écrit sur X le gouverneur de l'Etat, Andy Beshear.

L'accident a également fait au moins 11 blessés. Le gouverneur de l'Etat tiendra une conférence de presse à 11H30, heure locale (16H30 GMT).

Le vol UPS 2976, qui devait rejoindre Hawaï, "s'est écrasé vers 17H15 heure locale" (22H15 GMT) mardi, selon le régulateur américain de l'aviation, la FAA. L'appareil était un McDonnell Douglas MD-11.

L'avion avait "trois membres d'équipage à son bord", a déclaré dans un communiqué le transporteur UPS, dont le siège de la division aérienne est installé à Louisville.

L'appareil aurait percuté "de manière assez directe" une installation de recyclage de pétrole, a précisé le gouverneur.

Une vidéo amateur partagée par la chaîne locale WLKY montre le moteur gauche de l'avion en feu tandis que l'appareil rase le sol en tentant de décoller de la piste, avant visiblement d'exploser plus loin, provoquant un large panache de fumée noire.

L'appareil a terminé sa course à près de 5 km de l'aéroport, selon la police.

Des images aériennes de télévisions locales montraient aussi, peu après le crash, un large brasier s'étalant sur plusieurs centaines de mètres de long dans une zone de hangars et de parkings, avec les gyrophares des équipes de secours à proximité.

Les vols, annulés mardi soir, ont été rétablis à l'aéroport international Mohamed-Ali de Louisville, a annoncé mercredi matin sur X le maire de la ville, Craig Greenberg.

UPS a annoncé mercredi via un communiqué suspendre toutes les opérations de tri des colis sur place, pour la deuxième journée consécutive.

Louisville sert de principal hub aérien américain pour UPS, selon une fiche d'information de l'entreprise.

Paralysie budgétaire 

Les enquêteurs de l'Agence américaine de sécurité des transports (NTSB) doivent arriver mercredi sur place.

L'accident de mardi intervient au moment où les conséquences de la paralysie budgétaire, due à un désaccord entre républicains et démocrates au Congrès, se font particulièrement ressentir dans le domaine du transport aérien.

Depuis plusieurs semaines, des pénuries de contrôleurs aériens - qui travaillent depuis le 1er octobre sans être payés - entraînent retards et annulations de vols à travers le pays.

Si la paralysie budgétaire se prolonge au-delà de cette semaine, l'espace aérien américain pourrait même être partiellement fermé, a mis en garde mardi le ministre des Transports, Sean Duffy.

UPS Airlines, la division aérienne du groupe américain de messagerie et de livraison de colis, opérait début septembre une flotte d'environ 500 avions de transport de marchandises, dont 27 MD-11, l'appareil impliqué dans l'accident de mardi.

Le dernier accident aérien majeur aux Etats-Unis s'est produit le 29 janvier dernier à proximité de l'aéroport Ronald-Reagan de Washington, quand un hélicoptère militaire est entré en collision avec un avion de ligne sur le point d'atterrir, tuant 67 personnes au total.


Mamdani élu maire de New York, soirée de revers pour Trump

Le socialiste Zohran Mamdani a remporté mardi la mairie de New York au terme d'une soirée d'élections locales dans lesquelles Donald Trump a essuyé plusieurs revers, un message de défiance à un an des élections de mi-mandat. (AFP)
Le socialiste Zohran Mamdani a remporté mardi la mairie de New York au terme d'une soirée d'élections locales dans lesquelles Donald Trump a essuyé plusieurs revers, un message de défiance à un an des élections de mi-mandat. (AFP)
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  • L'élu local de 34 ans, opposant résolu au président américain, a largement devancé son principal adversaire, l'ancien gouverneur de l'Etat, le centriste Andrew Cuomo, selon les projections de plusieurs médias
  • Zohran Mamdani deviendra le 1er janvier le premier maire musulman de la plus grande ville des Etats-Unis

NEW YORK: Le socialiste Zohran Mamdani a remporté mardi la mairie de New York au terme d'une soirée d'élections locales dans lesquelles Donald Trump a essuyé plusieurs revers, un message de défiance à un an des élections de mi-mandat.

L'élu local de 34 ans, opposant résolu au président américain, a largement devancé son principal adversaire, l'ancien gouverneur de l'Etat, le centriste Andrew Cuomo, selon les projections de plusieurs médias.

Zohran Mamdani deviendra le 1er janvier le premier maire musulman de la plus grande ville des Etats-Unis.

Sa victoire a été accueillie par des cris de joie et parfois les larmes de ses partisans réunis dans une grande salle rococo des années 1920 du centre de Brooklyn.

"En cette période d'obscurité politique, New York sera la lumière", leur a lancé le jeune élu, ajoutant que la ville pouvait "montrer à une nation trahie par Donald Trump comment le vaincre".

L'ancien président démocrate Bill Clinton, dont M. Cuomo a fait partie de l'administration, a souhaité au vainqueur de "transformer l'élan de (sa) campagne" pour construire "un New York meilleur, plus juste et plus abordable".

"L'avenir s'annonce un peu meilleur", a commenté pour sa part Barack Obama, évoquant les différentes victoires démocrates de la soirée.

Participation record 

Donald Trump, qui a fait de Zohran Mamdani l'une de ses nouvelles bêtes noires, a lui aussi rapidement réagi. Dans un message publié sur son réseau Truth Social, il a cité des "sondeurs" anonymes affirmant que les défaites républicaines étaient dues à la paralysie budgétaire -- le  "shutdown" -- et au fait que son propre nom ne figurait pas sur les bulletins de vote.

Plus tôt dans la journée, il avait appelé les électeurs juifs à faire barrage au candidat, militant de la cause palestinienne. En réponse, Zohran Mamdani s'est de nouveau engagé, dans son discours de victoire, à "bâtir une mairie qui (...) ne faiblira pas dans la lutte contre le fléau de l'antisémitisme".

Vainqueur surprise de la primaire démocrate en juin, l'élu du Queens à l'Assemblée de l'Etat de New York n'a jamais, depuis lors, quitté la tête des sondages, même après le retrait de la course du maire sortant Eric Adams, qui a également appelé à le battre en ralliant Andrew Cuomo.

Signe de l'engouement pour le scrutin, avant la fermeture des bureaux de vote à 21H00, plus de deux millions d'électeurs s'étaient rendus aux urnes, la plus importante participation depuis près de 60 ans.

Né en Ouganda dans une famille d'intellectuels d'origine indienne, arrivé aux Etats-Unis à sept ans et naturalisé en 2018, Zohran Mamdani a fait de la lutte contre la vie chère le coeur de sa campagne.

Si Donald Trump l'a qualifié de "communiste", ses propositions -- encadrement des loyers, bus et crèches gratuits -- relèvent plutôt de la social-démocratie.

Autres victoires démocrates 

Très populaire auprès des jeunes, le futur maire a également ramené à lui de nombreuses personnes qui s'étaient éloignées de la politique, "des électeurs frustrés par le status quo, en quête de nouvelles personnalités", selon le politologue Costas Panagopoulos.

"Si Zohran Mamdani devient maire, Trump n'en fera qu'une bouchée", a prédit Andrew Cuomo avant le verdict mardi, insistant, comme il l'a fait durant toute la campagne, sur l'inexpérience de son adversaire.

Plusieurs fois, le président républicain a promis de mettre des bâtons dans les roues du jeune candidat démocrate s'il était élu, en s'opposant au besoin au versement de certaines subventions fédérales à la ville.

Voisin de New York, l'Etat du New Jersey a choisi la démocrate Mikie Sherrill contre l'homme d'affaires républicain Jack Ciattarelli. L'Etat a longtemps été considéré comme un bastion démocrate. Mais à la dernière présidentielle, Donald Trump y avait considérablement réduit l'écart.

Plus au sud sur la côte est, la Virginie a élu la première femme à sa tête, la démocrate Abigail Spanberger, battant la républicaine Winsome Earle-Sears.

Enfin, les Californiens ont approuvé un texte visant à redécouper leur carte électorale en faveur des démocrates, qui cherchent à compenser ce qu'ont fait au Texas les républicains sous la pression de Donald Trump.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".