Lancement de Vision Golfe: favoriser les synergies entre la France et les acteurs clés du Golfe

Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique et Bandar Ibrahim Al Khorayef, ministre saoudien de l'Industrie et des ressources minières. (Photo, fournie)
Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique et Bandar Ibrahim Al Khorayef, ministre saoudien de l'Industrie et des ressources minières. (Photo, fournie)
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Publié le Mercredi 14 juin 2023

Lancement de Vision Golfe: favoriser les synergies entre la France et les acteurs clés du Golfe

  • L’événement Vision Golfe 2023 a été lancé en grande pompe aujourd’hui à Paris, au ministère de l’Économie, des Finances, de l'Industrie et de la Souveraineté industrielle et numérique
  • La séance d’ouverture, menée par le rédacteur en chef d’Arab News, Faisal Abbas, proposait de réfléchir à la problématique de la géopolitique des ressources en 2023

PARIS : L’événement Vision Golfe 2023 a été lancé en grande pompe aujourd’hui à Paris, au ministère de l’Économie, des Finances, de l'Industrie et de la Souveraineté industrielle et numérique, sous le haut patronage du président français, Emmanuel Macron. Cette nouvelle plate-forme vise à promouvoir la coopération commerciale dans des marchés à fort potentiel de croissance. Cette conférence de deux jours est l’une des concrétisations des développements politiques, économiques et culturels de ces dernières années entre la France et les pays du Golfe. Elle a pour objectif de réunir les principaux acteurs économiques de ces deux régions du monde (ministres, dirigeants de PME, start-up et cadres supérieurs).  

L’idée est d’adopter les meilleures pratiques destinées afin d’établir des partenariats durables et de trouver des opportunités de coopération et d'investissement dans divers secteurs. «C’est la première fois que nous réunissons pendant deux jours les principaux acteurs économiques des pays du Golfe ainsi que leurs partenaires français. C’est le témoignage le plus éclatant de l’importance que nous accordons à la relation entre la France et les États du Golfe», déclare en ouvrant la conférence Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.  

Lutte contre le changement climatique 

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 Cette conférence de deux jours est l’une des concrétisations des développements politiques, économiques et culturels de ces dernières années entre la France et les pays du Golfe. (Photo, fournie)

La lutte contre le changement climatique est au cœur des premiers échanges. «C’est parce que les États du Golfe se sont collectivement engagés dans cette transition climatique, parce qu’ils ont pris la mesure du défi et ont aussi les ressources naturelles – et, n'hésitons pas à le dire, les ressources financières – pour financer cette transition énergétique qui va coûter très cher que cela a beaucoup de sens que la COP28 soit attribuée à l’un de ces États», précise Bruno le Maire. Ce dernier, qui représentait le chef de l’État français, a appelé à faire «confiance» aux États du Golfe pour participer à la lutte contre le changement climatique afin d’«apporter des réponses concrètes». 

Le ministre français affirme par ailleurs: «Les États du Golfe jouent un rôle décisif pour la transition énergétique; l’Arabie saoudite, le Qatar, Oman , le Bahreïn, les Émirats arabes unis [EAU], le Koweït sont des pays décisifs pour cette transition. [...] L’ancien monde, c’est le Golfe qui rime avec pétrole. Le nouveau monde, ce sont les États du Golfe qui investissent massivement dans les énergies renouvelables et dans la lutte contre le réchauffement climatique.» Il ajoute que «le meilleur symbole de tout cela est le fait que la COP28 à Dubaï sera présidée par l’un de ces États du Golfe et mon ami Sultan al-Jaber».  

Prenant la parole à son tour, Laurent Saint-Martin, PDG de Business France depuis janvier 2023, a remercié les participants de cette 1re édition à laquelle participaient plus de sept cents personnes, dont trois cent cinquante sont issues des pays du Golfe.  

«Dans un monde en proie aux crises de toutes natures, les pays du Golfe offrent un réservoir considérable d’opportunités à nos entreprises à l’export et à nos territoires en investissements potentiels. Pour nos exportateurs, les opportunités d’affaires sont extrêmement nombreuses dans tous les secteurs d’activité: produits alimentaires, équipements et solutions pour les industries agroalimentaires ou pour l’élevage et l’aquaculture; AgriTech et FoodTech; industrie aéronautique, environnement et ville durable, transports et mobilité, sécurité et défense, transition énergétique, hydrocarbures; intelligence artificielle (IA), Fintech, RetailTech, industries culturelles et créatives, jeux vidéo et métavers; santé, art de vivre, sport, décoration, mode et habillement, tourisme…», décline Laurent Saint-Martin.  

Perspectives de partenariats  

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Vision Golfe a pour objectif de réunir les principaux acteurs économiques de ces deux régions du monde (ministres, dirigeants de PME, start-up et cadres supérieurs). (Photo, fournie).

«Sur le volet attractivité, les très importantes capacités d’investissements, tant publiques que privées, couplées aux “visions”, les plans nationaux de développement, de modernisation et d’investissement élaborés par la plupart de ces États offrent de très belles perspectives de partenariats», indique le directeur de Business France, qui veut mettre en œuvre une stratégie ambitieuse. Le but est de soutenir l’internationalisation de l’économie de l’Hexagone à travers l’accompagnement du développement des entreprises françaises exportatrices à l’international, la prospection et l’accueil des investissements étrangers créateurs d’emplois en France. «La France n’a jamais été aussi attractive. Pour la quatrième année consécutive, nous sommes premiers au classement Ernst and Young [EY] des pays les plus attractifs d’Europe. Comme vous le savez, la dernière édition du Sommet Choose France, en mai dernier, a battu tous les records avec 13 milliards d’euros d’investissements annoncés pour plus de 8 000 emplois créés partout en France. L’ambition portée par France 2030 est devenue un point de repère pour les investisseurs du monde entier», souligne Laurent Saint-Martin, qui appelle ses «amis du Golfe » à saisir cette opportunité. 

Quelles réponses communes face aux défis mondiaux? 

La séance d’ouverture, menée par le rédacteur en chef d’Arab News, Faisal Abbas, proposait de réfléchir à la problématique de la géopolitique des ressources en 2023: quelles réponses communes face aux défis mondiaux? «La pandémie de Covid-19 a servi de leçon sur le plan mondial au sujet de la manière dont il convient de collaborer sur le plan géopolitique pour ne pas affecter négativement les chaînes d’approvisionnement», affirme M. Abbas. Ce dernier tient par ailleurs à rappeler que le média avait lancé sa version en français en 2020. «En 2022, la Russie a envahi l’Ukraine […] et, en 2023, nous nous sommes réveillés avec Chat GPT et nous réfléchissons aujourd’hui à son impact sur l’éducation et le business. Nous sommes là également pour discuter de tout cela.» 

Face à lui, Bandar Ibrahim Alkhorayef, ministre de l'Industrie et des Ressources minières de l’Arabie Saoudite, indique que «malgré les défis auxquels l’économie mondiale se trouve confrontée, les pays du Golfe offrent une infrastructure propice à l’investissement et l’attraction des talents».  

En outre, il fait part des grandes ambitions de l’Arabie saoudite dans le secteur industriel et minier. «La stratégie industrielle du Royaume met en avant douze domaines regroupés en secteurs et destinés à renforcer la résilience: se concentrer sur la sécurité alimentaire, les produits pharmaceutiques et l'armée. Parmi les secteurs de premier plan, citons, entre autres, le développement de l'exploitation minière et de la transformation, la vente de matières premières ainsi que des champs axés sur les industries du futur qui positionnent l'Arabie saoudite à la pointe de la fabrication et de l'automatisation.» 

«Dans le domaine pharmaceutique, aujourd'hui, […] il existe une belle collaboration avec les entreprises françaises [automatisation et fabrication de pointe]. L'avenir de notre industrie misera beaucoup sur la technologie, l'adaptation de l'IA, l'impression 3D et la fabrication additive», souligne M. Alkhorayef. 

«Il y a un véritable intérêt de la part de différents partenaires à développer une vision positive du pays et de la façon dont il peut représenter non seulement un marché fort, mais aussi une fenêtre sur d'autres marchés. L'Arabie saoudite est en train de se transformer en une puissance industrielle, mais nous la voyons aussi devenir une plaque tournante logistique solide pour différents acteurs», ajoute-t-il. 

«Nous recherchons des entreprises pour apporter de la technologie en Arabie saoudite», précise le ministre saoudien. Il s’agit de renforcer un objectif commun entre la France et le Royaume et de construire des partenariats sur le long terme. 

Jasem Mohamed al-Budaiwi, secrétaire général du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), affirme que «l’Union européenne est le deuxième partenaire commercial après la Chine». Il ajoute que la relation de la France avec le Golfe présente deux aspects, d’une part de pays à pays, et d’autre part à travers l’UE.  

«Les pays du Golfe sont des pays sérieux et nous œuvrons aujourd’hui à optimiser le rapprochement entre ces pays à travers de nombreux projets dont nous sommes fiers. «Le projet Gulf Railway [projet ferroviaire international, NDLR], que nous finirons en 2026, ce qui va relier les six pays du Golfe, les grands projets d’électricité, ainsi qu’une certaine unification douanière. Nous sommes unis et nous constituons un marché global a fort potentiel avec lequel il est intéressant de travailler.» 

Le CCG, un véritable partenaire pour la France 

C’est le même son de cloche du côté français: l’Hexagone, «en tant que pays qui appartient à l'Union européenne», s’est engagé à construire des partenariats «stratégiques et globaux», explique Anne Guéguen, directrice Mena au ministère français des Affaires étrangères. 

«Nous avons un besoin urgent de réinjecter l'esprit de coopération et de partenariat au centre de nos stratégies et c'est ce que nous voulons faire avec le CCG. Nous avons des relations globales avec chaque État membre du CCG dans la manière d'élaborer des plans d'action», précise-t-elle. 

Magali Cesana, chef de service des affaires bilatérales à la direction générale du Trésor, revient sur l’importance de la transition écologique mentionnée par le ministre de l’Économie. «Les challenges ont été immenses et divers ces dernières années. Cela nous montre la nécessité d’établir des collaborations. La transition économique est au cœur de nos priorités et, aujourd’hui, nous avons décidé de mettre tous les moyens sur la transition écologique.» 

Elle avoue avoir été «impressionnée par les changements de ces pays, par la diversification dans les pays du Golfe et par leur volonté d’être plus impliqués dans les transitions économiques». Elle insiste sur l’intérêt que manifestent les entreprises françaises pour ces démarches. «Nos entreprises sont impliquées dans cette diversification économique et elles veulent l’être encore plus. Il n’y a pas que la Chine et la Russie dans le monde et pas seulement les tensions qui existent entre ces pays», conclut-elle. 

Faisal Abbas, rédacteur en chef d'Arab News et modérateur de l’événement, révèle qu'Arab News en français s'engagera dans une étude YouGov pour évaluer l'appétit et les perceptions des investisseurs potentiels lorsqu'ils envisagent la France comme destination d'affaires. «L'étude Arab News YouGov sera réalisée pour le prochain sommet Vision Golfe et les résultats y seront discutés», a-t-il ajouté. 


L’intelligence artificielle, levier d’émancipation pour les femmes selon la directrice de la DCO

Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré : « On ne peut pas dire que l’intelligence artificielle est une bonne ou une mauvaise chose en soi, explique-t-elle, mais je suis très optimiste quant aux opportunités qui existent pour les femmes. » (Photo fournie)
Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré : « On ne peut pas dire que l’intelligence artificielle est une bonne ou une mauvaise chose en soi, explique-t-elle, mais je suis très optimiste quant aux opportunités qui existent pour les femmes. » (Photo fournie)
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  • Pour la directrice générale de la Digital Cooperation Organization (DCO), Hajar El Haddaoui, l’intelligence artificielle (IA) représente une opportunité considérable pour les femmes sur le marché du travail, à condition toutefois de réduire les fractures
  • Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré

PARIS: Pour la directrice générale de la Digital Cooperation Organization (DCO), Hajar El Haddaoui, l’intelligence artificielle (IA) représente une opportunité considérable pour les femmes sur le marché du travail, à condition toutefois de réduire les fractures numériques, de renforcer la coopération internationale et d’intégrer cette technologie au cœur des stratégies nationales de développement.

Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré : « On ne peut pas dire que l’intelligence artificielle est une bonne ou une mauvaise chose en soi, explique-t-elle, mais je suis très optimiste quant aux opportunités qui existent pour les femmes. »

« On voit de plus en plus de femmes s’intéresser à l’IA et aux algorithmes dans différents domaines ; il faut s’en saisir comme d’une opportunité », souligne El Haddaoui, dont l’organisation, fondée à Riyad en 2020, regroupe 16 États membres et compte plus de 40 partenaires issus des secteurs technologique et financier.

Œuvrant essentiellement autour de deux axes stratégiques — la résilience technologique et la prospérité numérique —, la DCO s’est vu accorder un siège d’observateur à l’Assemblée générale des Nations unies en 2022.

L’accès à l’intelligence artificielle n’est cependant pas uniforme à l’échelle mondiale, plaide El Haddaoui, dont l’organisation œuvre pour l’inclusivité numérique et technologique.
« Non, il n’y a pas d’égalité entre les pays, affirme-t-elle sans détour. Certains ont énormément investi dans l’IA et disposent des ressources nécessaires, tandis que d’autres en sont encore loin. »

Elle insiste sur l’importance de la coopération régionale pour réduire ces écarts : « Il faut échanger les bonnes pratiques et, surtout, soutenir les pays en retard par de grands investissements », souligne-t-elle, rappelant que « certains pays n’ont même pas la 5G, ce qui rend toute avancée en IA très difficile ».

Pour elle, la réduction de cette fracture nécessite des partenariats solides entre États, des échanges d’expériences et un appui financier ciblé, afin « de permettre à davantage de pays d’intégrer l’intelligence artificielle dans leurs priorités nationales ».

Cependant, les disparités ne sont pas seulement internationales, souligne El Haddaoui : elles sont également internes, car « dans certains pays, les zones rurales n’ont même pas accès à Internet, alors que d’autres régions abritent des hubs d’innovation très avancés », observe-t-elle.

Cette fracture numérique interne constitue, selon elle, un défi majeur. La solution passe par une stratégie globale d’éducation et d’inclusion : « Il faut prendre en compte l’éducation dès le plus jeune âge, développer des applications accessibles dans les langues locales et former les talents nationaux pour diffuser les connaissances liées à l’IA au sein même du pays. »

Ce n’est qu’une fois ces bases posées que la réduction de la fracture pourra s’étendre aux niveaux régional et mondial.

Interrogée sur le risque de voir le financement de l’IA se faire au détriment d’autres secteurs essentiels, El Haddaoui se veut rassurante : « Si l’intelligence artificielle est intégrée dans la stratégie numérique nationale et appliquée à tous les secteurs — santé, finance, économie ou éducation —, elle ne concurrence pas les autres investissements, elle les renforce », explique-t-elle.

Elle met toutefois en garde contre une approche sectorielle trop étroite : « Dans les pays où l’investissement est concentré uniquement sur l’IA sans vision transversale, le risque existe. Il ne faut pas répéter les erreurs commises lors de la transformation digitale dans certaines régions. L’IA doit être pensée comme une stratégie cross-industry, présente dans tous les secteurs et non en silo. »

Pour cette raison, ajoute-t-elle, la DCO travaille avec de nombreux États membres, dont le Maroc : « Nous sommes présents sur le terrain dans plusieurs pays membres afin d’accompagner le développement numérique local », précise-t-elle.


La ministre de la transition numérique marocaine: l’IA une opportunité pour l’émancipation des femmes

L’intelligence artificielle (IA) peut devenir un outil puissant pour renforcer la place des femmes dans la société et sur le marché du travail. C’est le message porté par la ministre marocaine de la Transition numérique, Amal El Fallah Seghrouchni. (Photo fournie)
L’intelligence artificielle (IA) peut devenir un outil puissant pour renforcer la place des femmes dans la société et sur le marché du travail. C’est le message porté par la ministre marocaine de la Transition numérique, Amal El Fallah Seghrouchni. (Photo fournie)
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  • Le Maroc multiplie les initiatives pour démocratiser l’accès à ces technologies
  • En juillet dernier, les Assises nationales de l’intelligence artificielle ont réuni 2 500 acteurs publics et privés

PARIS: L’intelligence artificielle (IA) peut devenir un outil puissant pour renforcer la place des femmes dans la société et sur le marché du travail.
C’est le message porté par la ministre marocaine de la Transition numérique, Amal El Fallah Seghrouchni, qui voit dans cette technologie une opportunité majeure pour réduire les fractures sociales et économiques, à condition de s’y préparer dès maintenant.

Nommée ministre en 2024, Seghrouchni est une pionnière de l’intelligence artificielle. Elle est même décrite par certains comme « l’Elon Musk du Maroc », mais elle se distingue de ce dernier par son engagement éthique et son attachement à l’inclusion et à la justice sociale liées à l’avènement des nouvelles technologies.
Dans le cadre de ses fonctions et responsabilités, elle poursuit sa quête d’une utilisation raisonnée de l’intelligence artificielle, au profit de tous.

Présente à Paris à l’occasion de la 16ᵉ édition des Rencontres économiques, organisées par l’Institut du monde arabe, la ministre a insisté, en réponse à Arab News en français, sur la nécessité d’intégrer les femmes dans cette révolution technologique.
« Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est utilisée dans tous les secteurs de la vie professionnelle : la santé, l’agriculture, l’art, la culture, le droit ou encore la fintech », indique-t-elle. « Et si les femmes maîtrisent l’intelligence artificielle, elles peuvent accéder à un marché de l’emploi beaucoup plus vaste. »

Selon la ministre, l’IA permet aux femmes d’améliorer leur productivité et d’accéder à des ressources jusqu’ici moins accessibles, comme la traduction automatique, les calculs complexes ou la recherche d’informations ciblées : « autant d’usages concrets qui peuvent faciliter leur insertion professionnelle ».
Elle met également en avant le potentiel des outils d’IA pour les femmes entrepreneures, dirigeant des petites ou moyennes entreprises, qui peuvent ainsi s’appuyer sur le commerce électronique pour dépasser les limites des marchés locaux.
« Il existe aujourd’hui des plateformes qui permettent aux femmes d’accéder à un marché global grâce à l’intelligence artificielle », explique-t-elle.

La formation à l’IA représente un investissement, concède la ministre, mais celui-ci reste accessible et rentable. De nombreux programmes, soutenus par des organisations internationales ou des initiatives nationales, visent à réduire cette barrière financière.
« Nous avons lancé un programme qui s’appelle Elevate pour le commerce électronique : il aide gratuitement des femmes à accéder à ces plateformes », précise-t-elle. Et même si certaines formations sont payantes, les coûts restent modérés « au regard du retour sur investissement potentiel ».

La ministre reconnaît cependant l’existence de plusieurs niveaux de fracture : alphabétisation, numérique, et désormais intelligence artificielle.
Mais elle estime que « la question n’est pas de savoir s’il va y avoir une fracture, mais si nous allons pouvoir maîtriser ces technologies pour ne pas rester sur le bord du chemin », car il ne s’agit pas de subir ces transformations, mais « de les utiliser comme leviers de réduction des inégalités ».

Le Maroc multiplie les initiatives pour démocratiser l’accès à ces technologies. En juillet dernier, les Assises nationales de l’intelligence artificielle ont réuni 2 500 acteurs publics et privés.
Le pays a lancé des plateformes de formation, un programme de soutien aux start-up, ainsi qu’un vaste réseau d’instituts de recherche et de développement baptisé Jazari.

« Rien n’arrive tout seul », rappelle la ministre. « Le coût est là, mais aussi la volonté d’apporter les moyens humains, financiers et techniques nécessaires. C’est un grand chantier que nous voulons mener à bien, avec la détermination des femmes à monter dans ce que j’appelle le train de l’IA. »

La métaphore est claire : l’intelligence artificielle avance rapidement, et il faut savoir monter à bord au bon moment. En misant sur la formation, l’accès aux outils et l’accompagnement des femmes, la ministre entend faire de l’IA non pas une nouvelle ligne de fracture, mais une voie d’émancipation et d’ouverture.


Les Rencontres Économiques de l’IMA: la place des femmes dans l’économie à l’ère de l’IA

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  • Quatre tables rondes, réunissant le temps d’une journée des personnalités féminines éminentes du monde arabe et de la France, ont échangé sur la manière de mettre en lumière le rôle des femmes dans la transformation numérique
  • Parmi la trentaine de participantes figuraient notamment la ministre marocaine de la Transition numérique Amal El Fallah Seghrouchni, l’ancienne ministre française de la Culture Rima Abdul Malak, aujourd’hui à la tête d’un média francophone libanais

PARIS: Organisée par l’Institut du Monde Arabe à Paris autour du thème « Femmes, business et innovation », la 16ᵉ édition des Rencontres économiques du monde arabe a décortiqué tous les aspects de l’économie au féminin.

Quatre tables rondes, réunissant le temps d’une journée des personnalités féminines éminentes du monde arabe et de la France, ont échangé sur la manière de mettre en lumière le rôle des femmes dans la transformation numérique, l’entrepreneuriat et la création, ainsi que sur les moyens de favoriser des synergies franco-arabes.

Parmi la trentaine de participantes figuraient notamment la ministre marocaine de la Transition numérique Amal El Fallah Seghrouchni, l’ancienne ministre française de la Culture Rima Abdul Malak, aujourd’hui à la tête d’un média francophone libanais, des femmes d’affaires telles que Hajar El Haddaoui, directrice générale de Digital Cooperation Organization (Maroc–Arabie saoudite), ou encore Olfa Zorgati, membre du conseil d’administration d’Ubisoft, ainsi que des ambassadrices comme Delphine O, et Shayna Al Zuhairi, directrice générale du Iraq Business Women Council.

IA et leadership

Parmi les temps forts figuraient un fireside chat sur l’intelligence artificielle et le leadership, plusieurs tables rondes réunissant cheffes d’entreprise et responsables d’institutions, ainsi qu’une keynote consacrée à la transformation des médias.

Dans le fireside chat dédié à l’IA et au leadership, Amal El Fallah Seghrouchni et Anne Bouverot (envoyée spéciale pour l’IA en France) ont croisé leurs visions, soulignant l’importance d’une gouvernance responsable et partagée de l’IA entre l’Europe et le monde arabe, conciliant innovation et protection des droits.

Elles ont également mis en avant la place centrale des femmes et de l’éducation dans la formation, pour réduire la fracture numérique et encourager l’industrialisation de solutions locales.

La programmation, détaillée par l’IMA, a alterné débats sur l’intelligence artificielle et le leadership, sessions sur les industries culturelles et créatives (ICC), et interventions consacrées au financement et à la coopération institutionnelle.

Les intervenantes issues du monde de la tech et du secteur privé (start-up, entreprises, écosystèmes) ont discuté des opportunités de co-développement entre acteurs français et arabes, ainsi que du besoin d’écosystèmes favorables (financement, cadres réglementaires, formation) pour transformer le talent féminin en entreprises viables.

La transformation des médias à l’ère des transitions

Une autre table ronde, réunissant un panel mixte de diplomates et de femmes actives dans les secteurs des financements publics, du droit et de l’IA, a insisté sur la nécessité d’aligner les réponses aux défis climatiques, énergétiques et numériques à travers des partenariats bilatéraux et multilatéraux.

Rima Abdul Malak a prononcé une courte keynote sur la transformation des médias à l’ère des transitions, montrant comment innover avec l’IA tout en préservant la déontologie et la diversité culturelle.
Elle a également souligné le rôle des femmes dirigeantes dans la recomposition du paysage médiatique.

Les tables rondes de l’après-midi ont porté sur les industries culturelles et créatives, les synergies franco-arabes pour la création artistique, les modèles de financement (fondations, philanthropie, fonds publics) et la médiation culturelle à l’ère de l’IA.

Sur le fond, deux lignes directrices ont traversé les discussions. D’abord, l’idée que l’émancipation économique des femmes constitue un levier stratégique de développement. Les intervenantes, issues des secteurs public et privé, ont insisté sur la nécessité de traduire les discours en dispositifs concrets : accès au financement, incubateurs dédiés, formations techniques et réseaux de mentorat.

Ensuite, la nécessité d’une coopération pratique à travers des partenariats, des centres d’excellence et des mécanismes de financement conjoints, plutôt que de simples déclarations d’intention.

Tout au long de la journée, les intervenantes françaises et arabes ont appelé à bâtir des cadres éthiques communs et des programmes de formation destinés à réduire la fracture numérique.
L’enjeu n’est plus seulement technique, a-t-il été rappelé, mais également politique. Il concerne la régulation, la souveraineté technologique et la capacité des pays du Sud à développer des solutions adaptées à leurs usages.

La table ronde dédiée aux industries culturelles et créatives a insisté sur l’importance des modèles hybrides — mécénat, fonds d’impact, structures de coopération publique-privée — permettant de soutenir la création sans l’enfermer dans des logiques purement marchandes.

Les intervenantes issues du monde de l’art et des fondations ont partagé leurs retours d’expérience et proposé des pistes concrètes pour professionnaliser les filières tout en préservant la diversité culturelle.

Plusieurs participantes ont également souligné l’importance d’instruments financiers adaptés : garanties publiques, fonds de capital-risque dédiés aux entrepreneures et dispositifs de venture philanthropy pour accompagner les premières étapes des projets culturels et technologiques.

Ces rencontres confirment la maturation d’un agenda franco-arabe centré sur l’économie du savoir et la création, et réaffirment que la question du genre ne peut demeurer un simple enjeu symbolique, mais doit se traduire par une véritable architecture d’accompagnement (financement, formation, incubateurs, réglementation).

Pour que les promesses tiennent, les participantes ont appelé à une feuille de route opérationnelle, assortie de calendriers, de budgets et d’indicateurs, afin de transformer l’énergie du plaidoyer en actions mesurables.