En Guyane, le tabou se lève lentement pour les descendants des bagnards

Une photo prise le 13 février 2010 montre les ruines du pénitencier connu en France sous le nom de bagne de Cayenne, sur l'île du Diable dans la mer des Caraïbes au large de la Guyane française, à environ 10 miles de Kourou. (Photo, AFP)
Une photo prise le 13 février 2010 montre les ruines du pénitencier connu en France sous le nom de bagne de Cayenne, sur l'île du Diable dans la mer des Caraïbes au large de la Guyane française, à environ 10 miles de Kourou. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 14 juin 2023

En Guyane, le tabou se lève lentement pour les descendants des bagnards

  • Le 8 août 1953, le navire San Mateo quitte la Guyane avec à son bord 58 condamnés et 30 libérés. Ce sont les derniers bagnards de France, ultimes victimes d'un système pénitentiaire colonial qui n'a jamais atteint ses objectifs
  • Le bagne a vu passer 70 000 personnes entre sa création en 1852 et son abolition en 1946. Les bagnards de Guyane étaient de plus condamnés à une double peine, ou doublage

CAYENNE: Soixante-dix ans après le départ des derniers prisonniers, le bagne de Guyane demeure dans le territoire français d'Amérique du Sud un tabou que certains descendants essayent de lever pour éviter que leur histoire ne sombre dans l'oubli.

Le 8 août 1953, le navire San Mateo quitte la Guyane avec à son bord 58 condamnés et 30 libérés. Ce sont les derniers bagnards de France, ultimes victimes d'un système pénitentiaire colonial qui n'a jamais atteint ses objectifs.

Le bagne a vu passer 70 000 personnes entre sa création en 1852 et son abolition en 1946. Les prisonniers condamnés aux travaux forcés et à la relégation débarquaient à Saint-Laurent du Maroni, avant d'être répartis dans différents camps du territoire, dont l'Ile du Diable où séjourna Alfred Dreyfus.

Les bagnards de Guyane étaient de plus condamnés à une double peine, ou doublage.

"Quand un homme est condamné de cinq à sept ans de travaux forcés, cette peine achevée, il doit rester un même nombre d'années en Guyane. S'il est condamné à plus de sept ans, c'est la résidence perpétuelle. Combien de jurés savent cela ?", s'indignait en 1923 le journaliste Albert Londres dans son livre "Au bagne".

Après l'appareillage du San Mateo, il ne reste plus aucun forçat en cours de peine en Guyane, écrit Jean-Lucien Sanchez, chargé d'études à la direction de l'administration pénitentiaire. Mais des anciens condamnés, oubliés par des familles dont ils sont la honte, choisissent de rester dans le département.

Même si "beaucoup vivent dans la misère, abrutis de tafia (alcool issu de la canne à sucre), autour de la place des Palmistes à Cayenne, ou de celle du marché à Saint-Laurent", décrit M. Sanchez à l'AFP, "il est difficile d'avoir un chiffre précis de ceux qui sont restés, la plupart tenaient à se faire oublier".

«Profond malaise»

Aujourd'hui encore, la société guyanaise "entretient un profond malaise avec la mémoire du bagne colonial", écrit-il, évoquant un "déni mémoriel".

Vieux blancs, popotes… sont des insultes dont les anciens forçats étaient affublés, explique Léon Bertrand, dont le grand-père paternel est passé entre les murs du bagne. Un héritage difficile à porter pour les descendants.

Avant d'être élu maire de sa commune natale de Saint-Laurent, puis député, puis ministre de Jacques Chirac, Léon Bertrand était l'un de ces enfants. "A la fin, ça ne nous faisait plus rien", dit-il.

A sa libération, grâce à l'héritage d'une tante, son grand-père s'est fait tour à tour piroguier, boulanger, forgeron... et s'est bâti une existence plus enviable que ses camarades. Le bagne, "ce titi parisien originaire de Vendée n'en parlait jamais", se souvient Léon Bertrand.

Il raconte avoir pris conscience du passé de son grand-père en s'apercevant qu'il aidait d'autres ex-bagnards, vivant à la lisière de la société guyanaise, en leur offrant des petits boulots.

"Quand nous étions gamins, ils nous accompagnaient jusqu'à l'école", se remémore Léon Bertrand. D'autres se débrouillent pour éviter l'indigence. "Je me souviens de Badin, connu pour réparer les montres, d'Aïssa, qui vendait du charbon, j'entends encore sa voix dans les rues de Saint-Laurent."

Après sa fermeture, le camp de Transportation de Saint-Laurent est abandonné à la végétation, squatté, dégradé.

Alors que plusieurs élus souhaitaient le voir rasé, Léon Bertrand, élu maire en 1983, veut le sauver. La commune le rachète à une entreprise privée en 1990 et autorise des associations à utiliser les anciennes cases pour leurs activités.

Patrimoine pénitentiaire

Cela a permis de maîtriser le délabrement car "quand un patrimoine a été réutilisé, il est en meilleur état", explique à l'AFP Denis Magnol, conservateur régional des Monuments historiques.

Aujourd'hui, "le patrimoine pénitentiaire représente 50% des subventions de l'Etat sur les monuments historiques pour la Guyane", précise-t-il.

En 1995, l'Etat le classe au titre des monuments historiques.

Selon une étude de l'observatoire du tourisme en Guyane, en 2022, 17,2% des visiteurs se sont rendus sur les Iles du Salut et 10,8% dans un musée.

Dans la famille Vaudé, l'ascendance de bagnard n'est plus un secret. "J'ai même développé une certaine fierté", témoigne Jean-Christophe Vaudé, "j'en parle à mes fils". Son grand-père, Raymond, originaire des environs de Troyes, est arrivé au bagne dans les années 1930 après avoir commis plusieurs cambriolages dans de riches propriétés.

Raymond Vaudé n'a toutefois pas eu un destin banal. Sa troisième tentative d'évasion du bagne réussie, il repart en France, où il sera distingué pour des faits de Résistance et bénéficiera d'une réhabilitation judiciaire.

Mais à la fin des années 1940, il préfère retourner en Guyane et ouvre, à Cayenne puis à Kourou, plusieurs restaurants prisés de la communauté métropolitaine.

Raymond Vaudé a écrit deux livres sur sa vie, que sa famille aimerait voir réédités, et pourquoi pas portés à l’écran. Pour entretenir la mémoire du bagne.


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».


Selon ManPowerGroup, l'IA pourrait réduire l'importance des « compétences » dans le recrutement

Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
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  • L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences ».
  • « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

PARIS : L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences », selon un dirigeant de ManPowerGroup.

En effet, « les compétences pourraient s'avérer obsolètes dans six mois », explique Tomas Chamorro-Premuzic, directeur de l'innovation du géant américain du travail temporaire, rencontré par l'AFP au salon Vivatech, à Paris, qui ferme ses portes samedi.  Selon lui, « il vaut mieux savoir que vous travaillez dur, que vous êtes curieux, que vous avez de bonnes aptitudes relationnelles et ça, l'IA peut vous aider à l'évaluer ».

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

Cependant, les tâches informatiques (utilisation d'Internet, messagerie, etc.) pouvant être accomplies de manière autonome par des agents d'IA connaissent une « rapide expansion ». 

Dans ce contexte, les employeurs pourraient rechercher de plus en plus de salariés dotés de compétences hors de portée de l'IA, telles que le jugement éthique, le service client, le management ou la stratégie, comme l'indique une enquête de ManpowerGroup menée auprès de plus de 40 000 employeurs dans 42 pays et publiée cette semaine.

M. Chamorro-Premuzic déplore toutefois que ces compétences ne soient pas encore davantage mises en avant dans la formation. « Pour chaque dollar que vous investissez dans la technologie, vous devez investir huit ou neuf dollars dans les ressources humaines, la transformation culturelle, la gestion du changement », dit-il.

Les craintes d'un chômage de masse provoqué par l'IA restent par ailleurs exagérées à ce stade, estime le dirigeant, malgré certaines prédictions alarmistes.

D'après Dario Amodei, patron de la société d'intelligence artificielle Anthropic, cette technologie pourrait faire disparaître la moitié des emplois de bureau les moins qualifiés d'ici cinq ans. 

« Si l'histoire nous enseigne une chose, c'est que la plupart des prévisions sont fausses », répond M. Chamorro-Premuzic.

Concernant le recrutement, activité principale de ManPowerGroup, le dirigeant ajoute que « les agents d'intelligence artificielle ne deviendront certainement pas le cœur de notre métier dans un futur proche ». Il constate également que l'IA est utilisée par les demandeurs d'emploi.

« Des candidats sont capables d'envoyer 500 candidatures parfaites en une journée, de passer des entretiens avec leurs bots et de déjouer certains éléments des évaluations », énumère-t-il.