Missak Manouchian, figure de la Résistance, va entrer au Panthéon

Cette photo prise à la prison de Fresnes le 3 juillet 2020 montre une fresque du peintre et artiste de rue français Christian Guemy, connu sous le nom de C215, représentant le poète franco-arménien Missak Manouchian (à droite) et l'homme politique français Pierre Brossolette (à gauche). (Photo, AFP)
Cette photo prise à la prison de Fresnes le 3 juillet 2020 montre une fresque du peintre et artiste de rue français Christian Guemy, connu sous le nom de C215, représentant le poète franco-arménien Missak Manouchian (à droite) et l'homme politique français Pierre Brossolette (à gauche). (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 18 juin 2023

Missak Manouchian, figure de la Résistance, va entrer au Panthéon

  • «Missak Manouchian porte une part de notre grandeur», il «incarne les valeurs universelles» de liberté, égalité, fraternité au nom desquelles il a «défendu la République», déclare la présidence dans un communiqué
  • Missak Manouchian fera son entrée au Panthéon le 21 février 2024, soit tout juste 80 ans après sa mort, a précisé l'Elysée

PARIS: Un rescapé du génocide arménien, apatride et communiste bientôt au Panthéon: Emmanuel Macron a annoncé dimanche l'entrée de Missak Manouchian, héros de la Résistance, dans le temple des personnalités qui ont marqué l'histoire de la nation française.

"Missak Manouchian porte une part de notre grandeur", il "incarne les valeurs universelles" de liberté, égalité, fraternité au nom desquelles il a "défendu la République", déclare la présidence dans un communiqué.

Missak Manouchian fera son entrée au Panthéon le 21 février 2024, soit tout juste 80 ans après sa mort, a précisé l'Elysée.

Le président, qui salue la "bravoure" et "l'héroïsme tranquille" de Missak Manouchian, rend aussi hommage, à travers lui, à tous ses compagnons d'armes étrangers, Espagnols, Italiens ou Juifs d'Europe centrale. "Le sang versé pour la France a la même couleur pour tous", souligne l'Elysée.

Missak entrera au Panthéon "accompagné de Mélinée", son épouse d'origine arménienne,  résistante comme lui, qui lui survécut 45 ans et repose à ses côtés au cimetière d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), a précisé la présidence.

C'était le souhait de la famille, comme pour Simone Veil et son époux Antoine, entrés au Panthéon en 2018. Le couple Manouchian reste ainsi unis dans la mort mais Mélinée n'est pas elle-même panthéonisée.

Cette annonce coïncide avec le 83e anniversaire de l'Appel du 18 Juin, que le président commémorera comme chaque année dans la matinée au Mont-Valérien, près de Paris, où un millier de résistants et otages, dont Missak Manouchian, furent exécutés par l’armée allemande pendant l'Occupation.

Réfugié en France en 1925, Missak Manouchian rejoignit en 1943 la résistance communiste où il s'illustra à la tête d'un réseau très actif avant d'être arrêté et fusillé par les Allemands le 21 févrer 1944.

Il devient le premier résistant étranger et communiste à entrer dans le temple des grandes figures de la République, au côté de Voltaire, Victor Hugo ou Marie Curie.

Un message fort 

Avant lui, huit membres de la Résistance ont déjà ainsi été honorés depuis le transfert des cendres de Jean Moulin en 1964, dont quatre - Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay - sous François Hollande en 2015.

"Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement", écrivit Missak à Mélinée, juste avant de mourir, proclamant aussi n'avoir "aucune haine contre le peuple allemand".

Depuis 2017, Emmanuel Macron a déjà panthéonisé Simone Veil, Maurice Genevoix et Joséphine Baker.

La panthéonisation de Missak Manouchian était ardemment souhaitée par la gauche française, notamment le parti communiste.

"Pour nous, l'essentiel c'est que ce soit un étranger mort pour la France qui entre au Panthéon", souligne le sénateur communiste Pierre Ouzoulias, dont le grand-père, Albert, fut le chef de Missak Manouchian dans la Résistance.

"Ca dit beaucoup de ce qu'est la Nation française", c'est un "message fort d'intégration pour les jeunes d'aujourd'hui", a-t-il déclaré à l'AFP.

Parallèlement, 91 résistants et otages étrangers fusillés comme lui au Mont-Valérien sont aussi reconnus "morts pour la France".

Célébré par Aragon et Léo Ferré, Missak Manouchian est aussi entré dans la mémoire collective avec "l'Affiche rouge", placardée dans tout Paris par la propagande nazie durant son procès pour désigner son groupe à la vindicte.

"L'Affiche rouge" est aussi le titre d'un film sorti en 1976 qui immortalisa l'histoire du groupe Manouchian à l'écran.

Clairière des Fusillés

Au Mont-Valérien, le chef de l'Etat se recueillira vers 10H40 dans la clairière des Fusillés, où résistants et otages furent exécutés.

Il décorera un ancien résistant, Robert Birenbaum, issu comme Missak Manouchian du groupe des Francs-tireurs et partisans – Main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI).

Georges Duffau-Epstein, fils du résistant Joseph Epstein qui fut arrêté avec Missak Manouchian lors d'un rendez-vous clandestin, sera également présent.

Le président sera accompagné de la Première ministre Elisabeth Borne, du ministre des Armées Sébastien Lecornu et du chef d'Etat-major des Armées Thierry Burkhard.

Le chef de l'Etat entendra ensuite l’Appel du 18 Juin et le Chant des Partisans avant un temps de recueillement dans la crypte du Mont-Valérien, où sont inhumés 16 résistants, officiers et soldats morts pour la France en 1939-45, ainsi que Hubert Germain, dernier Compagnon de la Libération.

L'hommage rendu dimanche s'inscrit dans une longue séquence mémorielle autour du 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale qui se poursuivra en 2024 avec le Débarquement en Normandie et la Libération de Paris.

Avant Manouchian, Veil, Genevoix et Baker, les trois panthéonisés de Macron

Avant Missak Manouchian, dont Emmanuel Macron a annoncé dimanche l'entrée prochaine au Panthéon, le président de la République a déjà fait accueillir trois grandes figures dans ce temple républicain: Simone Veil, Maurice Genevoix et Joséphine Baker.

Sous la Ve République, le chef de l'Etat est seul décisionnaire en matière de panthéonisation.

Simone Veil (1er juillet 2018)

Les droits des femmes avec la légalisation de l'avortement, l'Europe et la Shoah... L'entrée de cette figure de la vie politique française et européenne, rescapée d'Auschwitz, est une évidence pour tous. L'annonce est d'ailleurs faite en un temps record: cinq jours seulement après sa mort, survenue le 30 juin 2017...

La famille ne voulant pas qu'elle soit séparée de son mari Antoine, Emmanuel Macron accepte que les époux Veil entrent ensemble au Panthéon.

Cela a déjà été le cas en 1907, avec la première femme panthéonisée, Sophie Berthelot, simple conjointe de son illustre époux, Marcelin.

"Nous avons voulu que Simone Veil entre au Panthéon sans attendre le passage des générations pour que ses combats, sa dignité, son espérance restent une boussole dans les temps troublés que nous traversons", déclare M. Macron dans son discours d'accueil le 1er juillet 2018.

Avec elle, insiste-t-il, "c'est la mémoire de 78.500 juifs et tziganes déportés de France qui entre et vivra en ces lieux".

Maurice Genevoix (11 novembre 2020)

Avec l'ancien Poilu et écrivain mort en 1980, chroniqueur de l'horreur des tranchées de la Première Guerre mondiale, ce sont "tous ceux de 14", ces "héros ordinaires", qu'Emmanuel Macron entend honorer.

La cérémonie a lieu 102 ans jour pour jour après l'Armistice du 11 novembre 1918, en plein nouveau confinement lié à l'épidémie de Covid-19.

"Ils sont là, ceux de 14", qui "arrivent par millions pour entrer sous le dôme" de ce "temple des héros de notre patrie", lance le chef de l'Etat en saluant "un destin républicain" et "une existence française".

Joséphine Baker (30 novembre 2021)

"Me revoilà Paris !" La star du music-hall, résistante et militante antiraciste franco-américaine Joséphine Baker est la première personnalité noire et la première artiste à rejoindre le Panthéon. Et la 6e femme seulement, sur 81 occupants !

Emancipation, droits des femmes, droits civiques, elle est l'incarnation des combats du XXe siècle.

"Ma France, c'est Joséphine", salue Emmanuel Macron. "Sa cause était l'universalisme, l'unité du genre humain. L'égalité de tous avec l'identité de chacun. L'hospitalité pour toutes les différences réunies par une même volonté, une même dignité. L'émancipation contre l'assignation".

C'est un cercueil vide qui pénètre sous la coupole du Panthéon, sa dépouille étant restée dans le caveau familial à Monaco.

Les «recalés»

D'autres noms ont circulé depuis l'arrivée à l'Elysée d'Emmanuel Macron en 2017 mais ils ont fait débat, voire suscité des polémiques.

C'est le cas, dernièrement, de l'avocate Gisèle Halimi, figure du féminisme et de l'anticolonialisme mais jugée moins consensuelle que Joséphine Baker.

En 2021, malgré une pétition en ce sens, Emmanuel Macron rejette l'idée d'accueillir le poète maudit Arthur Rimbaud au Panthéon, respectant ainsi l'opposition de sa famille qui ne souhaitait pas son entrée conjointe avec Paul Verlaine, un temps son amant.


Budget : le PS propose de diviser par deux l'effort de réduction du déficit

Le premier secrétaire du Parti socialiste (PS) français, Olivier Faure, prononce un discours lors du Campus de la gauche à Blois, dans le centre de la France, le 29 août 2025. (Photo de GUILLAUME SOUVANT / AFP)
Le premier secrétaire du Parti socialiste (PS) français, Olivier Faure, prononce un discours lors du Campus de la gauche à Blois, dans le centre de la France, le 29 août 2025. (Photo de GUILLAUME SOUVANT / AFP)
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  • Le PS a présenté samedi à Blois son projet de budget alternatif, prévoyant une réduction du déficit l'année prochaine deux fois moindre que celle de François Bayrou.
  • Le plan prévoit 14 milliards d'euros d'économies, notamment grâce à une réduction des aides aux grandes entreprises, à des économies sur le fonctionnement de l'État et à une régulation du système de santé.

BLOS, FRANCE : Le PS a présenté samedi à Blois son projet de budget alternatif, prévoyant une réduction du déficit l'année prochaine deux fois moindre que celle de François Bayrou, à 21,7 milliards d'euros, avec pour ambition un déficit à 5% du PIB pour 2026 et 2,8% en 2032. 

Le parti a également proposé la suspension immédiate de la réforme des retraites, avec pour objectif un retour à l'âge de départ à la retraite à 62 ans, la mise en place d'une taxe sur les plus hauts patrimoines et une baisse de la CSG pour soutenir le pouvoir d'achat.

« Il nous faut d'évidence reprendre la main » face au « budget de souffrance » du Premier ministre, a estimé Boris Vallaud, chef des députés, au dernier jour des universités d'été socialistes à Blois.

Le parti propose notamment de diviser l'effort par deux par rapport à celui proposé par M. Bayrou, soit 21,7 milliards d'euros pour 2026 au lieu de 44 milliards. Le passage sous le seuil symbolique des 3 % de déficit interviendrait en 2032 plutôt qu'en 2029 dans le projet de M. Bayrou. 

Pour épargner les ménages modestes et soutenir leur pouvoir d'achat, le PS souhaite également « une baisse ciblée de la CSG (contribution sociale généralisée) entre 1 et 1,4 SMIC », a précisé Boris Vallaud.

Le parti promet également la « suspension immédiate de la réforme des retraites » et demandera « aux partenaires sociaux de négocier les modalités et le financement d'un retour à la retraite à 62 ans ».

Le plan prévoit 14 milliards d'euros d'économies, notamment grâce à une réduction des aides aux grandes entreprises, à des économies sur le fonctionnement de l'État et à une régulation du système de santé.

Le parti prévoit également 26,9 milliards d'euros de recettes, avec comme « première pierre angulaire » « une contribution de 2 % sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros », a expliqué la députée Estelle Mercier.

Cette taxe, dite « Zucman », « touche 0,01 % des Français et pourrait rapporter 15 milliards d'euros », a-t-elle insisté.

Le parti suggère également un plan de relance et de soutien aux entreprises, axé sur « la souveraineté et la préparation de la transition écologique », d'un montant de 10 milliards d'euros.

« Dès la semaine prochaine, nous rencontrerons nos partenaires de gauche pour discuter de ces propositions », a expliqué Boris Vallaud. Le PS se tournera également « vers les députés qui ont été élus dans l'élan du front républicain » pour trouver une majorité sur ce budget.


Pour Bardella, la dissolution de l'Assemblée nationale reste inévitable

Le président du parti d'extrême droite français Rassemblement National (RN), Jordan Bardella, participe à la table ronde de clôture de la réunion La REF 2025 des entrepreneurs français au stade Roland-Garros à Paris, le 28 août 2025. (Photo de Thibaud MORITZ / AFP)
Le président du parti d'extrême droite français Rassemblement National (RN), Jordan Bardella, participe à la table ronde de clôture de la réunion La REF 2025 des entrepreneurs français au stade Roland-Garros à Paris, le 28 août 2025. (Photo de Thibaud MORITZ / AFP)
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  • Jordan Bardella, estimant qu'il n'y avait pas d'autre solution à la crise politique que de « se tourner vers les Français » en organisant de nouvelles élections législatives.
  • Emmanuel Macron a réaffirmé son intention d'exercer son mandat de président de la République jusqu'à son terme, en 2027, et a qualifié de « politique fiction » le scénario d'une nouvelle dissolution de l'Assemblée nationale.

CHALONS- EN-CHAMPAGNE, France : « On ne peut pas tenir deux ans comme cela », a déclaré samedi le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, estimant qu'il n'y avait pas d'autre solution à la crise politique que de « se tourner vers les Français » en organisant de nouvelles élections législatives.

Vendredi, Emmanuel Macron a réaffirmé son intention d'exercer son mandat de président de la République jusqu'à son terme, en 2027, et a qualifié de « politique fiction » le scénario d'une nouvelle dissolution de l'Assemblée nationale, alors que le risque de voir le gouvernement Bayrou tomber le 8 septembre lors d'un vote de confiance est très élevé.

« Le fait de ne pas vouloir dissoudre l'Assemblée nationale au moment où nous parlons ne signifie pas qu'il n'y sera pas contraint à un moment donné, tant les blocages pourraient subsister au sein du Parlement », a estimé M. Bardella devant la presse, avant d'entamer une visite de la Foire de Châlons-en-Champagne.

« Moi, je suis venu dire aujourd'hui à nos compatriotes que la stabilité des institutions et du pays est possible, mais que ceux qui sont au pouvoir sont des facteurs d'instabilité, tant les politiques qu'ils mènent et les choix qu'ils ont faits sont contestés par les Français », a-t-il ajouté. 

« Et il est évident que, dans la situation actuelle, je ne vois aucune autre solution que de me tourner vers les Français. On ne peut pas continuer comme ça pendant deux ans. Ce n'est pas possible », a-t-il insisté.

« Parce que pendant qu'on a ces débats politiciens sur l'état actuel des forces à l'Assemblée nationale, il y a des difficultés quotidiennes pour les Français qui ne sont pas traitées », a poursuivi le président du RN, citant pêle-mêle le pouvoir d'achat, « l'hyperfiscalité », l'incertitude pour les entreprises, l'insécurité et l'immigration qui « continue d'exploser ».

« S'il n'y a pas de rupture et de changement dans la politique mise en œuvre dans le pays, on ne sortira pas de l'impasse », a déclaré M. Bardella.

« Nous dirons à François Bayrou ce que je vous dis là, mon discours ne variera pas, celui de Marine Le Pen non plus », a-t-il assuré.

Mardi, les deux chefs de file du RN ont accepté de rencontrer le chef du gouvernement à Matignon pour des consultations avant le vote de confiance à l'Assemblée sur l'état des finances publiques et l'ampleur de l'effort budgétaire à accomplir en 2026.


Rony Brauman: une voix humaniste qui dénonce le silence face à la famine à Gaza

Ce qui rend le témoignage de Rony Brauman si puissant, c’est sa double identité : celle du praticien et celle du citoyen.  Médecin, il a passé des décennies à soigner les victimes de guerre. Lorsqu’il dit qu’une famine est « inadmissible », il parle en homme qui a vu mourir de faim des femmes, des hommes et des enfants. (AFP)
Ce qui rend le témoignage de Rony Brauman si puissant, c’est sa double identité : celle du praticien et celle du citoyen. Médecin, il a passé des décennies à soigner les victimes de guerre. Lorsqu’il dit qu’une famine est « inadmissible », il parle en homme qui a vu mourir de faim des femmes, des hommes et des enfants. (AFP)
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  • Brauman n’est pas un polémiste, mais un témoin de chair et de sang, un médecin qui a pansé les plaies de la guerre et qui sait, concrètement, ce que signifie la souffrance des civils
  • Sans ambiguïté, il a dénoncé la brutalité de la guerre menée par Israël à Gaza, dès le lendemain des attaques du 7 octobre

PARIS: Rony Brauman, médecin et essayiste français, né à Jérusalem, connaît bien la guerre.

À la tête de l’organisation humanitaire Médecins sans frontières de 1982 à 1994, et auparavant déjà membre actif de l’ONG, il a été aux avant-postes pour observer et vivre les ravages des conflits sanglants.

De Beyrouth au Darfour, il a vu de ses propres yeux les conséquences des guerres, et c’est cette expérience qui nourrit aujourd’hui son analyse.

Brauman n’est pas un polémiste, mais un témoin de chair et de sang, un médecin qui a pansé les plaies de la guerre et qui sait, concrètement, ce que signifie la souffrance des civils.

Sans ambiguïté, il a dénoncé la brutalité de la guerre menée par Israël à Gaza, dès le lendemain des attaques du 7 octobre.

Cette guerre, qui a déjà coûté la vie à des dizaines de milliers de Gazaouis, a récemment culminé dans une famine tout aussi dévastatrice, officiellement reconnue par les Nations unies.

Un fait rare, et d’autant plus inacceptable qu’il incarne une déshumanisation totale des victimes : cette famine est sciemment imposée aux deux millions d’habitants de l’enclave encore en vie.

Un constat accablant, qui balaie d’un revers de main toutes les règles de la guerre et toutes les conventions internationales protégeant les civils.

Gaza: les Etats-Unis au coeur de la paralysie mondiale

Plus sidérant encore, la déclaration de l’ONU semble être tombée dans le vide, sans provoquer la moindre réaction à Paris ni dans les autres capitales occidentales.

Pour Brauman, il n’y a pas d’ambiguïté : la famine qui ravage Gaza n’est pas un accident humanitaire, mais une stratégie de guerre.

Elle frappe une population déjà épuisée par des bombardements incessants et lui inflige une déshumanisation radicale, rappelant les pratiques les plus cruelles des sièges médiévaux.

« C’est une violation flagrante de toutes les conventions internationales, une négation pure et simple des principes qui protègent les civils », martèle-t-il.

Selon Brauman, le constat de l’ONU aurait dû provoquer une onde de choc mondiale. Or, déplore-t-il, l’annonce a été ignorée : ni Paris, ni Washington, ni les autres capitales occidentales n’ont réagi avec la fermeté nécessaire.

Pourquoi ce silence ? Interrogé par Arabnews en français, Brauman refuse l’idée d’une explication unique : il y voit un mélange d’impuissance, d’indifférence et de calcul politique.

La France, rappelle-t-il, « avait bien proposé, à un moment, d’assurer une protection militaire pour les convois humanitaires, mais cette promesse est restée lettre morte ». Rapidement, les mots se sont éteints, laissant place à une résignation qu’il juge lâche.

Le contraste est brutal avec d’autres crises internationales. Quand la Russie a envahi l’Ukraine, les sanctions et boycotts ont plu en quelques jours : gels d’avoirs, ruptures de contrats, isolement diplomatique.

Israël, en revanche, bénéficie d’une indulgence presque illimitée : quelques expressions de « préoccupation », quelques critiques feutrées… mais rien de plus.

Ces « deux poids, deux mesures », dénonce Brauman, minent la crédibilité des démocraties occidentales. Elles se présentent comme les gardiennes du droit international, mais révèlent leur hypocrisie dès que l’agresseur est un allié.

Quelques pays européens, souligne-t-il, comme l’Irlande, l’Espagne ou la Norvège, ont pris des mesures concrètes en suspendant des investissements et des coopérations. La France, l’Allemagne et l’Italie, elles, tournent en rond et se contentent de mots.

Au cœur de cette paralysie se trouve une donnée incontournable : les États-Unis. La France, explique Brauman, redoute des représailles américaines si elle prenait seule des sanctions contre Israël.

Pour lui, l’équation est simple : Israël vit militairement grâce aux États-Unis. Ce sont leurs missiles, leurs bombes, leurs technologies qui permettent la poursuite des opérations à Gaza.

« Les États-Unis sont le premier co-responsable du génocide en cours », affirme Brauman sans détour.

« Ils disposent du levier immédiat pour arrêter la guerre : il leur suffirait de cesser les livraisons d’armes. Mais Washington choisit de continuer, scellant sa complicité politique et morale. »

Pour l’essayiste, l’Europe pourrait, si elle en avait la volonté, s’émanciper de cette dépendance et ouvrir un bras de fer diplomatique et commercial avec son allié américain. Mais cette perspective reste taboue : l’Occident préfère détourner le regard, quitte à perdre son crédit moral dans le monde.

Rony Brauman va plus loin : pour lui, Israël est désormais un « État voyou, un pays qui a franchi le seuil de l’infréquentable ».

L’extrême droite au pouvoir, dirigée par le Premier ministre Benjamin Netanyahou, mène une politique de domination coloniale assumée : occupation, spoliation, répression des révoltes actuelles et futures.

Cette stratégie, avertit-il, prépare un avenir empoisonné : les enfants et adolescents palestiniens, grandissant au milieu des ruines et voyant leurs proches mourir sous les bombes ou de faim, porteront une haine durable.

Le cycle de vengeance est inévitable, car l’ultra-puissance israélienne — physique, matérielle, mais aussi symbolique par le mépris affiché — nourrit un terreau de radicalisation.

« Israël le sait, mais l’accepte comme le prix d’un statu quo colonial », tranche-t-il.

Déjà, sur la scène internationale, l’isolement moral s’accentue, estime Brauman : porter un passeport israélien devient synonyme de suspicion.

La société civile mondiale multiplie les gestes de boycott et de rejet. Brauman pense que cette pression sociale — drapeaux palestiniens brandis, collectifs mobilisés — pourrait peser davantage que les chancelleries.

Ce qui rend le témoignage de Rony Brauman si puissant, c’est sa double identité : celle du praticien et celle du citoyen.

Médecin, il a passé des décennies à soigner les victimes de guerre. Lorsqu’il dit qu’une famine est « inadmissible », il parle en homme qui a vu mourir de faim des femmes, des hommes et des enfants.

Son témoignage est loin des calculs partisans. Selon lui, à Gaza, ce sont des civils qui meurent chaque jour de privations délibérées.

Face à ce crime, le silence occidental est, pour Brauman, une complicité. Et l’histoire, prévient-il, jugera.