Face à Berlin, Paris défend sa stratégie de défense antiaérienne européenne

Une vue générale montre des responsables au début de la Conférence européenne de défense aérienne réunissant 18 ministres de la Défense, aux Invalides à Paris le 19 juin 2023 (Photo, AFP).
Une vue générale montre des responsables au début de la Conférence européenne de défense aérienne réunissant 18 ministres de la Défense, aux Invalides à Paris le 19 juin 2023 (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Mardi 20 juin 2023

Face à Berlin, Paris défend sa stratégie de défense antiaérienne européenne

  • La France a défendu lundi sa stratégie de défense antiaérienne de l'Europe, dont la guerre en Ukraine a révélé les carences
  • En marge de l'ouverture du Salon international de l'aéronautique du Bourget, Sébastien Lecornu recevait à Paris une vingtaine de ses homologues européens

PARIS: La France a défendu lundi sa stratégie de défense antiaérienne de l'Europe, dont la guerre en Ukraine a révélé les carences, annonçant un contrat de vente de missiles Mistral, face à un projet allemand qui ne convient pas à Paris.

En marge de l'ouverture du Salon international de l'aéronautique du Bourget, le ministre français des Armées Sébastien Lecornu recevait à Paris une vingtaine de ses homologues européens (ministres et secrétaires d'Etat).

En clôture de la conférence, le président Emmanuel Macron a annoncé que la France, l'Estonie, la Hongrie, la Belgique et Chypre allaient acheter conjointement des missiles sol-air de très courte portée Mistral, plus de 1 000 selon l'entourage présidentiel.

"C’est un très bel exemple de coopération souveraine des Européens sur une gamme qui est tout à fait pertinente et qui n’était pas assez couverte", a-t-il déclaré.

Le chef de l'État a aussi annoncé l'admission de la Belgique comme observateur dans le tentaculaire programme de Système de combat aérien du futur (Scaf), déjà développé par la France, l'Allemagne et l'Espagne, et affaibli par de nombreux retards.

"C'est une évolution majeure", a-t-il estimé. "Cet élargissement permettra d'ancrer encore davantage en Europe ce projet au cœur de la défense aérienne de demain".

D'abord annoncé absent, le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, était finalement présent.

Cette initiative de Paris apparaît comme une réaction au projet allemand dit "Euro Sky Shield", lancé en octobre et qui entend s'appuyer sur les systèmes anti-aériens Iris-T allemand pour la courte portée, Patriot américain pour la moyenne portée et américano-israélien Arrow-3 pour la longue portée.

Ce futur "Bouclier du ciel européen" a séduit 16 pays de l'Otan, dont le Royaume-Uni, les pays baltes ou encore la Belgique, les Pays-Bas, la Finlande, la Norvège puis la Suède.

Mais il n'a pas convaincu la Pologne. Et Paris continue de miser notamment sur son propre système de défense sol-air de moyenne portée SAMP/T MAMBA, tout en pointant les problèmes que pose le projet allemand.

«Solutions européennes»

"La question est d'abord stratégique", a estimé Emmanuel Macron. "Elle consiste à savoir quel est l'état des menaces, quelle est la réalité de ce qu'on peut défendre et quelle est la stratégie qu'on veut poursuivre".

Selon lui, "les discussions de ce jour ont montré qu'il y avait de nombreuses solutions européennes sur tous les segments clés" de la défense anti-aérienne. "Ce qui nous vient de tiers non européens est moins maniable, d'évidence. Sujet au calendrier, aux files d'attentes, aux priorités, parfois aux autorisations des pays tiers et dépendant trop de l'extérieur".

De source proche de l'exécutif français, on mettait aussi en garde contre "un projet de bouclier technologiquement inatteignable à l'échelle européenne".

L'Élysée soulignait la nécessité de prendre en compte non seulement "la défense anti-missile mais aussi la frappe dans la profondeur et la dissuasion nucléaire".

Car la question du nucléaire est un autre point d'achoppement sérieux avec Berlin.

"L'Otan est une alliance nucléaire. Or jusqu’à quel point, en durcissant vos défenses, vous accélérez une forme de prolifération pour accentuer les capacités de pénétration ?", a prévenu le ministre des Armées.

"L'Allemagne est souveraine dans ses acquisitions. Mais on ne peut pas considérer que les efforts européens dans ce domaine se réduisent à cette annonce", insistait son entourage, rappelant que "beaucoup d'autres acquisitions sont en cours dans d’autres pays".

«Redonner du muscle à nos armées»

L'absence de menaces et la maîtrise du ciel par les Occidentaux depuis la fin de la Guerre froide les ont conduits à affaiblir les puissantes défenses antiaériennes qui devaient protéger l'Otan de l'aviation soviétique.

Mais les investissements arrivent : Berlin prévoit de consacrer 5 des 100 milliards d'euros de son fonds spécial à la défense antiaérienne, Paris également 5 milliards d'euros entre 2024 et 2030.

Le fabricant européen de missiles MBDA a signé ces derniers mois un contrat d'environ 2 milliards d'euros avec Paris et Rome pour fournir près de 700 missiles Aster, équipant le système franco-italien SAMP/T, et un autre de 2,2 milliards d'euros avec la Pologne pour lui fournir 44 lanceurs et plusieurs centaines de missiles CAMM.

"Nous devons avoir une idée européenne qui nous permettra d'avoir davantage de stocks, une production adaptée à nos rythmes, de redonner du muscle à nos armées", a insisté le président français.


Dans le tumulte ambiant, la voix de la France mérite une plus grande écoute

Depuis Oslo, Emmanuel Macron déclare sans ambiguïté : « Il n’y a pas de légalité à ces frappes américaines en Iran », une affirmation qui tranche radicalement avec l’attitude de Washington. (AFP)
Depuis Oslo, Emmanuel Macron déclare sans ambiguïté : « Il n’y a pas de légalité à ces frappes américaines en Iran », une affirmation qui tranche radicalement avec l’attitude de Washington. (AFP)
Short Url
  • L’attaque iranienne perpétrée hier, contre une base américaine au Qatar en riposte aux frappes des bombardiers américains sur des sites nucléaires en Iran, a failli plonger le monde dans engrenage incontrôlable
  • À ceux qui rêvent d’un changement de régime à Téhéran, le chef de l’État français oppose la réalité tragique des interventions militaires qui ont déstabilisé et continuent à le faire, des régions entières

PARIS: Alors que le monde est en proie aux fracas des armes, aux lignes de fracture idéologiques et à la tentation de la force brute, la France fait entendre sa propre voix, celle de la raison, du droit et de la diplomatie. 

Bien que cette position semble de plus en plus marginalisée, notamment les États-Unis et Israël, elle demeure essentielle, car dans l’effondrement progressif de l’ordre international, il faut encore croire à la possibilité d’un chemin pacifique. 

Cette possibilité est aujourd’hui incarnée par la France alors que les Américains et les Israéliens avancent dans une logique d’affrontement militaire.

Depuis Oslo, Emmanuel Macron déclare sans ambiguïté : « Il n’y a pas de légalité à ces frappes américaines en Iran », une affirmation qui tranche radicalement avec l’attitude de Washington, qui cherche depuis plusieurs semaines à imposer un nouvel ordre régional à coups de missiles. 

L’attaque iranienne perpétrée hier, contre une base américaine au Qatar en riposte aux frappes des bombardiers américains sur des sites nucléaires en Iran, a failli plonger le monde dans engrenage incontrôlable, mais au lieu de s’aligner, la France s’est élevée contre cette spirale.

À ceux qui rêvent d’un changement de régime à Téhéran, le chef de l’État français oppose la réalité tragique des interventions militaires qui ont déstabilisé et continuent à le faire, des régions entières.

Évoquant les erreurs passées, de l’intervention militaire américaine en Irak en 2003 à la campagne franco-britannique en Libye, Macron rappelle un principe fondamental, « on ne sauve pas un peuple contre lui-même ».

La position française prend plus de relief, dans un contexte où l’Union européenne elle-même peine à parler d’une seule voix,

Tandis que certains dirigeants européens, comme le chancelier allemand Friedrich Merz, saluent le « courage » d’Israël face au « terrorisme iranien », Paris se montre plus mesuré. 

La chef de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, tente bien de préserver une ligne commune en réunissant les Vingt-Sept, mais les divisions internes sont profondes. 

Quinze États membres ont exprimé leur soutien à Israël, tandis que d’autres s’indignent des initiatives unilatérales de la Commission européenne, notamment les prises de position très partiales de sa présidente d’Ursula von der Leyen.

La France, elle, refuse cette polarisation brutale, fidèle à son engagement historique dans le dossier nucléaire iranien, elle prône une solution diplomatique, forte d’une expertise construite au fil de plus de dix ans de négociations.

Elle rappelle l’urgence d’encadrer non seulement le programme nucléaire, mais aussi le programme balistique iranien. 

Les efforts français ne se limitent pas à des déclarations, depuis les frappes du 13 juin, Macron et ses ministres ont multiplié les contacts avec les dirigeants régionaux : Arabie saoudite, Émirats, Qatar, Oman. 

Des messages de retenue ont été adressés aussi bien à Téhéran qu’à Tel-Aviv, et même à Washington.

 À deux reprises, Macron s’est entretenu avec le président iranien pour éviter toute escalade, il a également eu des échanges directs avec le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, mettant en garde contre toute velléité de régime par la force, rappelant que cela ne pourrait qu’aboutir à un plus grand chaos.

La France plaide pour une relance des négociations, et pousse également à une reprise du dialogue sur une éventuelle zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, proposition ancienne mais toujours d’actualité, même si Israël refuse de reconnaître son propre arsenal nucléaire.

Face à la gravité de la situation, la France tente de maintenir un cap, alors que l’unité européenne est de plus en plus vacillante, en raison de la poursuite injustifiée de la guerre à Gaza.

L’Irlande, l’Espagne et, plus récemment, les Pays-Bas ont demandé à revoir les accords commerciaux avec l’État hébreu, même une voix aussi conservatrice que celle du chancelier allemand admet ne « plus comprendre » les opérations militaires israéliennes.

Pourtant, en l’absence de consensus clair, aucune sanction n’est encore envisageable, la présidente de la Commission européenne ne peut aller plus loin sans mandat des États membres. 

Pendant ce temps, le fracas des armes continue, rendant la voix française d’autant plus isolée mais aussi d’autant plus précieuse.

L’annonce par le président Trump d’un cessez-le-feu entre Israël et l’Iran est saluée par Paris comme une « ouverture à saisir ». 

La France appelle dans un communiqué publié par le ministère des affaires étrangères, toutes les parties à respecter l’arrêt des hostilités et à s’engager sur le seul chemin viable, celui de la diplomatie. 

Elle réaffirme que l’Iran ne doit jamais détenir l’arme nucléaire, mais que les inquiétudes sur ses activités doivent trouver des réponses par la négociation, non par la guerre.

Cette voix, aussi minoritaire soit-elle aujourd’hui, porte en elle une vision du monde, elle repose sur le respect du droit international, sur la conviction et les principes.

En tenant cette ligne, la France ne défend pas seulement ses intérêts ou ses citoyens, elle défend aussi une certaine idée de la communauté internationale, de l’équilibre des puissances et de la paix. 

Si le cessez-le-feu tient bon, sauvant provisoirement le régime iranien et confirmant qu'Israël et les États-Unis n’hésitent plus à employer la force sans limite, les efforts de la France pour promouvoir une solution diplomatique pourraient enfin trouver un écho.


Gaza: des ONG , dont MSF mettent en garde la Fondation GHF contre une complicité de crimes de guerres

Figurent parmi les signataires la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), le Centre palestinien pour les droits humains, le Centre américain pour les droits constitutionnels ou encore la Commission internationale des juristes. (Source Médecins sans Frontières)
Figurent parmi les signataires la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), le Centre palestinien pour les droits humains, le Centre américain pour les droits constitutionnels ou encore la Commission internationale des juristes. (Source Médecins sans Frontières)
Short Url
  • La pénurie orchestrée par les autorités israéliennes prive les Palestiniens d’eau et de soins, et les met en danger immédiat, alors que des blessés affluent par centaines dans les structures médicales.
  • Plusieurs organisations de défense des droits humains ont appelé lundi la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), dont les distributions d'aide donnent lieu à des scènes chaotiques et meurtrières, à cesser ses opérations

NATIONS-UNIES: Plusieurs organisations de défense des droits humains ont appelé lundi la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), dont les distributions d'aide donnent lieu à des scènes chaotiques et meurtrières, à cesser ses opérations, mettant en garde contre des risques de complicité de "crimes de guerre".

"Ce nouveau modèle de distribution d'aide privatisée, militarisée, représente un changement radical et dangereux par rapport aux opérations humanitaires internationales établies", écrivent ces 15 organisations dans une lettre ouverte, dénonçant un système "déshumanisant et meurtrier".

"Nous appelons la GHF et toutes les organisations et individus qui ont soutenu ou soutiennent le travail de la GHF et les sociétés militaires privées" opérant dans ses centres de distribution "à cesser leurs opérations".

"Ne pas le faire pourrait exposer ces organisations et leurs responsables, représentants et agents à des responsabilités criminelles et civiles pour complicité de crimes en vertu du droit international, y compris crimes de guerre, crimes contre l'humanité, ou génocide, en violation du droit international, du droit américain et d'autres juridictions nationales", mettent en garde ces organisations.


France: la surveillante tuée reçoit la Légion d'honneur à titre posthume

La surveillante de collège poignardée à mort en France par un élève le 10 juin a reçu, à titre posthume, la Légion d'honneur, la plus haute distinction honorifique du pays, selon un décret publié mardi par le le Journal officiel. (AFP)
La surveillante de collège poignardée à mort en France par un élève le 10 juin a reçu, à titre posthume, la Légion d'honneur, la plus haute distinction honorifique du pays, selon un décret publié mardi par le le Journal officiel. (AFP)
Short Url
  • La semaine dernière, le ministère de l'Education avait indiqué qu'elle recevrait aussi le titre de commandeur des Palmes académiques, la plus ancienne distinction décernée à titre civil
  • Les obsèques de la jeune femme de 31 ans ont eu lieu le 17 juin dans une stricte intimité familiale à Sarcey, un petit village du nord-ouest où elle vivait

PARIS: La surveillante de collège poignardée à mort en France par un élève le 10 juin a reçu, à titre posthume, la Légion d'honneur, la plus haute distinction honorifique du pays, selon un décret publié mardi par le le Journal officiel.

La semaine dernière, le ministère de l'Education avait indiqué qu'elle recevrait aussi le titre de commandeur des Palmes académiques, la plus ancienne distinction décernée à titre civil. La qualité de pupille de la Nation, qui offre une protection matérielle et morale particulière aux enfants de victimes d'actes de terrorisme, sera attribuée à son fils.

Les obsèques de la jeune femme de 31 ans ont eu lieu le 17 juin dans une stricte intimité familiale à Sarcey, un petit village du nord-ouest où elle vivait.

Le collégien de 14 ans interpellé immédiatement après les faits a été inculpé pour meurtre aggravé par la circonstance que sa victime était chargée d'une mission de service public, et placé en détention provisoire.

Du fait de sa minorité, il encourt une peine de 20 ans de prison.

Le meurtre a eu lieu à l'entrée du collège, alors que des gendarmes procédaient à un contrôle inopiné des sacs des élèves, pour saisir d'éventuelles armes blanches. Un gendarme a été blessé à la main lors des faits.

Durant sa garde à vue, le suspect a confié aux enquêteurs avoir voulu tuer une surveillante, "n'importe laquelle".

Ce nouveau drame en milieu scolaire a eu un grand retentissement en France, dans les sphères politique et éducative en particulier.