Sommet pour un nouveau pacte financier mondial: un consensus et des pistes de réflexion pour le futur

La présidente du Fonds monétaire international Kristalina Georgieva, le président du Kenya William Ruto, le président français Emmanuel Macron, la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen et le président de la Banque mondiale Ajay Banga assistent à une conférence de presse conjointe lors de la séance de clôture du Sommet du nouveau pacte financier mondial, à Paris le 23 juin 2023. (AFP)
La présidente du Fonds monétaire international Kristalina Georgieva, le président du Kenya William Ruto, le président français Emmanuel Macron, la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen et le président de la Banque mondiale Ajay Banga assistent à une conférence de presse conjointe lors de la séance de clôture du Sommet du nouveau pacte financier mondial, à Paris le 23 juin 2023. (AFP)
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Publié le Lundi 26 juin 2023

Sommet pour un nouveau pacte financier mondial: un consensus et des pistes de réflexion pour le futur

  • Lors de la clôture du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, Emmanuel Macron a évoqué «un consensus complet» pour «réformer en profondeur» le système financier mondial
  • Des décisions concrètes ont été prises lors du sommet, notamment l’objectif de mobiliser 100 milliards de dollars via la réallocation de droits de tirage spéciaux en faveur des pays en voie de développement

PARIS: «Aucun pays ne doit choisir entre la réduction de la pauvreté et la défense de l’environnement», a déclaré le président français, Emmanuel Macron, lors de la réunion des chefs d’États et de gouvernements consacrée aux conclusions du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, organisé le 23 juin 2023 au Palais Brongniart à Paris. 

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La présidente du Fonds monétaire international Kristalina Georgieva, le président du Kenya William Ruto, le président français Emmanuel Macron, la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen et le président de la Banque mondiale Ajay Banga assistent à une conférence de presse conjointe lors de la séance de clôture du Sommet du nouveau pacte financier mondial, à Paris le 23 juin 2023. (AFP)

Consensus complet 

Paris est-il arrivé à un consensus autour d’un modèle de financement mondial pour faire face aux défis du développement et du changement climatique? Selon le président français, les États doivent bâtir «un nouveau consensus complet», dont l’objectif est de prendre un engagement politique contre la pauvreté et de renforcer la lutte contre le changement climatique

Les participants au sommet se sont montrés unanimes: il y a urgence à agir pour supprimer la pauvreté, agir en faveur du climat et de l’aide publique au développement. «Pour atteindre ces objectifs, nous devons rester unis pour engager des réformes des institutions et intégrer le secteur privé dans le financement des projets de développement», a indiqué le président français lors de la cérémonie de clôture du sommet. 

«Des résultats à court terme ont été obtenus lors de ce sommet», a-t-il ajouté, en citant notamment l'objectif atteint en termes de réallocation aux pays pauvres de 100 milliards de dollars (un dollar = 0,92 euro) de droits de tirage spéciaux (DTS), un avoir de réserve du Fonds monétaire international (FMI), pouvant servir pour le développement et la transition climatique. Emmanuel Macron a également évoqué un accord sur dix projets négociés et dix autres en cours, le lancement d’une étude pour analyser les besoins concrets en matière d’infrastructures ainsi que l’accélération des études sur les dettes publiques des pays les plus pauvres comme le Ghana. 

«Pour atteindre ces objectifs, nous devons rester unis pour engager des réformes des institutions et intégrer le secteur privé dans le financement des projets de développement», a indiqué Emmanuel Macron, le président français, lors de la cérémonie de clôture du sommet. 


Des réformes pour une meilleure efficacité

«Le consensus consiste à lutter contre la pauvreté. Il s’agit pour nous de trouver les moyens de financer le développement des pays vulnérables. Nous devons réformer les institutions afin que leurs actions soient plus rapides et plus efficaces pour relever les défis», a de son côté indiqué Cyril Ramaphosa, le président sud-africain, lors de son intervention, en rappelant que «chaque pays doit être traité de façon équitable, comme un partenaire égal». 

Pour sa part, Li Qiang, le Premier ministre chinois, a souligné que son pays attachait une grande importance à la gouvernance et au développement mondial. «Nous menons des actions concrètes dans ce sens, la Chine est un moteur important dans la croissance mondiale», a-t-il affirmé. «La Chine restera résolue à suivre un développement de qualité, guidé par une vision d’harmonie entre l’homme et la nature. Nous défendons un mode de production à faible émission de carbone pour atteindre la neutralité en 2050», a-t-il poursuivi. 

«Nous sommes heureux de nous joindre aux décisions prises à Paris, car la lutte contre la pauvreté nous concerne tous», a-t-il ajouté, en précisant que la Chine s’était engagée dans une coopération internationale contre la pauvreté et participait aux programmes de développement de nombreux pays. Li Qiang a également rassuré ses partenaires, leur affirmant que la Chine était prête à s’engager davantage pour relever les défis du développement humain et de la transition écologique, de pair avec la communauté internationale. 

Concernant la contribution des institutions financières, Kristalina Georgieva, la directrice générale du FMI, a indiqué que les États s’étaient engagés à fournir les ressources vitales aux pays à faibles revenus comme les Seychelles, le Kosovo, la Zambie ou encore le Rwanda. «Au FMI, nous avons des discussions franches et profondes avec nos partenaires (…). Nous devons accélérer les choses pour répondre aux attentes des populations», a-t-elle souligné lors de son intervention. 

Kristalina Georgieva a aussi précisé que l’une des priorités de l’institution consistait à limiter la dette des pays optant pour une bonne gouvernance, citant l’exemple de la Zambie et du Ghana. «Il faut aller plus loin, car la dette et le climat sont corrélés», a-t-elle soutenu, en rappelant que le FMI approuvait l’application de la taxe carbone. «Sans cela, nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs. Nous avons besoin de l’apport du secteur privé, mais, à ce jour, nous n’avons pas atteint les résultats escomptés. C’est pourquoi nous nous penchons sur d’autres modèles, de nouveaux mécanismes de financement destinés aux pays émergents et aux pays en voie de développement», a-t-elle encore ajouté, en préconisant la mise en place de moyens efficaces pour mesurer l’impact du financement sur les projets durables et de lutte contre la pauvreté. 

«Il faut aller plus loin, car la dette et le climat sont corrélés», a soutenu Kristalina Georgieva, la directrice générale du FMI, en rappelant que le FMI approuvait l’application de la taxe carbone. «Sans cela, nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs.» 

De son côté, Ajay Banga, président de la Banque mondiale, a plaidé pour une réforme des banques de développement afin qu’elles puissent relever les défis actuels. «Les prévisions futures sur le changement climatique ne sont pas hypothétiques, elles existent dans tous les pays. Ce ne sont pas des défis nationaux, mais mondiaux», a-t-il indiqué, en rappelant que la pandémie mondiale avait accentué les clivages et les déséquilibres dans le développement. «La Banque mondiale accélère son agenda pour remplir sa mission et compte élargir le budget qui y sera consacré pour atteindre 200 milliards de capacité d’emprunts, permettant aux banques de développement de travailler plus efficacement.» 

Abdel Fattah al-Sissi, le président égyptien, est également intervenu lors du sommet. Il s’est interrogé sur les résultats de l’accord de Paris sur la lutte contre le changement climatique en 2015. «Pardonnez-moi de parler ainsi, je ne veux porter atteinte à personne, mais je m’interroge sur la promesse faite il y a sept ans lors de l’accord de Paris qui visait à attribuer 100 millions d’euros au financement de projets en faveur du climat», a-t-il déclaré lors de son intervention. 

«Il y a une différence entre promesses et actions. Avec nos homologues africains et de nombreux autres pays, nous sommes prêts, nous avons des idées à proposer et des solutions concrètes aux problèmes», a-t-il assuré. «Je dis aux entreprises des pays développés: “Venez investir pour améliorer les infrastructures en Afrique”, c’est la clé du développement dans le continent. Croyez-moi, on parle souvent des droits de l’homme, mais au cours des dix dernières années, la fuite de l’immigration clandestine a tué des milliers de personnes car il n’y a pas d’espoir en Afrique», a ajouté le président égyptien. 

«Je dis aux entreprises des pays développés: “Venez investir pour améliorer les infrastructures en Afrique”, c’est la clé du développement dans le continent», a soutenu Abdel Fattah al-Sissi, le président égyptien.

Enfin Olaf Scholz, le chancelier fédéral allemand, a plaidé pour que les entreprises des pays riches, notamment allemandes, s’investissent dans les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud. «Sans cela, nous n’atteindrons pas nos objectifs. Nous devons respecter nos engagements pour la planète pour un monde meilleur.»

 

Restructurer le surendettement des pays pauvres

Le sommet a également proposé des solutions au surendettement des pays les plus pauvres, notamment pour une restructuration totale ou partielle de la dette de certains pays ou pour que les pays s’engagent concrètement dans la lutte contre la pauvreté et le sous-développement. 

Des décisions ont ainsi été prises lors du sommet: les pays créanciers de la Zambie se sont ainsi mis d’accord pour restructurer une partie de sa dette, et des pays riches et des banques de développement ont promis un financement au Sénégal pour décarboner son énergie. «Nous espérons que le modèle de la restructuration de la dette sera appliqué aux autres pays endettés à travers la planète. La décision qui a été prise pour la Zambie est très importante pour nous», a souligné Hakainde Hichilema, le président zambien, lors de son allocution lors de la clôture du sommet.


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.