Sous pression de Bamako, l'ONU sonne le glas de sa mission au Mali

Des soldats togolais de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) patrouillent sur la route entre Mopti et Djenné, au centre du Mali, le 28 avril 2019. (Photo, AFP)
Des soldats togolais de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) patrouillent sur la route entre Mopti et Djenné, au centre du Mali, le 28 avril 2019. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 30 juin 2023

Sous pression de Bamako, l'ONU sonne le glas de sa mission au Mali

  • Le Conseil de sécurité, qui se préparait à examiner une reconduction du mandat possiblement modifié, a dû se résoudre à signer l'arrêt de mort de la mission la plus coûteuse de l'ONU
  • Les relations entre Bamako et la mission s'étaient largement détériorées depuis la prise de pouvoir des militaires en 2020

NATIONS UNIES: A la demande de Bamako, le Conseil de sécurité de l'ONU a mis un terme immédiat vendredi à la mission des Casques bleus au Mali, lançant un retrait sur six mois qui plonge dans l'inconnu un pays toujours aux prises des attaques jihadistes.

Le 16 juin, dans un discours devant le Conseil de sécurité qui avait fait l'effet d'une bombe, le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, dénonçant l'"échec" de la mission de maintien de la paix de l'ONU (Minusma), avait exigé son "retrait sans délai".

Dans ces conditions, le Conseil de sécurité, qui se préparait à examiner une reconduction du mandat possiblement modifié, a dû se résoudre à signer l'arrêt de mort de la mission la plus coûteuse de l'ONU (1,2 milliard de dollars par an).

La résolution adoptée à l'unanimité des 15 membres du Conseil décide de "mettre un terme au mandat de la Minusma (...) à partir du 30 juin".

Les Casques bleus cesseront leurs opérations dès le 1er juillet -- samedi -- pour se concentrer sur l'organisation de leur départ, "avec l'objectif de terminer ce processus d'ici le 31 décembre 2023".

Jusqu'à fin septembre, ils auront toutefois encore la possibilité de protéger les civils "aux alentours immédiats" de leurs positions.

La mission, qui compte une dizaine de bases réparties sur le territoire, avait été créée en 2013 pour aider à stabiliser un Etat menacé d'effondrement sous la poussée jihadiste, protéger les civils, contribuer à l'effort de paix et défendre les droits humains.

Mais y mettre un terme est prématuré, si on en croit la dernière évaluation du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, et les réactions de plusieurs membres du Conseil de sécurité.

"Bien que nous regrettons la décision du gouvernement de transition d'abandonner la Minusma et le fait que cela va nuire à la population malienne, nous avons voté en faveur de la résolution", a déclaré le représentant américain Jeffrey DeLaurentis après le vote.

Quelques jours avant l'annonce de la junte malienne, Antonio Guterres estimait lui la présence de la Minusma "inestimable" et recommandait son maintien à effectifs constants, en la recentrant sur des priorités limitées.

Plusieurs pays de la région, "particulièrement préoccupés par l'expansion des groupes extrémistes" et "le risque de propagation de l'instabilité" avaient même plaidé pour un renforcement de son mandat, selon son rapport.

 174 Casques bleus tués 

Mais un des principes du maintien de la paix de l'ONU est le "consentement" du pays hôte.

Les relations entre Bamako et la mission s'étaient largement détériorées depuis la prise de pouvoir des militaires en 2020.

L'ONU dénonçait ainsi régulièrement les entraves des autorités maliennes aux déplacements des Casques bleus et devait faire face aux défections de pays contributeurs de troupes refroidis par la multiplication des attaques contre la mission, dont 174 Casques bleus ont été tués depuis 2013.

La junte réclamait de son côté une Minusma ne se penchant pas sur les questions de droits humains mais s'attaquant aux groupes terroristes.

Un argument repris par la Russie, vers qui la junte s'est tournée militairement et politiquement en s'éloignant de la France, ancienne puissance coloniale.

 Calendrier de retrait 

Reste à organiser le retrait massif et complexe de plus de 13.000 militaires et policiers, ainsi que de leurs équipements, des hélicoptères aux véhicules blindés.

"S'assurer de la coopération constructive des autorités maliennes sera essentiel pour faciliter ce processus", a commenté un porte-parole des opérations de maintien de la paix.

Mais le calendrier de ce retrait a donné lieu à des négociations compliquées ces derniers jours.

Le Mali, soutenu par la Russie, a tenté de réduire la durée du retrait, selon des sources diplomatiques, alors que certains membres du Conseil estiment déjà que le délai de six mois est trop court pour organiser un départ en toute sécurité pour les Casques bleus.

Ce départ soulève aussi des craintes pour la population malienne.

"Il est probable que les extrémistes saisissent cette opportunité pour accroître leurs violences", a commenté Julie Grégory, du groupe de réflexion américain Stimson Center.

Et "les responsables de l'ONU craignent que quand les soldats de la paix quitteront leurs bases, Wagner prenne simplement le contrôle des installations", estime Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

Après la rébellion avortée du chef de Wagner Evguéni Prigojine le 24 juin, Moscou a assuré que la société privée russe de mercenaires continuerait d'opérer au Mali, où elle est régulièrement accusée de violations des droits humains.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.