Autodafé du Coran en Suède: Face à l’intolérance, pas de tolérance qui tienne

Des policiers suédois interviennent tardivement après qu'un groupe d'islamophobes a brûlé un exemplaire du Coran, le livre saint des musulmans, devant la mosquée centrale de Stockholm, le 28 juin 2023. (Photo, TT News Agency/Caisa Rasmussen/via Reuters).
Des policiers suédois interviennent tardivement après qu'un groupe d'islamophobes a brûlé un exemplaire du Coran, le livre saint des musulmans, devant la mosquée centrale de Stockholm, le 28 juin 2023. (Photo, TT News Agency/Caisa Rasmussen/via Reuters).
Le 30 juin 2023, des partisans du religieux chiite irakien Moqtada al-Sadr protestent près de l'ambassade de Suède à Bagdad contre un homme qui a déchiré et brûlé un exemplaire du Coran à l'extérieur d'une mosquée dans la capitale suédoise, Stockholm (Photo, Reuters/Saba Kareem).
Le 30 juin 2023, des partisans du religieux chiite irakien Moqtada al-Sadr protestent près de l'ambassade de Suède à Bagdad contre un homme qui a déchiré et brûlé un exemplaire du Coran à l'extérieur d'une mosquée dans la capitale suédoise, Stockholm (Photo, Reuters/Saba Kareem).
Des Iraniens brûlent un drapeau suédois lors d'une manifestation, le 30 juin 2023, devant l'ambassade de Suède à Téhéran, pour protester contre l'incendie d'un Coran en Suède (Photo, AP/Vahid Salemi).
Des Iraniens brûlent un drapeau suédois lors d'une manifestation, le 30 juin 2023, devant l'ambassade de Suède à Téhéran, pour protester contre l'incendie d'un Coran en Suède (Photo, AP/Vahid Salemi).
Short Url
Publié le Dimanche 02 juillet 2023

Autodafé du Coran en Suède: Face à l’intolérance, pas de tolérance qui tienne

  • Les autorités suédoises sont condamnées pour avoir autorisé la profanation du livre saint de l'islam par un immigrant irakien à Stockholm
  • L'incident soulève des questions sur les limites de la liberté d'expression et sur l'inégalité de traitement des différents textes, religieux ou laïques

DJEDDAH: La Suède, pays connu pour ses valeurs progressistes et son engagement en faveur des droits de l'homme, se trouve au centre d'une violente tempête diplomatique après qu'un membre d'un parti suédois d'extrême droite a brûlé un exemplaire du Coran, le livre saint de l'islam.

Cet incendie, que les autorités suédoises ont autorisé le 28 juin à Stockholm, a suscité la colère et l'indignation des musulmans du monde entier.

L'Organisation de la coopération islamique, un groupe de 57 pays, a déclaré qu'elle tiendrait une «réunion d'urgence» pour discuter de la situation, les discussions devant avoir lieu dimanche.

Selon un porte-parole, le comité exécutif de l'OCI se réunira dans la ville saoudienne de Djeddah pour «discuter des mesures à prendre contre cet acte odieux et adopter une position collective sur la marche à suivre».

L'incident s'est produit à l'extérieur de la mosquée centrale de Stockholm pendant l'Aïd Al-Adha, une fête islamique majeure et la fin du pèlerinage annuel du Hajj à La Mecque, en Arabie Saoudite.

Salwan Momika, qui a fui l'Irak pour s'installer en Suède il y a plusieurs années, proteste devant une mosquée de Stockholm le 28 juin 2023, pendant la fête de l'Aïd Al-Adha. Il a ensuite déchiré et brûlé un exemplaire du livre saint des musulmans (Photo, Jonathan Nackstrand /AFP).

L'acte a été commis par Salwan Momika, un immigré irakien de 37 ans vivant en Suède, qui prétendait exprimer son opinion sur le Saint Coran.

La police de Stockholm avait accordé une autorisation pour la manifestation après qu'un tribunal suédois a jugé que son interdiction porterait atteinte au droit à la liberté d'expression et que les forces de l'ordre ne disposaient pas de preuves suffisantes pour interdire de telles manifestations.

Dans une interview accordée au journal suédois Expressen jeudi, Momika a nié que son action constituait un «crime de haine» ou une «agitation envers un groupe quelconque». Il a également révélé qu'il a l'intention de brûler un autre exemplaire du livre saint dans les dix jours suivant sa première manifestation.

Selon un communiqué publié sur le site web du ministère suédois des Affaires étrangères, «le gouvernement suédois rejette fermement l'acte islamophobe commis par des individus en Suède. Cet acte ne reflète en aucun cas les opinions du gouvernement suédois».

La police suédoise a permis à Salwan Momika, un Irakien résidant en Suède, de déchirer et de brûler un exemplaire du Coran lors d'une manifestation non provoquée devant une mosquée de Stockholm, le 28 juin 2023, alors que les musulmans du monde entier célèbrent l'Aïd Al-Adha. (Photo, Jonathan Nackstrand/AFP).

Un porte-parole du service diplomatique de l'Union européenne a publié une déclaration à ce sujet: «L'UE se joint au ministère suédois des Affaires étrangères pour rejeter fermement l'incendie d'un Coran par un individu en Suède. Brûler le Coran ou tout autre livre saint est offensant et irrespectueux et constitue un acte de provocation évident. Les manifestations de racisme, de xénophobie et de tolérance qui en découlent n'ont pas leur place en Europe.»

Arab News a posé une série de questions au ministère suédois des Affaires étrangères, mais n'avait pas reçu de réponse au moment de la publication de cet article.

En réaction à l'incident de Stockholm, plusieurs pays à majorité musulmane ont exprimé leurs préoccupations et condamné l'acte comme une provocation délibérée et une attaque contre leur religion.

Le ministère saoudien des Affaires étrangères a publié une déclaration condamnant fermement l'incendie, soulignant que de tels actes incitent à la haine, à l'exclusion et au racisme, ce qui va à l'encontre des efforts visant à promouvoir la tolérance, la modération et le rejet de l'extrémisme.

«Le ministère des Affaires étrangères exprime la ferme condamnation et la dénonciation par le Royaume d'Arabie saoudite de l'incendie d'un exemplaire du Saint Coran par un extrémiste devant la mosquée centrale de Stockholm, en Suède, après la prière de l'Aïd Al-Adha», a déclaré le ministère.

«Ces actes haineux et répétés ne peuvent être acceptés avec aucune justification et incitent clairement à la haine, à l'exclusion et au racisme, et contredisent directement les efforts internationaux visant à diffuser les valeurs de tolérance, de modération et de rejet de l'extrémisme. Ils sapent le respect mutuel nécessaire aux relations entre les peuples et les États», a-t-il ajouté.

EN BREF

• Plus de 140 000 immigrés d'origine irakienne constituent le deuxième groupe d'immigrés en Suède.

• Rasmus Paludan, homme politique danois d'extrême droite, a brûlé un exemplaire du Saint Coran à Stockholm, le 21 janvier dernier.

Pour sa part, le Maroc a convoqué l'ambassadeur de Suède à Rabat et rappelé son propre ambassadeur, tandis que la Jordanie a exprimé son mécontentement à l'envoyé de Suède, qualifiant l'incendie d'acte de haine et de racisme.

Les Émirats arabes unis ont également convoqué l'ambassadeur de Suède et ont exprimé leur profond mécontentement quant à l’autorisation de l'action de Momika. Anwar Gargash, conseiller diplomatique du président des Émirats arabes unis, a déclaré dans un communiqué: «Les attaques flagrantes et répétées contre notre foi islamique sous le prétexte de la liberté d'opinion perpétuent la haine et la rivalité.»

Ce jeudi, une foule de manifestants irakiens, dirigée par le religieux chiite Moqtada al-Sadr, a fait irruption dans l'ambassade de Suède à Bagdad, mais l'a quittée au bout de 15 minutes lorsque les forces de sécurité sont arrivées sur les lieux.

Des partisans du leader musulman chiite Moqtada al-Sadr manifestent dans la cour et à l'extérieur de l'ambassade de Suède à Bagdad, le 29 juin 2023, pour protester contre l'incendie du Coran par un Irakien vivant en Suède (Photo, Ahmad Al-Rubaye /AFP).

Le ministère irakien des Affaires étrangères a condamné la décision de la Suède d'autoriser un «extrémiste» à brûler un exemplaire du Coran, déclarant que de tels actes «enveniment les sentiments des musulmans du monde entier et représentent une dangereuse provocation».

Le ministère a indiqué qu'il avait convoqué l'ambassadeur de Suède à Bagdad pour lui faire part de la «vive protestation» de son pays à l'égard de la décision d'autorisation.

Recep Tayyip Erdogan, le président turc, a critiqué la Suède pour avoir autorisé une telle manifestation, qui pourrait avoir encore affaibli les chances du pays nordique d'adhérer à l'OTAN — une démarche à laquelle la Turquie, membre de l'OTAN, oppose depuis longtemps son veto.

«Nous finirons par apprendre aux Occidentaux arrogants qu'insulter les musulmans ne relève pas de la liberté de pensée», a averti Erdogan lors d'une allocution télévisée. «Nous montrerons notre réaction dans les termes les plus forts possibles, jusqu'à ce qu'une victoire déterminée soit remportée contre les organisations terroristes et l'islamophobie.»

Des commentateurs politiques ont mis en garde contre le fait que l'acte de brûler une copie du Coran ne fait pas qu'attiser les tensions existantes entre les communautés musulmanes et non musulmanes en Suède, mais fait également le jeu d'éléments extrémistes qui exploitent de tels incidents pour alimenter la haine et polariser davantage les sociétés.

Des incidents antérieurs impliquant la profanation de textes sacrés ont également été condamnés. En 2015, un homme politique d'extrême droite a brûlé un exemplaire du Coran à l'extérieur d'une mosquée et, au début de l'année, un Égyptien vivant en Suède a projeté de brûler la Torah devant l'ambassade d'Israël à Stockholm, afin de susciter un débat sur la cause palestinienne.

Cependant, les leaders musulmans de Suède sont intervenus pour empêcher l'action et les religieux musulmans et juifs ont dénoncé la profanation de textes sacrés en guise de protestation.

Ulf Kristersson, le Premier ministre suédois, a déclaré que l'action de Momika était «légale mais pas appropriée».

Le Premier ministre suédois, Ulf Kristersson, s'adresse aux médias au siège de l'UE à Bruxelles, le 29 juin 2023 (Photo, AFP).

Salmane al-Ansari, chercheur politique saoudien, a déclaré à Arab News: «J'ai visité la Suède. C'est un pays magnifique avec des gens formidables qui accordent de l'importance au respect des autres.»

«Toutefois, il est très regrettable que certains extrémistes aient exploité la Suède et ses lois peu contraignantes en matière de liberté d'expression. Le peuple suédois est l'un des plus aimables que j'aie jamais rencontrés», a-t-il ajouté.

«Je suis absolument certain que le peuple suédois n'est pas d'accord avec les discours et les actes de haine. Si brûler le livre sacré de 1,8 milliard de personnes n'est pas de la haine, alors qu'est-ce qui constitue un discours et un acte de haine ?», a-t-il demandé.

Soulignant les préoccupations relatives à une approche sélective de la liberté d'expression, certains analystes politiques affirment que la réaction d'un pays occidental aurait pu être différente si la manifestation avait été dirigée contre une autre religion ou une cause politique populaire.

Ils affirment que la profanation d'un symbole religieux juif, par exemple, aurait probablement donné lieu à des accusations d'antisémitisme. De même, toute manifestation dirigée contre les Noirs aurait certainement été contraire aux lois interdisant le racisme.

Au cours de la dernière semaine d'avril, un groupe de satanistes autoproclamés a applaudi lorsque deux dirigeants ont ouvert la SatanCon 2023 dans la ville américaine de Boston, avec une cérémonie officielle renonçant aux «symboles de l'oppression» en déchirant une Bible et un drapeau «Thin Blue Line» représentant la police.

Commentant sur Twitter une vidéo de Fox News montrant ces actions, Al-Ansari a clairement exprimé son point de vue sur la profanation, en disant: «En tant que musulman, je dis que ces actions satanistes contre le christianisme et la Bible ne sont rien d'autre que déplorables, dégoûtantes et pleines de haine envers les personnes de toutes confessions.»

«En quoi le fait de déchirer une Bible peut-il être utile? Qui sont les complices en coulisses de ce culte de la haine?»

L'incendie d'un exemplaire du Coran n'est pas seulement considéré comme profondément offensant par les musulmans du monde entier, il soulève également des questions importantes sur les limites de la liberté d'expression et sur l'inégalité de traitement des différents textes, religieux ou laïques.

Si la liberté d'expression est un droit humain fondamental et une pierre angulaire des sociétés démocratiques, de nombreux politologues estiment qu'elle ne doit pas être considérée comme un droit absolu permettant l'incitation à la haine ou le dénigrement délibéré des croyances religieuses.

S'adressant à Arab News, Al-Ansari a déclaré: «La Suède est chère à mon cœur et je suis triste de la voir exploitée par des radicaux et des extrémistes d'extrême droite. Il est temps que le Premier ministre, Ulf Kristersson, et le Parlement suédois assèchent le marais de la haine et de l'extrémisme.»

«Le gouvernement suédois devrait rectifier le tir et tracer une ligne claire entre la liberté d'expression et les actes de haine.»

«Sinon, le gouvernement et le peuple suédois seront considérés comme des prêcheurs de haine et des hypocrites, car ils interdisent de nombreux slogans tels que les slogans nazis et autorisent la haine antimusulmane.»

«Il s'agit clairement d’une situation de deux poids deux mesures qui ne peut être justifiée de quelque manière que ce soit. La Suède mérite mieux que cela.»

Des Iraniens manifestent devant l'ambassade de Suède à Téhéran, le 30 juin 2023, pour protester contre l'incendie d'un Coran par des islamophobes dans la capitale suédoise (Photo, AP).

Se référant à Momika, Al-Ansari a déclaré: «L'auteur de cette action serait un membre actif de la milice irakienne qui a travaillé avec des organisations radicales et militantes en Irak.»

«Il a continué à se rendre en Irak alors qu'il prétendait craindre pour sa vie. Si le fait de mentir aux services d'immigration suédois n'est pas suffisant pour révoquer son statut de demandeur d'asile, alors qu'est-ce qui l'est ?»

D'autres ont indiqué que l'incident de cette semaine souligne l'importance d'encourager le dialogue interconfessionnel, d'éduquer le public sur la signification des textes religieux et de combler les fossés par une communication respectueuse.

Pour parvenir à une coexistence harmonieuse dans les sociétés multiculturelles, les chefs religieux estiment que la tolérance et le respect des diverses croyances sont primordiaux.

Si la liberté d'expression reste essentielle, ils estiment qu'elle doit être exercée de manière responsable, en tenant compte des conséquences potentielles et en respectant les sensibilités d'autrui.

Dans une récente interview accordée à la chaîne d'information MBC, le cheikh Dr Mohammed al-Issa, secrétaire général de la Ligue musulmane mondiale, a souligné qu'une «copie du Saint Coran, et non le Coran», était tombée entre «les mains d'un extrémiste haineux et rancunier qui s'est réfugié dans une constitution qui lui permet de s'exprimer librement, «même si l'opinion qu'il exprime est une rancune qui incitera à la haine et à l'inimitié entre toutes les communautés».

Il a ajouté: «C'est la philosophie de la constitution qui le protège, et dans ce cas, il s'agit de la constitution suédoise qui représente en fait la volonté du peuple suédois en promulguant cette constitution.»

«Cependant, la majorité des Suédois font la distinction entre les articles de la constitution et le comportement qui bénéficie de la protection de ces articles de la constitution pour exprimer ces opinions, en particulier la rancune et la haine qui sont exprimées dans cet incident.»

«En général, les Suédois ne sont pas d'accord avec cette rancune et cette haine. Ils les rejettent. Cependant, ils disent ‘C'est son droit d'exprimer son opinion tant qu'il ne commet pas d'acte nuisible concret’.»

Al-Issa, qui considère l'action de Momika comme un crime, a ajouté: «Nous avons des divergences avec la philosophie de cette constitution. Nous dénonçons explicitement cet acte odieux. Nous le condamnons de toutes les manières possibles.»

En mars 2019, Arab News a pris clairement position contre ceux qui encouragent les discours de haine au nom de la religion en lançant un projet Prédicateurs de haine dont le thème portait sur le fait qu'il ne peut y avoir de tolérance à l'intolérance.  

«Chaque semaine, nous nous concentrerons sur un prédicateur particulier, nous expliquerons ses croyances, nous mettrons la lumière sur ses édits remplis de haine et, surtout, nous le tiendrons responsable de ses paroles», a écrit Faisal J. Abbas, rédacteur en chef d'Arab News, dans un article intitulé «Il ne peut y avoir de tolérance à l'intolérance», qui présente la série.

La série a présenté, contextualisé et analysé des prédicateurs extrémistes de toutes religions, origines et nationalités, afin de mettre en lumière l'impact de leurs paroles sur les populations du monde entier.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Ukraine : nouveau contact américano-russe, les alliés de Kiev veulent faire pression sur Moscou

Des militants brandissent des pancartes anti-Poutine lors de la manifestation « L'Ukraine ne se rendra jamais » près du centre de villégiature Mar-a-Lago du président américain Donald Trump à West Palm Beach, en Floride, le 14 mars 2025. (Photo Giorgio Viera / AFP)
Des militants brandissent des pancartes anti-Poutine lors de la manifestation « L'Ukraine ne se rendra jamais » près du centre de villégiature Mar-a-Lago du président américain Donald Trump à West Palm Beach, en Floride, le 14 mars 2025. (Photo Giorgio Viera / AFP)
Short Url
  • Les chefs de la diplomatie américaine et russe ont « discuté des prochaines étapes » pour mettre fin à la guerre en Ukraine.
  • Le « Oui, mais » de la Russie ne suffit pas et tous les participants à la réunion de samedi sont convenus d'exercer une pression collective sur Moscou pour l'inciter à entériner ce plan.

WASHINGTON : Les chefs de la diplomatie américaine et russe ont « discuté des prochaines étapes » pour mettre fin à la guerre en Ukraine, quelques heures après que les alliés de Kiev ont convenu samedi d'exercer une « pression collective » sur la Russie, qu'ils soupçonnent de duplicité.

Lors d'une conversation téléphonique, le secrétaire d'État américain Marco Rubio et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov ont discuté des prochaines étapes de la mise en œuvre des récentes réunions en Arabie saoudite et ont convenu de continuer à travailler au rétablissement de la communication entre les États-Unis et la Russie, a déclaré la porte-parole du département d'État Tammy Bruce.

Elle n'a donné aucune précision sur la date du prochain cycle de pourparlers américano-russes, hébergés par l'Arabie saoudite.

Faisant également état de l'appel téléphonique des deux chefs de la diplomatie, le ministère russe des Affaires étrangères a indiqué dimanche qu'ils avaient abordé « les aspects concrets » du suivi des discussions de Jeddah et que « Sergueï Lavrov et Marco Rubio étaient convenus de rester en contact », sans mentionner la proposition américaine de cessez-le-feu.

Kiev a accepté le principe d'une trêve inconditionnelle de 30 jours si Moscou met fin à ses attaques dans l'est de l'Ukraine.

Le président russe Vladimir Poutine n'a toutefois accepté aucune trêve, posant au contraire des conditions maximalistes comme la cession par l'Ukraine de cinq régions annexées par la Russie, l'abandon des ambitions de Kiev de rejoindre l'Otan et le démantèlement du pouvoir ukrainien en place.

Samedi, une trentaine de dirigeants de pays ou d'organisations soutenant l'Ukraine ont, lors d'un sommet virtuel organisé par Londres, décidé d'exercer une « pression collective » sur la Russie, qu'ils soupçonnent de vouloir poursuivre la guerre, pour la pousser à accepter un cessez-le-feu.

« La balle est dans le camp de la Russie », qui « devra tôt ou tard (...) s'engager dans des discussions sérieuses », a déclaré le Premier ministre britannique Keir Starmer, selon lequel M. Poutine « est celui qui essaie de retarder les choses ».

- « Tout obtenir, puis négocier » -

Le « Oui, mais » de la Russie ne suffit pas et tous les participants à la réunion de samedi sont convenus d'exercer une pression collective sur Moscou pour l'inciter à entériner ce plan, a poursuivi Keir Starmer, faute de quoi il faudra « accroître la pression économique ».

Moscou « ne répond pas à la proposition des États-Unis et de l'Ukraine » en faveur d'une trêve d'un mois, a déploré pour sa part le président français Emmanuel Macron à l'issue du sommet virtuel.

Au contraire, le président russe Vladimir Poutine « intensifie les combats » et « veut tout obtenir, puis négocier », a-t-il accusé dans un message transmis à l'AFP par l'Élysée.

« C'est un moment de vérité, car si la Russie ne s'engage pas sincèrement dans la paix, le président Trump va durcir les sanctions et les représailles, et la situation va donc totalement changer de dynamique », a ajouté le président français.

La Russie cherche à avoir une « position plus solide » sur le champ de bataille avant d'accepter un arrêt provisoire des hostilités, a jugé le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui participait à la réunion en visioconférence depuis Kiev.

« Poutine ment aussi lorsqu'il affirme qu'un cessez-le-feu est trop compliqué. En réalité, tout peut être contrôlé et nous en avons discuté avec les Américains. »

- Garanties de sécurité -

Parallèlement, l'émissaire américain pour l'Ukraine et la Russie, Keith Kellogg, a été nommé « émissaire pour l'Ukraine » et aura la charge de « traiter directement » avec M. Zelensky, a fait savoir samedi Donald Trump.

Depuis deux semaines, Keir Starmer et Emmanuel Macron s'efforcent de constituer une « coalition de pays volontaires » qui déploieraient leurs forces sur le sol ukrainien en cas d'arrêt des combats, afin de dissuader Moscou de violer cette éventuelle trêve. Une possibilité dont la Russie ne veut pas entendre parler.

Revenant sur cette épineuse question, M. Macron a estimé que « si l'Ukraine demande à des forces alliées d’être sur son territoire, ce n'est pas à la Russie d'accepter ou pas ».

Sur le terrain, la Russie a évacué 371 civils, majoritairement âgés, des territoires qu'elle a reconquis dans sa région de Koursk, a annoncé dimanche le gouverneur Alexander Khinshtein sur les réseaux sociaux. Le sort de ces Russes pris au piège dans des zones conquises par l'Ukraine depuis l'été dernier avait suscité des critiques dans le pays.

Du côté ukrainien, une personne a été tuée par une attaque de drone dans la ville d'Izioum, dans la région de Kharkiv, et un immeuble résidentiel a pris feu et une maison a été endommagée samedi soir à Tcherniguiv (nord) à la suite d'une « attaque » russe qui n'a pas fait de victime, selon les autorités.


Réuni en Grèce, le CIO élira son nouveau président

Le CIO a rappelé mercredi que c'est la fédération internationale de chaque sport concerné aux JO qui a «seule autorité» en la matière (Photo, AFP).
Le CIO a rappelé mercredi que c'est la fédération internationale de chaque sport concerné aux JO qui a «seule autorité» en la matière (Photo, AFP).
Short Url
  • Le Japonais Morinari Watanabe, patron de la Fédération internationale de gymnastique, présente de loin la proposition la plus radicale : des JO organisés simultanément dans cinq villes de cinq continents. Le prince jordanien Feisal Al-Hussein insiste sur
  • jamais, en 130 ans d'existence, le CIO n'avait vu autant de candidats s'affronter.

COSTA NAVARINO, GRECE : Entouré d'une discrétion digne du Vatican, le Comité international olympique se réunira à partir de mardi en Grèce pour choisir, jeudi, un successeur à son président, l'Allemand Thomas Bach, dans un scrutin plus ouvert que jamais.

Vaisseau amiral du monde sportif, l'instance de Lausanne n'avait plus changé de patron depuis douze ans, quand Thomas Bach avait succédé en 2013 au Belge Jacques Rogge, avant d'être reconduit sans opposition en 2021, à la quasi-unanimité.

Si le Bavarois de 71 ans passera officiellement la main le 23 juin, les cent membres du CIO éliront son remplaçant dès jeudi, à bulletins secrets, dans le complexe balnéaire grec de Costa Navarino, au bord de la mer Ionienne.

Et l'élection s'annonce aussi historique qu'indécise : jamais, en 130 ans d'existence, le CIO n'avait vu autant de candidats s'affronter.

Dans une campagne sans sondages, où tout débat et soutien public sont interdits par la commission d'éthique, désigner un favori est d'autant plus périlleux qu'aucun prétendant ne « connecte autant d'éléments de légitimité » que Thomas Bach en 2013, observe Emmanuel Bayle, professeur en gestion du sport à l'Université de Lausanne.

- L'ombre de Samaranch père

Seuls Sebastian Coe, patron de World Athletics et double champion olympique du 1 500 m, et la Zimbabwéenne Kirsty Coventry, septuple médaillée en natation (dont deux titres), partagent un glorieux passé sportif avec l'Allemand, sacré en fleuret par équipes aux JO de 1976 à Montréal.

Mais alors que Bach, avocat d'affaires entré au CIO dès 1991 pour en gravir tous les échelons, « avait construit très en amont son épaisseur » présidentielle, Juan Antonio Samaranch Jr est le seul à afficher une ascension comparable au sein de l'instance, ajoute M. Bayle.

Visage aussi familier du monde olympique que méconnu en dehors, « Juanito » avait rejoint le CIO au moment où son père s'apprêtait à en quitter la présidence, en 2001, après 21 ans d'un règne marqué par l'explosion des revenus des JO et la fin des boycotts, mais aussi par des scandales de corruption, laissant une image contrastée.

Les quatre autres candidats s'avancent en outsiders : David Lappartient, champion du cumul de casquettes, dirige à la fois l'Union cycliste internationale et le comité olympique français. Il est le principal artisan de la désignation des des Alpes françaises pour accueillir les JO-2030.

Le Japonais Morinari Watanabe, patron de la Fédération internationale de gymnastique, présente de loin la proposition la plus radicale : des JO organisés simultanément dans cinq villes de cinq continents. Le prince jordanien Feisal Al-Hussein insiste sur la « paix » au service du sport, et le Britanno-Suédois Johan Eliasch vante son expérience à la tête de l'équipementier Head pour réformer le modèle économique.

- Alliances géopolitiques -

Quelle stratégie fera la différence face à un cénacle aussi hétéroclite, mêlant têtes couronnées, anciens champions et figures de l'administration et de l'industrie sportives, traditionnellement réticents à la moindre prise de position publique ?

Pour Jean-Loup Chappelet, spécialiste de l'olympisme à l'Université de Lausanne, « cette élection s'avère très géopolitique », à l'image d'un monde de plus en plus fracturé, « et il semblerait que trois blocs se dessinent ».

D'un côté, un soutien « des Russes, des Chinois et de leurs alliés » à Samaranch Jr, qui a plaidé a minima pour que les athlètes russes bénéficient aux JO-2026 de Milan du même dispositif sous drapeau neutre qu'aux JO-2024 de Paris, et avait présidé la commission de coordination des JO-2022 de Pékin.

De l'autre, un « bloc anglophone » derrière Sebastian Coe, « qui a fait une excellente campagne », alors que son âge (68 ans) l'empêche théoriquement de finir son premier mandat et que sa décision sans concertation d'attribuer des primes aux athlètes médaillés d'or à Paris a déclenché un tollé dans le monde olympique.

Enfin, une partie au moins des membres européens pourraient chercher en Lappartient un « candidat de compromis », estime M. Chappelet. Le Français compte aussi sur les voix africaines, sans garantie de les obtenir, lui qui a attribué au Rwanda l'organisation des Mondiaux de cyclisme 2025 et affirme que l'Afrique « mérite » enfin d'accueillir les Jeux.


Sur l'Ukraine, les pays du G7 cherchent à afficher une certaine unité

De gauche à droite, Kaja Kallas, responsable de la politique étrangère de l'Union européenne (UE), Takeshi Iwaya, ministre japonais des affaires étrangères, David Lammy, ministre britannique des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, ministre français des affaires étrangères, Mélanie Joly, ministre canadienne des affaires étrangères, Marco Rubio, secrétaire d'État américain, Annalena Baerbock, ministre allemande des affaires étrangères, et Antonio Tajani, ministre italien des affaires étrangères, posent pour une photo lors de la réunion des ministres des affaires étrangères du G7 à La Malbaie, au Québec, le 13 mars 2025. (AFP)
De gauche à droite, Kaja Kallas, responsable de la politique étrangère de l'Union européenne (UE), Takeshi Iwaya, ministre japonais des affaires étrangères, David Lammy, ministre britannique des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, ministre français des affaires étrangères, Mélanie Joly, ministre canadienne des affaires étrangères, Marco Rubio, secrétaire d'État américain, Annalena Baerbock, ministre allemande des affaires étrangères, et Antonio Tajani, ministre italien des affaires étrangères, posent pour une photo lors de la réunion des ministres des affaires étrangères du G7 à La Malbaie, au Québec, le 13 mars 2025. (AFP)
Short Url
  • Les chefs de diplomatie du G7 poursuivent jeudi soir leurs discussions pour parvenir à parler d'une même voix sur l'Ukraine malgré une approche américaine devenue plus conciliante à l'égard de Moscou
  • L'unité du groupe est fortement ébranlée par le retour à la Maison Blanche de Donald Trump, qui s'est rapproché de manière spectaculaire de Vladimir Poutine

Charlevoix, Canada: Les chefs de diplomatie du G7 poursuivent jeudi soir leurs discussions pour parvenir à parler d'une même voix sur l'Ukraine malgré une approche américaine devenue plus conciliante à l'égard de Moscou avec Donald Trump.

Mélanie Joly, la ministre des Affaires étrangères du Canada, pays hôte du G7, doit tenir une conférence de presse vendredi à 8H30 (12H30 GMT) pour le dernier jour des discussions.

L'unité du groupe - Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Royaume-Uni et Japon - est fortement ébranlée par le retour à la Maison Blanche de Donald Trump, qui s'est rapproché de manière spectaculaire de Vladimir Poutine et mène une guerre commerciale avec ses proches alliés.

Le porte-parole du ministère japonais des Affaires étrangères, Toshihiro Kitamura, a dit espérer que le G7 parvienne à une déclaration d'unité sur l'Ukraine.

"Si nous ne le faisons pas, cela ne fera que profiter à des pays comme la Chine et la Russie", s'est inquiété M. Kitamura.

Selon une source diplomatique à l'AFP, "il reste du travail" pour s'accorder malgré les désaccords. "Tout le monde s'observe, chacun reste sur ses positions mais sans se montrer offensif", a décrit cette même source.

Le pivot de Donald Trump vers la Russie a provoqué une onde de choc en Europe et au-delà. Et a conduit les Européens à accélérer les discussions sur un avenir de défense sans les Etats-Unis.

- "Très fermes" -

L'Ukraine est le sujet numéro un de ce sommet multilatéral de trois jours des ministres des Affaires étrangères du G7 à Charlevoix, dans un hôtel qui surplombe le fleuve Saint-Laurent.

Il intervient juste après le feu vert de Kiev à la proposition américaine d'un cessez-le-feu de 30 jours, plus de trois ans après l'invasion russe.

Pendant la réunion du G7, Vladimir Poutine, dont le monde entier attendait la réponse, s'est dit depuis Moscou "pour" une trêve.

"Mais il y a des nuances" et des "questions importantes" à régler, a-t-il immédiatement temporisé, demandant à en discuter avec les Etats-Unis.

Washington presse Moscou d'accepter une trêve "sans conditions", comme gage de bonne volonté.

"Nous devons être très fermes sur le fait que tout cessez-le-feu ne peut être assorti de conditions", a renchéri la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas dans une interview à CNN jeudi en marge du sommet.

"Si la Russie veut mettre fin à cette guerre, ils n'ont qu'à arrêter de bombarder l'Ukraine", a-t-elle souligné.

En ouvrant la session formelle du G7, Mélanie Joly a appelé les puissances à "continuer à soutenir l'Ukraine face à l'agression illégale de la Russie" pour aboutir à "une paix juste et durable en Ukraine".

"A quoi servirait un cessez-le-feu qui, dans deux ou quatre ans, conduirait à plus de souffrance, plus de destructions, plus de guerre en Europe?", a averti en amont la ministre allemande Annalena Baerbock.

- Trump encore à l'attaque -

Outre l'Ukraine, les chefs de diplomatie ont également abordé le conflit au Proche-Orient et la détérioration de la situation en Syrie.

Toutes ces discussions sont compliquées par les très fortes tensions entre les Etats-Unis et le reste du G7, notamment en raison de la guerre commerciale lancée par Donald Trump.

Le secrétaire d'Etat Marco Rubio est le premier haut responsable américain à fouler le sol canadien depuis le retour du républicain à la Maison Blanche.

Jeudi, ce dernier a menacé la France et l'Union européenne d'imposer des droits de douane de 200% sur leurs champagnes, vins et autres alcools.

La veille, des taxes douanières de 25% sont entrées en vigueur sur les importations d'acier et d'aluminium, entraînant des représailles immédiates de nombreux pays.

Cette guerre commerciale se double pour le Canada d'une menace plus lourde: Donald Trump veut le voir devenir le "51e Etat" américain.

Le milliardaire a continué jeudi sur sa lancée des dernières semaines, estimant que le Canada "ne fonctionne que s'il est un État" américain.

"Ce serait le pays le plus incroyable visuellement. Si vous regardez une carte, vous verrez qu'ils ont tracé une ligne artificielle entre le Canada et les États-Unis", a-t-il déclaré à des journalistes à Washington.