La révélation des mensonges israéliens ne relancera pas la solution des deux États

Des Palestiniens affrontent les forces israéliennes lors d'une opération militaire israélienne à Jénine. (Reuters)
Des Palestiniens affrontent les forces israéliennes lors d'une opération militaire israélienne à Jénine. (Reuters)
Short Url
Publié le Vendredi 07 juillet 2023

La révélation des mensonges israéliens ne relancera pas la solution des deux États

La révélation des mensonges israéliens ne relancera pas la solution des deux États
  • L'une des affirmations les plus répétées des partisans d'Israël est la suivante: les Palestiniens ne veulent pas la paix avec Israël
  • L'échec de l'ère Camp David II et la déformation de la réalité ont réussi à convaincre jusqu’au camp de la paix israélien que le responsable de l'échec n'était autre que la direction palestinienne

L'une des affirmations les plus répétées des partisans d'Israël est la suivante: les Palestiniens ne veulent pas la paix avec Israël. Ces propagandistes énumèrent régulièrement un certain nombre d'offres israéliennes – qui sont toutes en deçà des normes et des lois internationales –, arguant que le refus des Palestiniens prouve qu'ils ne sont pas intéressés par la paix.

Les efforts des Palestiniens pour réfuter ces affirmations tombent dans l'oreille d'un sourd, même si la situation sur le terrain, à quelque moment que ce soit depuis 1967 – en particulier en ce qui concerne l'entreprise illégale de colonisation israélienne, l'annexion (internationalement rejetée) de Jérusalem-Est et les violations constantes des droits de l'homme par Israël –, ne semble pas avoir la moindre importance. Les Israéliens, bien sûr, croient à la théorie de leur propre gouvernement, tout comme la plupart des pays occidentaux qui soutiennent aveuglément Tel-Aviv, indépendamment de ses actions et de son refus d'honorer la solution à deux États, que ces pays soutiennent publiquement.

L'attaque la plus fréquente contre les dirigeants palestiniens est peut-être le résultat de l'échec des réunions de Camp David II, en 2000, et des «paramètres de Clinton» qui ont suivi. Avant la réunion de l'automne 2000 à laquelle le président Bill Clinton a invité Yasser Arafat et Ehud Barak, les dirigeants palestiniens hésitaient à se rendre aux États-Unis. Arafat a fait valoir que les Israéliens n'avaient pas montré qu'ils étaient prêts à faire les choix difficiles nécessaires à la paix. Et il a prédit avec précision que, en cas d'échec des pourparlers, il serait blâmé et que l'absence de percée aurait des effets dévastateurs.

Pour sa part, Clinton, encore sous le coup du scandale Lewinsky et désireux de terminer sa présidence en beauté, a promis à Arafat qu'il ne serait pas pointé du doigt. Il est revenu sur sa promesse lorsque les négociations ont échoué et, avec Barak, a rendu le dirigeant palestinien responsable de cet échec.

Une autre tentative de Clinton – les «paramètres de Clinton», proposés en décembre 2000 – a également échoué. Alors que les Israéliens et les Palestiniens acceptaient l'offre de Clinton avec des réserves, les Américains ont affirmé que les réserves israéliennes étaient simples et «dans le cadre défini», tout en décrivant les réserves palestiniennes comme «en dehors du cadre défini». Les efforts déployés par les Palestiniens pour répondre à cette affirmation sont restés vains et les affirmations israélo-américaines ont visiblement perduré.

Aujourd'hui, plus de vingt ans plus tard, alors qu'Israël a déclassifié certains documents de l'époque de Camp David II, des chercheurs et d'autres personnes découvrent la vérité: les dirigeants américains et israéliens ont menti au monde entier et les réserves d'Israël – insistant sur son droit d'annexer le territoire palestinien et rejetant la reconnaissance du droit au retour – constituaient des violations du droit international.

Les documents israéliens déclassifiés comprennent une lettre adressée au conseiller à la sécurité nationale des États-Unis et signée du nom du Premier ministre israélien. Elle indique notamment que l'objectif d'Israël est d’«incorporer 80% des colons dans les blocs de colonies sous la souveraineté israélienne» et que, pour atteindre cet objectif, il combinera «le périmètre d'annexion suggéré avec des accords de location à long terme de territoires supplémentaires».

Le document déclassifié souligne également que la position d'Israël diffère de celle de Clinton en ce sens qu'il devrait y avoir un «régime spécial pour l'ensemble du bassin sacré». Israël s'est également plaint d'être en désaccord avec les «paramètres de Clinton» en ce qui concerne «la police et les forces de sécurité palestiniennes, le mandat de la force internationale et le contrôle de la non-militarisation de la Palestine, les arrangements aériens, ainsi que le calendrier et les arrangements suggérés dans d'autres domaines importants sur le plan de la sécurité et de l'armée».

Les revendications palestiniennes étaient des clarifications légitimes et ne relèvent pas, comme le prétend Israël, de la volonté de «bloquer le processus de paix».

Daoud Kuttab

L'écart le plus important dans le document israélien déclassifié concerne peut-être la question du droit au retour des réfugiés palestiniens tel qu’il est stipulé dans la résolution 194 de l'Assemblée générale des nations unies. Le document indique en effet: «Sur la question des réfugiés, les formules concernant leur droit au retour comportent certaines ambiguïtés, qu'Israël souhaite éviter».

En même temps, il est clair que les revendications palestiniennes, notamment en ce qui concerne le statut de la police palestinienne à l'extérieur du Haram al-Sharif, étaient des clarifications légitimes et qu’elles ne relèvent pas, comme le prétend Israël, de la volonté de «bloquer le processus de paix».

L'histoire montre que le président palestinien Arafat avait raison de penser que les Israéliens n'avaient pas pris la décision difficile d'accepter un État palestinien sur les frontières de juin 1967, ce qui, pour les Palestiniens, est un compromis majeur qui va très loin dans la direction israélienne – plus loin, même, que le plan de partage de 1947.

L'échec de l'ère Camp David II et la déformation de la réalité ont réussi à convaincre jusqu’au camp de la paix israélien que le responsable de l'échec n'était autre que la direction palestinienne. Ariel Sharon, chef de l'opposition israélienne à l'époque, conscient du rôle central de la mosquée Al-Aqsa dans les négociations, a fait exploser la situation en prenant d'assaut, en septembre 2000, la troisième mosquée la plus sacrée de l'islam. Il s’en est suivi une protestation palestinienne qui fut brutalement réprimée par Israël, provoquant l'Intifada Al-Aqsa. Au total, cent quarante et un Palestiniens ont été tués et cinq mille neuf cent quatre-vingt-quatre ont été blessés au cours du mois d'octobre 2000.

Les mots ont de l'importance et, lorsqu'ils sont utilisés pour véhiculer une fausse idée, ils ont un effet considérable. Ce que Clinton et Barak ont fait en imputant l'échec des négociations aux dirigeants palestiniens n'a cessé de hanter les Palestiniens depuis, tout en rendant beaucoup plus difficile la réalisation d'une paix israélo-palestinienne fondée sur la solution à deux États.

Cette triste réalité s'est manifestée cette semaine lorsque des engins militaires israéliens D9 ont littéralement détruit au bulldozer une partie du camp de Jénine, ce qui a obligé des familles à fuir pour garantir leur sécurité et parce que leurs maisons n'étaient plus habitables.

Israël n'a pas seulement détruit le camp de Jénine au bulldozer, il s'est frayé un chemin à travers le territoire occupé – un acte considéré comme une violation flagrante des droits de l'homme par la communauté internationale. L'acte même de construire des colonies et de détruire des maisons palestiniennes, en violation de la 4e convention de Genève, montre à ceux qui s'intéressent à la vérité que ce qui se passe sur le terrain est la seule réalité qui compte. La déclassification des archives israéliennes peut aider à expliquer le récit palestinien, mais elle ne ramènera pas les vies et les espoirs qui ont été perdus.

Daoud Kuttab est un ancien professeur de l'université de Princeton. Il a fondé et dirigé l'Institut des médias modernes de l'université Al-Qods, à Ramallah.

Sur Twitter: @daoudkuttab

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.