Les Srilankais quittent le navire face aux difficultés économiques

Des personnes font la queue pour acheter du kérosène à usage domestique dans une station d'approvisionnement à Colombo le 26 mai 2022. (Photo par ISHARA S. KODIKARA / AFP)
Des personnes font la queue pour acheter du kérosène à usage domestique dans une station d'approvisionnement à Colombo le 26 mai 2022. (Photo par ISHARA S. KODIKARA / AFP)
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Publié le Jeudi 20 juillet 2023

Les Srilankais quittent le navire face aux difficultés économiques

  • Depuis des décennies, nombreux sont les Srilankais qui partent travailler à l'étranger, occupant des emplois qualifiés ou pas, principalement dans les pays du Golfe
  • En 2023, après cinq mois, déjà 122.000 personnes enregistrées, soit autant qu'en 2021, sont parties, mais des responsables estiment que beaucoup d'autres ont quitté le territoire avec des visas de tourisme pour trouver un emploi ailleurs

COLOMBO, Sri Lanka : Affligés par une crise sans précédent, les Srilankais avaient pris l'habitude de faire la queue pour de la nourriture ou du carburant. Mais un autre type de file d'attente a fait son apparition... devant les bureaux de l'émigration.

«Ce que nous voyons comme de la normalité n'est qu'un mirage», dit Gayan Jayewardena. L'homme de 43 ans fait la queue, désabusé, devant un bureau du gouvernement où il doit récupérer le passeport de sa petite dernière.

«La situation ne s'améliore pas», déplore ce responsable d'un service client, dont la femme et les deux autres filles disposent déjà du précieux carnet.

A court de devises étrangères, la petite île de l'océan Indien, exsangue, a fait défaut sur sa dette extérieure de 46 milliards de dollars en avril 2022.

La pénurie de dollars en a entraîné d'autres: nourriture, médicaments, électricité, carburants... alimentant une vague de colère et de manifestations qui ont abouti à la fuite du président d'alors, Gotabaya Rajapaksa, bouté hors de son palais envahi le 9 juillet. Il a quitté le pays le 13.

Son successeur, Ranil Wickremesinghe, est bien parvenu à reconstruire des stocks, mais les prix ont explosé.

Le dirigeant a surtout doublé les impôts et réduit diverses subventions, des mesures très impopulaires pour reprendre le contrôle des finances nationales, ce que le FMI le pressait de faire afin de débloquer un plan de renflouement de 2,9 milliards de dollars.

M. Wickremesinghe a fini par l'obtenir fin mars.

Toutefois, même si les manifestations se sont calmées, la transition n'a pas convaincu la population et des flopées de Srilankais ont décidé de faire leurs valises.

- «C'est mieux de partir» -

«Quand on se met dans la peau de nos enfants, c'est mieux de partir. Nous voulons émigrer dans un pays comme la Nouvelle-Zélande», explique Gayan Jayewardena.

Maduranga, un ingénieur de 38 ans qui ne répond qu'à ce seul nom, affirme quant à lui que la hausse du coût de la vie et des impôts le poussent à envisager son avenir en Australie.

«Le coût grimpe, ça monte tous les jours, mais le salaire est le même», regrette-t-il.

Au cours des cinq premiers mois de l'année, 433.000 titres d'émigration ont été délivrés par les services srilankais. L'an dernier, 911.689 passeports avaient été remis, à l'époque où le pays subissait une récession économique de 7,8%. En 2021, le chiffre était de 382.500, avec au contraire 3,3% de croissance.

Un système de demande en ligne a même été mis en place en juin, bien que ceux désirant obtenir leur sésame rapidement vite doivent se présenter en personne.

«Mon numéro était le 976 et je pense qu'il y avait encore 500 personnes après moi», raconte Damitha Hitihamu, 51 ans, stupéfait par l'affluence au service de renouvellement de passeport en un jour.

Depuis des décennies, nombreux sont les Srilankais qui partent travailler à l'étranger, occupant des emplois qualifiés ou pas, principalement dans les pays du Golfe.

Dans les médias, on parle tous les jours des pénuries de médecins, d'infirmiers, d'ingénieurs et d'autres travailleurs spécialisés à cause de l'émigration massive.

- La construction très touchée -

Le secteur de la construction, l'un des plus gros employeurs nationaux, a affirmé qu'il commençait à perdre ses propres ouvriers spécialisés et autres professionnels à une vitesse alarmante.

L'an dernier, dans un contexte de récession et d'inflation galopante, l'industrie du bâtiment a vu partir 200.000 employés, et nombre de ceux qui sont encore là veulent en fait s'en aller, selon Nissanka Wijeratne, le secrétaire général de la Chambre de l'industrie de la construction.

L'an dernier, le nombre de Srilankais qui se sont déclarés auprès du service des emplois à l'étranger, obligatoire avant de travailler hors du Sri Lanka, a atteint un record de 311.000, contre 122.000 en 2021.

En 2023, après cinq mois, déjà 122.000 personnes enregistrées, soit autant qu'en 2021, sont parties, mais des responsables estiment que beaucoup d'autres ont quitté le territoire avec des visas de tourisme pour trouver un emploi ailleurs en Asie ou au Moyen-Orient.

Lalantha Perera, 43 ans, raconte que son salaire d'assureur n'est pas suffisant pour subvenir aux besoins de ses deux enfants et de sa femme. Il tente d'émigrer aussi.

«Après la campagne de manifestations l'an dernier, nous avons eu un peu de répit, dit-il à l'AFP. Mais ce n'est pas assez et je prévois de partir dans un pays européen».

Selon le groupe de réflexion Advocata, ce sont surtout les classes moyennes qui essaient d'émigrer.

Les plus pauvres, eux, «réduisent leurs repas», relève Dhananath Fernando, chef d'Advocata.

Wasantha Mudalige, dirigeant de la Fédération des étudiants de l'université de Nairobi, fait la grimace alors qu'il quitte sous caution le tribunal de Colombo Fort, à Colombo, le 1er février 2023. (Photo AFP)
Wasantha Mudalige, dirigeant de la Fédération des étudiants de l'université de Nairobi, fait la grimace alors qu'il quitte sous caution le tribunal de Colombo Fort, à Colombo, le 1er février 2023. (Photo AFP)

Le militant qui a renversé le président se prépare à une nouvelle révolte

La prison du Sri Lanka où il a été incarcéré l'an dernier a connu un moment de rare concorde, lorsque prisonniers et gardiens se sont pressés pour l'accueillir: c'est l'homme qui a renversé le président.

Le leader étudiant Wasantha Mudalige reste un symbole pour beaucoup, car il a su canaliser la colère de la population face à une crise économique sans précédent et constituer un mouvement qui a ébranlé les fondements du système politique srilankais.

Au plus fort des troubles de l'été dernier, il a participé au siège du palais présidentiel à Colombo, qui a conduit Gotabaya Rajapaksa, le président autrefois apprécié, à un exil humiliant. Et aujourd'hui l'activiste de 29 ans assure que le pays se prépare à une nouvelle révolte.

Le jeune homme, dont le visage chérubin dissimule des affrontements féroces avec la police anti-émeute, a passé des mois derrière les barreaux pour terrorisme.

Il se rappelle avoir «été accueilli très chaleureusement» à la prison, avec deux compagnons de lutte. «Même les gardiens de prison nous ont beaucoup soutenus. Ils nous considéraient comme les héros qui s'étaient débarrassés de Gota», le président déchu, a-t-il raconté à l'AFP en juin, après une audience devant le tribunal.

Aujourd'hui homme libre, M. Mudalige estime que son incarcération était un «sacrifice» nécessaire dans la bataille inachevée pour réformer le système politique du Sri Lanka.

Car «même si on s'est débarrassés de Gota, on n'a pas pu avoir le +changement de système+ qu'on demandait».

L'ancien chef de la Fédération interuniversitaire des étudiants (IUSF) «ne pense pas que le gouvernement puisse continuer longtemps». «Quand tu analyses la situation, ce n'est pas possible», ajoute-t-il.

- «Pas d'alternative» -

L'an dernier, Wasantha Mudalige avait à ses côtés une large coalition de moines bouddhistes vêtus de safran, de militants des minorités et de citoyens ordinaires indignés par la corruption du gouvernement et la mauvaise gestion de la crise économique.

«Ils n'avaient pas d'autre choix que de descendre dans la rue parce qu'ils n'avaient pas de carburant, pas de nourriture, pas d'électricité... les gens mouraient dans les files d'attente pour de l'essence», fustige l'activiste.

Le successeur de Rajapaksa, Ranil Wickremesinghe, a rapidement cherché à rétablir l'ordre en ordonnant à la police d'arrêter les dirigeants du mouvement.

Mudalige a été interpellé dans la rue alors qu'il quittait une manifestation contre la répression. Il a passé 167 jours en détention, soit la plus longue période de détention de tous ceux qui ont participé à la révolte de l'année dernière.

Il a été libéré sous caution, les charges les plus graves retenues contre lui ayant finalement été abandonnées après l'intervention et la condamnation d'Amnesty International et d'autres groupes de défense des droits humains.

- «Forces politiques anarchistes» -

Après la chute de son prédécesseur, M. Wickremesinghe a cherché à reconstruire le Sri Lanka grâce à un plan de sauvetage du FMI en échange d'un programme d'austérité. Si les pénuries qui avaient attisé la colère du peuple ont pris fin, les fortes hausses d'impôts et des factures d'énergie sont vite devenues impopulaires.

Le président Wickremesinghe affirme que ces réformes sont nécessaires pour sortir le Sri Lanka de la faillite et relancer la croissance économique. En février, il s'est engagé à aller de l'avant «quels que soient les obstacles que les forces politiques anarchistes cherchent à créer».

Son administration a maintenu une ligne dure à l'égard des protestataires, dispersant les manifestations à coups de gaz lacrymogènes et de canons à eau.

Mais Wasantha Mudalige prévient que les frustrations de la population acculée par la spirale des prix la ramèneront à coup sûr dans la rue.

«Il arrivera un moment où on devra inévitablement lancer une nouvelle bataille. La forme de cette bataille ne sera peut-être pas la même que la précédente (...), mais de toute évidence, il y aura un combat du peuple», promet-il.

«Le gouvernement utilise la police et l'armée pour supprimer toute dissidence. C'est comme essayer de faire couler une balle en plastique», explique-t-il. «Tu peux le faire autant de temps que tu veux, ça remontera toujours à la surface.»

 

Les principales étapes de la crise politique et économique au Sri Lanka

Le Sri Lanka traverse depuis plus d'un an une profonde crise économique et politique. Entre défaut sur sa dette extérieure, fuite du président d'alors et renflouement du FMI, l'AFP revient sur les événements marquants de ces quinze derniers mois:

- Nuit de violences -

Dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2022, des centaines de manifestants tentent de prendre d'assaut la résidence du président Gotabaya Rajapaksa à Colombo et réclament sa démission.

L'île d'Asie du Sud de 22 millions d'habitants vit sa pire crise économique depuis son indépendance en 1948 avec de sévères pénuries de nourriture, de carburant et de médicaments.

Le 1er avril, les manifestations s'étendent. Le président proclame l'état d'urgence.

Le 3, le gouvernement démissionne à l'exception du président et de son frère aîné, le Premier ministre Mahinda Rajapaksa.

Le 5, le président perd sa majorité au Parlement.

L'état d'urgence est levé.

- Défaut de paiement -

Le 12, le Sri Lanka fait défaut sur sa dette extérieure de 46 milliards de dollars.

Le 6 mai, l'état d'urgence est réimposé après des grèves générales.

- Démission du Premier ministre -

Le 9 mai, le Premier ministre démissionne après des attaques de ses partisans contre les manifestants anti-gouvernementaux ayant fait neuf morts et plus de 225 blessés.

Le 12, le président nomme Ranil Wickremesinghe Premier ministre.

- Le président en exil -

Le 9 juillet, le président fuit son palais envahi.

Le 13, il quitte le pays, et démissionne par courriel depuis Singapour le lendemain (il rentrera à Colombo le 2 septembre).

Toujours le 13 juillet, Ranil Wickremesinghe, 73 ans, devient président par intérim.

Le 20, il est élu.

- Accord avec le FMI -

Le 18 août, expiration de l'état d'urgence.

Le 30, le président annonce une hausse de la TVA de 12 à 15% pour tous les biens et services.

Le 1er septembre, le FMI annonce une aide conditionnelle de 2,9 milliards de dollars pour assainir les finances du Sri Lanka qui devra aussi obtenir des "assurances financières" de ses créanciers.

- En faillite jusqu'en 2026 -

Le 8 février, le président déclare au Parlement que Le Sri Lanka va rester en faillite au moins jusqu'en 2026.

Le 23 février, premier investissement étranger majeur depuis le défaut de paiement: 442 millions de dollars du conglomérat indien Adani sont annoncés.

Le 7 mars, Ranil Wickremesinghe annonce que la Chine accepte de restructurer ses prêts au Sri Lanka. Le dernier obstacle au déblocage du plan de sauvetage du FMI est levé.

Le 16 mars, contraction record de l'économie: 7,8% en 2022.

- Plan d'aide du FMI et restructuration -

Le 20 mars, le FMI valide un plan d'aide de 2,9 milliards de dollars sur 48 mois.

Le 23 mai, le Fonds demande au Sri Lanka d'accélérer la restructuration de sa dette.

Le 1er juin, la banque centrale réduit fortement ses taux d'intérêt pour la première fois en trois ans, voyant des signes de reprise.

Le 29, la banque centrale du Sri Lanka dévoile son vaste plan de restructuration de la dette intérieure visant à rétablir la stabilité. Elle envisage une décote de 30% sur les obligations libellées en dollars, y compris les obligations souveraines internationales.

 

 

Slave Island, au bord de la famine

«La vie est plus dure que l'année dernière» quand les Srilankais célébraient l'éviction de leur président. Les joues creuses et les côtes saillantes, Milton Perera se demande toujours si sa famille pourra manger le lendemain.

Avant sa fuite spectaculaire l'an dernier, Gotabaya Rajapaksa était tenu pour responsable de la pire crise économique de l'île d'Asie du Sud depuis son indépendance en 1948. La population a alors souffert de sévères pénuries de nourriture et de carburant, de coupures d'électricité et d'une inflation galopante.

Mais un an après, Milton Perera, comptable à sa retraite, ainsi que des millions de ses compatriotes, bataillent pour se payer de quoi manger.

«L'année dernière, nous avions de l'argent, mais pas de biens. Aujourd'hui, on a des biens, mais nous n'avons pas d'argent», confie à l'AFP le retraité de 75 ans, dans son HLM délabré, à proximité du front de mer d'où les manifestants ont marché, il y a un an, sur le palais présidentiel, provoquant la chute et l'exil de Rajapaksa.

Sa maison de Slave Island -- un quartier populaire de Colombo où les Portugais avaient hébergé des esclaves africains pendant la période coloniale -- est inondé par un dégât des eaux. Les autorités municipales ne viennent pas, faute d'argent pour entretenir leurs biens.

Les joues creuses et les veines saillantes sur ses membres décharnés, M. Perera se déplace avec précaution, la respiration sifflante, en raison de son asthme chronique.

Avant la crise, les hôpitaux publics lui fournissaient gratuitement les médicaments indispensables. Mais il y a deux mois, ses allocations sociales ont été supprimées et il n'a plus les moyens de s'acheter un inhalateur pour traiter ses symptômes.

«Un inhalateur coûte 2.500 roupies (28 euros)», précise son épouse B. M. Pushpalatha, alors qu'il leur faut désormais «acheter» les médicaments à la pharmacie.

Les factures d'eau et d'électricité aussi ont doublé avec la suppression des subventions gouvernementales aux services publics.

Il y a un an, lors de la première visite de l'AFP dans le foyer, le couple, ses deux enfants et la famille élargie devaient déjà sauter régulièrement des repas. Un an plus tard, les supermarchés sont à nouveau bien approvisionnés en produits de base mais la famille de M. Perera ne peut pas les acheter.

«Nous ne pouvons pas nous permettre d'acheter de la viande, du poisson et des oeufs. C'est trop cher», soupire B. M. Pushpalatha, 69 ans, pendant que le couple partage un simple plat de lentilles et de riz.

- «Vous ne mourrez pas de faim» -

Le Sri Lanka a fait défaut sur sa dette extérieure de 46 milliards de dollars en avril 2022, alors que son économie connaissait une crise sans précédent.

Devant les stations-services, les files de voitures s'étiraient sur des kilomètres. Les automobilistes passaient des jours à attendre pour faire le plein -- beaucoup en sont morts.

Les familles n'avaient pas non plus de gaz pour faire cuire leurs aliments et l'agriculture était au point mort faute d'engrais.

Des mois de manifestations de colère ont abouti, le 9 juillet, à l'assaut du palais présidentiel et à l'exil de Rajapaksa.

Son successeur, Ranil Wickremesinghe, a négocié auprès du FMI un plan de sauvetage de 2,9 milliards de dollars en mars en échange d'un régime d'austérité sévère pour combler la dette.

Il a reconnu en février que «bon nombre» de ses décisions avaient été «impopulaires». Mais grâce à elles «aucun citoyen de ce pays ne mourra plus de déshydratation dans les files d'attente pour l'essence. Vous ne mourrez pas de faim sans gaz ni engrais», a-t-il alors proclamé devant la nation.

- Sept millions sous le seuil de pauvreté -

Mais quatre millions de Srilankais supplémentaires sont tombés sous le seuil de pauvreté depuis le début de la crise, selon Dhananath Fernando, directeur du groupe de réflexion Advocata Institute, basé à Colombo.

«Cela signifie qu'environ sept millions de personnes sur les 22 millions d'habitants que compte le pays gagnent moins de 14.000 roupies (42 euros) par mois», dit-il à l'AFP. Parmi eux, près de quatre millions de Sri Lankais n'ont pas les moyens de se nourrir convenablement, selon les Nations unies en juin.

Si les mesures d'austérité ne commencent pas à porter leurs fruits, l'île risque de renouer avec l'agitation sociale. «Si nous ne parvenons pas à remettre le Sri Lanka sur la voie de la croissance, je l'exclus pas complètement», redoute l'expert.

 

 


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
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  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.


Canada: le libéral Mark Carney donné vainqueur après une campagne centrée sur Trump

Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
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  • Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays
  • Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti

OTTAWA: Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays.

Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti.

Il y a quelques mois encore, la voie semblait toute tracée pour permettre aux conservateurs canadiens emmenés par Pierre Poilievre de revenir aux affaires, après dix ans de pouvoir de Justin Trudeau.

Mais le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et son offensive inédite contre le Canada, à coups de droits de douane et de menaces d'annexion, ont changé la donne.

A Ottawa, où les libéraux sont réunis pour la soirée électorale dans une aréna de hockey, l'annonce des résultats a provoqué une salve d'applaudissements et des cris enthousiastes.

"Je suis si heureuse", lâche sur place Dorothy Goubault, originaire de la région des Mille Iles en Ontario. "Je suis contente car nous avons quelqu'un qui peut parler à M. Trump à son niveau. M. Trump est un homme d'affaires. M. Carney est un homme d'affaires, et je pense qu'ils peuvent tous les deux se comprendre".

Pour le ministre Steven Guilbeault, "les nombreuses attaques du président Trump sur l'économie canadienne, mais aussi sur notre souveraineté et notre identité même, ont vraiment mobilisé les Canadiens", a-t-il déclaré sur la chaine publique CBC.

Et les électeurs "ont vu que le Premier ministre Carney avait de l'expérience sur la scène mondiale".

Mark Carney n'avait pas encore pris la parole à minuit locales (04H00 GMT), tandis que se poursuivait le dépouillement.

Dans les longues files devant les bureaux de vote toute la journée, les électeurs ont souligné l'importance de ce scrutin, parlant d'élections historiques et déterminantes pour l'avenir de ce pays de 41 millions d'habitants.

- "Chaos" -

À 60 ans, Mark Carney, novice en politique mais économiste reconnu, a su convaincre une population inquiète pour l'avenir économique et souverain du pays qu'il était la bonne personne pour piloter le pays en ces temps troublés.

Cet ancien gouverneur de la banque du Canada et de Grande-Bretagne n'a cessé de rappeler pendant la campagne que la menace américaine est réelle pour le Canada.

"Ils veulent nos ressources, notre eau. Les Américains veulent notre pays", a-t-il prévenu.

"Le chaos est entré dans nos vies. C'est une tragédie, mais c'est aussi une réalité. La question clé de cette élection est de savoir qui est le mieux placé pour s'opposer au président Trump?", a-t-il expliqué pendant la campagne.

Pour faire face, il a promis de maintenir des droits de douane sur les produits américains tant que les mesures de Washington seront en place.

Mais aussi de développer le commerce au sein de son pays en levant les barrières douanières entre provinces et de chercher de nouveaux débouchés, notamment en Europe.

En face, le chef conservateur, qui avait promis des baisses d'impôts et des coupes dans les dépenses publiques, n'a pas réussi à convaincre les électeurs de ce pays du G7, 9e puissance mondiale, de tourner le dos aux libéraux.

Pierre Poilievre aura aussi souffert jusqu'au bout de la proximité, de par son style et certaines de ses idées, avec le président américain, ce qui lui a aliéné une partie de l'électorat, selon les analystes.

Au QG des conservateurs à Ottawa, Jason Piche se dit toutefois "surpris" des résultats, "je pensais que ce serait plus serré que ça".

Un peu plus loin, Jean-Guy Bourguignon, homme d'affaires de 59 ans, se dit carrément "très triste". "Est-ce que c'est vraiment ça le pays dans lequel nous voulons vivre?", demande-t-il alors qu'il énumère les politiques des libéraux, qu'il juge liberticides.

Près de 29 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes dans ce vaste pays du G7 qui s'étend sur six fuseaux horaires. Et plus de 7,3 millions de personnes avaient voté par anticipation, un record.


Ukraine: Poutine annonce une trêve du 8 au 10 mai, «tentative de «manipulation»» répond Zelensky

Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors d'une réunion du Conseil des législateurs à Saint-Pétersbourg, le 28 avril 2025. (AFP)
Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors d'une réunion du Conseil des législateurs à Saint-Pétersbourg, le 28 avril 2025. (AFP)
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  • Le président russe Vladimir Poutine a annoncé lundi une trêve sur le front en Ukraine durant trois jours du 8 au 10 mai
  • Son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky denonçant une "tentative de manipulation"

MOSCOU: Le président russe Vladimir Poutine a annoncé lundi une trêve sur le front en Ukraine durant trois jours du 8 au 10 mai, à l'occasion de la commémoration de la victoire sur l'Allemagne nazie, son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky denonçant une "tentative de manipulation".

Le président américain Donald Trump exhorte Kiev et Moscou à conclure un cessez-le-feu et un accord de paix, trois ans après le début de l'offensive russe ayant déjà fait des dizaines de milliers de morts civils et militaires.

"A partir de minuit entre le 7 et le 8 mai, et jusqu'à minuit entre le 10 et le 11 mai, la partie russe annonce un cessez-le-feu", a indiqué le Kremlin dans un communiqué. "Pendant cette période, toutes les opérations de combat seront arrêtées".

D'après la présidence russe, Vladimir Poutine a pris cette décision unilatérale "pour des raisons humanitaires" et à l'occasion des célébrations du 80e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.

Pour M. Zelensky, au contraire, "il y a désormais une nouvelle tentative de manipulation". "Pour une raison, a-t-il dit dans son adresse quotidienne, tout le monde doit attendre le 8 mai et ne cesser le feu qu'ensuite pour garantir le silence" lors de la parade du 9 mai sur la place Rouge à Moscou.

La Russie commémore le 9 mai cet événement dont Vladimir Poutine a fait un marqueur essentiel de la puissance retrouvée du pays. Les dirigeants d'une vingtaine de pays sont attendus pour un défilé militaire en grande pompe sur la place Rouge à Moscou.

Le Kremlin a dit considérer que l'Ukraine "devrait suivre cet exemple", tout en prévenant que les forces russes "fourniront une réponse adéquate et efficace" en cas de violation de la trêve.

Vladimir Poutine avait déjà déclaré un bref cessez-le-feu de 30 heures les 19 et 20 avril à l'occasion de Pâques. Les deux camps s'étaient ensuite accusés de l'avoir violé, même si une baisse de l'intensité des combats avait été ressentie dans plusieurs secteurs du front.

"Accroître la pression sur la Russie"

La Maison Blanche a soutenu lundi que Donald Trump souhaitait un cessez-le-feu "permanent" en Ukraine et pas seulement une trêve temporaire.

Les Etats-Unis, jusque-là le premier soutien de l'Ukraine, veulent tourner la page aussi vite que possible quitte, craint Kiev, à accepter des dispositions très favorables à Moscou.

Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a dit dimanche à son homologue russe, Sergueï Lavrov, qu'il était temps de mettre fin à une "guerre insensée" en Ukraine, selon un communiqué lundi.

De son côté, le président français Emmanuel Macron a affirmé que "dans les huit à dix jours prochains, nous allons accroître la pression sur la Russie", dans un entretien publié par le magazine Paris Match.

Il a estimé avoir "convaincu les Américains de la possibilité d’une escalade des menaces, et potentiellement de sanctions" contre Moscou.

Conditions maximalistes de Poutine 

La Russie maintient des conditions maximalistes concernant l'Ukraine, dont elle veut la reddition et le renoncement à rejoindre l'Otan, tout en s'assurant de pouvoir garder les territoires ukrainiens annexés.

La reconnaissance internationale de l'annexion russe de la Crimée et de quatre autres régions ukrainiennes est une condition "impérative" à la paix, a encore martelé lundi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.

La Russie a annexé la péninsule ukrainienne de Crimée en mars 2014, ce que la communauté internationale, Etats-Unis compris, n'a jamais reconnu.

En septembre 2022, quelques mois après le déclenchement de son assaut à grande échelle, elle a aussi revendiqué l'annexion de quatre régions ukrainiennes qu'elle occupe partiellement, celles de Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporijjia.

La Russie, qui a l'avantage sur le front, a revendiqué lundi la prise de Kamyanka, un village de la région de Kharkiv, dans le nord-est de l'Ukraine.

La Corée du Nord a pour la première fois reconnu lundi avoir envoyé des troupes en Russie et qu'elles avaient aidé Moscou à reprendre aux Ukrainiens les zones de la région de Koursk dont ils s'étaient emparés.

Trois personnes ont par ailleurs été tuées lundi dans une attaque russe contre un village de la région de Donetsk (est), selon les services du procureur régional.