L'astronaute émirati Sultan al-Neyadi déclare à Arab News: «C'est une nouvelle ère pour l'exploration spatiale arabe»

Lama al-Hamawi s'adressant à Sultan al-Neyadi depuis le Centre spatial Mohammed ben Rached à Dubaï (Capture d’écran).
Lama al-Hamawi s'adressant à Sultan al-Neyadi depuis le Centre spatial Mohammed ben Rached à Dubaï (Capture d’écran).
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Publié le Dimanche 30 juillet 2023

L'astronaute émirati Sultan al-Neyadi déclare à Arab News: «C'est une nouvelle ère pour l'exploration spatiale arabe»

  • Al-Neyadi rends hommage au prince Sultan, pionnier arabe de l'espace, et se souvient de la rencontre «extraordinaire» avec les astronautes saoudiens Rayyanah Barnawi et Ali al-Qarni à bord de l'ISS
  • Il souligne l'importance des matières de science, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM) pour préparer et inspirer la prochaine génération d'astronautes arabes

DUBAÏ: Les missions habitées lancées par les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite marquent «une nouvelle ère dans l'exploration spatiale arabe», a déclaré l'astronaute émirati Sultan al-Neyadi à Arab News depuis la Station spatiale internationale.

Premier astronaute arabe déployé dans le cadre d'une mission spatiale de longue durée – Al-Neyadi est arrivé à l'ISS en mars aux côtés de trois Américains et de trois Russes. Il est le premier Arabe à effectuer une sortie dans l'espace en ouvrant la voie à l'industrie spatiale naissante du monde arabe.

«Honnêtement, c'est un grand honneur de suivre les traces des pionniers de l'espace dans le monde arabe: Le prince Sultan ben Salmane, Mohammed Faris et mon collègue Hazzaa al-Mansouri, qui ont voyagé dans l'espace avant moi», a-t-il déclaré lors d'une interview réalisée vendredi depuis le centre spatial Mohammed ben Rached de Dubaï, via une liaison vidéo avec l'ISS.

Al-Neyadi faisait référence au prince Sultan d'Arabie saoudite, qui s'est envolé à bord de la navette spatiale Discovery de la mission américaine STS-51-G en 1985, devenant ainsi le premier Arabe dans l'espace; Faris, le premier Syrien et le deuxième Arabe dans l'espace, voyageant à bord du Soyouz TM-3 vers la station spatiale Mir en 1987; et Al-Mansouri, le premier Émirati dans l'espace, qui a passé huit jours à bord de l'ISS en 2019.

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Adnan al-Rais, directeur général adjoint (secteur des opérations spatiales et de l'exploration) et chef de mission du programme des astronautes des EAU, fait visiter le Centre spatial Mohammed ben Rached à Dubaï à la journaliste d'Arab News Lama al-Hamawi (Photo, AN).

«C'est une grande réussite pour toutes les missions, mais nous devons continuer à relever de nouveaux défis», a indiqué Al-Neyadi.

La mission que nous menons actuellement en est un parfait exemple. Passer six mois à bord de la station spatiale est vraiment important pour participer à l'effort humain visant à repousser les limites de l'exploration spatiale.

«L'EVA (activité extravéhiculaire) que j'ai effectuée est la première du genre dans le monde arabe et ouvrira certainement la voie à de nombreux astronautes», a-t-il expliqué.

Il a ajouté: «C'est sans aucun doute une nouvelle ère. C'est une nouvelle époque pour les explorations spatiales du monde arabe.»

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Lama al-Hamawi s'adressant à Sultan al-Neyadi depuis le Centre spatial Mohammed ben Rached (Photo, AN).

L'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont tous deux investi dans leurs industries spatiales respectives, en mettant l'accent sur la technologie et la recherche médicale.

L'agence spatiale saoudienne a été créée il y a quatre ans par décret royal afin d'accélérer la diversification économique, de renforcer la recherche et le développement et d'accroître la participation du secteur privé à l'industrie spatiale mondiale.

Depuis son lancement, le programme spatial de l’Arabie saoudite, financé par l'État, a conclu des accords avec plusieurs agences spatiales, entreprises astronautiques et universités de premier plan du monde entier, afin de renforcer leur coopération.

Le 22 mai, Rayyanah Barnawi, une scientifique qui est devenue la première femme saoudienne à aller dans l'espace, et Ali al-Qarni, un pilote de chasse de formation, se sont rendus à l'ISS dans le cadre d'une mission privée.

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La journaliste d'Arab News Lama al-Hamawi au Centre spatial Mohammed ben Rached (Photo, AN).

«L'arrivée des astronautes saoudiens de l'Axiom 2 à la Station spatiale internationale a été un grand moment de rencontre et d'échange sur l'intérêt de l'espace», a signalé Al-Neyadi, en faisant référence à la visite de Barnawi et d’Al-Qarni. 

«C'était, honnêtement, une expérience surréaliste. Voir deux Arabes arriver à la station spatiale et... discuter avec eux en arabe. C'était incroyable et, encore une fois, c'était passionnant de partager l'expérience avec eux. J'étais déjà en mission depuis deux mois et je leur racontais tout ce que j'avais appris et les choses amusantes qu'ils pouvaient faire.»

«Leur mission était purement scientifique. J'ai été heureux d'aider et de faciliter la plupart des activités à bord. C'était un grand honneur et un plaisir de travailler avec eux», a précisé Al-Neyadi.

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«L'arrivée des astronautes saoudiens de l'Axiom 2 à la Station spatiale internationale a été un grand moment de rencontre et d'échange sur l'intérêt de l'espace», a signalé Al-Neyadi, en faisant référence à la visite de Barnawi et d’Al-Qarni en mai (Photo fournie / L'Agence spatiale saoudienne).

Le programme des astronautes des Émirats arabes unis a été lancé en 2017 par le Cheikh Mohammed ben Rached al-Maktoum, vice-président et Premier ministre des Émirats arabes unis, et le cheikh Mohammed ben Zayed al-Nahyan, à l’époque commandant suprême adjoint des forces armées des Émirats arabes unis et actuel président des Émirats arabes unis.

Al-Neyadi, qui a remplacé Al-Mansouri lors de la première mission scientifique des Émirats arabes unis à destination de l'ISS, sous le slogan «L'ambition de Zayed», a été sélectionné pour cette mission parmi plus de 4 000 candidats à l'issue d'une série de tests physiques et mentaux.

En préparation de la mission, Al-Neyadi a commencé sa formation en septembre 2018 au Centre d'entraînement des cosmonautes Youri Gagarine à la Cité des étoiles à Moscou. Il a également suivi une formation à Houston, au Texas, et à Cologne, en Allemagne, dans le cadre d'accords de partenariat avec de grandes agences spatiales, notamment la NASA, l'ESA et la JAXA.

Al-Neyadi a suivi plus de 90 cours, soit plus de 1 400 heures de formation, notamment en matière de sécurité et de survie, de manœuvres dans une combinaison spatiale pesant jusqu'à 10 kg et de tâches quotidiennes telles que la préparation de la nourriture dans l'espace, l'utilisation d'appareils photo et les communications.

Son entraînement intensif l'a préparé à l'expérience passionnante, bien que totalement étrangère, de vivre et de travailler pendant une période prolongée en apesanteur, à 260 miles au-dessus de la surface de la Terre.

«C'est le moment de la journée que je préfère, en fait, lorsque je fais de l'exercice. Nous avons un appareil sur lequel nous nous exerçons et qui fait face à la plus grande fenêtre de la station», a révélé Al-Neyadi à Arab News.

«Je vois tout passer devant moi: les montagnes, les océans, les endroits que j'ai déjà visités.»

«La meilleure partie est donc de prendre des photos de ces endroits et de les partager avec le public, et c'est incroyable. On peut couvrir toute la Terre, et en 90 minutes, on voit le jour et la nuit. C'est surréaliste de tout voir à cette vitesse», a-t-il expliqué.

Malgré la vue imprenable sur le marbre bleu, une journée typique à bord de l'ISS semble plus familière que ce que l'on pourrait croire. «Je me réveille normalement à 4 heures du matin pour faire mes prières, puis je me rendors si je le peux», a confié Al-Neyadi.

EN BREF

* La station spatiale internationale en orbite basse est un projet auquel participent cinq agences spatiales: la NASA (États-Unis), la Roscosmos (Russie), la JAXA (Japon), l’ESA (Europe) et la CSA (Canada).

Il a poursuivi: «Sinon, je me réveille à 6h30, je prends mon petit-déjeuner, nous nous réunissons autour de l'ATU (unité terminale audio), qui est l'appareil de communication, et nous recevons les informations des différents centres de contrôle dans le monde entier.»

«Ensuite, nous commençons la routine quotidienne, qu'il s'agisse de science spatiale, d'entretien ou d'inventaire. Toutes ces activités sont en cours et nous procédons ainsi tous les jours jusqu'à midi, heure à laquelle nous nous réunissons pour la pause de midi, pour déjeuner et discuter des activités quotidiennes. Nous continuons jusqu'à 19h30, heure à laquelle nous nous réunissons pour le dernier débriefing de la journée», a ajouté Al-Neyadi.

«Il s'agit d'une routine quotidienne. Nous avons des jours spécifiques durant lesquels nous recevons des véhicules en visite ou effectuons des activités extravéhiculaires, et cela constitue ainsi l’activité de la journée. Les week-ends, nous nous réunissons tous ensemble, les sept membres de l'équipage, et nous regardons des films et prenons nos repas ensemble. C'est toujours amusant», a-t-il avisé.

Servir à bord de l'ISS n'est cependant pas sans difficultés. Loin de ses proches, Al-Neyadi se réjouit de retrouver le confort de son foyer à son retour sur Terre, plus tard dans l'année. «Ma famille me manque. Je veux d'abord les rencontrer», a indiqué ce père de six enfants, à Arab News.

«Les deux choses que je veux, c'est une douche chaude et une vraie tasse de café», a-t-il souhaité.

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Premier astronaute arabe déployé dans le cadre d'une mission spatiale de longue durée — Al-Neyadi est arrivé à l'ISS en mars aux côtés de trois Américains et de trois Russes. Il est le premier Arabe à effectuer une sortie dans l'espace en ouvrant la voie à l'industrie spatiale naissante du monde arabe (Photo fournie).

Une chose restera cependant gravée dans sa mémoire pour le reste de sa vie — le jour où il est devenu le premier Arabe à effectuer une sortie dans l'espace, quittant l'ISS sans rien d'autre que des kilomètres de ciel sous ses pieds et l'éternité de l'espace extra-atmosphérique au-dessus de sa tête.

«C'était incroyable, en fait, de mener la sortie dans l'espace», a déclaré Al-Neyadi. «Je dirais que c'est le joyau de la mission. Cela a duré sept heures. Je n'ai rien senti parce que j'étais vraiment concentré sur ma tâche et que je l'ai menée à bien sans problème.»

Je me souviens d'avoir pris une petite note sur ma liste de contrôle, pour me rappeler que «l'impossible est possible», qui est la devise du gouvernement des Émirats arabes unis, selon laquelle il n'y a rien d'impossible. Si nous croyons en un objectif et que nous travaillons dur pour l'atteindre, nous pouvons y parvenir», a-t-il souligné.

Al-Neyadi est né le 23 mai 1981 à Umm Ghafa, à 30 km au sud-est d'Al-Ain, à Abu Dhabi, où il a fréquenté l'école primaire et secondaire avant de suivre les traces de son père et de servir dans l'armée, où il a étudié l'ingénierie des communications.

Il a commencé ses études supérieures au Royaume-Uni, où il a obtenu une licence en ingénierie électronique et des communications à l'université de Brighton, avant de décrocher un master en informatique à l'université Griffith d'Australie en 2008, où il a ensuite obtenu un doctorat.

Dans une série de vidéos produites à bord de l'ISS à l'intention des étudiants restés sur Terre, Al-Neyadi a cherché à souligner l'importance du travail acharné et la pertinence des matières STIM.

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Rayyanah Barnawi, première femme saoudienne dans l'espace et première femme arabe à bord de l'ISS, a mené des expériences scientifiques au cours de la mission Ax-2, notamment dans les domaines de l'ingénierie tissulaire et de la médecine régénérative (Photo, Twitter/Astro_Rayyanah).

«Je crois qu'une partie de la mission consiste à atteindre le public et à présenter ce que l'on fait à bord de la station», a déclaré AlNeyadi à propos de ses vidéos.

«Il s'agit d'une science très importante, d'une technologie très importante que nous présentons. Mais nous devons montrer ces choses importantes de manière simple et interactive pour que les gens puissent apprendre», a-t-il expliqué.

«Et cela est honnêtement, un moyen d'encourager les jeunes étudiants à suivre une formation en STIM. Il s'agit des sciences, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques», a-t-il insisté.

Al-Neyadi espère ainsi inspirer la prochaine génération d'astronautes arabes qui mèneront les programmes spatiaux naissants du Moyen-Orient sur la lune, sur Mars et au-delà.

«Lorsque nous parlons d'enseignement des STIM, cela peut ouvrir un grand nombre de possibilités pour les jeunes», a-t-il affirmé.

«C'est pourquoi, de manière amusante et interactive, j'ai voulu montrer cela — la science est amusante, la science est vraiment intéressante — pour que la nouvelle génération puisse penser à quelque chose d'important à l'avenir», a-t-il soutenu. 

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Nouveaux bombardements israéliens au Liban malgré des discussions «positives»

Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays. (AFP)
Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays. (AFP)
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  • Le président libanais Joseph Aoun, saluant les réactions "positives" à la réunion de mercredi, a annoncé que les discussions reprendraient le 19 décembre afin d'éloigner "le spectre d'une deuxième guerre" au Liban
  • "Il n'y a pas d'autre option que la négociation", a-t-il ajouté

JBAA: Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays.

L'armée israélienne, qui a multiplié ses frappes ces dernières semaines, a encore frappé jeudi le sud du Liban après avoir appelé des habitants de plusieurs villages à évacuer.

Les bombardements ont touché quatre localités, où des photographes de l'AFP ont vu de la fumée et des maisons en ruines.

Dans le village de Jbaa, Yassir Madir, responsable local, a assuré qu'il n'y avait "que des civils" dans la zone. "Quant aux dégâts, il n'y a plus une fenêtre à 300 mètres à la ronde. Tout le monde est sous le choc", a-t-il ajouté. 


« La Syrie n’est pas condamnée » : les leçons d’un an de transition, selon Hakim Khaldi

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  • Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
  • Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide

PARIS: La Syrie post-Assad, carnets de bord, de Hakim Khaldi, humanitaire chez Médecins sans frontières, publié chez L’Harmattan, n’est pas seulement un récit de témoins, mais une immersion dans la réalité d’un pays brisé mais pas vaincu, où la chute d’un pouvoir omnipotent n’a pas suffi à étouffer l’exigence de dignité.
Ce qu’il raconte, c’est l’envers des discours diplomatiques, la géographie vécue d’une société projetée brutalement hors d’un demi-siècle d’autoritarisme dans un vide politique, économique et moral.

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel.

Dans ses carnets, comme dans ses réponses à Arab News en français, revient une même conviction : la chute d’un régime ne signifie pas la naissance immédiate d’un pays. La Syrie, aujourd’hui, est entre les deux, « en état de transformation ».

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel : « On ne savait pas si c’était la fin d’une époque ou le début d’une autre tragédie », confie-t-il.
Dans les villes « libérées », les scènes oscillent entre euphorie et sidération ; la population découvre, sans y croire encore, la possibilité de parler librement, de respirer autrement.

Il raconte ces familles qui, pendant quarante ans, n’avaient jamais osé prononcer le mot « moukhabarat » (services secrets en arabe), ne serait-ce qu’à voix basse chez elles.
Et brusquement, les voilà qui se mettent à raconter : les disparitions, les tortures, les humiliations, et la peur devenue routine.
Des parents ressortent des photos d’adolescents morts sous la torture, des certificats de décès maquillés, des lettres écrites depuis la prison mais jamais envoyées.

Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
Ce qui l’a le plus frappé, c’est « ce sentiment presque physique d’un poids qui tombe. C’est ce que j’ai le plus entendu », affirme-t-il.

Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide. En quelques jours, l’État s’est évaporé : plus de police, plus d’électricité, plus d’école, plus de justice.
Les anciens bourreaux disparaissent dans la nature, mais les réseaux de corruption se reconstituent, et les premières milices locales émergent, prêtes à occuper le terrain déserté par les institutions.

Pourtant, au fil de ses déplacements, Khaldi est frappé par la force de résilience et d’auto-organisation de la population : « Les Syriens n’ont jamais cessé d’exister comme société, même quand l’État les avait réduits au silence », assure-t-il.
Dans les villages, des comités improvisés se forment et organisent la distribution alimentaire, la remise en marche d’une station d’eau, la sécurité ou la scolarisation d’urgence.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides.

Cette responsabilité populaire est, pour Khaldi, l’un des rares points lumineux du paysage syrien, la preuve qu’une société peut exister en dehors de l’appareil répressif qui prétendait être l’État.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides, de milices rivales, de zones d’influence et d’ingérences étrangères. « Une mosaïque qui ne ressemble plus au pays d’avant », estime Khaldi.
Le territoire est éclaté entre forces locales, groupes armés (notamment les milices druzes à Soueida, au nord-est du pays), gouvernances provisoires ou structures étrangères. Les routes sont coupées, les administrations doublées ou contradictoires.

Avec des infrastructures détruites, une monnaie en chute libre et un secteur productif quasi paralysé, la survie quotidienne est devenue un exercice d’équilibriste.
Les Syriens ne nourrissent plus d’illusions sur l’arrivée immédiate d’un modèle démocratique idéal : il s’agit d’abord de survivre, de reconstruire, de retrouver un minimum de continuité.

Le traumatisme est profond, à cause des disparitions massives, de l’exil et des destructions psychologiques. Pourtant, affirme Khaldi, « jamais je n’ai entendu un Syrien regretter que la dictature soit tombée ».

De ses observations et des témoignages qu’il a collectés en arpentant le pays, Khaldi tire les priorités pour éviter que la Syrie ne devienne ni un conflit gelé ni un espace livré aux milices.
De son point de vue, la reconstruction politique ne peut se réduire à remplacer un gouvernement par un autre : il faut rebâtir les fondations, à savoir une justice indépendante, une police professionnelle et des administrations locales.

Des dizaines de groupes armés contrôlent aujourd’hui une partie du territoire, et une transition politique sérieuse est impensable sans un processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration, soutenu par une autorité légitime et par un cadre international solide.
Au-delà des aides internationales, la Syrie a besoin d’un cadre empêchant la capture des fonds par les anciens réseaux de corruption ou les factions armées.
Elle doit donner la priorité à la relance de l’agriculture, au rétablissement de l’électricité, des réseaux routiers et des petites industries, les seules capables à court terme de soutenir la vie quotidienne.

Le pays porte une blessure immense : celle des prisons secrètes, des fosses communes, des disparitions et des exactions documentées. « Sans justice, il n’y aura pas de paix durable », affirme Khaldi.
Il ne s’agit ni de vengeance ni de tribunaux-spectacle, mais de vérité et de reconnaissance, conditions indispensables à une réconciliation nationale.

De cet entretien se dégage une idée forte : malgré la faim, la peur, les ruines, malgré la fragmentation politique et l’ingérence étrangère, les Syriens n’ont pas renoncé à eux-mêmes.
Ils ouvrent des écoles improvisées, réparent des routes avec des moyens dérisoires, organisent l’entraide, résistent au chaos. « La Syrie n’est plus la Syrie d’avant, mais elle n’est pas condamnée pour autant », affirme Khaldi.
Son témoignage rappelle qu’un pays ne meurt pas quand un régime tombe ; il meurt lorsque plus personne ne croit possible de le reconstruire. Et les Syriens, eux, y croient encore.


Liban: Israël annonce des frappes dans le sud, appelle à des évacuations

L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région. (AFP)
L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région. (AFP)
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  • Les forces israéliennes vont "bientôt attaquer des infrastructures terroristes du Hezbollah à travers le sud du Liban afin de contrer ses tentatives illégales de rétablir ses activités dans la région"
  • Dans un "message urgent" en arabe, le colonel Adraee signale, cartes à l'appui, deux bâtiments dans les villages de Jbaa et Mahrouna, dont il appelle les riverains dans un rayon d'au moins 300 mètres à s'écarter

JERUSALEM: L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région.

Cette annonce survient au lendemain d'une rencontre entre responsables civils libanais et israélien, lors d'une réunion de l'organisme de surveillance du cessez-le-feu entré en vigueur il y a un an, présentée comme de premières discussions directes depuis plus de 40 ans entre les deux pays toujours techniquement en état de guerre.

Les forces israéliennes vont "bientôt attaquer des infrastructures terroristes du Hezbollah à travers le sud du Liban afin de contrer ses tentatives illégales de rétablir ses activités dans la région", a annoncé le colonel Avichay Adraee, porte-parole de l'armée israélienne pour le public arabophone.

Dans un "message urgent" en arabe, le colonel Adraee signale, cartes à l'appui, deux bâtiments dans les villages de Jbaa et Mahrouna, dont il appelle les riverains dans un rayon d'au moins 300 mètres à s'écarter.

Accusant le Hezbollah de se réarmer dans le sud du pays et de violer ainsi les termes de la trêve entrée en vigueur fin novembre 2024, l'armée israélienne a multiplié depuis plusieurs semaines les frappes aériennes dans le sud du Liban mais a marqué une pause dans ses attaques pendant la visite du pape Léon XIV cette semaine.

Israël a même frappé jusque dans la banlieue de Beyrouth le 23 novembre pour y éliminer le chef militaire du Hezbollah, Haitham Ali Tabatabai.

Le Liban dénonce ces attaques comme des violations patentes du cessez-le-feu.

Mais Israël, qui peut compter sur l'aval tacite des Etats-Unis pour ces frappes, affirme qu'il ne fait qu'appliquer la trêve en empêchant le Hezbollah, allié de la République islamique d'Iran, ennemie d'Israël, "de se reconstruire et de se réarmer".

Tout en déclarant que les discussions directes de mercredi avec le Liban s'étaient déroulées dans "une atmosphère positive", le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a rappelé mercredi soir que le désarmement du Hezbollah restait une exigence "incontournable" pour son pays.