Tunisie: mobilisation de boulangers privés par l'Etat de farine subventionnée

Un employé travaille dans une boulangerie vendant des baguettes à Tunis le 7 août 2023. (AFP)
Un employé travaille dans une boulangerie vendant des baguettes à Tunis le 7 août 2023. (AFP)
Short Url
Publié le Lundi 07 août 2023

Tunisie: mobilisation de boulangers privés par l'Etat de farine subventionnée

  • Peu après la révolution de 2011 en Tunisie, ces boulangeries, des magasins de commerce libre, avaient été autorisées à acheter un certain quota de farine subventionnée
  • Selon divers économistes consultés, cette «crise du pain» est en réalité liée à une insuffisance d'approvisionnement du marché en farine subventionnée par l'Etat, qui centralise tous les achats de produits de base

TUNIS: Environ 200 boulangers-pâtissiers tunisiens ont participé lundi à un sit-in pour dénoncer une décision de l'Etat privant ces artisans de farine subventionnée et menaçant l'existence-même de 1.500 commerces.

Après des déclarations du président Kais Saied dénonçant une spéculation sur la farine subventionnée, le ministère du Commerce a interdit le 1er août aux quelque 1.500 boulangeries "modernes" qui emploient environ 18.000 salariés d'en acheter.

Peu après la révolution de 2011 en Tunisie, ces boulangeries, des magasins de commerce libre, avaient été autorisées à acheter régulièrement certains quotas de farine subventionnée.

"Nous faisons un sit-in parce qu'on nous interdit d'exercer notre activité ordinaire qui est la production de baguette", a dénoncé à l'AFP Mohamed Jamali, président du Groupement des boulangeries modernes qui a annoncé d'autres sit-in dans les semaines à venir.

"Ces gens n'exercent plus leur activité depuis une semaine", a-t-il ajouté, entouré de manifestants avec des pancartes disant: "du pain, de la liberté, de la dignité nationale", "des milliers d'employés seront licenciés".

"Nous nous trouvons sans revenu, 1.500 boulangeries sont fermées, qui emploient 6 à 7 ouvriers chacune", a complété Abdelbeki Abdellawi, 43 ans, inquiet que des artisans puissent finir en "prison" faute de payer leurs loyers et crédits.

A côté de la baguette subventionnée, comme produit d'appel, les "boulangeries modernes" proposent d'autres types de pain et des pâtisseries, en partie fabriqués à partir de farine subventionnée, ce qui leur permet de pratiquer des prix modérés.

Mais ces derniers mois, le réseau officiel et distinct des 3.737 boulangeries vendant la baguette subventionnée à 190 millimes (0,06 centimes d'euros, un prix dérisoire inchangé depuis 1984) manque de farine, et des queues se forment dès l'aube devant les portes de ces "points chauds".

«Pain pour les riches»?

Redoutant une colère populaire, le président Kais Saied a dénoncé le 27 juillet l'utilisation de farine subventionnée par les boulangeries "non classées" (non subventionnées).

"C'est fini, aujourd'hui, pour ceux qui veulent vendre du pain non classé. Des mesures doivent être prises pour fournir du pain à tous les Tunisiens", a-t-il lancé dans une vidéo.

Pourtant, selon divers économistes consultés par l'AFP, cette "crise du pain" est en réalité liée à une insuffisance d'approvisionnement du marché en farine subventionnée par l'Etat.

Dans une économie bâtie sur les bas salaires (le salaire minimum est de 480 dinars, soit 140 euros), l'Etat centralise depuis les années 70 les achats de produits de base pour les réinjecter sur le marché à bas prix.

Très endetté (80% du PIB), il est toutefois à court de liquidités et les fournisseurs veulent être payés à l'avance, ce qui l'oblige à étaler ses approvisionnements, selon les experts.

"C'est l'Etat qui n'a pas acheté assez de céréales, il n'y a donc pas assez de farine, et donc de pain, à cause d'une crise des finances publiques qu'il n'avoue pas", a expliqué à l'AFP l'économiste Ezzedine Saidane.

Dans sa vidéo, le président Saied a évoqué "un pain pour les riches" qui serait vendu par les boulangeries modernes et "un pain pour les pauvres".

"Ce n'est pas en imposant un prix unique pour le pain que le problème sera résolu", a poursuivi M. Saidane, en critiquant un "raisonnement communiste".

Le sujet est sensible en Tunisie où des émeutes du pain -- après un doublement du prix du jour au lendemain -- avaient fait plus de 150 morts en 1983/1984.

Une jeune boulangère, Hanène Bouguerra, dont l'entreprise artisanale emploie une trentaine de personnes a apostrophé M. Saied sur Facebook, dénonçant "un discours haineux qui monte les Tunisiens les uns contre les autres" et "une mauvaise compréhension de la situation".

"Nous ne sommes pas des riches", a-t-elle lancé à l'adresse de M. Saied, soulignant être une diplômée de l'enseignement supérieur au chômage, qui a créé sa propre entreprise avec des proches et prend très peu de repos.

"Vous parlez de riches et de pauvres, pour nous diviser et nous affamer ! Je suis prête à aller en prison en défendant mes droits", a-t-elle ajouté.


Liban: quatre morts dans un raid israélien, riposte du Hezbollah et des factions alliées

Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
Short Url
  • Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région
  • En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban

BEYROUTH: «Quatre personnes d'une même famille» ont été tuées dans un «raid de l'armée israélienne» sur le village de Mays al-Jabal, a déclaré l'agence officielle d'information libanaise (ANI), actualisant un précédent bilan faisant état de trois victimes.

Il s'agit d'un homme, d'une femme et de leurs enfants âgés de 12 et 21 ans, d'après l'ANI, qui a précisé que deux autres personnes ont été blessées.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah libanais, un allié du Hamas palestinien, échange quasi-quotidiennement avec l'armée israélienne des tirs à la frontière libano-israélienne. Des factions palestiniennes et autres groupes alliés ont aussi revendiqué des attaques depuis le Liban contre Israël.

Blessés transportés 

Selon ANI, des habitants du village inspectaient leurs maisons et magasins endommagés dans de précédents bombardements au moment du raid.

Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région.

Samedi soir, le Hezbollah a revendiqué des tirs sur des positions militaires dans le nord d'Israël.

Le Hezbollah a déclaré dans un communiqué avoir tiré « des dizaines de roquettes de types Katioucha et Falaq » sur Kiryat Shmona, dans le nord d'Israël, «en réponse au crime horrible que l'ennemi israélien a commis à Mays al-Jabal », qui, selon lui, a tué et blessé des civils.

En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban, selon un décompte de l'AFP. Au moins 11 combattants du Hamas ont été tués selon ce même décompte.

Côté israélien, 11 soldats et neuf civils ont été tués, selon un bilan officiel.


Le forum de Riyad examine le rôle de la traduction dans la promotion de l'identité saoudienne

L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
Short Url
  • La conférence vise à contribuer à un objectif clé de la Vision 2030 du Royaume, à savoir la promotion des valeurs islamiques et de l'identité nationale, en encourageant les Saoudiens à traduire ces concepts dans d'autres langues et cultures
  • Le rôle de la traduction dans la promotion d'une image positive du Royaume sera également discuté, ainsi que la promotion de la reconnaissance internationale et la mise en évidence de l'impact culturel du Royaume

RIYAD : Le Collège des langues de l'Université Princesse Noura bent Abdelrahman de Riyad accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ».

L'événement, dont le slogan est « Nous traduisons notre identité », aura lieu au département des conférences et des séminaires et est parrainé par le ministre saoudien de l'Éducation, Yousef Al-Benyan.

Il se concentrera sur le partage du patrimoine culturel, historique, littéraire et intellectuel du Royaume avec un public mondial, a rapporté l'agence de presse saoudienne.


L'interminable attente des proches de jeunes migrants tunisiens perdus en mer

El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
Short Url
  • Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants
  • Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans

EL HENCHA: La plupart avaient gardé le secret: une quarantaine de migrants tunisiens, très jeunes, ont embarqué clandestinement en janvier en quête du "paradis européen" et depuis plus de quatre mois, leurs proches désespèrent de recevoir des nouvelles des disparus.

Ils sont partis vraisemblablement de Sfax (centre), épicentre en Tunisie de l'émigration irrégulière vers l'Italie, la nuit du 10 au 11 janvier sur une mer démontée, selon les familles.

Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants à 40 kilomètres au nord de Sfax. Une mère et son bébé de quatre mois étaient aussi du voyage.

Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans, qui gagnait sa vie en conduisant la camionnette familiale de "louage" (taxi collectif).

"Il est sorti vers 22H00 avec son téléphone, sans rien dire à mes parents, sans vêtements de rechange ni sac, comme s'il allait retrouver ses amis", raconte à l'AFP cette ouvrière de 42 ans, qui souffre d'insomnies depuis.

Yousri, 22 ans, est aussi parti en cachette. "La majorité des jeunes n'ont pas informé leur famille, ils se sont débrouillés pour avoir un peu d'argent", confirme M. Henchi, son oncle instituteur.

Meftah Jalloul, poissonnier de 62 ans, savait lui "depuis un certain temps" que son fils Mohamed, 17 ans, "voulait migrer en Europe" et le lui avait déconseillé "mais c'est devenu une idée fixe".

La nuit fatidique, il a tenté d'empêcher son unique garçon de sortir, l'implorant d'attendre une meilleure météo, mais "il m'a embrassé sur la tête et il est parti", relate M. Jalloul.

«Désespérance»

Le commerçant culpabilise: "chaque jour, il créait des problèmes à la maison, il voulait de l'argent pour migrer. C'est moi qui lui ai donné l'argent, donc je suis responsable".

Les Tunisiens ont représenté la deuxième nationalité des migrants illégaux arrivés en Italie (17.304) en 2023, après les Guinéens, selon des statistiques officielles.

"Cette immigration irrégulière ne s'explique pas seulement par des motifs économiques et sociaux", analyse Romdhane Ben Amor, porte-parole de l'ONG FTDES. Il y a aussi "le facteur politique (le coup de force du président Kais Saied à l'été 2021, NDLR) et le sentiment de désespérance des Tunisiens qui ne croient pas dans l'avenir du pays".

Les disparus d'El Hencha, issus de la classe moyenne, pas particulièrement pauvres, partageaient cette "sensation d'horizon bouché".

Le frère d'Inès avait un travail mais "avec 20 dinars par jour (trois euros environ), une fois payé ses cigarettes, il disait qu'il ne pouvait pas faire de projets, ni construire une maison, ni se marier".

Mohamed l'instituteur pointe du doigt "les jeunes déjà en Italie qui publient sur les réseaux sociaux (...) leur quotidien". Les autres "voient ça et veulent changer leur avenir. Ils imaginent l'Europe comme un paradis", souligne-t-il. C'était, pense-t-il, le cas de Yousri qui travaillait dans un café internet pour 10/15 dinars par jour après avoir quitté le lycée avant le bac.

Meftah Jalloul était lui d'accord pour que son fils, également décrocheur scolaire, émigre, mais légalement et seulement après avoir fait une formation. "Il pouvait apprendre un métier: plombier, menuisier, mécanicien", souligne le père de famille.

Aujourd'hui, M. Jalloul lutte pour garder espoir.

«Temps très mauvais»

"Quatre mois se sont écoulés et je pleure mon fils. Ma famille et moi, nous sommes épuisés", dit-il en fondant en larmes.

Lui et d'autres familles se raccrochent à l'idée que l'embarcation aurait pu dériver vers la Libye voisine. Des contacts ont été pris, des recherches menées, en vain.

Inès Lafi et Mohamed Henchi redoutent le pire. Plus de 1.300 migrants sont morts ou ont disparu dans des naufrages l'an passé près des côtes tunisiennes, selon le FTDES.

"Le temps était très mauvais. Même les pêcheurs qui connaissent la mer sont rentrés, lui est sorti", explique Inès, furieuse contre le passeur, connu de tous pour son activité clandestine, qui n'est pas non plus revenu de cette dernière traversée.

Aux autorités, les familles demandent la poursuite des recherches et davantage d'opportunités à El Hencha.

"Il faut enrichir la zone industrielle avec d'autres unités de production, fournir des emplois aux jeunes", estime M. Henchi.

Il faudrait aussi, dit l'instituteur, "construire un état d'esprit différent" avec des programmes éducatifs pour donner envie de bâtir son avenir en Tunisie. Sinon les jeunes "se contentent d'un tour au café, d'un peu de ping-pong ou volley-ball".