BEYROUTH: Le juge d’instruction chargé d’enquêter sur l’explosion du port de Beyrouth a annoncé qu’il interrogerait de nouveau le Premier ministre sortant, Hassan Diab, vendredi à 9 heures.
Cela signifie que le juge a décidé de poursuivre les accusations contre ceux que l’on soupçonne d’être impliqués dans le crime du 4 août. 202 personnes ont perdu la vie lors de l’explosion meurtrière.
Le juge Fadi Sawan devait interroger Diab dans son cabinet lundi, après l’avoir formellement accusé, avec trois autres ministres, de « négligence ayant causé des centaines de morts et de blessés ».
L’explosion massive de plusieurs tonnes de nitrate d’ammonium a fait plus de 6 500 blessés, et détruit le front de mer de Beyrouth et des quartiers résidentiels entiers.
Des sources judiciaires ont affirmé à Arab News que le juge Sawan interrogera vendredi également l’ancien ministre des Travaux publics et des Transports, Ghazi Zaiter.
Mardi, le juge Sawan devrait interroger deux défendeurs : le haut fonctionnaire des douanes, Hani Hajj Shehadeh, et l’ancien chef des douanes, Moussa Hazimeh. Jeudi, ce sera le tour de l’ancien ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, ainsi que de l’ancien ministre des Travaux publics et des Transports, Youssef Fenianos.
Zaiter et Hassan Khalil ont refusé de comparaître devant le juge Sawan, car il « enfreint les préceptes de la constitution ».
Le bureau de presse du premier ministre a réitéré la position précédente de Diab, qui « respecte la constitution à laquelle contrevient le juge Sawan ».
Lundi, Diab a repris son travail comme d’habitude au cabinet du premier ministre. Son horaire déclaré ne contenait pas de rendez-vous avec le juge Sawan.
Le ministre de l’Intérieur sortant, Mohammed Fahmy, a réitéré son rejet aux tentatives de « viser le statut du premier ministre dans l’affaire de l’explosion du port de Beyrouth, car les conséquences d’un dossier compliqué vieux de 7 ans ne peuvent être imputées à un Premier ministre qui n’a été en fonction que quelques mois ».
Fahmy a déclaré que si le juge Sawan décide d’émettre des mandats d’arrêt contre Diab et les anciens ministres accusés, il n’en exécutera aucun, et ne demandera pas aux services de sécurité qui agissent sous son autorité d’exécuter une telle décision judiciaire. « Ils peuvent me poursuivre s’ils le veulent », a-t-il lancé.
Le nombre de responsables, d’employés et de travailleurs arrêtés pour l’explosion du port s’élève à 25, et un mandat d’arrêt in absentia a été émis contre le propriétaire et capitaine du navire qui transportait le nitrate d’ammonium.
Le Bloc Parlementaire du Courant du Futur a critiqué tous ceux qui « soutiennent la mise en accusation de Diab ».
Selon le député du Courant du Futur, Mohammed Al-Hajjar, « le juge Sawan aurait subi des pressions de la part de l’équipe présidentielle pour qu’il emprunte cette voie dans l’enquête, et Sawan a reçu de fausses informations juridiques pour prendre une mesure qui ne respecte pas les principes de la constitution ».
Le mouvement Amal, auquel font partie les ministres Zaiter et Hassan Khalil, estime que la décision du juge Sawan est « contraire aux règles constitutionnelles, et l’enquête sur l’explosion du port ne devrait pas être politisée ».
Cependant, de nombreux activistes ont effectué un sit-in devant le Palais de justice à Beyrouth, en solidarité avec le juge Sawan.
Hayat Arslan a appelé le juge Sawan à « convoquer tous les responsables de ce crime, et il ne doit pas abandonner car son autorité vient du peuple. Si l’État est contre lui, il doit savoir que le peuple se dresse à ses côtés. La justice est indivisible et n’appartient à aucune confession ou doctrine. Toute personne qui commet des crimes majeurs ou mineurs devrait être poursuivie en justice », a affirmé Bahjat Salamé.
Entre la désobéissance aux convocations du juge Sawan et la solidarité avec Diab, les tensions de la scène nationale se sont intensifiées. Parallèlement, les efforts pour former un gouvernement et réaliser un audit juricomptable des comptes de la Banque du Liban sont en cours.
Le bureau de presse du premier ministre désigné, Saad Hariri, a révélé que ce dernier a « rendu visite au président de la République 12 fois jusqu’à présent afin de tenter de parvenir à une entente sur la formation du gouvernement. Aoun exprime invariablement sa satisfaction à l’égard du processus de délibération, mais tout change après la sortie de Hariri du Palais Républicain ».
Un communiqué de Hariri a raconté lundi que «le premier ministre désigné veut un gouvernement de spécialistes non-partisans afin de mettre un terme à l’effondrement du pays, et pour reconstruire ce qui a été détruit par l’explosion du port. Le président de la République souhaite pour sa part la formation d’un gouvernement où tous les partis politiques sont représentés, avec ceux qui ont nommé le premier ministre désigné et qui se sont opposés à sa nomination. Un tel cabinet mènerait inévitablement au contrôle du processus de prise de décision au sein du gouvernement, et à la reprise des expériences de plusieurs gouvernements contrôlés par les quotas et les tensions politiques».
Lors de sa dernière visite à Aoun, poursuit le communiqué, Hariri « lui a présenté une liste complète du cabinet avec des noms et des portefeuilles, dont quatre noms de la liste que le président de la République avait lui-même remis au premier ministre désigné » lors d'une réunion précédente.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com







