Les nouveaux droits d’exportation indiens de 40% sur les oignons aggraveront-ils l’inflation alimentaire dans le monde arabe?

Un ouvrier indien portant un sac d'oignons sur son épaule sur un marché de gros à Chennai, le 1er février 2019. (AFP)
Un ouvrier indien portant un sac d'oignons sur son épaule sur un marché de gros à Chennai, le 1er février 2019. (AFP)
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Publié le Mardi 22 août 2023

Les nouveaux droits d’exportation indiens de 40% sur les oignons aggraveront-ils l’inflation alimentaire dans le monde arabe?

  • La décision du gouvernement indien pourrait entraîner une hausse des prix, voire une pénurie immédiate de ce légume
  • Les experts affirment que les récentes décisions de l'Inde mettent en évidence les risques d'une dépendance excessive des pays arabes à l'égard d'un seul fournisseur de produits alimentaires de base

RIYAD/NEW DELHI: À une époque d'interdépendance mondiale croissante dans un grand nombre de secteurs, de l'approvisionnement énergétique à la sécurité alimentaire, les effets des décisions et des événements dans un pays restent rarement limités à ce même pays.

Prenez par exemple la récente décision du gouvernement indien d’imposer une taxe de 40% sur les exportations d’oignons dans le but de calmer la hausse des prix intérieurs. Cette annonce a suscité des inquiétudes dans les pays du Conseil de coopération du Golfe, qui dépendent des importations, quant à la garantie d'un approvisionnement suffisant en oignons.

L’Inde, premier exportateur mondial d’oignons, a affirmé que ces tarifs étaient dans «l’intérêt public», et resteraient en vigueur jusqu’au 31 décembre. Cela signifie pour les pays du CCG que les marchés locaux doivent se préparer à d’éventuelles fluctuations des prix d’un aliment de base.

«Étant donné que les oignons sont un ingrédient de base dans la cuisine, les droits d'exportation de 40%  perçus par l'Inde vont aggraver l'inflation alimentaire dans les pays du Golfe, compte tenu des chaînes d'approvisionnement déjà tendues pour le blé et le riz», a indiqué à Arab News Anupam Manur, économiste auprès de Takshashila Institution, organisation de recherche publique et d'éducation, à Bangalore.

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Les plus grands importateurs de l'oignon indien dans la zone MENA. (Infographie, AN)

Selon l'Observatoire de la complexité économique, les EAU ont importé de l’Inde pour 41,7 millions de dollars d'oignons en 2021, ce qui a fait du pays le quatrième importateur d'oignons indiens cette année-là.

Le volume des importations émiraties d’oignons en provenance de l’Inde a augmenté ces dernières années. En 2020, la valeur du commerce était de 34,8 millions de dollars, contre 27,7 millions de dollars en 2019. Cette augmentation est probablement due à la population croissante des Émirats arabes unis et au prix normalement plutôt bas des oignons indiens.

L’imposition de nouveaux droits d’exportation pourrait faire augmenter le prix des oignons dans la région du CCG, et à terme entraîner des pénuries influant sur les consommateurs et les entreprises. En conséquence, les familles habituées à consommer des oignons comme élément clé de leur alimentation quotidienne pourraient être contraintes à une adaptation de leurs habitudes culinaires.

L'Inde a affirmé avoir imposé ces droits d’exportation afin d'augmenter les approvisionnements intérieurs et de faire baisser ainsi les des prix locaux en hausse. «Les prix de l'oignon ont légèrement augmenté au cours des trois dernières semaines», a déclaré à Arab News Pushan Sharma, directeur de recherche auprès de CRISIL Market Intelligence and Analytics, basé à Mumbai.

«Selon les données du ministère indien de la Consommation, les prix de l'oignon ont atteint le 19 août plus de 30 roupies (0,36 $), soit 20% de plus que l'année dernière.»

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Un vendeur nettoyant et triant des oignons sur un étal du marché de Bangalore, le 7 avril 2023. (AFP)

Les effets d’un climat capricieux sur les cultures ont également joué un rôle dans la pénurie d’approvisionnements locaux.

«Les fortes pluies de juillet 2023 dans les principales régions productrices du Maharashtra et du Karnataka ont endommagé la récolte d'oignons stockée», a affirmé Pushan Sharma. «Les commerçants avaient stocké environ 2,5 millions de tonnes d'oignons, et on estime qu'environ 10 à 20% du stock a été endommagé.

«La saison du rabi, ou culture d'hiver, qui produit 70% des besoins en oignons de l'Inde, arrive généralement à maturité en mars. Cependant, cette année, nous avons connu des températures élevées en février et des pluies inhabituelles en mars, ce qui a provoqué une maturité précoce de la récolte de rabi et réduit la durée de conservation de la récolte rabi d’oignons de cette année de six à cinq mois.

En s’attendant à ce que la récolte de rabi soit épuisée début septembre, les prix ont encore augmenté.

«L'effet de la hausse des prix sera immédiat et s'accentuera progressivement», a indiqué Anupam Manur.

«L’information concernant les droits d'exportation aura déjà atteint les ménages et les commerçants, qui passeront des commandes d'achat plus élevées, ce qui de ce fait entraînera une hausse des prix. Le prix des oignons demain sur le marché aura déjà pris en compte une future hausse des prix.»

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Pushan Sharma a souligné le fait que les fortes précipitations de juillet 2023 dans les principales régions productrices du Maharashtra et du Karnataka ont endommagé la récolte d'oignons stockée. (AFP)

L’imposition de droits d’exportation élevés n’est pas sans précédent. L'Inde a pris des mesures similaires pour stabiliser le prix intérieur du blé en interdisant les exportations en 2022, en limitant les expéditions de riz en juillet de cette année, et en réduisant les droits d'importation sur les huiles de cuisson alimentaires.

«Les pénuries soudaines d'approvisionnement ne sont pas nouvelles, en particulier dans le secteur agricole et alimentaire», a affirmé Anupam Manur. «Un exemple récent en est la pénurie mondiale de blé lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

«Malgré la peur, les pays du monde entier ont trouvé des solutions. Certains ont dû puiser dans leurs réserves, tandis que d’autres ont augmenté leur production pour répondre à la demande. Quelque chose de similaire se produira ici également. D’autres pays producteurs réagiront à la hausse des prix et augmenteront leurs approvisionnements.»

Étant donné que New Delhi a déclaré que les droits d'exportation ne seraient appliqués que jusqu'à la fin de cette année, on espère que toute hausse des prix sera temporaire.

«L'augmentation des prix de l'oignon devrait être de courte durée», a affirmé Pushan Sharma de CRISIL Market Intelligence and Analytics. «Les consommateurs ne devraient faire les frais de la hausse des prix (en l’absence de restrictions à l’exportation) que pendant la période de soudure (jusqu’à fin septembre ou début octobre).

«À partir d’octobre, lorsque les approvisionnements du kharif (mousson ou saison d’automne) et du kharif tardif arriveront sur le marché, les prix devraient revenir à leurs niveaux habituels.»

Cependant, des changements inattendus dans les politiques d’exportation pourraient amener les importateurs à chercher ailleurs des sources plus fiables.

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L’imposition de droits d’exportation élevés n’est pas sans précédent. L'Inde a restreint ses expéditions de riz au mois de juillet de cette année. (AFP)

En ce qui concerne les relations économiques entre l'Inde et les pays du CCG, «cette décision n'influera pas sur la dynamique commerciale, car il ne s'agit que d'une mesure à court terme», a affirmé à Arab News Ajeet Kumar Sahoo, professeur adjoint au Centre pour le commerce international et le développement de l'Université de Jawaharlal Nehru de New Delhi.

«Je ne pense pas que les oignons puissent avoir un impact sur la balance des paiements avec les autres pays. Mais il ne fait aucun doute que les consommateurs d’autres pays disposeront d’un approvisionnement limité en oignons, de sorte que les prix des oignons seront plus élevés, mais ce sera à court terme.»

Muddassir Quamar, également professeur associé à l'Université Jawaharlal Nehru, estime aussi que les relations commerciales entre l'Inde et les pays du CCG continueront de se renforcer, indépendamment de la crise de l'oignon.

«À court terme, cela pourrait augmenter la facture des importations alimentaires des pays du CCG, mais pourrait ne pas influer sur les relations commerciales à long terme dans la mesure où les importations alimentaires fluctuent et dépendent de la production agricole et des politiques de contrôle du marché de chaque pays», a-t-il affirmé à Arab News.

La sécurité alimentaire est une préoccupation pour les pays arabes, et la situation actuelle des importations d'oignons soulève d'importantes questions sur la fiabilité des chaînes d'approvisionnement. Mais une pénurie temporaire d’oignons ne devrait pas causer de problèmes majeurs.

«Cela n'aura pas d'impact sur la sécurité alimentaire en soi, car l'oignon est un agent aromatisant plutôt que purement nutritionnel», a affirmé Anupam Manur. «Ainsi, les citoyens des pays du CCG pourraient avoir des plats plus fades, sans avoir pour autant de menace pour leur sécurité alimentaire.»

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Un ouvrier indien récoltant des oignons dans une ferme du village de Vasna Keliya, près de Dholka, à environ 35 km d'Ahmedabad, le 4 décembre 2018. (AFP)

Néanmoins, les principaux pays importateurs du monde arabe pourraient devoir commencer à envisager des stratégies visant à diversifier l’approvisionnement en oignons, voire à renforcer la culture nationale, afin d’atténuer les effets possibles de cette vulnérabilité à l’avenir.

«Chaque pays doit prendre cette question très au sérieux, en particulier en ce qui concerne les produits alimentaires, les médicaments d’importance vitale et les produits pétroliers», a affirmé Ajeet Kumar Sahoo.

«Ils doivent trouver des alternatives, sinon l’avenir sera très difficile. Chaque pays doit atteindre l’autosuffisance, notamment en matière de nourriture, d’eau et d’énergie.»

Heureusement, c’est exactement ce que semblent faire le Royaume et les autres pays du CCG en élaborant des stratégies pour protéger leurs chaînes d’approvisionnement contre les perturbations.

«L'Arabie saoudite a récemment créé une autorité de sécurité alimentaire pour faire face à de tels incidents, et je m'attends à ce que quelque chose de similaire se produise dans les autres pays du CCG», a indiqué Talat Hafiz, économiste et analyste financier saoudien, à Arab News.

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Talat Hafiz, économiste et analyste financier saoudien. (Photo fournie)

Un certain nombre de mesures supplémentaires pourraient être appliquées par les gouvernements du CCG pour atténuer les effets des droits d'exportation, notamment des subventions aux consommateurs et l'élargissement du stock mondial de fournisseurs d'oignons. Toutefois, le simple fait de se tourner vers d’autres fournisseurs n’est peut-être pas une solution viable à long terme.

«On peut s'attendre à ce que les autres pays exportateurs - le Pakistan, la Chine et l'Égypte - augmentent de leur côté leurs prix à l'exportation d'oignons, étant donné leurs excédents limités à l'exportation et l’écart soudain de l'approvisionnement», a affirmé Anupam Manur.

«À court terme, on peut s’attendre à une crise au niveau de l’approvisionnement, sachant qu’une hausse des prix pourrait entraîner une augmentation de la production lors du prochain cycle agricole.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Entre Taïwan et la Chine, une rapide traversée en ferry pour faire du shopping

Des visiteurs prennent des photos de la ville chinoise de Xiamen depuis les îles Kinmen contrôlées par Taiwan, à Kinmen, le 17 mai 2024. (Photo par I-Hwa Cheng AFP)
Des visiteurs prennent des photos de la ville chinoise de Xiamen depuis les îles Kinmen contrôlées par Taiwan, à Kinmen, le 17 mai 2024. (Photo par I-Hwa Cheng AFP)
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  • En passant l'immigration, les voyageurs ne peuvent manquer un panneau où est inscrit: «Une famille de part et d'autre du détroit, travaillant ensemble pour réaliser nos rêves»
  • La mort en février de deux pêcheurs chinois, après le chavirage de leur embarcation poursuivie par les garde-côtes taïwanais, a donné lieu à une montée des tensions entre Pékin et Taipei

KINMEN, Taïwan : Avant de prendre le ferry qui les ramènera chez eux, les Taïwanais chargés de leurs emplettes faites sur les marchés animés de Xiamen, en Chine continentale, doivent passer au rayon X leurs bagages remplis de nourriture, d'alcool ou encore de matériaux de construction.

A peine cinq kilomètres séparent le continent de l'île taïwanaise de Kinmen, où ils débarqueront une demi-heure plus tard. Mais ils se retrouveront en réalité à mille lieux des centres commerciaux haut-de-gamme et des gratte-ciels modernes de la mégapole chinoise Xiamen.

En passant l'immigration, les voyageurs ne peuvent manquer un panneau où est inscrit: «Une famille de part et d'autre du détroit, travaillant ensemble pour réaliser nos rêves».

La Chine considère Taïwan comme l'une de ses provinces qu'elle a promis de reprendre par la force si nécessaire.

Les navires des garde-côtes chinois ont fait de fréquentes apparitions dans les eaux proches de Kinmen ces derniers mois, avant l'investiture lundi du nouveau président de Taïwan Lai Ching-te, que Pékin a qualifié de «dangereux séparatiste».

Pourtant, le fossé qui se creuse entre Pékin et Taipei et la menace d'un conflit si la Chine tient sa promesse de s'emparer de l'archipel de 23 millions d'habitants semblent être la dernière des préoccupations des passagers taïwanais.

«La Chine est un grand marché, elle offre plus de produits et une plus grande variété de choses, et les choses sont beaucoup moins chères», confie Huang Chuang-yuan, qui tient un restaurant de fruits de mer à Kinmen, et qui fait partie des nombreux habitués à faire la navette.

Huit ferries circulent chaque jour entre les deux rives, et l'année dernière, 700.000 personnes ont fait le voyage entre Kinmen et la Chine continentale.

«C'est très pratique de s'y rendre et le ferry ne dure que 30 minutes», explique à l'AFP le chef taïwanais Ji De-wei, qui a récemment ouvert un restaurant sur l'île taïwanaise, tandis que trois de ses employés chargent ses achats dans un petit camion.

Si «les choses ne sont pas moins chères», il y a «plus de choix», ajoute le cuisinier de 45 ans, qui déclare faire l'aller-retour tous les mois pour s'approvisionner en produits.

D'autres passagers, comme Gail Lin, font le trajet davantage pour la visite que pour faire des courses: en Chine, «les choses sont très modernes», s'exclame-t-elle, déplorant qu'à Kinmen «les choses soient un peu dépassées».

- «Rien ne peut arriver» -

Le président élu taïwanais, qui prendra ses fonctions lundi, s'est décrit par le passé comme un «artisan pragmatique de l'indépendance de Taïwan». Il a depuis adouci son discours, affirmant désormais qu'un processus d'indépendance n'est pas nécessaire car l'île a, selon lui, de facto ce statut.

Mais la mort en février de deux pêcheurs chinois, après le chavirage de leur embarcation poursuivie par les garde-côtes taïwanais, a donné lieu à une montée des tensions entre Pékin et Taipei.

Le 9 mai, une flotte chinoise de sept navires et cinq embarcations de garde-côtes chinois a été détectée autour de l'archipel par leurs homologues taïwanais.

Pourtant, Meng-hsuan Lin, une autre passagère âgée de 28 ans, espère que davantage de citoyens chinois pourront visiter Taïwan, et notamment Kinmen, après l'entrée en fonction de Lai Ching-te.

«Kinmen est l'endroit le plus sûr. Rien ne peut arriver», estime-t-elle.


Aramco : accords avec trois entreprises américaines pour des solutions énergétiques à faible émission de carbone

Les accords conclus avec Aeroseal, Spiritus et Rondo ont été signés en présence du ministre saoudien de l'Énergie, le prince Abdelaziz ben Salmane, et de son homologue américaine, Jennifer Granholm. (Photo fournie)
Les accords conclus avec Aeroseal, Spiritus et Rondo ont été signés en présence du ministre saoudien de l'Énergie, le prince Abdelaziz ben Salmane, et de son homologue américaine, Jennifer Granholm. (Photo fournie)
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  • Ces accords ont été conclus après que les deux responsables sont convenus d'une feuille de route pour la coopération entre les deux pays dans ce secteur
  • Aramco et Rondo ont décidé d'explorer le déploiement de batteries thermiques dans les installations mondiales de l’entreprise saoudienne afin de réduire les coûts opérationnels

RIYAD : Le géant de l'énergie Saudi Aramco a signé des protocoles d'accord avec trois entreprises américaines pour promouvoir le développement de solutions potentiellement à faible émission de carbone.

Les accords conclus avec Aeroseal, Spiritus et Rondo ont été signés en présence du ministre saoudien de l'Énergie, le prince Abdelaziz ben Salmane, et de son homologue américaine, Jennifer Granholm.

Ces accords, conclus après que les deux responsables sont convenus d'une feuille de route pour la coopération entre les deux pays dans ce secteur, ont porté sur la gestion du carbone, l'hydrogène propre, l'énergie nucléaire, ainsi que l'électricité et les énergies renouvelables, l'innovation et la résilience de la chaîne d'approvisionnement du secteur de l'énergie.

Ali al-Meshari, vice-président principal de la technologie, de la supervision et de la coordination chez Aramco, a déclaré : «Aramco a exprimé son ambition d'atteindre la neutralité carbone pour les émissions de gaz à effet de serre de Scope 1 et Scope 2 sur l'ensemble de ses actifs exploités à 100% d'ici 2050. Nous voyons des opportunités pour potentiellement développer une nouvelle activité énergétique à faible émission de carbone. Les technologies innovantes déployées à grande échelle peuvent contribuer à réduire les coûts de réduction des émissions de carbone, et nous investissons dans leur développement à travers nos programmes de R&D, de capital-risque et de déploiement technologique. Nous estimons que les technologies d'Aeroseal, Spiritus et Rondo ont le potentiel de se déployer à l'échelle mondiale, en particulier au Moyen-Orient.»

Après une phase d'essai réussie de la technologie d'Aeroseal en Arabie saoudite, Aramco et l’entreprise sont convenus d'explorer des opportunités pour accélérer le déploiement de cette technologie dans le parc immobilier de l'entreprise et ailleurs. Ils prévoient également de mener des tests conjoints sur les conduits et les enveloppes des bâtiments à l'échelle nationale afin d'identifier les opportunités les plus prometteuses, ainsi que de commercialiser la technologie dans de nouveaux domaines d'application, tels que les gazoducs.

L'accord avec Spiritus a conduit Aramco à envisager des opportunités dans le domaine du captage direct de l'air, l'approche de la société américaine pouvant potentiellement résoudre d'importants défis en termes de coûts.

Aramco et Rondo ont décidé d'explorer le déploiement de batteries thermiques dans les installations mondiales de l’entreprise saoudienne afin de réduire les coûts opérationnels et de soutenir les initiatives de réduction des émissions.

Les sociétés ont entamé des études d'ingénierie en vue du premier déploiement à grande échelle des batteries thermiques de Rondo. Ce projet pourrait contribuer à la réduction des émissions provenant des installations d'Aramco. Par la suite, une expansion jusqu'à une capacité de 1 gigawatt par heure est envisagée.

 


Le secteur saoudien du ciment prochain leader mondial, entre maturité numérique et économie circulaire

Le marché saoudien du ciment blanc devrait enregistrer une croissance à un taux de 11,93 % en moyenne chaque année au cours de la période de prévision allant de 2024 à 2028. Shutterstock
Le marché saoudien du ciment blanc devrait enregistrer une croissance à un taux de 11,93 % en moyenne chaque année au cours de la période de prévision allant de 2024 à 2028. Shutterstock
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  • Le marché du ciment blanc en Arabie saoudite a atteint une valeur de 165,11 millions de dollars en 2022 et devrait enregistrer une croissance à un taux de 11,93 % en moyenne chaque année au cours de la période de prévision allant de 2024 à 2028
  • Des projets clés tels que NEOM et Qiddiya, ainsi que l'expansion des réseaux de transport et des centres de divertissements, ont généré une augmentation notable de la demande de ciment de haute qualité dans le Royaume

RIYAD : L'industrie du ciment en Arabie saoudite est sur le point de maintenir sa position en tant que leader sur le marché mondial, en s’appuyant sur des principes de l'économie circulaire et en surmontant les défis grâce à l'innovation numérique, selon un expert du secteur.

Amr Nader, PDG et co-fondateur du cabinet de conseil en ciment A3&Co, a déclaré à Arab News que la plupart des usines du Royaume dans le secteur disposent de technologies de pointe, ce qui leur permettra d'atteindre la maturité numérique pour réaliser l'excellence opérationnelle et les objectifs de décarbonisation.

Bien que certaines usines aient déjà lancé des initiatives stratégiques dans ce domaine, d'autres en sont encore aux premières étapes d'essais.

Cependant, Nader estime que la transition vers la maturité numérique figure sur la liste des priorités de la plupart des usines et devrait se concrétiser dans les 2 à 5 prochaines années.

Selon TechSCI Research, le marché du ciment blanc en Arabie saoudite a atteint une valeur de 165,11 millions de dollars en 2022 et devrait enregistrer une croissance à un taux de 11,93 % en moyenne chaque année au cours de la période de prévision allant de 2024 à 2028.

Des projets clés tels que NEOM et Qiddiya, ainsi que l'expansion des réseaux de transport et des centres de divertissements, ont généré une augmentation notable de la demande de ciment de haute qualité dans le Royaume.

Nader estime que cette croissance s'accompagnera de changements majeurs dans le secteur et a déclaré : « Nous anticipons une réduction des coûts et une amélioration de la valeur ajoutée, en tirant parti de l'économie circulaire, voire une transition nette zéro si les bonnes technologies aux tailles efficaces sont adoptées. »

Le PDG a souligné l'importance de l'adoption de la technologie de l’oxycombustion à des échelles adaptées, en mettant l'accent sur l’utilisation de l'oxygène et des gaz de combustion recyclés pour brûler les combustibles au lieu de l'air.

Cette approche, combinée à une dépendance accrue aux sources d'énergie renouvelable et à l'intégration prévue de l'hydrogène à faible teneur en carbone comme source de combustible, témoigne du potentiel de l'industrie du ciment en Arabie saoudite pour maintenir son avantage concurrentiel au-delà de 2030 selon M. Nader.

Ces initiatives s’inscrivent dans une stratégie globale de décarbonation visant à réduire l'impact écologique du secteur tout en préservant sa position sur le marché.

M. Nader a également souligné que l'avantage concurrentiel de l’Arabie saoudite en matière de prix est soutenu par des coûts de production plus faibles, même après avoir pris en compte les taxes frontalières d'ajustement du carbone, ce qui pourrait augmenter les exportations vers des régions où les réglementations en matière de carbone sont strictes.

« En ce qui concerne la taxe frontalière sur le carbone en Europe et d'autres taxes frontalières sur le carbone dans le monde, nous  voyons une opportunité pour exporter davantage à partir des usines du Moyen-Orient qui auront adopté rapidement des transitions proches de zéro dans un délai compris entre 2024 et 2028 », a-t-il déclaré.

Les taxes sur le carbone, également connues sous le nom de mécanismes d'ajustement aux frontières, sont des politiques mises en œuvre par les gouvernements pour lutter contre les fuites de carbone.

Elles garantissent la compétitivité des industries soumises à la tarification du carbone sur leur territoire par rapport aux industries étrangères non soumises à des prélèvements similaires.

Ces taxes visent à empêcher la délocalisation d'industries vers des pays dont les politiques climatiques sont moins contraignantes, tout en encourageant d'autres nations à adopter des mesures similaires de tarification du carbone.

Des projets tels que OXAGON à NEOM ont stimulé le secteur du ciment. Dossier
Des projets tels que OXAGON à NEOM ont stimulé le secteur du ciment. Dossier

M. Nader a souligné les défis qui influent sur la demande dans le secteur du ciment, tels que l'augmentation des coûts du fret maritime, la disponibilité réduite des navires en raison des tensions géopolitiques et l'augmentation des prix pratiqués par les usines saoudiennes pour contrer la hausse des coûts de l'énergie d'Aramco.

« Malgré une augmentation moyenne de 100 % des prix des combustibles, les usines saoudiennes efficaces conservent toujours un coût de production inférieur d'environ 15 % à la moyenne mondiale. Il reste donc possible d'améliorer cette situation en adoptant des pratiques d'excellence opérationnelle », a-t-il ajouté.

Il a expliqué que les grandes entreprises du Royaume, dont les capacités de production dépassent 8 000 tonnes par jour, disposent de nombreuses possibilités d'amélioration en mettant en œuvre des stratégies d'excellence opérationnelle et en adoptant rapidement des initiatives prouvées visant des objectifs scientifiques proches de zéro.

Cela permettra non seulement de réduire davantage les coûts, mais aussi de les maintenir en dessous de la moyenne des coûts mondiaux de 15 %, même avec l'augmentation prévue des prix de l'énergie l'année prochaine, a-t-il ajouté.

Par ailleurs, la diminution des investissements gouvernementaux a constitué un autre défi selon M. Nader, entraînant un ralentissement des projets à grande échelle et, par conséquent, une diminution de la demande de ciment.

Cette tendance s'est traduite par une baisse de 4 % des ventes intérieures et de 30 % des exportations pour les 17 cimentiers saoudiens au cours du premier trimestre 2024 par rapport à la même période de l'année dernière, comme l'indique Al-Yamama Cement.

En effet, 97 % des ventes de ciment ont été réalisées sur le marché intérieur, et seulement 3 % ont été exportées.

Malgré cette baisse des ventes, le Royaume reste le plus grand producteur de ciment de la région, accueillant plusieurs des plus importants cimentiers de la région, selon Global Cement.

Selon les données de Bloomberg, parmi les plus importantes entreprises d'Arabie saoudite, sur la base de leur capitalisation boursière, figurent Al Yamama Cement, avec une capitalisation boursière de 6,95 milliards de riyals saoudiens, suivie par Saudi Cement à 6,82 milliards de riyals saoudiens, Southern Province Cement à 5,5 milliards de riyals saoudiens, puis Qassim Cement, et Yanbu Cement.

M. Nader a lié le récent déclin des ventes nationales à certains mégaprojets dans le Royaume qui recourent au ciment vert, un produit rarement fabriqué dans la plupart des usines d'Arabie Saoudite.

« Néanmoins, il est important de noter que la consommation par habitant de l'Arabie saoudite demeure l'une des plus élevées au monde, atteignant environ 1,3 tonne par habitant. Cependant, l'utilisation du secteur reste inférieure à 60 % en raison de l’importante capacité installée entre 2013 et 2017 », a ajouté M. Nader.

Dans son rapport d'avril, Al-Jazira Capital a également attribué le déclin des ventes à l'impact accru du Ramadan sur les ventes, notant que le mois sacré s'est étendu sur 21 jours en mars 2024, contre seulement 9 jours l'année précédente.

M. Nader avait précédemment souligné dans une interview accordée en février à Aggregates Business que les cimenteries du Moyen-Orient, caractérisées par leur grande taille, bénéficient d'avantages en termes d'économies d'échelle et d'efficacité opérationnelle. La plupart de ces usines sont équipées de technologies modernes et de processus automatisés, les plaçant devant leurs homologues européennes, dont certaines remontent aux années 1950.

En outre, les abondantes ressources solaires, éoliennes et terrestres de la région offrent des possibilités d'adoption de sources d’énergie verte, ce qui place le secteur du ciment du Moyen-Orient en tête des initiatives de développement durable au niveau mondial.

À l'avenir, M. Nader prévoit que la région accordera une importance croissante à la durabilité et à la décarbonisation, ce qui se traduira par une augmentation de la production de produits verts.

En outre, il prévoit un doublement des exportations de ciment du Moyen-Orient dans les deux ou trois prochaines années, avec l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l'Algérie figurant actuellement parmi les principaux exportateurs.