L’État algérien face au dilemme du déficit budgétaire colossal des entreprises publiques

Ferhat Ait Braham, ministre algérien de l'Industrie (Photo, Fournie)
Ferhat Ait Braham, ministre algérien de l'Industrie (Photo, Fournie)
Short Url
Publié le Mercredi 16 décembre 2020

L’État algérien face au dilemme du déficit budgétaire colossal des entreprises publiques

  • «Nous tenons à préserver le tissu industriel national et toutes les entreprises publiques ou privées seront accompagnées par l’État»
  • L’aide financière sera toutefois conditionnée par la mise en œuvre d’un cahier des charges qui assurera la transparence et la rigueur

PARIS: Alors que les ressources financières du pays s’amenuisent, les entreprises publiques algériennes font face à des problèmes structurels de trésorerie. Quelles sont les solutions envisagées pour assurer la sauvegarde des groupes publics en situation d’asphyxie financière? 

Les entreprises du secteur public marchand, du transport et des travaux publics sont celles qui enregistrent le gros déficit en matière de trésorerie. Dans un entretien accordé au journal algérien El Watan, Habane Assad, analyste financier et fondateur du cabinet Finabi Conseil, explique cette situation par «les déséquilibres financiers diffus, car le coût de production de ces entreprises est plombé par les charges financières payées, la masse salariale pléthorique et un coût de maintenance des investissements prohibitif ». 

L’expert précise que les injections de l’État ne servent qu’à «maintenir en vie l’entité publique», et ajoute: «Ces effets pervers sont liés à la compensation du chiffre d’affaires et des subventions d’équipements accordées à certains groupes publics comme la Société nationale des transports algériens (SNTF), Air Algérie et le groupe industriel énergétique Sonelgaz». Habane Assad va plus loin: il plaide pour des prises de décisions courageuses concernant le secteur public, car, explique-t-il, «la dette publique ira crescendo dès 2022, puisqu’il n’y a plus d’épargne publique pour financer ces errements».  

Gouvernance et cahier des charges conditionnent l’aide de l’État   

De son côté, le ministre des Finances, Aymen Benabderrahmane, impose une condition: la mise en œuvre d’une modernisation du mode de gouvernance aux entreprises publiques en difficulté financière qui aspireraient à un accompagnement de l’État. «Nous tenons à préserver le tissu industriel national, et toutes les entreprises publiques ou privées seront accompagnées par l’État d’une manière ou d’une autre», précise le ministre des Finances. «Mais nous serons très regardants sur le mode de gouvernance et sur le management de ces entreprises.»  

Selon l’Agence presse service (APS), le ministre des Finances a déclaré que l’aide financière serait toutefois conditionnée par la mise en œuvre d’un cahier des charges qui assurera la transparence et la rigueur. «Le cahier de charges en question sera élaboré par le Trésor public, les banques publiques et les entreprises industrielles publiques», a indiqué M. Benabderrahmane dans une déclaration à la presse algérienne lors du lancement du portail électronique du ministère des Finances.   

Aymen Benabderrahmane n’a pas manqué de rappeler que cette pratique n’est pas propre à l’Algérie. «Le conditionnement de l’aide aux entreprises est une pratique universelle», fait savoir le ministre qui assure que ce procédé est un des moyens qui permettront aux autorités publiques de faire des évaluations régulières pour contrôler l’octroi et l’utilisation des prêts consentis. «L’État doit s’assurer que l’argent consacré pour ces entreprises sera utilisé à bon escient», confirme-t-il. 

Situation d’endettement structurel 

En Algérie, l’endettement structurel constitue un frein au développement des entreprises publiques. Malgré la mise en place de nombreux plans d’assainissement et de plans de financement colossaux de l’État, les entreprises publiques demeurent déficitaires.  

«Depuis une dizaine d’années, des entreprises nationales ont en effet bénéficié d’un fonds d’assainissement qui dépassait les milles milliards de dinars (1 dinar algérien = 0,0062 euro), mais leur situation actuelle n’est pas reluisante», déplore le ministre des Finances.  

«Les opérations d’assainissement faites dans le passé n’ont pas porté leurs fruits», confirme le premier argentier de l’État qui recommande «de changer les anciennes méthodes de soutien aux entreprise». «Car, à chaque fois, l’État n’a pas imposé les conditions strictes et rigoureuses qui auraient exigé des entreprises qu’elles adoptent des méthodes de gouvernance adaptées aux conditions du marché.»  

Enfin, le ministre a fait savoir, que désormais, «il n’y aura plus de versement d’aide financière sans un préalable au mode de gouvernance des structures de ces entreprises, qui doit être adapté aux besoins du marché algérien mais surtout à la qualité de la production qui va être destinée à l’exportation».  

Dans un rapport d’appréciation sur l’avant-projet de loi sur le règlement budgétaire de l’exercice 2018, divulgué le 15 décembre, la Cour des comptes a démontré «les défaillances» dans les opérations d’investissement public. Lors de la présentation du rapport devant la Commission des finances et du budget à l’Assemblée populaire nationale (APN), Abdelkader ben Maarouf, son président, a insisté sur la nécessité de maîtriser le budget d’investissement destiné au secteur public et le remboursement des crédits octroyés aux entreprises publiques.  

Financement non conventionnel 

En ligne de mire, le financement non conventionnel accordé par le gouvernement au cours de l’année 2018. «L’efficacité des dépenses publiques et l’exécution des crédits alloués à certains secteurs constituent le noyau et une problématique dans la méthode de gestion des deniers publics», affirme le président de la Cour des comptes.  

Selon la Cour des comptes, le déficit budgétaire global a atteint 2 082 milliards de dinars en 2018, soit trois fois plus qu’en 2017, avec une hausse significative pour les dépenses d’équipement (+ 74,1 %). Quant à la dette publique, elle est évaluée par l’organisme à 7 778 milliards de dinars, soit 38 % du produit intérieur brut (PIB).  

De son côté, dans une déclaration récente à l’APS, Ferhat Ait Ali Braham, ministre de l’Industrie, opte pour de l’ouverture du capital via le marché boursier, une option qui pourrait être retenue pour les entreprises en difficulté qui nécessitent «des recapitalisations cycliques». Ainsi, le ministre explique qu’un audit global du secteur industriel public est en cours de réalisation, lequel permettra de «désigner ce qui est privatisable et de fixer les conditions d’accès aux capitaux».   

Enfin, le ministre de l’Industrie considère que le recours à la privatisation est «la meilleure option», car elle permet, selon lui, «aux épargnants algériens de refinancer le tissu industriel national réduisant ainsi le recours au Trésor public». 

Les autorités publiques pourront-elles cette fois endiguer l’endettement structurel de certaines entreprises publiques qui dure depuis des décennies? Affaire à suivre.  


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

Short Url
  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
Short Url
  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Short Url
  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.