Espèces invasives, une menace sous-estimée au cœur d'un rapport inédit

Des bateliers bangladais naviguent à travers des jacinthes d'eau denses sur la rivière Buriganga à Dhaka le 21 août 2014. Les jacinthes d'eau, une espèce végétale envahissante, peuvent rapidement recouvrir d'immenses étendues d'eau, ce qui entrave les mouvements des bateaux. (Photo par Munir Uz Zaman / AFP
Des bateliers bangladais naviguent à travers des jacinthes d'eau denses sur la rivière Buriganga à Dhaka le 21 août 2014. Les jacinthes d'eau, une espèce végétale envahissante, peuvent rapidement recouvrir d'immenses étendues d'eau, ce qui entrave les mouvements des bateaux. (Photo par Munir Uz Zaman / AFP
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Publié le Dimanche 03 septembre 2023

Espèces invasives, une menace sous-estimée au cœur d'un rapport inédit

  • Très adaptables, ces animaux ou ces plantes, introduits volontairement ou non par l’homme, prolifèrent, supplantent ou chassent les espèces indigènes, allant jusqu’à en faire disparaître certaines
  • Les espèces invasives sont l'un des «facteurs directs de perte de biodiversité à l'échelle mondiale», avec le changement climatique ou la pollution par exemple, rappelle l'IPBES, panel international d'experts réunis sous l'égide d'ONU

PARIS  : C’est une menace quasi-invisible mais pourtant bien réelle: les espèces exotiques envahissantes (EEE) sont au cœur du prochain rapport de l'IPBES, l’équivalent du Giec pour la biodiversité, qui sera publié lundi pour alerter sur le phénomène et réfléchir sur les moyens d’y faire face.

Très adaptables, ces animaux ou ces plantes, introduits volontairement ou non par l’homme, prolifèrent, supplantent ou chassent les espèces indigènes, allant jusqu’à en faire disparaître certaines et provoquant des impacts multiples, souvent insoupçonnés avant qu’il ne soit trop tard.

Les espèces invasives sont l'un des «facteurs directs de perte de biodiversité à l'échelle mondiale», avec le changement climatique ou la pollution par exemple, rappelle l'IPBES, panel international d'experts réunis sous l'égide d'ONU.

Son nouveau rapport, préparé par 86 experts internationaux originaires de 49 pays, s'appuie sur plus de 13.000 études de références, synthétisés pendant quatre ans, pour un coût total de plus de 1,5 million de dollars.

Il sort quelques mois après l'accord de Kunming-Montréal, où la communauté internationale s'est fixée comme objectif de réduire de 50% le taux d'introduction d'espèces exotiques envahissantes d’ici 2030.

«Le phénomène est encore peu connu et jusqu’à récemment, à part chez quelques scientifiques, suscitait peu d'attention. Mais c'est pourtant un problème majeur aussi bien sur le plan écologique que sanitaire ou même économique», souligne Christophe Diagne, chercheur à l'Institut de recherche pour le développement (IRD) de Montpellier.

Espèces invasives: quand l'Australie se débat avec le coup du lapin

Avec ses grandes oreilles et sa fourrure duveteuse, le lapin est souvent perçu comme mignon et inoffensif. Il est pourtant responsable de l'une des pires invasions biologiques mondiales, ravageant l'Australie qui a tenté par tous les moyens de l'éradiquer mais n'a souvent fait qu'empirer le problème.

En 1859, ils n'étaient pourtant que 24 Oryctolagus cuniculus, plus communément désignés comme lapins de garenne, à débarquer sur les côtes australiennes en provenance d'Angleterre, pour le bon plaisir du Britannique Thomas Austin, nostalgique de ses parties de chasse.

Mais plus de 150 ans plus tard, ils sont, selon une étude parue en 2022 dans PNAS, environ 200 millions à pulluler au pays des kangourous, dévorant la végétation, détruisant les cultures et menaçant la survie de plusieurs espèces.

Avec jusqu'à sept portées annuelles, de 5 lapereaux en moyenne chacune, et une maturité sexuelle dès l'âge de 3-4 mois, le lapin a la faculté de s'étendre rapidement.

Dès ses premières années aux antipodes, en l'absence de prédateurs naturels et grâce à sa rapide adaptation au climat, le léporidé ne s'en est pas privé.

Étendant son territoire de 110 km par an, il se répand en 70 ans sur 70% de la masse terrestre de l'Australie, "ce qui constitue l'invasion la plus rapide connue par un mammifère dans le monde entier", relate un rapport de l'organisme gouvernemental australien pour la recherche scientifique (CSIRO).

 

200 millions de dégâts annuels 

Le problème est que le petit mammifère à l'air placide est du genre vorace. Herbes, bulbes, graines, arbustes, aucun herbacé ne résiste à son appétit. Résultat: il contribue à la désertification de l'outback, prive de nourritures d'autres espèces et grignote les cultures.

Les dommages agricoles et horticoles causés par les lapins sont estimés à environ 200 millions de dollars australiens chaque année, selon le ministère de l'Agriculture d'Australie occidentale.

Alors depuis plus d'un siècle, le gouvernement tente par tous les moyens de régler le problème.

Chasse intensive, pièges, bulldozers pour détruire les terriers, poison ou même explosifs: rien n'y fait, la progression du lapin résiste à tout.

En 1901, l'Australie décide de construire une barrière de 1.800 km de long dans l'espoir de freiner l’irrésistible progression de la bestiole vers les terres agricoles de l'ouest.

Mais le temps que la construction soit achevée, le garenne est déjà de l'autre côté. S'ensuit une extension, puis une autre. Au total plus de 3.000 km de pieux et de grillages. En vain.

L'Australie passe alors au plan B: l'introduction de prédateurs, comme le renard.

Mais le remède s'avère pire que le mal. Le goupil préfère s'attaquer à des proies plus faciles, comme les petits marsupiaux endémiques de l'île, déjà menacés d'extinction.

 

«cas d'école»

Dans les années 50, la science est appelée à la rescousse. Le virus de la myxomatose, une maladie provoquant des tumeurs mortelles chez les lapins, est introduit dans le pays.

Dans un premier temps, le succès semble au rendez-vous, la population de lapins passe de 600 à 100 millions. Mais le léporidé s'adapte et finit par développer une résistance au virus, peu à peu inopérant.

Nouvel angle d'attaque quelques années plus tard: la puce espagnole, censée propager des maladies parmi les lapins. Mais là encore, c'est un échec. Pire, le parasite infecte d'autres espèces.

En 1995, une nouvelle tentative d'éradication, via un virus de fièvre hémorragique, finit par inquiéter la communauté scientifique, craignant qu'il ne mute.

Très efficace sur les lapins, ce pathogène hautement contagieux peut en outre se propager rapidement à d'autres pays via les moustiques. Il arrive d'ailleurs deux ans plus tard en Nouvelle-Zélande, elle aussi aux prises avec une invasion lapine.

Un mal pour un bien? Pas vraiment. Privé d'une partie des lapins, son prédateur principal, l'hermine, elle aussi importée, se rabat sur le kiwi, oiseau endémique de l'île qui se trouve à son tour menacé.

L'Australie comme la Nouvelle-Zélande représentent "des cas d'école" de ce qu'il ne faut pas faire en matière d'introduction et de gestion des espèces invasives, souligne Elaine Murphy, scientifique au département de conservation néo-zélandais.

Si la propagation du léporidé semble aujourd'hui stabilisée sous les 300 millions, le gouvernement australien indique "continuer les recherches" pour endiguer durablement le problème.

Des extinctions et des milliards

En s'installant durablement sur de nouveaux territoires, ces espèces «vont changer l'environnement local, avec des conséquences qu’on ne mesure pas toujours au début, mais qui peuvent conduire à faire disparaître certaines espèces natives», explique M. Diagne.

Les exemples sont nombreux, du dodo de l’île Maurice, disparu en raison de la prédation d'animaux importés par les colons (rats, chats, chiens), à l’écrevisse américaine, prédateur redoutable dans les cours d'eau français ou l'apparemment inoffensif bourdon européen sur le point d'avoir la peau de son collègue chilien en ramenant un parasite ravageur.

Une étude en 2021 dans Global Change Biology montrait que 14% de la «diversité fonctionnelle» (habitat et masse) des mammifères était menacée par les invasions biologiques et que 27% des oiseaux, particulièrement vulnérables, pourraient disparaître au cours des cinquante prochaines années.

Pour la santé humaine, les impacts peuvent être ravageurs, par exemple avec le moustique-tigre, responsables d’épidémies de dengue ou de chikungunya.

Au niveau financier aussi, les conséquences ne sont pas négligeables: en 2021, une étude dans Nature chiffrait le coût des ravages à au moins 1.288 milliards de dollars depuis 1970.

«C’est énorme! A titre de comparaison, ce montant est supérieur au PIB de la plupart des pays africains réunis», souligne M. Diagne qui a coordonné cette étude. Une autre étude en avril juge le montant des dégâts à peu près similaire aux dommages causés par les tremblements de terre ou les inondations.

Selon Invacost, une base de données coordonnée notamment par le CNRS, ce coût «triple chaque décennie depuis 1970» quand dans «le même temps, les dépenses investies pour éviter ou contrôler ces invasions sont 10 à 100 fois moins importantes».

Selon l'IPBES, «la menace croissante» que représente les espèces exotiques envahissantes «est généralement mal comprise».

Son rapport inédit a pour objectif de «faire autorité» et de «contribuer grandement à combler les lacunes critiques en matière de connaissances, à soutenir les décideurs et à sensibiliser le public», souligne Helen Roy du Centre britannique d'écologie et d'hydrologie, qui copréside la publication.

- Constante évolution -

Peu de recensements officiels existent: la base de données mondiales des espèces invasives (GISD), coordonnée par l'Union internationale pour la conservation de la nature, estime leur nombre à 1.071, rappelle M. Diagne. Mais le changement climatique accélère le déplacement d'espèces.

Les effets néfastes peuvent longtemps rester invisibles et une espèce, considérée un temps comme envahissante, peut ne plus l’être quelques années plus tard car l'environnement s'y sera adapté ou elle aura simplement disparu d'elle-même.

D'où la nécessité de ne pas diaboliser: «il n'y a pas de +bonnes ou de mauvaises espèces+ en soi, c'est le fait qu'elle soit déplacée qui pose problème, pas l'espèce en elle-même», souligne M. Diagne.

En France, des lacs de montagne verdissent, un petit poisson désigné coupable

A 1 800 mètres d'altitude, l'étang d'Areau dans le sud-ouest de la France a pris une étrange couleur verte: comme d'autres lacs pyrénéens à l'eau habituellement cristalline, il est victime d'un dérèglement attribué par certains chercheurs à un petit poisson introduit par les pêcheurs.

"Quand on voit des poissons dans les lacs de montagne, on voit un écosystème qui est perturbé", assure à l'AFP Adeline Loyau, biologiste et ingénieure à l'Institut national polytechnique (INP) de Toulouse (sud-ouest).

Les poissons ont été introduits en montagne par l'être humain il y a plusieurs siècles, probablement autour du Moyen-Âge, d'abord comme source de protéines pour les bergers puis, de façon plus massive, pour approvisionner les hôtels et restaurants des villes thermales.

Adeline Loyau et son mari Dirk Schmeller, professeur spécialiste de l'écologie des montagnes à l'INP, s'intéressent en particulier à l'un d'entre eux: le vairon, une espèce de moins de dix centimètres qui vit normalement dans les rivières fraîches et qui est utilisé comme appât vivant.

Lorsqu'il parvient à s'échapper de l'hameçon ou qu'il est relâché par les pêcheurs, il s'acclimate bien, dévorant amphibiens et insectes, ainsi que le zooplancton, "des petits crustacés microscopiques dont le rôle est de manger les algues et de maintenir l'eau très claire, très pure", explique Adeline Loyau.

Lorsqu'un lac devient vert, "c'est que les algues ont gagné", complète Dirk Schmeller.

 

«Cocktail de facteurs»

La prolifération des algues n'est toutefois pas uniquement due au vairon et l'impact réel de ce petit poisson sur l'écosystème est au coeur de débats animés entre chercheurs.

Pour Didier Galop, directeur de recherche au Centre national de recherche scientifique (CNRS) spécialiste de l'histoire et de la géographie de l'environnement, "il y a un cocktail de facteurs de perturbation" qui peuvent expliquer le verdissement des lacs, comme la concentration de troupeaux autour de ces points d'eau ou les températures plus élevées liées au réchauffement climatique.

Aux yeux du scientifique, également pêcheur, le verdissement est un phénomène qui reste assez marginal et n'est que l'un des nombreux symptômes de la dégradation de la qualité de l'eau des lacs de montagne. "Il y a aussi des lacs qui sont très bleus, mais qui ont zéro biodiversité", souligne-t-il.

Dirk Schmeller et Adeline Loyau estiment quant à eux que les lacs verts sont de plus en plus fréquents, notamment sur des petites surfaces d'eau.

"On a même des randonneurs qui sont parfois venus il y a trente ans et qui nous le font remarquer", assure la chercheuse.

 

Sensibiliser les pêcheurs 

De l'autre côté des Pyrénées, des lacs verts ont été observés dès 2011 par des chercheurs espagnols, qui ont entamé en 2014 des programmes d'élimination des poissons, à l'aide de filets ou de techniques de pêche électrique.

En 2018, le parc national des Pyrénées, en France, les a imités. Mais il a constaté que des poissons avaient été réintroduits de manière "sauvage" par la suite. Il compte donc sur la sensibilisation des pêcheurs pour trouver un équilibre entre loisirs et préservation de l'environnement.

Sébastien Delmas, président d'une association regroupant les fédérations de pêche des Pyrénées, reconnaît que le vairon pose problème et souhaite "harmoniser les règlementations", différentes d'un département à l'autre, pour limiter la pêche au vif en montagne. Mais il estime que d'autres poissons, comme les truites, y ont parfaitement leur place.

"Les poissons, c'est aussi de la biodiversité: s'ils sont là depuis des siècles c'est qu'ils y sont bien", soutient-il.

Selon lui, il faudrait aussi regarder du côté du tourisme pour comprendre la mauvaise santé des lacs, car la baignade avec de la crème solaire ou des produits anti-moustique ont également un effet sur l'écosystème.

"Sur une journée d'été, il peut y avoir trois ou quatre pêcheurs autour d'un lac, mais 300 baigneurs. Mais on accuse toujours les pêcheurs", regrette-t-il.

Dirk Schmeller, favorable à l'élimination des poissons, estime aussi qu'il faudrait réduire l'utilisation de polluants autour des lacs. "Après, on aura juste le réchauffement climatique à changer...", relève-t-il avec ironie.


Le FMI avertit que les frappes américaines contre l'Iran pourraient perturber l'économie mondiale

Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI. (Getty via AN)
Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI. (Getty via AN)
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  • La directrice générale a déclaré que le FMI suivait de près la situation au Moyen-Orient.
  • Le rapport d'avril du FMI a mis en garde contre l'affaiblissement de l'économie mondiale.

DJEDDAH : Le Fonds monétaire international a averti que les frappes aériennes américaines sur l'Iran pourraient amplifier l'incertitude économique mondiale, avec des retombées potentielles bien au-delà des marchés de l'énergie, a déclaré son directeur à Bloomberg lundi.

La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a déclaré que le Fonds suivait de près la situation au Moyen-Orient, en particulier l'impact du conflit sur les prix du pétrole et du gaz et sur les voies d'approvisionnement.

Les remarques de Mme Georgieva interviennent après que l'armée américaine a mené des frappes ciblées sur des sites nucléaires en Iran, s'impliquant de fait dans la campagne d'Israël visant à démanteler le programme nucléaire du pays, malgré les menaces de représailles de Téhéran qui pourraient déclencher un conflit régional plus large.

Le président américain Donald Trump a déclaré que les principaux sites nucléaires iraniens avaient été "complètement et intégralement oblitérés" et a mis en garde le pays contre des attaques de représailles, affirmant que les États-Unis pourraient frapper d'autres cibles "avec précision, rapidité et compétence."

Mme Georgieva a déclaré à Bloomberg que le FMI considérait cela « comme une autre source d'incertitude dans un environnement très incertain », ajoutant que l'institution surveillait deux choses : « Premièrement, l'impact sur les primes de risque pour le pétrole et le gaz. Il y a eu un certain mouvement à la hausse, mais jusqu'où ira-t-il ? Deuxièmement, y aurait-il des perturbations dans l'approvisionnement en énergie ? »

Elle poursuit : "Pour l'instant, non. Mais voyons comment les événements évolueront - si des voies de livraison ou des retombées dans d'autres pays peuvent se produire. Je prie pour que ce soit le cas."

Selon Bloomberg, le pétrole brut Brent a brièvement augmenté de 5,7 % pour atteindre 81,40 dollars le baril au début des échanges asiatiques le 23 juin, avant de redescendre.

Lorsqu'on lui a demandé si le mécanisme de transmission, en particulier les canaux où elle voit le plus grand impact du choc du Moyen-Orient, se reflète actuellement dans les prix de l'énergie, la directrice générale a confirmé que c'était le cas.

"Il pourrait y avoir des impacts secondaires et tertiaires. Disons qu'il y a plus de turbulences qui affectent les perspectives de croissance des grandes économies, et qu'il y a alors un impact déclencheur dans une révision à la baisse des perspectives de croissance mondiale", a-t-elle déclaré à Bloomberg.

"Comme vous le savez, nous avons déjà revu à la baisse les projections de croissance pour cette année et nous présenterons nos prochaines projections en juillet.

Mme Georgieva a poursuivi : "Ce que nous observons au cours des deux premiers trimestres de l'année confirme largement le tableau que nous avons dressé en avril, à savoir une croissance mondiale un peu plus lente, mais pas de récession.

Dans son rapport d'avril, le FMI avait lancé un avertissement concernant l'affaiblissement de l'économie mondiale, en revoyant nettement à la baisse les prévisions de croissance par rapport aux projections de janvier.

Le Fonds a identifié les tensions commerciales croissantes, le niveau record des droits de douane et l'imprévisibilité croissante des politiques comme des menaces majeures pour la stabilité économique à court et à long terme. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le secteur culturel saoudien devrait tripler la part du PIB pour atteindre 48 milliards de dollars d'ici 2030

 La fréquentation des événements culturels a dépassé les 23,5 millions entre 2021 et 2024, et les grands festivals tels que le Festival du film de la mer Rouge et la Biennale des arts islamiques sont devenus des attractions mondiales. (Photo AFP)AFP
La fréquentation des événements culturels a dépassé les 23,5 millions entre 2021 et 2024, et les grands festivals tels que le Festival du film de la mer Rouge et la Biennale des arts islamiques sont devenus des attractions mondiales. (Photo AFP)AFP
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  • La contribution du secteur culturel au produit intérieur brut à 3 % - soit 180 milliards de SR (48 milliards de dollars) - d'ici 2030, contre moins de 1 %, selon le ministre de la Culture, le prince Badr bin Abdullah bin Farhan.
  • Depuis la création du ministère en 2018, l'emploi dans le secteur a bondi de 318 %, tandis que le nombre de diplômés en culture a atteint 28 800 en 2024, soit une augmentation de 79 % par rapport à 2018.

DJEDDAH : L'Arabie saoudite prévoit de porter la contribution du secteur culturel au produit intérieur brut à 3 % - soit 180 milliards de SR (48 milliards de dollars) - d'ici 2030, contre moins de 1 %, selon le ministre de la Culture, le prince Badr bin Abdullah bin Farhan.

Dans une interview accordée à Al-Eqtisadiah, le ministre a déclaré que le secteur avait déjà dépassé sa part de 0,91 % du PIB, les objectifs de la Vision 2030 étant atteints plus tôt que prévu.

"La Vision 2030 constitue le fondement de la stratégie et de l'orientation du ministère de la culture", a-t-il déclaré.

"D'ici 2030, nous envisageons un environnement culturel qui nourrit les talents, encourage l'innovation au niveau local et international, et soutient l'épanouissement des entreprises créatives et culturelles". a déclaré le prince Badr lors de l'entretien.

"À terme, notre objectif est de porter la contribution du secteur au PIB à 3 %, ce qui équivaut à 180 milliards de francs suisses. "Cela représente la mission principale du ministère de la culture et de ses organes affiliés, qui doivent conduire une transformation culturelle ambitieuse.

Depuis la création du ministère en 2018, l'emploi dans le secteur a bondi de 318 %, tandis que le nombre de diplômés en culture a atteint 28 800 en 2024, soit une augmentation de 79 % par rapport à 2018. Le ministère a également délivré plus de 9 000 licences, tandis que les associations culturelles et les clubs amateurs sont passés de 28 à 993.

"L'un des résultats notables est l'augmentation du pourcentage de citoyens qui estiment que la culture est importante, qui est passé de moins de 70 % à 92 %", a déclaré le prince Badr. Le ministère supervise également les célébrations nationales telles que la Journée de la fondation et la Journée du drapeau, et a répertorié 9 317 sites d'antiquités et 25 000 sites du patrimoine urbain.

L'Arabie saoudite a désormais atteint son objectif Vision 2030 de posséder huit sites du patrimoine mondial de l'UNESCO, Al-Faw rejoignant la liste en 2024. La fréquentation des événements culturels a dépassé les 23,5 millions entre 2021 et 2024, et des festivals majeurs tels que le Festival du film de la mer Rouge et la Biennale des arts islamiques sont devenus des attractions mondiales. 

Le programme de bourses d'études culturelles a accordé des bourses à 1 222 étudiants qui étudient dans plus de 120 établissements dans différents pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. La souplesse du programme - pas de limite d'âge ni de formation académique requise - a permis d'élargir la participation. "Aujourd'hui, les boursiers poursuivent des études dans des domaines tels que la musique, le théâtre et les arts visuels", a déclaré le ministre.

Par l'intermédiaire du Fonds de développement culturel, le ministère a déboursé 377 millions de SR pour plus de 120 projets. "Les principaux domaines de croissance sont le patrimoine, la musique et la mode. Plus de 1 200 créateurs et entrepreneurs ont bénéficié de ses services de développement", a-t-il ajouté.

"Globalement, le rôle de la culture dans la création de valeur économique durable est de plus en plus reconnu", a déclaré le ministre. "Notre rôle est de préserver et de promouvoir l'identité culturelle tout en la rendant accessible et économiquement valable. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Enquête du sénat français sur la délinquance financière: Les mesures prises par les Émirats, un exemple à suivre

Derrière l’abstraction des chiffres, il paraît évident que le blanchiment d’argent alimente une économie parallèle qui fragilise l’État de droit et ruine la confiance dans les institutions.   « Le blanchiment est le crime qui permet tous les autres », résume un récent rapport du Sénat, porté par deux sénateurs, Nathalie Goulet et Raphaël Daubet, dévoilé le 20 juin 2025. (Photo LinkedIn)
Derrière l’abstraction des chiffres, il paraît évident que le blanchiment d’argent alimente une économie parallèle qui fragilise l’État de droit et ruine la confiance dans les institutions.  « Le blanchiment est le crime qui permet tous les autres », résume un récent rapport du Sénat, porté par deux sénateurs, Nathalie Goulet et Raphaël Daubet, dévoilé le 20 juin 2025. (Photo LinkedIn)
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  • Boutiques de façade, crypto actifs, rachat de tickets gagnants de jeux du hasard ou dissimulation dans l’immobilier sont autant de mécanismes mobilisés par les criminels, détaille le rapport
  • La France n’est pas dépourvue d’outils : Tracfin (l'organisme chargé de traquer les fraudes et le blanchiment), le Parquet national financier, les autorités de contrôle bancaire sont mobilisés

PARIS: En France comme partout dans le monde, la délinquance financière ne cesse de prendre de l’ampleur.

Derrière l’abstraction des chiffres, il paraît évident que le blanchiment d’argent alimente une économie parallèle qui fragilise l’État de droit et ruine la confiance dans les institutions. 

« Le blanchiment est le crime qui permet tous les autres », résume un récent rapport du Sénat, porté par deux sénateurs, Nathalie Goulet et Raphaël Daubet, dévoilé le 20 juin 2025. 

Ce constat met en lumière les failles de la lutte française contre ces circuits illicites, tandis que d’autres États, comme les Émirats arabes unis, se positionnent désormais en acteurs majeurs de la lutte contre les flux financiers criminels.

Le blanchiment de capitaux représente entre 2 et 5 % du PIB mondial, soit jusqu’à 4 000 milliards de dollars chaque année, selon l’ONU, à l'échelle française, cela se traduirait par 38 à 58 milliards d’euros réinjectés illégalement dans l’économie, or seuls 2 % de ces fonds sont effectivement confisqués par les autorités.

Loin d’être cantonnée au trafic des narcotiques, la délinquance financière s’appuie sur des réseaux multiples : trafic de migrants, contrefaçon, tabac illégal, fraude documentaire, autant de vecteurs qui génèrent des revenus massifs et requièrent, des dispositifs de blanchiment complexes. 

Boutiques de façade, crypto actifs, rachat de tickets gagnants de jeux du hasard ou dissimulation dans l’immobilier sont autant de mécanismes mobilisés par les criminels, détaille le rapport.

La France n’est pas dépourvue d’outils : Tracfin (l'organisme chargé de traquer les fraudes et le blanchiment), le Parquet national financier, les autorités de contrôle bancaire sont mobilisés. 

En 2024, Tracfin a enregistré plus de 211 000 signalements, dont l’essentiel provient du secteur financier, affirment le rapport mais de nombreuses zones d’ombre subsistent, et certaines professions, comme par exemple les antiquaires ou les agents sportifs, échappent encore à la régulation.

La commission sénatoriale, présidée Daubet avec Goulet comme rapporteuse, plaide pour une stratégie globale, dépassant le simple empilement d’outils. 

Elle propose notamment dans son rapport de renforcer la formation des enquêteurs, d’élargir les prérogatives des greffiers pour détecter les sociétés écrans, et de systématiser le contrôle de l’origine des fonds lors de la reprise d’entreprises.

Ces recommandations devraient déboucher sur plusieurs propositions de loi, dont l’une sur la contrefaçon (5 milliards d’euros de pertes annuelles pour la France), une autre sur le trafic de migrants, la fraude à l’identité ou les plaques falsifiées. 

Par ailleurs, certaines mesures n’exigent pas de loi, telles que la réorganisation des services, l’harmonisation des logiciels d’enquête, ainsi que les bonnes pratiques internes aux entreprises ou les nouveaux protocoles d’échange entre administrations.

Pour les sénateurs, il est urgent de bâtir une véritable culture de la lutte contre l’argent sale, « Ce n’est pas qu’un sujet technique, il faut créer une dynamique collective, une prise de conscience nationale et européenne », estime Goulet. 

Alors que la France peine à muscler son dispositif, les Émirats arabes unis illustrent selon le rapport une évolution spectaculaire. 

Longtemps perçu comme un paradis pour les flux opaques, le pays a opéré un redressement stratégique depuis son inscription sur la liste grise du GAFI en 2022, deux ans plus tard, en février 2024, ils en sont officiellement sortis.

Soucieuse d’évaluer cette transition, une délégation du Sénat s’est rendue sur place en mars 2025, peu après, le 5 juin, la Commission européenne annonçait elle aussi le retrait des Émirats de sa propre liste des pays tiers à haut risque, saluant leur conformité croissante aux normes internationales.

Les Émirats ont misé sur un modèle légal souple, inspiré de systèmes comme celui de Singapour ou de l’Australie, ils ont adopté des textes, souvent courts, qui laissent une large marge d’interprétation aux autorités. 

Dans un pays majoritairement peuplé d’expatriés, l’arsenal répressif repose avant tout sur les expulsions, la saisie d’actifs, et une surveillance numérique renforcée.

Leur infrastructure numérique souligne le rapport est sans équivalent dans la région, réseau 5G ultra-rapide, taux d’accès à Internet supérieur à 99 %, et capacité technologique avancée de suivi des communications, des atouts qui permettent un contrôle strict, rapide et efficace des flux financiers suspects.

Le rapport détaillé le dispositif des Émirats, au cœur duquel se trouve « The Executive Office of Anti Money Laundering » et le « Counter Terrorism Financing », une task force composée de 11 départements spécialisés. 

Cette structure centrale est chargée de coordonner les efforts de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, dans le respect des recommandations du GAFI.

Les résultats parlent d’eux-mêmes puisque selon le rapport, entre mars et juillet 2023, plus de 329 millions d’euros d’avoirs illicites ont été saisis, en trois ans, le montant total des amendes infligées aux contrevenants a été multiplié par 25..

Par ailleurs, les Émirats ont accru le contrôle des professions non financières, longtemps vulnérables, comme les agents immobiliers ou les maisons de ventes, en imposant des formations obligatoires, des obligations de vigilance, et des programmes de conformité.

La stratégie émirienne ne vise pas seulement à rassurer les instances internationales, elle s’inscrit aussi dans une ambition diplomatique plus large : devenir un acteur régional majeur en matière de gouvernance financière, d’ailleurs l'ouverture en 2025 d’un bureau régional du GAFI à Abou Dhabi illustre cette volonté de leadership.

Le pays a signé de nombreux accords de coopération, notamment avec TRACFIN en février 2024, et aligné ses normes sur celles de l’Union européenne et des États-Unis. 

L’interdiction d’entrée sur le sol émirien du yacht de luxe « Flying Fox », visé par des sanctions internationales, témoigne d’un changement de posture radical assuré le rapport et la modernisation du secteur des paiements complète ce paysage, à travers surtout la réduction des transactions en espèces.

Le combat contre le blanchiment ne peut être gagné par un seul pays, estiment les auteurs du rapport. Il exige une approche transversale, une coopération entre États, et une volonté d’agir à la fois sur le plan juridique, technologique et culturel. 

La France, en quête d’une meilleure coordination et d’une dynamique législative nouvelle, peut selon eux trouver une source d’inspiration dans l’exemple des Émirats arabes unis.