Interdiction de l'abaya à l'école: nouvelle polémique sur l'islam en France

Le Conseil d'Etat a été saisi en urgence par une association musulmane, qui voit dans cette proscription une "atteinte aux droits de l'enfant" (Photo d'illustration, AFP).
Le Conseil d'Etat a été saisi en urgence par une association musulmane, qui voit dans cette proscription une "atteinte aux droits de l'enfant" (Photo d'illustration, AFP).
Short Url
Publié le Vendredi 08 septembre 2023

Interdiction de l'abaya à l'école: nouvelle polémique sur l'islam en France

  • La rentrée scolaire de septembre a a été dominée par l'interdiction du port de l'abaya - un phénomène très minoritaire - décrétée par le ministre de l'Education
  • Le Conseil d'Etat confirme donc la religiosité présumée du vêtement

PARIS: Après la burqa, le burkini et le hijab, la France renoue avec les polémiques sur l'islam, cette fois-ci autour de l'abaya, bannie à l'école au nom de la laïcité, une interdiction confirmée jeudi par la plus haute juridiction française.

Ces débats, souvent mal compris à l'étranger, surviennent dans un pays extrêmement attaché à une loi plus que centenaire sur la séparation de la religion et de l'Etat et marqué par une relation complexe avec l'islam et les musulmans, héritée notamment de son histoire coloniale.

La rentrée scolaire de septembre a ainsi été dominée par l'interdiction du port de l'abaya - un phénomène très minoritaire - décrétée par le ministre de l'Education Gabriel Attal.

Ses partisans, dont de nombreux chefs d'établissement en manque de consignes claires, y ont vu un rappel bienvenu à la laïcité, ses détracteurs un rideau de fumée destiné à éclipser les problèmes de l'Education nationale ou à alimenter l'"islamophobie".

Le Conseil d'Etat a été saisi en urgence par une association musulmane, qui voit dans cette proscription une "atteinte aux droits de l'enfant". Il a validé jeudi l'interdiction du port de l'abaya à l'école, en rejetant le recours de l'association, qui demandait sa suspension.

Le port de l'abaya "s'inscrit dans une logique d'affirmation religieuse", a estimé le juge des référés, qui avait été saisi en urgence par l'association Action droits des musulmans (ADM).

En conséquence, son interdiction "ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée, à la liberté de culte, au droit à l'éducation et au respect de l'intérêt supérieur de l'enfant ou au principe de non-discrimination", a-t-il estimé.

Le Conseil d'Etat confirme donc la religiosité présumée du vêtement, rejetant l'argument de l'avocat de l'association, Me Vincent Brengarth, selon lequel l'"abaya", qui "signifie +robe+, +manteau+", est un vêtement "traditionnel" et non "religieux".

Polémiques en série
Elle "fait immédiatement reconnaître celui qui la porte comme appartenant à la religion musulmane", a rétorqué Guillaume Odinet, du ministère de l'Education.

L'association ADM s'est dite "profondément inquiète des conséquences que cette décision pourrait avoir sur des jeunes filles, qui risquent de subir quotidiennement des discriminations fondées sur leur apparence ethnique et religieuse".

Le Conseil français du culte musulman (CFCM), l'instance qui représente la deuxième religion du pays, dénonce pour sa part "un énième débat sur l'islam et les musulmans avec son lot de stigmatisations".

La France n'en est pas, loin s'en faut, à sa première polémique sur l'habit islamique.

En 2004, une loi a proscrit le port à l'école publique de signes ou tenues manifestant "ostensiblement" une appartenance religieuse, avec en toile de fond des querelles sur le foulard musulman.

Six ans plus tard, le voile intégral était banni dans l'espace public, provoquant une controverse internationale. En 2016, le port du burkini, ce maillot de bain long recouvrant corps et cheveux, était prohibé sur certaines plages.

Régulièrement, la question d'interdire aux femmes voilées d'accompagner des sorties scolaires refait surface. En juin dernier, une éventuelle autorisation pour des footballeuses de porter le hijab a agité le pays.

A chaque polémique, les partis de droite, d'extrême droite mais aussi de gauche, à l'exception de la gauche radicale, affirment vouloir défendre la "laïcité", pilier de la République française depuis une loi de 1905 et menacée selon eux par un "séparatisme" religieux, venant principalement de l'islam.

«Droitisation»
Les débats se sont tendus davantage depuis la vague d'attentats islamistes meurtriers a frappé le pays dans la dernière décennie.

"Nous vivons dans notre société avec une minorité, des gens qui, détournant une religion, viennent défier la République et la laïcité", a argumenté lundi le président Emmanuel Macron, questionné sur l'abaya.

"On ne peut pas faire comme s'il n'y avait pas eu d'attentat terroriste et Samuel Paty", a-t-il ensuite dit, en référence à l'enseignant assassiné en 2020 par un jeune radicalisé d'origine tchétchène, après avoir montré en classe des caricatures de Mahomet dans le cadre d'un cours sur la liberté d'expression.

Quelque 81% des Français, de gauche comme de droite - un peu moins au sein de la gauche radicale -, approuvent ainsi l'interdiction de l'abaya à l'école, selon un récent sondage.

"Il y a une radicalisation de la société française, une droitisation que l'on retrouve aussi sur les questions d'immigration, de sécurité", observe l'historien et politologue Jean Garrigues.

"Dans une société qui n'a plus de colonne vertébrale, une bonne partie des Français ont le réflexe instinctif de protéger certaines valeurs" comme la laïcité, dit-il à l'AFP.

La France, régulièrement qualifiée d'"islamophobe" dans le monde musulman depuis les caricatures du prophète Mahomet publiées dans l'hebdomadaire Charlie Hebdo, va "trop loin", estime de son côté Pooyan Tamimi Arab, chercheur iranien en études religieuses de l'université d'Utrecht (Pays-Bas).

"Quand vous interdisez l'abaya en France, vous donnez une excuse aux islamistes pour dire : +Regardez, nous sommes discriminés+. Il sera dit que la laïcité à la française est anti-islamique. Cela sera critiqué. Cela pourrait être utilisé pour justifier de la violence", craint-il.


Le ministre saoudien de la Défense rencontre l'ambassadeur de France au Royaume d'Arabie saoudite.

Le ministre saoudien de la Défense, le prince Khalid bin Salman, reçoit l'ambassadeur de France au Royaume, Patrick Maisonnave, mardi à Riyad. (SPA)
Le ministre saoudien de la Défense, le prince Khalid bin Salman, reçoit l'ambassadeur de France au Royaume, Patrick Maisonnave, mardi à Riyad. (SPA)
Short Url
  • Les deux responsables ont passé en revue les relations franco-saoudiennes et discuté des derniers développements dans la région.

RIYADH : Le ministre saoudien de la Défense, le prince Khalid bin Salman, a reçu mardi à Riyad l'ambassadeur de France au Royaume, Patrick Maisonnave.

Au cours de la réunion, les deux responsables ont passé en revue les relations franco-saoudiennes et discuté des derniers développements dans la région.

Un certain nombre de sujets d'intérêt mutuel ont également été abordés, a écrit le prince Khalid sur X. 


Fabentech, un rôle capital pour armer l'Europe contre le bioterrorisme

Fabentech, un rôle capital pour armer l'Europe contre le bioterrorisme
Short Url
  • La PME de 50 employés est la première à recevoir un prêt de la Banque européenne d’investissement, de 20 millions d’euros, dans le cadre de la stratégie européenne de renforcement de la préparation contre les menaces biologiques.
  • Fabentech compte sur son nouvel appui de l'Europe pour financer ses programmes en cours, investir dans des équipements supplémentaires à Saint-Priest, optimiser son procédé de fabrication

SAINT-PRIEST : Comment se préparer aux menaces bioterroristes et aux prochains virus mortels? Le petit laboratoire lyonnais Fabentech a été sélectionné pour construire un "bouclier" avec des antidotes à large spectre, afin de protéger la France mais aussi l’Europe.

"Quand on parle de risque sanitaire, on n’est pas dans la science-fiction. La question n’est pas si, mais quand", lance Laurent Muschel, directeur général d’Hera, l’autorité de préparation et de réponse aux urgences sanitaires qui a vu le jour après la crise du Covid-19, en visite lundi chez Fabentech.

La PME de 50 employés est la première à recevoir un prêt de la Banque européenne d’investissement, de 20 millions d’euros, dans le cadre de la stratégie européenne de renforcement de la préparation contre les menaces biologiques.

Elle travaille main dans la main avec les gouvernements, les organisations de santé et l'armée française pour développer des traitements d'urgence contre des virus et toxines mortels identifiés comme des risques majeurs pour la santé publique.

"Les autorités sont en alerte sur un certain nombre d’agents pathogènes. Elles demandent à des industriels comme nous d’avoir des stocks stratégiques par anticipation, de façon à pouvoir répondre dès le début de l’émergence d’une menace", explique à l’AFP Sébastien Iva, président de Fabentech.

Grâce à ce soutien financier, "une antitoxine qui permettra de faire face à une attaque terroriste à base de ricine, un poison qu’on peut fabriquer assez facilement et qui a déjà fait l’objet de certaines tentatives" devrait arriver sur le marché en 2025, révèle M. Muschel. Hera financera ensuite le stockage de ces produits dans des lieux tenus secret.

Deux autres antidotes sont en développement moins avancé contre des toxines végétales, en matière de biodéfense.

Fabentech travaille aussi sur des ripostes pharmaceutiques à des "virus émergents avec un taux de létalité beaucoup plus important que celui du Covid", comme le virus aéroporté Nipah, qui sévit en Asie du Sud-Est, "une menace identifiée un peu partout dans le monde étant donné son taux de létalité de 60%".

Il s'attaque aussi à toute une famille de virus, les sarbecovirus, dont font partie les coronavirus, pour pouvoir répondre aux futures pandémies. L'objectif est de mettre au point un traitement contre huit virus de cette famille, ce qui reviendra, selon son patron, à "stocker un seul produit pour l'ensemble de ces menaces" infectieuses.

La biotech envisage par ailleurs de relancer ou remettre à jour un programme thérapeutique développé contre la grippe aviaire et un autre, moins avancé, sur Ebola.

- Sérum équin -

La technologie de Fabentech reste la même pour toutes ces solutions d'urgence. Elle repose sur des anticorps polyclonaux à large spectre qui proviennent d'immunoglobines produites chez le cheval pour neutraliser les virus ou toxines ciblées, même s’ils ont muté.

La société développe ainsi l’antigène qu'elle injecte à des chevaux dont le système immunitaire produira énormément d’immunoglobines.

C'est dans son unité industrielle près de Lyon, à Saint-Priest, que se déroule l’étape de purification du produit dans des cuves en inox, pour qu'il puisse être administrable à l'homme.

Sous un entrelac de tuyauteries de ventilation, sont installés des modules de production à petite échelle, à usage de la recherche pour des tests précliniques. Concernant une fabrication à plus large échelle, le laboratoire dépend de plus grandes structures.

Pourquoi le cheval plutôt qu’un autre animal? "Il n’y a jamais eu de maladie transmise du cheval à l’homme. Et comme les chevaux vont produire beaucoup de sang, cela permet de collecter beaucoup de traitements", explique M. Iva.

Fabentech compte sur son nouvel appui de l'Europe pour financer ses programmes en cours, investir dans des équipements supplémentaires à Saint-Priest, optimiser son procédé de fabrication et prévoir "quelques recrutements".

En concurrence avec les Américains Siga Technologies et Emergent BioSolutions, l'entreprise biopharmaceutique, qui anticipe un chiffre d'affaires de 10 millions d'euros l'an prochain, cherche parallèlement à trouver des "capitaux supplémentaires" du côté des investisseurs privés.


Le nouveau gouvernement français mardi face à une improbable censure

Le Premier ministre français Michel Barnier (C) assiste à une session parlementaire à l'Assemblée nationale à Paris le 8 octobre 2024. (AFP)
Le Premier ministre français Michel Barnier (C) assiste à une session parlementaire à l'Assemblée nationale à Paris le 8 octobre 2024. (AFP)
Short Url
  • Le nouveau gouvernement français du Premier ministre Michel Barnier (droite) affronte mardi au Parlement sa première motion de censure
  • Un mois après sa nomination surprise début septembre par le président Emmanuel Macron, M. Barnier, affrontera à l'Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement, une motion de censure défendue par une coalition de partis de gauche

PARIS: Le nouveau gouvernement français du Premier ministre Michel Barnier (droite) affronte mardi au Parlement sa première motion de censure, présentée par la gauche, à laquelle il devrait survivre en dépit de son absence de majorité, l'extrême droite refusant de soutenir ce texte.

Un mois après sa nomination surprise début septembre par le président Emmanuel Macron, M. Barnier, 73 ans et vétéran de la droite française, affrontera à partir de 15H00 GMT à l'Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement, une motion de censure défendue par une coalition de partis de gauche ralliant socialistes, écologistes et gauche radicale.

Cette coalition, le Nouveau Front populaire (NFP), est arrivée en tête des législatives anticipées convoquées par M. Macron l'été dernier, sans toutefois obtenir une majorité absolue.

Elle reproche depuis au chef de l'Etat de ne pas lui avoir réellement donné une chance de former un gouvernement, M. Macron ayant préféré susciter une coalition nettement plus marquée à droite.

Le gouvernement Barnier, "dans sa composition et ses orientations, est une négation du résultat des dernières élections législatives", affirment les 192 députés NFP portant la motion de censure.

Mais la gauche parlementaire semble bien loin de pouvoir réunir les 289 voix requises - la majorité absolue - à l'Assemblée nationale pour renverser le gouvernement. Un événement rarissime en France, survenu pour la dernière fois en 1962.

D'autant que le Rassemblement national (RN, extrême droite), parti le mieux représenté à lui seul à l'Assemblée avec 126 élus, a déjà fait savoir qu'il ne soutiendrait pas cette initiative.

"Je pense que la situation est suffisamment grave pour ne pas censurer en amont déjà ce gouvernement. On va, j'allais dire, donner la chance au produit", a ironisé la semaine dernière la député RN Laure Lavalette, dont le parti étrenne ainsi sa nouvelle position d'arbitre de l'Assemblée, et dans une certaine mesure celle de faiseur ou défaiseur de gouvernement.

 

- Impôts et immigration -

 

Quelques élus du camp présidentiel pourraient également se prononcer pour la censure, mais sans faire basculer le vote. Pour certains, il s'agit de sanctionner un gouvernement trop marqué à droite sur les questions de sécurité et d'immigration.

D'autres sont hostiles à l'intention de M. Barnier d'augmenter temporairement les impôts pour les entreprises les plus profitables et les Français les plus riches, alors que les prélèvements obligatoires en France sont déjà parmi les plus élevés des pays membres de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique).

Cet effort "exceptionnel" représentera un tiers de la réduction de la dette voulue par le nouveau gouvernement, les "deux tiers" restant devant provenir d'une réduction des dépenses publiques - ce qui suscite, cette fois, l'ire de la gauche.

Le nouveau gouvernement entend réduire progressivement le déficit public, qui risque de dépasser les 6% du PIB cette année, très au-dessus du plafond des 3% que se sont fixés collectivement les pays de l'Union européenne.

"La véritable épée de Damoclès, c'est notre dette financière colossale (...) qui, si l'on n'y prend garde, placera notre pays au bord du précipice", avait justifié M. Barnier mardi dernier devant l'Assemblée.

Il avait alors également annoncé un durcissement des politiques migratoires et d'intégration, estimant que celles-ci n'étaient plus maitrisées de "manière satisfaisante", une affirmation au cœur du programme de l'extrême droite française et plébiscitée par son électorat croissant.

Lundi, le nouveau ministre français des Finances, Antoine Armand, a lui tenté de convaincre ses homologues de l'UE du sérieux budgétaire de Paris lors d'une réunion à Luxembourg.

L'objectif affiché est de ramener le déficit de 6,1% cette année à 5% l'an prochain, avant de passer sous les 3% à l'horizon 2029, deux ans plus tard que ce qui était promis par le précédent gouvernement.

Le taux d'emprunt de la France à 10 ans a dépassé fin septembre celui de l'Espagne sur le marché de la dette, une première depuis près de 18 ans.

Une proposition de destitution du président Emmanuel Macron, engagée en septembre par la gauche radicale LFI, ne sera en revanche pas examinée à l'Assemblée nationale car elle a été retoquée mardi par les présidents de l'ex-majorité de Macron et de deux groupes de droite. L'extrême droite s'est abstenue.