Pour sa 4e édition, Menart Fair s’installe au Palais d’Iéna

Palais d'Iéna (Photo, CESE).
Palais d'Iéna (Photo, CESE).
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Publié le Lundi 18 septembre 2023

Pour sa 4e édition, Menart Fair s’installe au Palais d’Iéna

  • Cette jeune foire propose un parcours au cœur d’une sélection exigeante de plus d’une centaine d’artistes dont la plupart sont reconnus dans leurs pays respectifs
  • «Cette année, nous avons voulu donner la parole aux jeunes parce que nous tenons à ce que cette foire soit dynamique, généreuse, effervescente»

PARIS: Après le succès retentissant de ses trois premières éditions, Menart Fair revient du 15 au 17 septembre au Palais d’Iéna, au cœur de la capitale française, pour nous présenter le meilleur de la création moderne et contemporaine du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Trente et une galeries de onze pays ainsi que six institutions ont répondu à l'appel de cette initiative artistique unique qui souligne la fécondité et l'originalité de la création dans la région Mena.

Cette jeune foire propose un parcours au cœur d’une sélection exigeante de plus d’une centaine d’artistes dont la plupart sont reconnus dans leurs pays respectifs. Elle permet de découvrir une scène dynamique et engagée qui nous invite à poser un nouveau regard sur un contexte géopolitique complexe et apporte une grande diversité artistique. Pour la première fois, Menart Fair accueillera des œuvres exceptionnelles venues de six institutions internationales: Farjam Foundation (Dubaï), Afkhami Foundation (Dubaï), iii museum (Zurich), Le Cercle de l’Art (Paris), Le Consulat Voltaire (Paris) et la Montresso Art Foundation (Marrakech).

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Cette jeune foire propose un parcours au cœur d’une sélection exigeante de plus d’une centaine d’artistes dont la plupart sont reconnus dans leurs pays respectifs. (Photo, Menart Fair)

La veille du lancement de la foire, Arab News en français a rencontré la fondatrice et directrice de Menart Fair, Laure d’Hauteville. Après avoir dirigé la Beirut Art Fair – qu’elle a créée – pendant plus de dix ans, elle jouit désormais d’une expertise incontestable et dispose d’une riche expérience de la scène culturelle et artistique arabe. Elle se confie sur les nouveautés et les enjeux de cet événement et retrace pour nous les temps forts de cette aventure culturelle exclusivement consacrée à l’art du monde arabe.

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Mohammad Zaza, Crust, 2022, acrylique sur toile, 163 x 157 cm. (Photo fournie)

«Depuis son lancement, cette foire répond à plusieurs objectifs: satisfaire l’engouement des collectionneurs pour l’art du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, permettre aux galeries occidentales de créer des passerelles vers de nouveaux artistes et fournir aux créateurs du monde arabe l’opportunité unique de tisser des liens avec des experts internationaux», explique Laure d’Hauteville. «Les pays de la région Mena sont des viviers créatifs d’une richesse artistique intense. Ils s’inscrivent dans leur propre tradition culturelle, nourrie de leur histoire singulière. Notre but est le développement d’un marché qui suscite l’intérêt grandissant des collectionneurs et du public tel que nous avons pu le constater lors des retombées de nos trois précédentes éditions», ajoute-t-elle.

Une édition «particulière»

«Cette édition est particulière», souligne Laure d’Hauteville, «puisqu’il ne s’agit pas simplement d’exposer des galeries ou des artistes – plus nombreux que lors des éditions précédentes, puisque le lieu s’y prête. Nous avons tenu à associer des designers ainsi que des événements culturels qui mettent en lumière l’art de ces pays.»

«Nous avons un tiers de galeries libanaises, ce qui est un chiffre très élevé dans une foire, surtout par rapport à ce que le Liban traverse. Montrer qu'il existe une vraie scène libanaise, également représentée aussi à travers d'autres galeries, c'est vraiment un point important. Il y a donc un tiers de galeries libanaises, un autre tiers de designers et un dernier tiers qui comprend des galeries de Tunisie, du Maroc, du Golfe – et même, pour la première fois cette année, des galeries françaises», poursuit Laure d’Hauteville. «Elles ont pris dans leurs écuries des artistes de la région Mena, et notamment des Libanais. Cela prouve qu'un marché est en train de s’ouvrir en Europe», souligne la directrice de Menart Fair, qui précise que, «il y a encore quelques années, peu de galeries françaises exposaient des artistes de cette région». «Depuis que Menart a initié son travail de communication sur l'art de la région, les galeries commencent à s'y intéresser.»

«Depuis son lancement, cette foire répond à plusieurs objectifs: satisfaire l’engouement des collectionneurs pour l’art du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, permettre aux galeries occidentales de créer des passerelles vers de nouveaux artistes et fournir aux créateurs du monde arabe l’opportunité unique de tisser des liens avec des experts internationaux», explique Laure d’Hauteville.

Belle participation pour les pays du Golfe

«On constate également une belle présence des pays du Golfe au sein de Menart Fair. En effet, les artistes, aujourd'hui, qu'ils soient des femmes ou des hommes, veulent montrer que les pays du Conseil de coopération du Golfe [CCG] sont en pleine création artistique, en pleine ébullition. Les galeries qui les représentent tiennent à les montrer comme des pays contemporains et en avance sur les nouvelles technologies», souligne Laure d’Hauteville. En outre, les artistes rendent hommage à la femme, «comme la galerie Huna Art, qui se focalise sur les femmes artistes de toute la péninsule Arabique. Il s’agit de montrer ce que ces femmes pensent, leur apparence, la manière dont elles voient l'avenir et de souligner combien elles sont très en avance sur leurs idéologies».

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Abed Al Kadiri, It's not Black or White, 2021, fusain sur toile, 215 x 350 cm. (Photo fournie)

Les jeunes mis en lumière

«Cette année, nous avons voulu donner la parole aux jeunes parce que nous tenons à ce que cette une foire soit dynamique, généreuse, effervescente. Et ce sont les jeunes qui vont faire l'histoire de nos pays, qui soulèvent véritablement les sujets importants – notamment la liberté d'expression. Ce sont eux qui questionnent le monde. Nous avons deux galeries phares pour la jeunesse: la galerie Alpha Halabi, qui expose de jeunes artistes qui ont vraiment des choses à dire, et la galerie Huna Art, à Sharjah», explique la dynamique fondatrice de la foire.

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Collaboration des artistes Samir Sayegh & Tarek Elkassouf, Hobb Sculpture (Love), 2023, chêne français, encre et feuille d'or 22ct, 120 x 120 x 192,5 cm. (Photo fournie)

Une programmation riche et variée

Le soir de l’inauguration aura lieu dans le Palais d’Iéna une performance musicale et chorégraphique, El Baladi (danse du ventre), avec le danseur libanais Alexandre Paulikévitch et la claveciniste française Laure Vovard, sur une musique de Louis et François Couperin (XVIIIe siècle).

«Il y aura également trois tables rondes, dont deux sont proposées en partenariat avec le master expertise et marché de l’art de Sorbonne Université. La première évoquera l’état des lieux de la scène artistique au Proche-Orient, mettant en lumière les initiatives privées qui s’engagent à relever le flambeau malgré l’effondrement étatique au Liban, en Syrie, en Irak et en Palestine. La seconde portera sur la genèse du marché de l’art au Moyen-Orient et rendra hommage aux personnalités décisives et disruptives qui ont contribué à sa naissance et ont assuré son originalité. La dernière mettra en lumière la manière dont nos objectifs et nos passions intérieures façonnent nos vies et nos destins en contribuant à une société plus inclusive et plus équitable», explique l’organisatrice de Menart.

La musique est également invitée à l’événement: une conférence musicale d’une heure avec l’expert du storytelling musical Guillaume Huret, le créateur de Rejoice, permettra de découvrir les histoires incroyables qui relient la musique du Moyen-Orient à celle de l’Occident. «Il sera question des artistes d’aujourd’hui, mais aussi d’un orchestre classique égyptien qui jouera du Mozart – sans oublier la star du Maghreb qui voulait faire mieux que James Brown», annonce Laure d’Hauteville.

Une programmation de cinquante-trois minutes de vidéos d’artistes mettra en avant quatre films dont le point commun est la fin, la rupture ou l’attente d’un changement. 

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David Daoud, 3 voyageurs, Pigments et graphite sur toile, 60 x 60 cm. (Photo fournie)

«Cette année, les enfants ne sont pas en reste», se réjouit Laure d’Hauteville. En effet, «des médiations sont organisées pour expliquer au jeune public les œuvres exposées. En outre, un atelier de fabrication d’objets moulés en ciment naturel prompt sera mis en place par la fondation Louis Vicat».

Quant à «l’organisation des galeries, elle reste la même: chacune d’elles organise sa propre exposition. Mais elles sont toutes regroupées à l’occasion de la foire».

Menart Fair jouit d’une grande visibilité auprès des galeries et des artistes de cette partie du globe. « Aujourd’hui il n’existe pas d’autre événement en France qui se concentre sur l’art de la région Mena; en outre, la foire attire de nombreux collectionneurs, des conservateurs et des musées qui se montrent intéressés par cette scène. Ce qui nous rend fiers, c’est aussi de voir des galeries françaises soutenir et exposer des artistes de la région», conclut la fondatrice de Laure d’Hauteville.


Pour Liam Cunningham, star de « Game of Thrones », le monde « n'oubliera pas » ceux qui sont restés silencieux sur Gaza

L'acteur irlandais Liam Cunningham a déclaré que le public « n'oubliera pas » ceux qui n'ont pas exprimé leur soutien aux Palestiniens pendant le conflit entre Israël et le Hamas à Gaza. (AP/File Photo)
L'acteur irlandais Liam Cunningham a déclaré que le public « n'oubliera pas » ceux qui n'ont pas exprimé leur soutien aux Palestiniens pendant le conflit entre Israël et le Hamas à Gaza. (AP/File Photo)
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  • L'Irlandais est un ardent défenseur de la cause palestinienne depuis des décennies
  • « Ce qui me préoccupe, c'est que les personnes qui se sentent concernées et qui ne font rien sont, à mon avis, pires que celles qui ne se sentent pas concernées », a-t-il déclaré

LONDRES : L'acteur irlandais Liam Cunningham a déclaré que le public « n'oubliera pas » ceux qui n'ont pas exprimé leur soutien aux Palestiniens pendant le conflit actuel entre Israël et le Hamas à Gaza.

La star de « Game of Thrones » est un fervent défenseur des causes palestiniennes depuis des décennies. Lors d'une manifestation à Dublin menée par l'Irlando-Palestinien Ahmed Alagha, qui a perdu 44 membres de sa famille dans le récent assaut israélien contre Gaza, Cunningham a déclaré qu'il avait été félicité par ses pairs dans le passé pour son activisme.

« Ce qui me préoccupe, c'est que les personnes qui se sentent concernées et qui ne font rien sont, à mon avis, pires que celles qui ne se sentent pas concernées », a-t-il déclaré.

On a demandé à Cunningham s'il avait parlé à d'autres acteurs pour les convaincre de soutenir la cause palestinienne, mais il a répondu en disant qu'il ne pouvait répondre des autres, a rapporté The Independent.

Il a toutefois ajouté : « Internet n'oublie pas. Lorsque cela se produira, lorsque la CIJ (Cour internationale de justice) et la CPI (Cour pénale internationale) feront, je l'espère, leur travail honorablement, cela se saura », a-t-il déclaré.

« Et les gens qui n'ont pas parlé ne seront pas oubliés. Ce génocide est retransmis en direct et il n'est pas possible de dire que l'on ne savait pas. Vous saviez. Et vous n'avez rien fait. Vous êtes restés silencieux. Je dois pouvoir me regarder dans le miroir, et c'est pourquoi je parle », a-t-il ajouté.

Un mois après qu'Israël a lancé son assaut sur Gaza en réponse aux incursions du Hamas sur le territoire israélien, le 7 octobre, qui ont fait près de 1 200 morts et quelque 250 otages, Cunningham a déclaré que, pour les Irlandais, ignorer le traitement réservé aux Palestiniens reviendrait à « trahir » leur histoire.

« Si nous nous permettons d'accepter ce comportement, alors nous acceptons que cela nous arrive », avait-il déclaré à l'époque. « Nous devons défendre des normes. Nous devons défendre le droit international et cela nous réduit en tant qu'êtres humains si nous ne le faisons pas ».

L'assaut israélien sur Gaza a tué plus de 34 000 Palestiniens, dont environ deux tiers d'enfants et de femmes, selon les autorités sanitaires de l'enclave dirigées par le Hamas.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Le pape François à Venise, son premier déplacement en sept mois

Le pape François salue lors d'une audience avec des pèlerins hongrois dans la salle Paul VI du Vatican, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
Le pape François salue lors d'une audience avec des pèlerins hongrois dans la salle Paul VI du Vatican, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • En se rendant à Venise pour la première fois depuis son élection en 2013, le pape entend d'abord rassurer sur sa capacité à assurer son ministère
  • Depuis sa visite à Marseille en septembre 2023, Jorge Bergoglio n'a plus voyagé

VATICAN: Le pape François, 87 ans, est attendu dimanche à Venise pour une visite éclair, son premier déplacement hors de Rome en sept mois en raison de son état de santé précaire.

Depuis sa visite à Marseille en septembre 2023, Jorge Bergoglio n'a plus voyagé. Une bronchite l'a contraint à annuler son voyage à Dubaï en décembre et son état général, de plus en plus fragile, à éviter les déplacements.

En se rendant à Venise pour la première fois depuis son élection en 2013, le pape entend d'abord rassurer sur sa capacité à assurer son ministère, quelques semaines après les inquiétudes suscitées par son accès de fatigue au moment des fêtes de Pâques.

François doit arriver en hélicoptère à 08H00 (06H00 GMT) à la prison pour femmes de l'île de la Giudecca, qui abrite le pavillon du Saint-Siège à la 60e Biennale d'art contemporain de Venise.

Dans cet ancien couvent qui accueille des femmes condamnées à de longues peines, l'évêque de Rome, sensible à la place des marginalisés, rencontrera les 80 détenues et visitera l'exposition qu'elles ont montée aux côtés de dix artistes.

A l'écart des projecteurs et de la foule, le pavillon du Saint-Siège est l'un des plus en vue de la prestigieuse manifestation d'art et propose aux visiteurs une expérience immersive et déroutante, où les œuvres côtoient les barbelés.

"Ce sera un moment historique puisqu'il sera le premier pape à visiter la Biennale de Venise", a estimé le conservateur de l'exposition, le cardinal portugais José Tolentino de Mendonça, lors d'une conférence de presse.

Cela "démontre clairement la volonté de l'Eglise de consolider un dialogue fructueux et étroit avec le monde des arts et de la culture".

Messe place Saint-Marc 

Chiara Parisi, commissaire de l'exposition, a souligné "l'émerveillement" et "l'espérance" des détenues vis-à-vis de cette visite.

"Le pape agit au-delà de la parole" en se déplaçant auprès d'elles, des "personnes qui ont à cœur de jouer un rôle même quand elles sont dans une situation très dure", a-t-elle déclaré à l'AFP.

Le pape s'exprimera ensuite devant des jeunes à 10H00 (08H00 GMT) devant l'emblématique basilique Santa Maria della Salute, dont le dôme majestueux domine l'entrée sud du Grand Canal, à deux pas de la place Saint-Marc.

Après avoir rejoint la célèbre place grâce à un pont éphémère, il présidera une grande messe à 11H00 (09H00 GMT) en présence de nombreux responsables politiques et religieux. Il quittera la Lagune en début d'après-midi pour rentrer au Vatican.

Après Paul VI (1972), Jean-Paul II (1985) et Benoit XVI (2011), François est le quatrième pape à se rendre dans la Cité des Doges.

L'histoire de la Sérénissime est étroitement liée à celle de la papauté. Au XXe siècle, trois patriarches de Venise sont devenus papes.

Le diocèse de Venise est un des plus grands de la péninsule avec 125 paroisses. Venise est en outre l'un des rares patriarcats de l'Eglise latine.

La visite du pape intervient le week-end d'introduction d'une entrée payante de cinq euros pour les touristes à la journée: en tant qu'invité, il devrait en être exempté, mais les pèlerins non résidents y seront soumis.

Après ce déplacement, le jésuite argentin doit effectuer deux autres voyages dans le nord de l'Italie, à Vérone en mai et à Trieste en juillet.

Cette visite intervient aussi alors que le Vatican vient d'officialiser une ambitieuse tournée papale aux confins de l'Asie et de l'Océanie en septembre (Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Timor oriental et Singapour), le plus long voyage de son pontificat, qui s'annonce comme un ambitieux défi sur le plan physique.


Tanger, le «havre de liberté» des grands noms du jazz

Abdellah El Gourd, légende marocaine de la musique gnawa âgée de 77 ans, pose pour une photo dans la vieille ville de Tanger le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
Abdellah El Gourd, légende marocaine de la musique gnawa âgée de 77 ans, pose pour une photo dans la vieille ville de Tanger le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Cette année, la cité, bordée par la Méditerranée et l'Atlantique, a été désignée ville-hôte de la Journée internationale du jazz, par l'Unesco
  • Randy Weston et Abdellah El Gourd vont de leur côté repousser les limites de la création, devenant les précurseurs de la fusion entre sonorités jazz et gnaoua

TANGER: Au siècle dernier, Randy Weston, Idrees Sulieman ou Max Roach ont traversé l'Atlantique pour découvrir Tanger, devenue le repère des grands jazzmen américains. Un héritage qui sera célébré mardi dans la métropole du nord du Maroc, lors de la Journée internationale du jazz.

"La ville a eu un pouvoir d'attraction fascinant sur une vague d'intellectuels et musiciens. Ce n'est pas pour rien qu'un écrivain disait qu'il y avait toujours un paquebot qui chauffait à New York en partance pour Tanger", explique à l'AFP Philippe Lorin, fondateur d'un festival de jazz dans la grande ville portuaire.

Cette année, la cité, bordée par la Méditerranée et l'Atlantique, a été désignée ville-hôte de la Journée internationale du jazz, par l'Unesco. A partir de samedi, elle abrite des conférences et spectacles en plein air qui culmineront dans un grand concert mondial avec le pianiste Herbie Hancock et les bassistes Marcus Miller et Richard Bona ou le guitariste Romero Lubambo.

Le cosmopolitisme de Tanger puise ses racines dans son statut d'ancienne zone internationale, administrée par plusieurs puissances coloniales de 1923 jusqu'en 1956 quand le Maroc a pris son indépendance.

Son rayonnement a été alimenté par le passage d'écrivains et poètes du mouvement littéraire de la "beat generation" mais aussi de jazzmen afro-américains "en quête de leurs racines africaines", souligne l'historien Farid Bahri, auteur de "Tanger, une histoire-monde du Maroc".

"Tanger était un havre de liberté comme l'est la musique jazz", note M. Lorin.

Weston débarque à Tanger 

"La présence des musiciens américains à Tanger était également liée à une diplomatie américaine très active", complète l'historien marocain.

Le célèbre pianiste Randy Weston a posé ses valises durant cinq ans à Tanger après une tournée dans 14 pays africains en 1967, organisée par le département d'Etat américain.

Le virtuose de Brooklyn a joué un rôle déterminant dans la construction du mythe de la ville du détroit, à laquelle il a dédié son album "Tanjah" (1973).

"Randy était un homme d'exception aimable et respectueux, il a beaucoup donné à la ville et ses musiciens", confie à l'AFP Abdellah El Gourd, un maître gnaoua (musique spirituelle originaire d'Afrique de l'ouest, introduite par les descendants d'esclaves), ami et collaborateur du pianiste américain décédé en 2018.

Un autre moment charnière de cette épopée est l'enregistrement en 1959 d'une session musicale avec le vénérable trompettiste Idrees Sulieman, le pianiste Oscar Dennard, le contrebassiste Jamil Nasser et le batteur Buster Smith au studio de la Radio Tanger International (RTI) à l'invitation de Jacques Muyal.

Ce Tangérois d'à peine 18 ans, animateur d'une émission de jazz sur RTI, produit alors, avec les moyens du bord et sans le savoir, un album de référence qui circulera dans les cercles de jazz avant son édition sous le titre "The 4 American Jazzmen In Tangier" en 2017.

«Expérience unique»

Randy Weston et Abdellah El Gourd vont de leur côté repousser les limites de la création, devenant les précurseurs de la fusion entre sonorités jazz et gnaoua.

"La barrière de la langue n'a jamais été un problème car notre communication se faisait à travers les gammes. Notre langage était la musique", raconte M. El Gourd, dans une salle de répétition aux murs tapissés de photos souvenirs de tournées internationales notamment avec Weston et le saxophoniste Archie Shepp.

Une longue collaboration qui donnera naissance 25 ans plus tard à l'album "The Splendid Master Gnawa Musicians of Morocco" (1992).

En 1969, le pianiste américain décide d'ouvrir un club de jazz baptisé "African Rythms Club" au-dessus du célèbre cinéma Mauritania.

"On répétait là-bas, Randy y invitait ses amis musiciens. C'était une belle époque", se remémore le maâlem (maître) de 77 ans qui a parcouru le monde aux côtés de Weston.

Puis en 1972, l'Américain se lance dans la folle aventure d'organiser un premier festival de jazz à Tanger avec des invités de marques dont le percussionniste Max Roach, le flûtiste Hubert Laws, le contrebassiste Ahmed Abdul-Malik, le saxophoniste Dexter Gordon mais aussi Abdellah El Gourd.

"C'était une expérience assez unique car c'était la première fois qu'on jouait devant un public aussi nombreux", se souvient le musicien, jusqu'alors habitué aux performances gnaouas réservées à l'époque à des cercles restreints.

L'expérience ne durera qu'une seule édition mais inspirera Philippe Lorin pour créer, près de trois décennies plus tard, le festival Tanjazz, organisé chaque année en septembre.