Vendre temporairement le carburant «à perte», la levée d'un vieux tabou

La Première ministre française Elisabeth Borne prononce un discours lors de la journée de clôture des journées parlementaires du parti «Horizons» et de l'Assemblée des maires français à Angers, dans l'ouest de la France, le 15 septembre 2023 (Photo de LOIC VENANCE / AFP).
La Première ministre française Elisabeth Borne prononce un discours lors de la journée de clôture des journées parlementaires du parti «Horizons» et de l'Assemblée des maires français à Angers, dans l'ouest de la France, le 15 septembre 2023 (Photo de LOIC VENANCE / AFP).
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Publié le Dimanche 17 septembre 2023

Vendre temporairement le carburant «à perte», la levée d'un vieux tabou

  • Selon le cabinet d'Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, cette disposition «sera incluse dans le projet de loi» avançant les négociations commerciales entre les supermarchés et leurs fournisseurs de l'agro-industrie
  • La revente à perte est interdite en France depuis 1963

PARIS: La Première ministre Elisabeth Borne a annoncé au Parisien Dimanche que les distributeurs allaient être autorisés à vendre des carburants "à perte" pendant quelques mois. Une mesure exceptionnelle et aux effets incertains, qui lève un tabou vieux de 60 ans.

Selon le cabinet d'Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, cette disposition "sera incluse dans le projet de loi" avançant les négociations commerciales entre les supermarchés et leurs fournisseurs de l'agro-industrie qui doit être "présenté début octobre" par le gouvernement.

Que dit la loi aujourd'hui?

La revente à perte est interdite en France depuis 1963. Les commerçants ne peuvent "revendre ou annoncer la revente d'un produit en l'état au-dessous de son prix d'achat effectif", explique sur son site la Répression des fraudes (DGCCRF).

En 2018, le troisième distributeur alimentaire français, Intermarché, avait ainsi été contraint de verser une amende transactionnelle de 375 000 euros - montant maximal encourue pour revente à perte - pour avoir commercialisé du Nutella à prix très cassé. L'opération promotionnelle avait entraîné des scènes de bousculades et de bagarres qui avaient marqué les esprits.

La DGCCRF liste quelques exceptions: cessation ou changement d'activité commerciale, fins de saisons - pendant les soldes d'hiver ou d'été -, "obsolescence technique ou produits démodés", ou encore si les produits sont "menacés d'altération rapide".

Pourquoi une telle interdiction?

A l'origine, l'interdiction devait protéger les professionnels plus fragiles de toute menace de "dumping": le risque était que les commerces plus gros et solides soutiennent des pertes le temps que leurs concurrents plus fragiles, éreintés par les prix cassés, disparaissent, leur laissant ensuite le champ libre pour pratiquer les politiques tarifaires de leur choix.

En 2012, Emmanuel Combe qui était alors vice-président de l'Autorité française de la concurrence expliquait aussi sur le site Atlantico que la revente à perte pouvait n'être qu'une baisse "en trompe l'oeil", le commerçant compensant la vente à perte sur un produit en augmentant sa marge sur d'autres. Le bénéfice de l'opération pour le consommateur serait ainsi annulé.

Quelle conséquence pour les petits?

Celui qui est aujourd'hui professeur des Universités à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, professeur affilié à Skema Business School et consultant pour l'agence de communication Image 7, estimait néanmoins que ces écueils étaient "assez peu pertinents" concernant le carburant, notamment parce que la plupart des stations-service indépendantes ont disparu.

Francis Pousse, président du syndicat professionnel Mobilians représentant 5 800 stations-service hors grandes surfaces, a toutefois fait part de son indignation auprès de l'AFP, en réagissant à l'annonce d'Elisabeth Borne. "Mes adhérents vivent à 40, 50% voire plus de la vente du carburant, donc s'ils vendent à perte, je leur donne trois mois".

Il s'est en outre dit "sceptique" sur l'effet bénéfique de cette mesure sur le pouvoir d'achat, car si les prix des fournisseurs des grandes surfaces continuent d'augmenter, ces dernières ne pourront "pas se permettre de perdre 15 centimes sur chaque litre d'essence".

La mesure peut-elle faire baisser les prix?

Interrogé dimanche matin par l'AFP sur les conséquences de l'annonce, un représentant d'une enseigne de supermarchés a fait part de son désarroi: "c'est plus aux ministères qu'à nous qu'il faut poser la question..."

Sur France Inter, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a expliqué qu'il s'agissait de dire "chiche" aux "patrons d'enseignes de grande distribution" qui disaient être empêchés de baisser les prix "par des dispositions législatives", précisant que ces ventes à perte ne seraient possibles que "pour les seuls carburants et pendant une durée de quelques mois".

De nombreux distributeurs ont procédé ces derniers mois à des opérations de vente de carburant à prix coûtant. Mais le secteur fait généralement de l'essence et du gazole un produit d'appel, ne prenant sur leur distribution que de faibles marges. Dans ce contexte, le prix coûtant ne fait baisser que faiblement le prix facturé au client en bout de chaîne.

Avec une vente à perte autorisée, Emmanuel Combe estimait toutefois en 2012 qu'il était tout à fait possible d'imaginer "des stratégies de baisses de prix agressives, temporaires et locales de la part de certains distributeurs", ce qui pourrait avoir de vraies conséquences sur le prix facturé au client. Au risque peut-être de voir se reproduire les mêmes scènes que lorsque Intermarché a cassé le prix du Nutella.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".